J’essaie généralement de ne pas bondir sur mon blog lorsqu’un émoi médiatique implique l’ULg. En particulier, je ne le fais pas lorsque le sujet est élogieux. J’ai plus de mal à me contenir lorsqu’il est négatif. Je n’y arrive pas quand il est faux et injuste. Même si ce n’est qu’une tempête dans un verre d’eau.

Les faits objectifs

Rudy Aernoudt, coprésident du récent Parti Populaire, donne depuis trois ans, en tant que suppléant, un cours en néerlandais intitulé « Inleiding tot goed bestuur » (Introduction à la bonne gouvernance), aux étudiants de 3è Bac en Droit et de 2è Bac en Sciences politiques. Pas une seule critique de la part des étudiants en trois ans. Seule, une attaque dans la presse il y a deux ans, suite à la très médiatisée éviction de M. Aernoudt du Cabinet de la ministre Fientje Moerman et de la démission subséquente de celle-ci. J’y réponds en arguant que je pense qu’il est bon pour nos étudiants d’être confronté avec des avis aussi divers que possible, que c’est exactement cela, le pluralisme que revendique chèrement l’ULg et dont je me fais l’ardent défenseur. Le soufflé retombe.

En 2009-2010, le Département de Science politique se soumet à une évaluation communautaire AEQES et tire les conclusions de cette évaluation en mettant sur pied une réforme de ses programmes qui a été adoptée au Conseil de la Faculté de Droit et de Science politique le 5 mai, puis au Conseil d’Administration de l’ULg le 19 mai. Seules des préoccupations d’ordre pédagogique ont donc guidé ces modifications de programme. Personnellement, à ce moment, je ne réalise même pas que le cours de M. Aernoudt n’est plus au programme.

Le 24 juin, sans prévenir personne ni poser de question à quiconque, le Mouvement des Jeunes Socialistes, dont « les membres, de par leurs idées progressistes contribuent à la formation à la vie politique de leurs pairs et organisent des activités dans le but de mobiliser et de sensibiliser au maximum leurs concitoyens », sort un communiqué Belga dénonçant le fait que M. Aernoudt donne cours à l’ULg et utilise comme référence son livre, « Comment l’Etat gaspille votre argent » co-écrit avec Alain Destexhe.

Renseignement pris, je constate que le cours en question ne sera pas renouvelé, qu’il ne fera plus partie des cours donnés à la Faculté de Droit et de Science politique en 2010-2011 suite à la réforme dont je viens de parler. Je réagis immédiatement dans un communiqué et je pense naïvement calmer le jeu en disant que M. Aernoudt est maître de conférences invité, qu’il ne fait donc pas partie du corps académique de l’ULg, que son enseignement n’a jamais suscité de réaction ni de plainte de la part des étudiants, qu’il a été décidé de remplacer ce cours dès l’année académique 2010-2011, et que par conséquent, le contrat de suppléance de cours de M. Aernoudt s’achèvera au 30 septembre 2010.

Mais le débat, le buzz comme on dit aujourd’hui, s’étend et se bipolarise. Il y a:
- ceux qui pensent que telle ou telle personnalité ne devrait pas s’exprimer en milieu universitaire, sur base d’une très étonnante censure que le Recteur devrait sans doute appliquer en utilisant son propre jugement, ce qui me semble particulièrement dangereux;
- ceux qui croient que la non reconduction de M. Aernoudt est un limogeage et que celui-ci a éte « ordonné » par une autorité politique à laquelle l’ULg serait soumise et à laquelle le Recteur ne pourrait résister, ce qui me semble totalement fantaisiste.

Je répondrai donc aux tenants de ces deux extrêmes, à savoir le MJS et Rudy Aernoudt.

Aux membres du MJS

Je suis affligé par votre réaction qui ne reflète pas l’opinion des étudiants qui reçoivent ce cours. Elle me semble refléter une incompréhension de votre part vis-à-vis d’une philosophie de l’enseignement en Science politique et en Droit administratif qui expose nos étudiants à des interlocuteurs extérieurs les plus divers. S’il est bien un domaine où cela s’impose, c’est celui-là. Sachez que je souhaite, comme beaucoup, que nos étudiants bénéficient d’occasions multiples et variées d’exercer leur esprit critique et ceci, c’en était une. On aime les idées de M. Aernoudt ou on ne les aime pas. On aime les idées socialistes ou on ne les aime pas. Mais je me refuse à voir nos étudiants tenus à l’écart des réalités bien tangibles de la vie et à les maintenir dans un cocon comme s’ils étaient des nourrissons. En fait, Mesdemoiselles et Messieurs du MJS, vous me semblez vous faire une idée de l’étudiant de 2è ou de 3è bachelier bien éloignée de la réalité.

L’un d’entre eux écrivait avec beaucoup de maturité, en commentaire à un article en ligne sur ce sujet:
« Je suis un des 13 étudiants suivant le cours de Mr Aernoudt cette année. Je voudrais clarifier certaines choses: 1) ce cours est dispensé en langue néerlandaise en parallèle au cours en langue anglaise sur la bonne gouvernance européenne. Logique non? 2) le cours est supprimé car le département de sciences politiques privilégie les cours de langue suite à un souhait des étudiants. 3) A 20 ans, on est pas endoctriné, on est tous capable de faire la part des choses, on a tous une opinion que chacun défend lors des débats sur les différents sujets du livre que nous avons lors de chaque cours. 4) pourquoi ne pas dispenser ce cours en néerlandais? serait-il préférable de ne pas en parler ou de ne pas apprendre le flamand? Je voudrais terminer en vous invitant à lire son livre et à penser à nous 13 demain entre 14h et 17h30 car nous passerons successivement l’examen oral sur cette matière! »

Un organe de presse s’interrogeait: « Le cours donné par Rudy Aernoudt à l’Ulg est-il neutre? » Mais qui veut des cours neutres? L’ULg ne se dit pas neutre mais pluraliste, c’est très différent. Elle n’est pas incolore, elle est multicolore! C’est la spécificité qu’elle veut affirmer.

Sachez que notre université accueille comme maîtres de conférences des personnalités de tous bords et de tous les partis. Vous les retrouverez assez simplement en consultant les programmes de cours de l’ULg, elles sont nombreuses. Elles sont choisies pour l’expérience qu’elles peuvent communiquer à nos étudiants indépendamment de leurs convictions ou de leurs engagements. Priver nos étudiants de cette richesse équivaudrait à demander à la presse de ne pas donner la parole à tel ou tel parti, à telle ou telle personne. Il n’y a pas qu’elle qui doit se voir garantir la liberté d’expression dans un pays démocratique, les universités y ont droit aussi.

Bien sûr, ces invitations sont, par essence, temporaires et les facultés doivent pouvoir les arrêter quand elles le souhaitent. C’est encore mieux si elles le font dans les formes. Mais elles doivent aussi résister à des pressions extérieures, que celles-ci soient guidées politiquement ou philosophiquement, et garder le cap qu’elles se sont donné collégialement et démocratiquement.

A Rudy Aernoudt

Je regrette la manière dont les choses se sont passées. Vous auriez dû recevoir l’information de la non-reconduction de votre cours l’année prochaine beaucoup plus tôt, puisque l’adoption, par le Conseil d’Administration de l’ULg, du nouveau programme de cours date du 19 mai. On peut même penser que vous auriez dû en être averti plus tôt encore. Et c’était bien le ou les Départements concernés qui auraient dû vous en parler. J’accepte donc toutes les critiques sur ce manque de délicatesse.

Par contre, je trouve votre réaction, si j’en comprends la colère, déplacée parce qu’inexacte et là, votre rigueur scientifique m’inquiète.

On vous prête beaucoup de qualités. Je les ai moi-même appréciées lorsque vous étiez chef de Cabinet d’un ministre régional wallon, M. Kubla. On vous trouve également de gros défauts, en particulier celui d’être populiste, simplificateur, voire poujadiste. Et c’est bien ce défaut qu’on retrouve dans votre réaction de ces derniers jours. Le poujadisme est essentiellement basé (et c’est ce qui fait son relatif succès auprès des personnes mal informées) sur la création artificielle et volontaire d’un lien de cause à effet entre des faits qui n’en ont aucun. Dans ce cas-ci, vous clamez sur tous les toits que vous avez été « viré » parce que vous n’êtes pas socialiste. Vous dites l’avoir été par un recteur qui est inféodé aux politiques qui le tiennent par l’argent. Vous affirmez perfidement que je n’en peux rien, qu’il faut bien comprendre qu’en Wallonie, c’est comme ça, et que ma marge de manœuvre en cette matière est réduite. Ces divers dérapages indiquent que, malgré votre expérience de la gouvernance publique, vous méconnaissez considérablement le fonctionnement des universités en général et celui des universités publiques en particulier. Sachez que, si je suis à l’écoute de mes étudiants et de leurs avis, je ne suis pas homme à me laisser dicter des consignes par qui que ce soit, et certainement pas par les membres d’un quelconque groupement idéologique. Il ne s’agit donc en aucun cas d’une éviction suite à des pressions. Sachez aussi que l’idée que je puisse, en quelques minutes, décider de mettre fin à un contrat de suppléance est impossible puisque je n’en ai tout simplement pas le droit et qu’une procédure rigoureuse exige le passage en Conseil de Département, puis en Conseil de Faculté, puis en Conseil d’Administration. Lourd, mais bien sécurisé. En Wallonie! Ca vous étonne?

Par ailleurs, je tiens par dessus tout au pluralisme de mon Institution. Je ne puis que déplorer les approximations et inexactitudes, voire l’absence de recoupement d’information de la part de certains médias, ainsi que l’opportunisme de ceux qui en profitent pour faire parler d’eux et pour se poser en martyrs.

A la Communauté universitaire, éventuellement émue par ce débat…

On peut en effet s’émouvoir de cette soudaine agitation et, si on ne détient pas tous les éléments objectifs du problème, on peut facilement croire ce qu’on lit et ce qu’on entend, en tirer des conclusions hâtives et se forger une opinion biaisée. C’est pourquoi j’ai voulu intervenir rapidement, au vu de la tournure que prennent les choses. En effet, au delà des médias professionnels et des commentaires de lecteurs, le buzz s’est propagé dans les blogs et dans les forums et, ce matin, je découvrais même une pétition pour la restauration du cours de Rudy Aernoudt à l’ULg!

J’espère que le calme va revenir, que chacun reprendra ses esprits et que l’incident sera clos. Toute personne un peu sensée ne peut qu’en convenir, me semble-t-il.

Le Conseil d’Administration d’avril 2010 a décidé d’imposer un test de français à tous les étudiants entrant à l’ULg, à effectuer lors du premier quadrimestre. Ce test existe depuis le milieu des années ’90, comme service aux étudiants. Il leur permet d’évaluer leur connaissance du français dès l’entrée à l’Université et, en cas de défaillance, de bénéficier d’une remédiation. C’est donc bien un service et nullement un contrôle. Il n’est communiqué qu’à l’intéressé et n’a aucune incidence sur des évaluations ultérieures, quelles qu’elles soient.

La nouveauté est aujourd’hui que le test devient désormais obligatoire et qu’il sera accessible en ligne. Le caractère obligatoire, tout en préservant la discrétion, sera appliqué par une procédure simple: le test sera mis à disposition de l’étudiant sur son « MyULg »; tant qu’il n’y aura pas répondu ou qu’il n’aura pas signifié par un simple « clic » qu’il ne souhaite pas passer le test — geste on ne peut plus simple —, celui-ci restera disponible et cette non-participation restera visible dans son dossier. Dans ce cas, une sanction devra être appliquée, non pas pour non-réussite du test, mais pour non-passage du test. Ceci ne semble pas excessif! Par contre, l’étudiant qui, informé de ses lacunes, juge qu’il pourrait bénéficier d’une remédiation, pourra la demander et elle sera organisée pour lui.

Cette initiative n’a pas manqué de susciter des remarques.
• Les premières concernent l’accessibilité d’un tel test pour d’autres étudiants, ceux des années supérieures et surtout les étudiants étrangers. Il est clair qu’ils pourront tous le passer, mais qu’il ne sera obligatoire que pour les « premiers bacs ».
• Les deuxièmes portent, assez classiquement, sur notre capacité de prendre en charge la remédiation. Comme d’habitude, je remercie les inquiets pour leur sollicitude, mais il est vrai que nous n’avons pas l’habitude de négliger la prévision des moyens de notre politique…
• Enfin, le troisième souci est celui de voir s’installer un test obligatoire qui ne serait que la préfiguration d’un examen d’entrée. Il me paraît pourtant bien clair que ceci n’a rien à voir et je peux le garantir, au cas où quelqu’un pourrait trouver une relation entre les deux.

Retenons simplement que ce test
1. est conçu en faveur des étudiants, afin de leur permettre déviter des échecs liés à la mauvaise compréhension des cours, des nuances qui s’y trouvent et dont l’importance peut être capitale, et même de l’énoncé des questions d’examen;
2. constitue une charge supplémentaire pour l’Institution;
3. est gratuit pour l’étudiant;
4. n’entraîne aucune conséquence sauf celles que l’étudiant décidera de mettre en œuvre et n’est pas communiqué aux corps encadrant;
5. ouvrira la voie d’une remédiation également gratuite pour l’étudiant, mais coûteuse pour l’Université.

C’est un beau projet, techniquement difficile et qui demandera beaucoup d’efforts à de nombreuses personnes, tant pour sa préparation que pour son fonctionnement, ainsi que pour la remédiation à organiser. Je les remercie tous dès à présent. Et j’espère que les étudiants comprendront bien que ce test n’est pas dangereux, qu’il est purement informatif et qu’il est fait pour eux.

Lancé officiellement le 26 novembre 2008, ORBi entrepose aujourd’hui, 18 mois plus tard, plus de trente-cinq mille références dont vingt-trois mille avec texte intégral. J’ai déjà célébré cette performance qui fait de notre dépôt institutionnel un champion mondial de la croissance.
Tout le monde — y compris les observateurs étrangers — en convient, ce succès n’a été possible que pour deux raisons: 1) la qualité et l’efficacité de l’équipe en charge du projet; 2) la caractère obligatoire du dépôt.
Certes, au départ, il régnait un grand scepticisme quant à la capacité institutionnelle d’imposer le dépôt. En effet, comment obtenir une telle obéissance dans un monde académique, connaissant les contraintes de temps et les efforts à consentir? Ces contraintes pèsent en premier lieu sur le chercheur qui est souvent le seul, et en tout cas le plus à même d’effectuer un dépôt irréprochable. Le recul que nous avons aujourd’hui nous permet de conclure que lorsqu’un chercheur se décharge sur quelqu’un qui n’est guère familier avec la recherche et la publication, ses données sont entachées d’erreurs, parfois grossières. L’exemple le plus fréquent est la classification de publications à portée internationale dans la catégorie nationale. On observe également des classements défavorables quant à la revue par les pairs.

Cette année, un appel est lancé aux candidats potentiels à une promotion dans le corps académique, de même que, pour les scientifiques, à une confirmation au rang A. Comme décidé par le C.A. du 23 mai 2007, à partir du 1er octobre 2009, la seule bibliographie individuelle considérée comme valide pour l’analyse des dossiers est celle d’ORBi. C’est donc fort simple. Il m’est néanmoins revenu que certains candidats estimaient que la règle ne serait jamais vraiment appliquée dans la réalité et que, face à un dépôt vide ou fort incomplet, nul ne pourrait nier l’existence de publications par ailleurs… Ils se trompent fort. Chacun a eu largement, en trois ans, l’occasion de se rendre compte de notre détermination à cet égard, pour le bien de chaque chercheur et pour celui de l’Université.

Chacun peut donc aujourd’hui vérifier où il en est en extrayant très simplement son rapport ORBi personnel en quelques clics à partir de « MyORBi ». L’expérience est intéressante car elle met bien en évidence les anomalies qui ne sont pas toujours perceptibles dans le listing informatique d’ORBi. En outre, elle fournit des statistiques intéressantes à propose de chaque document déposé.

Rappelons aux candidats à une promotion que la date limite de dépôt de leur candidature est le 28 mai. Il n’est pas indispensable de fournir son propre rapport ORBi car les évaluateurs y auront accès directement eux-mêmes et ils le feront au moment de leur choix, évidemment après le 28 mai. La version qu’ils consulteront sera donc à jour. Les candidats pourront inclure dans leur dossier une note expliquant l’éventuelle différence entre le rapport ORBi et leur propre version de leur production scientifique mais, évidemment, la négligence ne pourra pas être prise en compte. Chacun pourra demander de l’aide grâce à la hot line d’ORBi, dans la mesure du possible, et une séance d’aide sera organisée le mercredi 19 mai à 15h30 (salle de formation des bibliothèques, Grands Amphithéâtres, B7a). Prière de s’inscrire à « orbi@misc.ulg.ac.be ».

C’est donc la première fois que cette nouvelle procédure sera d’application pour le travail des Conseils sectoriels de recherche qui auront la charge de l’évaluation du volet recherche des CV, un progrès attendu du Projet pour l’ULg.

Etrange, le calme des cieux ce week end… Fameuse tuile pour les collègues qui devaient se rendre à des réunions scientifiques un peu éloignées. Tuile plus grande encore pour ceux qui étaient partis et doivent rentrer au bercail, obligés de prolonger quelque peu leur séjour, ce qui peut paraître amusant à première vue, mais qui ne l’est quasi jamais en réalité. C’est aussi l’aventure qui arrive à 70 étudiants de notre faculté de Gembloux AgroBioTech et à deux de leurs professeurs, bloqués ainsi après un stage au Maroc. Ils sont, me dit-on, confortablement logés dans un hôtel de Casablanca et ils vont tous bien. On n’attend pas leur retour avant lundi, au plus tôt…

Il est bien rare qu’un bouleversement de cette ampleur ne puisse être attribué à aucun responsable, politique, industriel ou spéculateur financier. Comment donc en vouloir à ce brave Eyjafjöll qui, dans le fond, ne fait que son métier millénaire de volcan.

Par contre, c’est une aubaine pour le calme de la campagne et le charme d’une journée ensoleillée de printemps, même pas assombrie par un nuage que l’oeil nu ne peut déceler. Prenez donc des photos, il pourrait s’écouler de nombreuses décennies avant qu’on ne revoie un ciel impeccablement bleu, sans la moindre trace d’un sillage aérien !

« Monsieur le Recteur,

J’ai terminé mes études de Médecin vétérinaire en 2004. J’ai ensuite réalisé une thèse de doctorat dans le laboratoire des Professeurs Lekeux et Bureau, thèse que j’ai défendue l’année passée. J’effectue actuellement un post-doctorat à la Harvard Medical School, d’où je peux continuer à suivre ce qui se passe dans mon Institution d’origine, notamment grâce à votre blog.

J’ai eu le bonheur d’être porte-drapeau (2002), trésorier (2003) et président (2004) de la Société Générale des Etudiants en Médecine Vétérinaire et je ne peux donc pas vous cacher que je suis profondément scandalisé par certains commentaires écrits sur votre blog. J’ai tenté d’y publier une réponse mais je n’y suis pas parvenu, peut-être est-elle trop longue? Je vous l’envoie donc, légèrement modifiée, par courrier électronique (ainsi qu’en copie à Monsieur le Doyen de la Faculté de Médecine vétérinaire). En guise de préambule, je tiens à préciser que ma réaction n’a pas pour but d’attaquer quelqu’un en particulier mais juste d’apporter une réponse à des commentaires et des sous-entendus maintes fois évoqués lorsqu’est initié un débat sur les baptêmes, particulièrement le nôtre. Il s’avère également que certains représentants de l’AGEL n’hésitent pas à utiliser la calomnie. Je constate d’ailleurs que l’attitude de ceux-ci n’a guère évolué depuis que j’ai terminé mes études, mais cela ne me surprend pas… Veuillez donc avoir l’obligeance d’excuser le ton un peu provocateur qui ne vous est évidemment pas destiné. »

« A tous,
Personnellement, j’ai un peu de mal à comprendre comment un tragique accident survenu au cours d’une soirée organisée par l’AGEL (c’est-à-dire l’organisation encadrant les activités des comités de baptême de Liège, à l’exception des vétérinaires) peut dévier aussi rapidement sur le « fameux » baptême vété. Une diversion? Un exutoire? Certains imaginent peut-être échapper à leur propre autocritique en cherchant un bouc-émissaire facile (juste une hypothèse formelle, bien entendu)? « Quoi un problème de sécurité dans nos activités? mais mon bon monsieur, tout cela est évidemment de la faute de ces abominables baptisés de Cureghem! »
Et bien soit, parlons un peu de ce baptême alors. La sécurité, d’abord. Qui peut nier que depuis de nombreuses années, les responsables étudiants vétérinaires prennent des initiatives significatives afin d’améliorer celle-ci. Entre autres, et à titre d’exemples, les forfaits « bob » (avec contrôle associé), les nombreux lifts gratuits mis à disposition, et plus récemment encore, les contrôles d’alcoolémie obligatoires lors des activités de baptême afin d’être autorisé reprendre sa voiture… A moins que les choses aient bien changé depuis que j’ai terminé mes études, quelle autre comité, à Liège ou ailleurs, peut en dire autant?
Quant au baptême en lui-même, je ne chercherai pas en brosser un portrait idyllique mais simplement à rétablir certaines vérités. Les baptisés non vétérinaires se délectent à mettre en avant le caractère exigeant du « baptême Cureghem ». En interne, nous sommes plutôt fiers d’autres caractéristiques. Une structure hiérarchisée et organisée avec un règlement strict, accompagné de sanctions sévères en cas d’éventuels dérapages… Un accès au parrainage qui, lui, est particulièrement exigeant : l’obligation d’être en dernière année, une sélection organisée par les comités pour écarter les individus potentiellement dangereux et enfin un investissement humain et financier considérable pendant les 3 semaines d’activités de bleusaille. Je rappelle que les bleus vétés ne paient ni les activités (folkloriques mais aussi bien souvent bowlings, cinémas ou encore week-end aventure) ni leur nourriture ni leurs boissons pendant cette période. Il est tellement plus facile de faire boire quelqu’un qui doit payer lui même ses consommations… Aucune activité pouvant être, à tort, assimilée à une humiliation n’est organisée en public. Et enfin, contrairement à de nombreux baptêmes liégeois ou autres (à moins, encore une fois, que ceux-ci n’aient fortement évolué), aucune, absolument aucune activité à connotation sexuelle n’est tolérée à «  »Cureghem »! Quant aux activités pouvant être cataloguées de « dégoûtantes », croyez-moi, celles-ci sont très vite relativisées quand vous êtes amenés à autopsier un animal mort depuis plusieurs jours ou à réaliser une embryotomie sur un veau putréfié…
Je crois qu’il est bon également de rappeler ici le but ultime d’un baptême étudiant. Il ne s’agit ni d’ingurgiter le plus de bières possibles, ni d’avoir un nouveau couvre-chef pour parer aux mauvaises conditions climatiques ou encore moins d’acquérir le droit de hurler sur de pauvres victimes l’année suivante. Il existe bien sûr un aspect initiatique à un réel folklore dans le baptême étudiant, mais il s’agit surtout de rencontrer et d’apprendre à connaître un maximum de personnes. A mes yeux, le baptême doit donc être organisé afin de faciliter cet objectif (pas inutile dans des amphis de parfois plusieurs centaines d’étudiants). Il s’agit donc d’atteindre un pourcentage d’intégration suffisamment élevé pour être efficace. Ceci est particulièrement vrai chez nous. J’en profite pour récuser l’accusation selon laquelle nos bleus seraient particulièrement martyrisés. J’ai eu l’opportunité, pendant mes études, de participer à diverses activités folkloriques, que ce soit dans d’autres facultés à Liège, Bruxelles, Louvain-la-Neuve, Mons, Huy, Gembloux ou Gand et, bien qu’il soit difficile, même pour un baptisé, de juger le degré de difficulté d’un baptême que l’on ne connait pas entièrement, je n’ai jamais eu l’impression que nos activités étaient particulièrement éprouvantes. Pensez-vous que ce baptême soit si inhumain alors qu’il intègre (et je pense de loin) le plus grand nombre et le plus grand pourcentage d’étudiants en Belgique? Mais j’entends déjà certains jaloux avancer leurs arguments nauséeux alors je souhaite insister sur un point crucial: les étudiants vétérinaires ayant choisi de ne pas faire leur baptême n’ont absolument pas moins de droit que tout autre étudiant de l’ULg. L’accès aux activités organisées par l’Université, aux TPs, aux TDs, aux cours, aux élections à des conseils représentatifs au sein de l’Institution, aux syllabi (imprimés bénévolement par des étudiants baptisés, ce qui leur demande un investissement en temps considérable) est évidemment un droit pour tout étudiant et est clairement garanti pour tous. Comment peut-on, ne fut-ce qu’un instant, réellement imaginer qu’il en soit autrement? Dès lors, il n’existe aucun inconvénient pour ses études à choisir de ne pas faire son baptême à la FMV. Par contre, il est évident, que les étudiants ayant choisi de s’intégrer via le baptême vont bénéficier de certains avantages… Mais est-il illégitime, lorsque l’on organise, parfois plusieurs mois à l’avance, une activité privée de choisir qui sera invité? Est-il illégitime, lorsque l’on passe de nombreuses soirées à rédiger une version personnelle d’un syllabus ou à collecter certains « tuyaux », de choisir qui peut bénéficier du fruit de son travail? Si c’est le cas, alors je crois que nous vivons tout simplement dans des mondes différents et nous ne pourrons jamais nous comprendre. Il me paraît donc clair que les non baptisés ne souffrent d’aucune discrimination dans le cadre de leurs études… Néanmoins, je n’ai aucun tabou vis-à-vis des mots de la langue française, alors si vous souhaitez, à tout prix, continuer à associer le mot discrimination au baptême vété, il est plus correct de parler de discriminations positives à l’égard de ceux qui ont choisi de faire leur baptême mais en aucun cas d’évoquer des discriminations négatives envers ceux qui ont fait le choix contraire car ceux-ci, j’enfonce le clou, bénéficient des mêmes droits que tout autre étudiants à l’ULg! A titre personnel, je trouve qu’il est d’ailleurs bien symptomatique de notre société actuelle de consommation, que certains estiment avoir le droit de tout recevoir sans jamais faire d’efforts ou investir un peu de temps et d’énergie pour les autres…
Enfin, n’étant plus membre du personnel scientifique de l’ULg, je me sens moins tenu par un devoir de réserve vis-à-vis des étudiants de l’Institution, et je terminerai donc en émettant une opinion certainement plus polémique. Il nous a été (et est toujours je crois) souvent reproché que les représentants étudiants vétérinaires aux différents conseils de l’Université sont très majoritairement baptisés. Je pense qu’il s’agit d’une approche erronée du problème… J’ai, moi, toujours été étonné que les candidats à des élections, ouvertes à tous et annoncées en amphi, soient presque exclusivement constitués d’étudiants baptisés. Quelqu’un aurait-il un début de piste? Je peux même ajouter qu’il est régulièrement arrivé que les responsables baptisés prennent l’initiative de contacter des étudiants non baptisés afin de les sensibiliser à la problématique de la représentation étudiante et de les persuader de se porter candidat pour que tout le monde se sente vraiment représenté au sein des différents conseils et, par la même occasion, éviter de subir un reproche facile mais surtout faux…
Voilà, je suis bien conscient d’avoir été particulièrement long mais ce sujet me tenait à cœur. Je vous remercie de m’avoir lu et vous prie de pardonner un ton peut-être parfois un peu agressif assez difficile à éviter lorsque l’on débat d’un sujet passionnel.

Denis Bedoret.
Ancien président, trésorier et porte-drapeau de la Société Générale des Etudiants en Médecine Vétérinaire. »

« Persuadé que vous saurez restaurer la vérité dans ce débat, je vous prie d’agréer, Monsieur le Recteur, l’expression des mes salutations distinguées.

Denis Bedoret »

En 2009, l’équipe de Reflexions a mis en ligne 85 articles « A la une », 15 « Science en s’amusant » (dont 5 Doc’cafés) et 10 « Décryptages ». Le site va mettre en ligne son 200e article « A la une » en un peu plus de 2 ans de fonctionnement, dressant le portrait de près de 230 chercheurs et enrichissant son glossaire de 575 termes. Depuis un an, il a reçu plus de 160.000 visites de 158 pays, soit 13.000 par mois, 18.000 environ ces deux derniers mois.
C’est un remarquable succès, qui fait de Reflexion un outil exceptionnel de documentation scientifique dans tous les domaines, utile pour les étudiants et enseignants du secondaire, les étudiants universitaires et tous ceux qui le souhaitent. C’est également une très belle vitrine de la recherche à l’ULg.

Le débat lancé précédemment sur les festivités estudiantines a fait beaucoup de bruit, non seulement sur mon blog, mais également dans la presse. Outre les articles sur le sujet publiés par divers quotidiens, j’ai fait l’expérience intéressante d‘un « chat » en direct sur le site web de La Meuse.
Cette discussion a confirmé les questions fréquemment posées sur le sujet et, une fois encore, la diversité des opinions.
J’ai recopié (et mis en ordre, car les questions se bousculent sur le « chat ») l’ensemble de l’échange dans le commentaire ci-dessous.

Au Chili, le 27 février, le tremblement de terre et le tsunami qui a suivi ont provoqué le désastre que l’on sait dans la région du Biobio: aux dernières nouvelles, environ 500 morts identifiés (probablement beaucoup plus en réalité), un million de bâtiments détruits ou endommagés, d’innombrables écoles, hôpitaux, routes et ponts anéantis. Et peut-être plus encore que par tout ce désastre, nos amis chiliens ont été choqués par les scènes de pillage qui ont déshonoré la ville de Concepción, proche de l’épicentre…

C’est là que se trouve une université avec laquelle nous entretenons des relations de collaboration depuis près de quarante ans. J’ai eu le plaisir de la visiter il y a un peu plus d’un an avec une délégation de l’ULg et de donner une impulsion pour une amplification de notre travail commun. Divers programmes sont venus s’ajouter et commençaient à voir le jour.

Nous n’avons pu reprendre contact avec l’Université de Concepción (UdeC) que jeudi, près de deux semaines après le sinistre, pour découvrir l’ampleur de la catastrophe, comme nous le craignions au vu des reportages provenant de la région. Concepción s’est déplacée de plus de 3 mètres vers l’ouest. L’UdeC a été durement frappée, on y pleure deux étudiants et deux membres du personnel. Ses infrastructures ont été gravement endommagées. La Faculté des Sciences chimiques a entièrement brûlé, celle de Dentisterie est également détruite, la grande Bibliothèque le serait aussi, mais tous les bâtiments ont souffert du séisme à des degrés divers et les dégâts au matériel et aux équipements sont considérables. Le retour à la normale prendra incontestablement très longtemps et coûterait, selon les premières estimations, plus de 50 millions de dollars… Le personnel de l’UdeC reprendra ses activités dès demain, lundi 15 mars et les cours recommenceront en avril, après Pâques.

Là-bas, nos collègues comptent sur nous pour les aider au mieux. Nous tentons actuellement d’évaluer le soutien que nous pourrions leur apporter, en termes de matériel, produits et réactifs perdus en raison de l’absence d’électricité, mais également d’accueil pour les étudiants en cours de doctorat, par exemple. Actuellement, quatre étudiants de l’UdeC ont entamé un doctorat chez nous: trois en Sciences de l’Ingénieur et un en Sciences biomédicales et pharmaceutiques.

Beaucoup de membres de la communauté universitaire liégeoise m’ont sollicité pour savoir ce que l’on pouvait faire. Sans contact depuis deux semaines, il était difficile de se prononcer. Maintenant, les choses deviennent plus claires. Nos collègues chiliens vont nous envoyer des listes de besoins. L’Université du Chili à Santiago, avec laquelle nous avons également des collaborations, a provisionné un fonds de secours qui pourra prendre en charge les frais de transport des produits et leur dédouanement.

De notre côté, le professeur ordinaire émérite Pierre Beckers, un familier de l’UdeC depuis le début des années ’70 et à qui nous avions confié la coordination des collaborations ULg-UdeC, se tient prêt à centraliser nos idées, vos idées, quant au soutien à apporter. Il a accepté d’assurer une mission de l’ULg sur place dès que possible et de présider dès à présent un groupe de travail que nous créons pour gérer cette action. Il peut être contacté à l’adresse suivante: pierre.beckers@ulg.ac.be (copie à cabinet.recteur@ulg.ac.be).
Merci d’avance pour votre mobilisation.

Le débat sur le billet précédent ayant suscité des réactions-fleuve de lecteurs et des réponses-fleuve de ma part, voici un résumé de mes opinions sur la question:

1. Je n’ai rien contre les activités folkloriques pour autant qu’on y évite tout débordement. Les organisateurs doivent assumer leurs responsabilités.

2. Je n’ai rien contre les baptêmes pour autant qu’ils ne deviennent pas la condition de la réussite d’un étudiant et qu’ils évitent les comportements humiliants en public. Si de tels comportements sont subis avec consentement et qu’il ne s’agit clairement que d’un jeu bien compris par les « bleus », je n’y vois pas (trop) malice, mais je ne souhaite pas que ceci soit interprété au premier degré par un public non averti auquel un tel spectacle est donné malgré lui. Sans tomber dans l’hypocrisie, une certaine discrétion s’impose. En particulier, je suis opposé à de telles démonstrations qui entravent l’entrée principale du bâtiment central de l’Université. Mais je ne souhaite pas non plus qu’un confinement discret dissimule des comportement indignes.

3. Je sais que, quel que soit l’emplacement trouvé pour l’organisation de soirées ou d’événements culturels, on n’éliminera jamais complètement les dangers d’accident, ni au sein même de l’activité, ni sur le chemin du retour, ce n’est donc pas une raison pour bannir toute forme de divertissement. Le risque zéro n’existe pas.

4. Je suis d’accord de réfléchir sur un éventuel emplacement pour les festivités estudiantines. Il ne me semble cependant pas que l’université — qui peine à maintenir en bon état son patrimoine immobilier et qui, en douze ans n’a pu construire qu’un seul édifice: le nouveau restaurant — puisse se permettre de prendre à sa charge l’édification d’un « bunker à guindailles ». Au risque de paraître ennuyeux, je considère que de tels moyens seraient mieux utilisés pour améliorer les conditions d’étude, tant au Sart Tilman qu’en ville. Les étudiants universitaires ne représentent d’ailleurs qu’une partie du public étudiant concerné. Mais si les fonds sont disponibles par ailleurs, je suis prêt à discuter d’un emplacement éventuel.

5. Les comportements que je stigmatisais dans le billet précédent n’ont rien à voir avec le folklore estudiantin ni avec les soirées festives. Il ne faut donc pas faire d’amalgame. Tout au plus en sont-ils un dérapage incontrôlé,. Dans le cas de graves déprédations lors de vacances en groupe, ils n’ont strictement rien à voir, ni avec le folklore, ni avec le divertissement sain.

6. Je suis ouvert à la discussion sur tout. Le Conseil de la Vie Etudiante (CVE) récemment installé me semble constituer, au sein de l’ULg, le forum idéal pour aborder l’ensemble de ces sujets que je suis d’accord de ne pas amalgamer: cortèges folkloriques (St Nicolas, St Torè), soirées sous chapiteau, baptêmes et démonstrations publiques, conciliation entre activités estudiantines et image institutionnelle (cela peut être tout-à-fait compatible), lutte contre les assuétudes et en particulier l’alcoolisme; tout ceci indépendamment des autres sujets traités au CVE, tels que les logements, les transports, etc.

J’espère que ceci clarifie ma position.

Dans le charmant petit athénée champêtre où j’ai fait mes études secondaires, le directeur-préfet — un homme aux dehors bourrus mais chez qui plusieurs signes nous ont finalement indiqué qu’il avait plus grand cœur que ses attitudes martiales et autoritaires ne le laissaient penser — décida un jour qu’il était interdit de jouer au ballon dans la cour de récréation. Nul bris de vitre, nulle urgence à l’infirmerie n’avait précipité cette décision suprême… c’était comme ça, point final. La contravention ne se fit pas attendre: l’interdiction donnait même une attractivité particulière à un jeu pourtant négligé par beaucoup d’entre nous, en temps ordinaire, et nous inventâmes toutes sortes de jeux de balle clandestins qui eurent vite du succès. Non pas que nous ayons éprouvé une passion particulière pour ces jeux, mais nous détestions l’interdiction. Déjà, bien avant ’68. La sanction fut immédiate: tout le monde fut puni et nous dûmes passer l’heure de midi à tourner en carré, en rang par deux, dans la cour. Un professeur peu amène dont la satisfaction sadique éclairait le visage réjoui se trouva investi du rôle de garde-chiourme, planté au milieu de la cour, prêt à aggraver la peine de celui qui oserait rompre l’ordonnancement improvisé de cette belle manifestation de discipline. Après quelques minutes de ce manège qui en rappelait d’autres, bien plus graves, une dame toute menue, un professeur de morale, croisa les rangs et avança droit sur son collègue (que nous avions déjà, avec notre humour instantané de potache, traité à voix basse de « sauvage central »), se souleva sur la pointe de pieds et lui mit une claque bien sonnante en pleine figure en le traitant de « nazi ». Ceci eut pour effet de dissoudre le double rang et d’éparpiller tout le monde en une fin de récréation plutôt calme. Nous eûmes l’élégance de ne pas relancer de ballon…

Cette anecdote me revient souvent à l’esprit, comme une belle démonstration de divers aspects importants de la relation d’autorité, en particulier l’inefficacité de l’abus de pouvoir stupide et l’injustice de la sanction collective disproportionnée.

Notre université a été récemment endeuillée par la noyade accidentelle d’un de nos étudiants lors d’une fête estudiantine organisée par une association d’étudiants de l’Enseignement supérieur dans un chapiteau dressé au Val Benoît. Nous en avons tous été très sincèrement consternés. Mon propos ici ne sera pas de chercher les responsabilités. Le monde est rempli d’endroits dangereux, les fêtes estudiantines sont toujours très arrosées, les jeunes adultes majeurs dont les actes sont habituellement responsables cèdent naturellement aux excès de ces soirées, il n’est donc pas surprenant que des accidents stupides arrivent. Le chapiteau est planté sur un terrain dont l’Université est encore propriétaire et les abords du fleuve qui coule à proximité ne sont guère sécurisés à cet endroit. Personne n’est satisfait de cet emplacement, dont nous avons souligné à maintes reprises les dangers: la voie rapide, la Meuse proche, etc. Par ailleurs, la Ville et l’Université ont reçu la demande d’autorisation de la part des organisateurs plus d’une semaine après le drame.

Suite à cet accident, j’ai reçu un abondant courrier, unanime quant à ma non-responsabilité, mais suggérant paradoxalement que je « fasse quelque chose ». On sent le malaise. Et revenait invariablement la notion d’interdiction, me rappelant ainsi l’anecdote de l’athénée. De toute façon, la seule chose que je puisse interdire à des majeurs en l’occurrence, c’est l’utilisation de l’emplacement. Tout le reste sort de ma compétence. Je ne puis interdire les « guindailles », baptêmes et autres libations et ce n’est pas, vous l’aurez compris, ma philosophie en cette matière. Je suis même tellement conscient de cette impuissance bien assumée, que j’ai proposé l’utilisation d’un terrain sécurisé dans le domaine du Sart Tilman. Je me sentais évidemment coincé comme un parent à qui sa fille demande si elle peut prendre « la pilule »: résolu à protéger mais pas vraiment prêt à admettre… On n’est jamais gagnant dans ce dilemme. Mais la proposition fut refusée car elle était « trop ULg » (la majorité des « guindailleurs » est non-universitaire) et puis elle ne réglait pas le moins du monde le problème des risques en les reportant au moment du retour vers la ville, on ne sait dans quel état ni par quels moyens…

Aujourd’hui, le chapiteau du Val Benoît est « sécurisé », entouré d’une haute grille qui lui donne des airs de centre fermé, ou de parc à bestiaux, mais que pouvait-on faire de mieux? Les abords de la Meuse sont également barricadés, et voilà. Un emplâtre sur une jambe de bois, mais c’est mieux que rien. Le bourgmestre a également ordonné une présence policière sur les lieux lors des « événements ». On comprend évidemment que tout ceci ne résout rien de manière définitive. D’autres villes universitaires ont joué le jeu de l’installation, à grands frais, de véritables bunkers destinés aux libations, avec les excès que cette sorte d’officialisation peut induire, les nuisances de quartier et les dangers du retour vers les lieux de résidence, quoi qu’il arrive.

Après l’accident, j’ai immédiatement mis cette question à l’ordre du jour de notre Conseil d’administration de février. Nous y avons décidé de discuter de ce sujet au nouveau Conseil de la Vie Etudiante, qui est notre organe officiel de concertation. Je l’ai également fait mettre à l’ordre du jour de notre prochaine réunion de contact Ville de Liège-Université. Le Premier Vice-Recteur a déjà organisé une rencontre avec les étudiants du C.A. pour devancer les échéances en ce qui concerne les « guindailles » et le bal. Par ailleurs, l’Administration de l’Enseignement et des Etudiants avait lancé depuis plusieurs années avec l’aide de mon conseiller à la santé des campagnes de sensibilisation des étudiants aux assuétudes, tabac, alcool, drogues. Elle distribue des publications sur le sujet, mais nous ne pouvons tout interdire, pas plus que de jouer au ballon dans la cour…

Et que dire des excès dénoncés dans la presse ces derniers jours, de la part d’étudiants partis aux sports d’hiver et qui, lors de beuveries imbéciles, se livrent à de véritables déprédations. La presse ne parle pas de simples jeunes gens, citoyens adultes et supposés responsables. Elle parle d’étudiants de HEC-ULg, comme si la faculté devait porter une quelconque responsabilité, ne fut-ce que morale dans ces dérives scandaleuses. Ne doit-on pas s’interroger sur l’ensemble des responsables éducatifs qui accompagnent les enfants vers l’âge adulte où ils deviennent responsables d’eux-mêmes, à commencer par les parents? Récemment, des étudiants, plusieurs heures après la fin de l’autorisation qui leur avait été donnée d’organiser une « fête » au Sart Tilman, ont fait irruption dans un amphithéâtre et ont vidé un extincteur sur le professeur, en plein cours. Malheureusement pour eux, l’un d’eux avait filmé la scène en video. Devant la gravité des événements et le coût exorbitant des dommages causés, le caméraman prit peur et livra son document. Le responsable fut convoqué, admonesté et exclu de l’université (de manière temporaire mais entravant sérieusement la suite de ses études). Il était le seul du groupe à être étudiant à l’ULg.

A ce propos, la seule sanction dont je dispose en dehors de la simple admonestation, c’est l’exclusion, ce qui compromet l’année d’études voire l’ensemble des études si elle est définitive (et il s’agit alors d’une décision du Conseil d’administration). Je le regrette car ce sont des sanctions qui entravent les études, ce qui est aux antipodes de notre mission. Je milite donc pour pouvoir prescrire des peines dites alternatives. En clair, je pense que ce garnement (dommage de devoir dire cela d’un majeur) aurait pu recevoir une bien meilleure leçon que celle d’un échec universitaire forcé en étant, par exemple, contraint de nettoyer complètement les toilettes que sa joyeuse bande d’écervelés avait souillés au delà de toute description.

Du coup, on déborde sur le sempiternel sujet des baptêmes estudiantins et de leur expression dérangeante en public dans les rues de la ville, jusque sur les marches du bâtiment central. Je ne puis interdire les baptêmes, tout au plus puis-je les interdire sur les propriétés universitaires. Mais ce qui me dérange vraiment, au point de l’interdire formellement sous peine de sanctions graves, ce n’est pas tant la beuverie et les risques qu’elle comporte, ni l’endroit où elles se déroulent, que l’humiliation qu’infligent à des êtres humains d’autres êtres humains sur la seule base de leur ancienneté dans l’Institution. C’est là que la gifle au prof traité de « nazi » me revient en mémoire. C’est là que l’abus de pouvoir me heurte car je ne puis me résoudre à admettre qu’une telle soif de pouvoir sur l’autre au delà de toute décence et de toute humanité puisse être inscrite dans nos gènes au point qu’elle ne puisse être empêchée. Et c’est là que je franchis la barrière que je m’impose en matière d’interdiction. En particulier lorsque l’humiliation — que les défenseurs des baptêmes me disent acceptée par des « bleus » consentants — se dévoile comme une épreuve discriminatoire, toutes sortes de privations de droits élémentaires sanctionnant son refus par un nouveau venu. Là, c’en est trop. Il s’agit en fait d’un harcèlement moral caractérisé, qui n’a pas sa place dans notre université. Point final. Certes, les aficionados du bizutage me renverront à mon anecdote, mais ici, il ne s’agit plus de jeu de ballon dans une cour de récréation, il s’agit de droits humains élémentaires et d’abus d’autorité, même ci celle-ci reste occulte. J’aime beaucoup le vieux slogan soixante-huitard « il est interdit d’interdire » mais la liberté des uns s’arrête lorsqu’elle atteint celle des autres. Nous interdirons donc.

J’en terminerai par une note envoyée par le recteur aux étudiants, il y a… quelque temps:

Madame,
Mademoiselle,
Monsieur,

Vous vous inscrivez pour la première fois à l’Université de Liège. Je vous souhaite la bienvenue, et plein succès dans vos études.
Sans doute serez-vous sollicité prochainement pour participer au rituel du baptême étudiant. Je tiens à cet égard à vous faire les commentaires suivants.
Les baptêmes constituent des manifestations privées, totalement étrangères à l’Université, qui n’assume dès lors aucune responsabilité à ce sujet. Ils ne peuvent avoir lieu dans ses locaux ni impliquer en aucune façon son personnel. Dès lors, ils n’ont, bien entendu, aucun caractère obligatoire.
Les baptêmes ne peuvent avoir aucune conséquence, quelle qu’elle soit, sur le déroulement des études. Ceci signifie que tous les étudiants, baptisés ou non, doivent bénéficier des mêmes conditions d’accès aux locaux, aux cours et aux syllabus.
Tout étudiant qui estimerait faire l’objet de mesures discriminatoires à cet égard est en droit d’en avertir le Recteur, qui pourra prendre les dispositions qui se révéleraient nécessaires.
Par ailleurs, vous devez savoir que de telles discriminations ainsi que certains excès dans les contenus des épreuves imposées aux candidats au baptême sont passibles des sanctions de droit commun.
En résumé, vous êtes un adulte libre d’accepter ou non de participer à ces rituels et dont la décision ne peut avoir aucune conséquence dommageable.
Bien conçu, le baptême doit rester un mode sympathique d’accueil et d’intégration des étudiants.

Arthur BODSON
Recteur

Que du bon sens. Pas une ligne à changer, 20 ans après… Je l’ai donc renvoyé aux étudiants… l’an dernier…

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