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L’Enseignement supérieur est en constant définancement en Fédération Wallonie-Bruxelles, et singulièrement, les universités qui ont été oubliées lors du dernier réajustement en 2009.
En effet, le nombre d’étudiants universitaires a considérablement augmenté depuis 15 ans (+37%) alors que l’enveloppe financière des universités est « fermée », une mesure prise il y a près de 20 ans pour garantir les universités des effets néfastes d’une éventuelle chute du nombre d’étudiants, chute qui ne s’est jamais produite depuis lors. En outre, des décisions décrétales nouvelles comme, parmi d’autres, l’abolition du minerval pour le doctorat, mesure qui aggrave la situation sans créer d’économie pour le financement public, entraînent une diminution des ressources (-2 millions d’€ pour cette seule mesure). Chaque étudiant est donc de moins en moins subventionné (-16,2%) et la situation est devenue tout-à-fait alarmante.

Le Conseil des recteurs francophone (CRef) à publié jeudi un mémorandum qui fait le point sur cette situation devenue périlleuse pour la qualité de l’enseignement et de la recherche dans notre Communauté, en dénonce les effets pervers et revendique une priorité absolue au refinancement universitaire dans la prochaine législature, sachant que chacun s’accorde à dire que le redéploiement économique et social repose avant tout sur l’enseignement, la formation et la recherche.

Face aux difficultés croissantes auxquelles l’enseignement supérieur est confronté en FWB et, singulièrement, les universités, qu’un « définancement » constant depuis de nombreuses années menace dans leurs objectifs les plus fondamentaux, il est vital que le monde universitaire dans son ensemble, étudiants et personnel encadrant, se mobilisent activement en cette période électorale pour garantir le moyens indispensables à la qualité de l’enseignement Supérieur.

Le Conseil des Recteurs prépare un mémorandum pour un plan effectif de refinancement des universités. Il sera très prochainement largement distribué.

La FEF organise, ce mercredi 2 avril, une manifestation à Bruxelles en faveur d’un refinancement de l’Enseignement supérieur.

Il est essentiel que les universités, fassent toutes preuve d’une parfaite solidarité. En effet, le refinancement est l’affaire de tous. Il est inconcevable de nous atteler aux réformes nouvellement promulguées sans un financement décent, à la mesure des ambitions de ces nouveaux décrets.

Dans ces conditions et afin de rendre plus concret encore ce soutien, je recom mande au corps professoral et aux encadrants, dans la mesure du possible, de prévoir une suspension des cours ce mercredi 2 avril. En cas de force majeure, si des cours et activités pédagogiques doivent être maintenus, je les exhorte à faire preuve d’une très grande souplesse afin de n’entraver en rien la participation des étudiants à cette manifestation, voire d’y participer eux-mêmes.

C’est de la défense de nos institutions qu’il s’agit et nul d’entre nous ne souhaite voir se dégrader plus encore nos universités dans lesquelles, aujourd’hui déjà, les restrictions imposent des mesures qui nuisent gravement à la qualité de l’enseignement et de la recherche.

J’espère vivement que chacun saura apporter son soutien à toute action de revendication en matière de réexamen en profondeur du financement de ce que chacun, personnalités politiques comprises, considère comme la source vitale d’une relance sociale et économique dans notre Communauté.

Suite à la « votation » helvétique du 9 février dernier « contre l’immigration de masse » qui a fait grand bruit, et pour cause, la Commission Européenne a, le 26 février, en guise de représailles, purement et simplement exclu la Suisse des programmes de recherche « Horizon 2020″ et des échanges d’étudiants « Erasmus+ ». Elle a également fermé immédiatement l’accès des chercheurs suisses aux prestigieuses bourses de démarrage de l’ERC (European Research Council).

Si on doit bien reconnaître que la Suisse a, dans le cadre de sa démocratie directe, commis une erreur d’une extrême gravité qui ne peut que susciter la colère, si on peut comprendre que l’Europe veuille exercer des représailles, il est absolument aberrant que celles-ci portent sur les programmes d’échange et sur les programmes de recherche. Ceci équivaut, pour les pays membres de la Communauté européenne, à se tirer un balle dans le pied, en se coupant de collaborations importantes. En effet, nos universités collaborent avec les suisses dans de nombreux programmes d’excellence européens et ces collaborations renforcent nos candidatures. Une telle mesure risque aussi d’amener les suisses, dont les universités et la recherche sont de très grande qualité, à se tourner vers d’autres pays du monde pour leurs collaborations et même de provoquer une ‘fuite des cerveaux’ internationaux actuellement attirés vers le continent européen par les institutions suisses.

Jamais, dans l’histoire des relations politiques de la Communauté européenne, de telles représailles, portant spécifiquement sur la science et l’éducation, n’ont été mises en œuvre, même pas vis-à-vis de pays qui ont fait l’objet de sanctions économiques, un outil souvent employé par l’Europe lorsqu’elle est mécontente… Le recours à des sanctions visant spécifiquement les étudiants et les chercheurs est donc complètement disproportionné et contre-productif.

Plus encore que pour trouver des financements, c’est pour la qualité des collaborations et pour le prestige que leur confère la participation aux programmes européens que les équipes de recherche suisses sont candidates. Nos collègues suisses nous disent qu’on peut s’accorder, dans le cadre de sanctions, sur la prise en charge par la Suisse de la totalité de sa quote part financière des bourses ERC mais qu’il serait absurde de les empêcher de faire partie de la compétition, et plus encore lorsque c’est en collaboration avec nous. Si la Suisse mérite des sanctions, ses étudiants et ses chercheurs, non, pas plus que les nôtres.

En conséquence, et en se concentrant sur l’urgence la plus pressante, puisque les demandes de bourses d’amorçage ERC (« Starting Grants ») doivent être rentrées pour le 25 mars 2014 et que les chercheurs suisses qui travaillent depuis plusieurs mois sur de tels projets ont vu se fermer pour eux l’accès au dépôt ‘en ligne’ des candidatures, il est essentiel que la communauté scientifique européenne se mobilise pour demander à la Commission que soit levée cette sanction avant le 25 mars, même si elle est maintenue sur le plan budgétaire.

There is a pervasive misconception concerning the much used slogan of Open Access: « Publicly funded research must be made public freely ». The claim is based on the logic that public funders should not pay twice: first for research, then for its publication. In fact, the cost of publication should be included in the cost of research, but in real cost-based pricing while access to reading should be free.
But the misconception is elsewhere. It lies in the identity of the reader. It is true that, when a research ‘paper’ is available on the Internet, everybody who has computer access to it can read it. However, in almost all cases, access is required, specifically searched for and effectively used by scholars and professionals, not by any layperson.
Hence, the debate is derailing when it comes to support Open Access on the controversial basis that the general public should have access to research results freely. The real cause to defend is that scholars whose research can benefit from the reading have free access as soon as a ‘paper’ is peer reviewed and accepted for publication. The rest is cherry on the cake.

Ce matin, dans le Soir (p.12), on trouve une carte blanche de Philippe Busquin, ancien Commissaire européen à la Recherche et de Philippe Maystadt, ancien Ministre de la Politique scientifique, avec le titre: « M. Nollet, nous ne comprenons pas votre obstination ».

Ces deux personnalités volent ainsi à la recousse du Conseil d’administration du FRS-FNRS qui avait manifesté publiquement son inquiétude, des Prix Francqui qui ont également publié une carte blanche le 11 juillet dernier ainsi que des chercheurs qui ont émis un communiqué soutenu par 3.200 signatures.

MM. Busquin et Maystadt, tout en appréciant divers aspects du décret et en particulier la pérennisation de la subvention du FNRS par la Communauté française et la Région wallonne, demandent au ministre de corriger son tir et d’abroger la mention de l’impact « sociétal » de la recherche en tant que critère de sélection. Ils reconnaissent, comme nous tous, la nécessité pour le chercheur de se préoccuper des conséquences que pourrait avoir sa recherche sur l’évolution de la société, et en particulier des conséquences néfastes. Mais la façon dont le projet de décret est libellé laisse planer un doute qui fait bondir tous ceux qui considèrent la recherche comme une valeur essentielle de notre société ainsi que tous ceux qui en ont fait un métier et pour qui c’est une passion.

Le futur décret prévoit, en effet, que « La sélection des projets à financer est effectuée sur la base du classement réalisé par des commissions scientifiques, lesquelles évaluent notamment les qualités du candidat (le parcours académique, l’expérience professionnelle et les publications), les qualités du projet (l’originalité, la faisabilité, la méthodologie et les impacts sociaux potentiels de la recherche) et l’environnement de recherche. »

Formulé de la sorte, il est évident pour tout chercheur en science fondamentale, quelle qu’elle soit, que cette condition préalable est inacceptable. Tout d’abord parce que, dans l’absolu, elle bride la recherche de base mais aussi parce qu’elle oblige le chercheur, dans beaucoup de cas, à inventer une justification utilitaire à son projet, un exercice inutile et pernicieux.

Par contre, si la volonté du ministre, comme je crois l’avoir perçue lors de nos discussions sur le sujet, est d’amener le chercheur à se poser des questions sur l’impact potentiel de ses recherches et qu’il puisse faire part de sa réflexion, le cas échéant, lors de ses rapports périodiques, la préoccupation devient assez normale et de bon sens. Une simple adaptation du texte permettrait alors de lever l’ambiguïté.

Il n’en reste pas moins vrai que, s’il est normal et nécessaire que le pouvoir politique vérifie l’usage qui est fait des moyens qu’il accorde, il est impératif, dans le domaine de la Recherche, que les conditions d’octroi restent la prérogative des commissions d’experts et du Conseil d’administration du Fonds.

Revenons sur l’affaire du déménagement du FNRS pour en préciser quelque peu les tenants et les aboutissants.

1. Que s’est-il passé ?

Ça ressemblait à un poisson d’avril… un 3 mai . Le même poisson dans chaque journal: dans L’Echo, dans Le Soir, la RTBF, la DH, etc. Et localement, on s’empressait assez naturellement de se réjouir de l’aubaine, dans L’Avenir (édition du Hainaut) ou Skyscraper City, sans bien savoir ce que ça allait réellement représenter.
D’autant moins que les personnalités impliquées affirmaient que l’idée consistait à miser sur l’enseignement pour relancer Charleroi. Outre le fait que le FNRS n’a qu’un lien ténu avec l’enseignement; ceci ne pouvait qu’entretenir la confusion, et celle-ci apparaît dans les commentaires de lecteurs: « les chercheurs vont venir chercher à Charleroi ». Beaucoup de gens ne savent effectivement pas que le Fonds n’est pas un centre de recherche mais qu’il subventionne des chercheurs qui travaillent dans les universités et des centres de recherche. L’installation du FNRS à Charleroi n’impliquerait strictement rien en matière de développement local, si ce n’est que le personnel (environ 70 personnes) viendrait y travailler et que les nombreux experts étrangers membres des commissions scientifiques y viendraient une journée deux fois par an. On ne peut vraiment pas dire que ce déménagement aurait beaucoup d’effet sur l’économie locale ou l’emploi, en dehors d’un effet symbolique, bien sûr.

Ensuite, la polémique ne tarde pas à se manifester. Dans La Libre de mardi d’abord, puis dans un billet diffusé ce jeudi 9 par la RTBF qui revient sur le sujet et laisse entendre que le Fonds aura bien du mal à ne pas plier, face au principal bailleur de fonds de l’institution. Certes, mais il faut aussi considérer qu’en dehors de la Fédération et de la Région, un bon tiers des moyens financiers proviennent d’autres sources qu’il convient également de ne pas heurter par un déménagement qui pourrait être mal interprété: 24% proviennent de l’Etat fédéral, 5,1% du TéléVie et 5% de la Loterie Nationale (chiffres 2012). Par ailleurs, le patrimoine de la fondation, largement immobilisé, comprend la moitié du bâtiment actuel de la rue d’Egmont (l’autre moitié appartient au FWO) ainsi que des dons et legs en nature. Ces biens dont une partie est valorisable en faveur de la recherche sont du domaine privé et seul le Conseil d’administration du Fonds peut en disposer.

Durant la semaine dernière, les interpellations au Parlement de la FWB se succèdent et Alain Berenboom y va de son commentaire acidulé…

Il faut toutefois reconnaitre ce qui doit être reconnu: le Gouvernement a sécurisé et pérennisé l’enveloppe financière de la FWB, elle sera fixée à 103,8 M€ annuels (indexés) dès 2015 et c’est une excellente nouvelle. La Fédération ne pouvant atteindre ce niveau en 2013 et 2014, la Région Wallonne lui permettra d’y arriver grâce à un appoint de 5,3 M€.
Il faudrait faire preuve d’un très mauvais esprit pour insinuer que le déménagement serait la contre-partie de cet appoint, évidemment.

2. Pourquoi cette réaction vive de la part du C.A., du personnel du siège et de nombreux membres de la communauté scientifique et académique francophone ?

a) Le fait d’apprendre la nouvelle comme un fait acquis et décidé, et par la presse, de surcroît, a certainement été le plus choquant. Pour être complet, il faut signaler que le sujet avait été évoqué en bureau du C.A. du FNRS il y a quelques semaines, sans que ce soit à l’ordre du jour. Seule l’installation d’une « antenne » du FNRS à Charleroi avait été évoquée, nullement un déménagement complet du siège. A l’heure de la communication électronique, comme la grande majorité des membres présents, j’avais réagi défavorablement, tout au moins en l’absence de motivation claire et d’information documentée sur ce dont il pourrait s’agir, les conditions de cette installation, etc. Depuis lors, plus un mot.
Il est certainement bon de rappeler ici à quel point les statuts du FNRS et son autonomie, en particulier, lui ont valu, depuis 85 ans exactement, la fierté du monde de la recherche belge et ont suscité l’envie de nos voisins. Le modèle est en effet quasiment unique en son genre et fait l’admiration de tous. Porter atteinte à cette autonomie aujourd’hui ne peut que déclencher une levée de boucliers, il faut le savoir.

b) quels sont les inconvénients de l’initiative ?
- Tout d’abord, le coût, à examiner attentivement en regard de l’intérêt éventuel de l’opération. Chaque € compte, pour une communauté scientifique peu aisée mais qui arrive néanmoins à se situer très haut sur la scène de la recherche internationale (c’est le « paradoxe belge« ).
- L’éloignement d’un voisinage avec lequel le Fonds et ses employés interagissent au quotidien comme le rappelle le personnel administratif dans sa lettre du 7 mai au C.A.: l’Académie Royale, la Fondation Universitaire, BELSPO, la DGENORS, le WBI, le FWO, les principaux organes de presse, les cabinets ministériels du Fédéral et de la Communauté, la Communauté Europeenne, les agences des Fonds de recherche des autres pays qui ont acquis, elles, – ô ironie – des antennes bruxelloises afin d’être plus proches des lieux de décision européens. Il faut remarquer que les organes en charge de la gestion de la recherche flamande (FWO, IWT et EWI) sont tous à Bruxelles.
- Le bâtiment a été acheté par le Patrimoine du Fonds et lui appartient en copropriété avec le FWO. Il est aujourd’hui amorti. Il ne s’agit donc pas d’un bâtiment de la FWB (il nous est revenu qu’on envisagerait un « échange » de bâtiments pour y mettre la future ARES…). Le quitter impliquerait pour le FNRS de le vendre ou de le mettre en location.
- L’accès moins aisé pour les nombreux experts étrangers qui viennent du monde entier participer aux commissions deux fois par an.
- Le sort des employés (qui aurait dû être pris en considération… Cette omission est incompréhensible). Ceux-ci pensent que « la localisation dans le quartier européen est un atout stratégique majeur pour les contacts avec les centres opérationnels et de décision de tous les niveaux. Déplacer le F.R.S.-FNRS de son lieu d’interaction naturel serait non seulement contreproductif mais hautement préjudiciable à la qualité des relations qu’il doit établir avec ses partenaires. »
- Les chercheurs risquent fort de ne pas comprendre la portée de ce transfert, voire de mal l’interpréter, sur un plan strictement symbolique. Beaucoup se sont déjà manifestés et nous ne pouvons leur donner une explication satisfaisante. A cet égard, on comprendra notre malaise lorsque j’aurai précisé que nous avons tenu le 30 avril, soit 3 jours avant l’annonce fracassante du déménagement du siège, la première réunion très constructive du nouvel organe de concertation et de négociation sociale du Fonds, durant laquelle aucune allusion n’a été faite à ce transfert, et pour cause: nul n’en était averti.

c) Quels en sont les avantages ?
En dehors de l’avantage pour Charleroi et peut-être pour la Region wallonne, en termes de prestige, il est difficile d’en imaginer un seul pour le FNRS, son personnel et son fonctionnement. Personnellement, mais ça n’engage que moi, je ne vois pas.

d) En conclusion
Il me semble donc aujourd’hui que la prudence s’impose et qu’une telle initiative doit être soigneusement pesée par le Conseil d’administration, si toutefois la demande lui en est officiellement communiquée, assortie de toutes les informations nécessaires.

P.S.: Avant que quiconque ne fasse de remarque acerbe ou de plaisanterie sous-régionaliste sur le sujet, je tiens à préciser que j’aurais eu exactement la même réaction s’il s’était agi de déplacer le FNRS vers Liège.

Le FNRS à Charleroi? Non consulté, le FNRS reste stupéfait. C’est une personne morale (fondation) de droit privé. Seul son C.A. prend les décisions qui le concernent, un point, c’est tout.
C’est un peu comme si votre bourgmestre décrétait que vos meubles de jardin feraient meilleur effet dans le parc de l’Hotel de Ville que chez vous et les faisait emporter sans rien vous demander.
On croit rêver.

« Ça suffit! On commence à en avoir marre de pédaler, le nez dans le guidon, comme des forcenés, jour après jour, pendant trois semaines épuisantes, par monts et par vaux, sans rien voir du paysage, sans profiter de quoi que ce soit, ni des vues imprenables, ni des vastes plaines ni des hauts sommets, ni du soleil ni du brouillard, ni des petites vallées riantes où serpentent de jolis ruisseaux qui appellent au pique-nique, ni des petits restaurants sympathiques aux charmantes terrasses ensoleillées, ni des petits lacs où voguent les voiliers. On en a marre. Toujours plus vite, toujours plus fort, une vrai vie de forçat. »

Jacques Lechampêtre, coureur cycliste de son état, ne mâche pas ses mots face à son directeur sportif, Adrien Gagnon. On est en plein Tour de France, juste avant la neuvième étape et les choses, jusqu’ici ne se passaient pas trop mal. Mais Gagnon sentait bien, depuis quelques jours, après une cruelle saison des classiques, quasi toutes remportées par un coureur hors-pair, le célèbre Éric Painblanc, surnommé « le Cannibale », de l’équipe Vohrass, et ses coéquipiers, que quelque chose couvait dans le peloton et plus particulièrement dans l’équipe Belgiana, aux destinées sportives de laquelle il préside.

« En plus » ajoute Lechampêtre, « tous les maillots vont toujours aux mêmes, et ils raflent les primes au haut des côtes ou à chaque sprint sans nous en laisser une seule. Nous, on bosse comme des malades et on doit se contenter de notre petit salaire de rien ».

« Je vous comprends, » répond Gagnon, « mais ce n’est pas en ralentissant la cadence que vous allez résoudre le problème! Vous n’en serez que plus loin au classement. Et puis, comment vais-je pouvoir préserver l’existence de l’équipe? Plus aucun sponsor ne voudra nous soutenir. Même les subventions publiques ne nous parviendront plus puisque c’est sur base de vos résultats qu’on nous les octroie. »

« Mais c’est parce que tout le monde se trompe! On vit dans un monde déboussolé qui a perdu tous ses repères! Les gens ne voient plus les choses de façon réaliste! Où est-ce que cette frénésie nous mène? Au dopage, qui fichera notre santé en l’air, et qui menace même notre vie! Et que pourrons nous dire en fin de carrière, et ça viendra vite, de ce qu’aura été notre vie? Nous nous serons défoncés sans plus d’horizon qu’un mineur au fond du trou, et nous ne saurons comment continuer à vivre. Non, c’est clair, il faut qu’on arrête de courir à ce point et qu’on lève le pied. »

Ses coéquipiers applaudissent et reprennent en chœur: « On propose le « Slow Biking »! Nous allons rédiger un manifeste pour défendre une vraie valeur, le « Déchampionnat ». Nous lancerons une pétition et vous serez étonné du nombre de signatures que nous allons récolter auprès du peloton! Nous allons proposer un Tour de France en neuf semaines, qui nous laissera le temps de penser à notre condition, goûter les plaisirs de la promenade et du tourisme et vous verrez la compétence que nous allons acquérir! Au moins, à la fin de notre carrière, nous pourrons nous reconvertir en auteurs de guides touristiques et gastronomiques et notre avenir sera assuré! »

« Mais vous n’aurez même plus de spectateurs le long de votre parcours! » reprend Gagnon, excédé.

« Justement, tant mieux, nous pourrons au moins grimper au haut des cols sans être houspillés par un public surexcité, hurlant et courant à nos côtés! C’est très dangereux, d’ailleurs! »

« Je saisis vos arguments et, d’une certaine manière, je les trouve plutôt sympathiques. Mais il faut vraiment changer beaucoup de choses et convaincre des dizaines de milliers de gens de votre démarche. Les autres équipes, pas plus que les organisateurs du Tour ou des autres compétitions, ne sont prêts à vous emboîter le pas. Et si notre équipe est la seule à prendre cette direction, nous sommes fichus, c’est suicidaire! Nous serons dans le vrai, mais sans le sou ».

« C’est ça! Changeons le monde! Il faut être stupide pour ne pas comprendre ce que nous voulons dire! » lance Lechampêtre. Et ses trois coéquipiers, fidèles « porteurs d’eau », Folâtre, Gambadin et Butinot, de reprendre en chœur: « Changeons le monde, changeons le monde ! »

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Il est vrai que les revendications de nos sympathiques contestataires de l’équipe Belgiana prêtent à l’ironie tant elles sont naïves et irréalistes. Tout aussi candides que celle des tenants de la « désexcellence » et de la « Slow Science » à propos desquels j’ai publié de précédents articles de ce blog. Mais je reconnais volontiers que leur cri d’alarme, comme celui de mes personnages fictifs, pousse à la réflexion.

L’accélération du rythme universitaire est incontestable et elle nuit à la qualité du travail, quoi qu’on en pense. Certes, ceci peut varier beaucoup selon le domaine du savoir. Il existe des champs d’activité où l’on doit nécessairement réfléchir, prendre du recul et laisser mûrir ses idées. Mais ne nous méprenons pas. Cette nécessité est évidemment vraie partout et l’idée que certains champs d’investigation y échappent est absolument erronée. La réalité est simplement que, dans les sciences expérimentales et techniques, on en arrive à oublier cette exigence de décantation intellectuelle et c’est dommage. Un sentiment d’urgence et la conviction d’être au cœur d’une perpétuelle compétition en sont certes responsables mais il faut se demander pourquoi il en est ainsi, comment on en est arrivé là et, en fin de compte, à qui profite cette hyperactivité trépidante.

On pourrait gloser à perte de vue sur ce sujet, mais je me contenterai de relever un point en particulier. On estime aujourd’hui à environ un million et demi le nombre de publications de recherche paraissant chaque année (Björk, Roos & Lauri, 2008), immensément plus qu’il y a quarante ans. Dans le même temps, la pression du « publish or perish » n’a cessé de croître, le nombre de candidats à une carrière de recherche a considérablement augmenté, les postes disponibles également — mais pas dans la même proportion — et les moyens technologiques d’accélérer la recherche ont énormément évolué. Le système s’est emballé. Nos institutions ont emboîté le pas avec beaucoup de candeur et ont plongé dans l’illusion du rendement et de la productivité à outrance. Rares sont ceux qui ont su prendre suffisamment conscience de ce piège. Nous avons adopté un système d’évaluation estimant la qualité d’un vaste ensemble de compétences nécessaires au chercheur sur la simple valeur des journaux dans lesquels il publie, entre autres absurdités telles que le nombre absolu de publications. Le nombre pour le quantitatif, la cote du journal pour le qualitatif. Deux critères non pas totalement irrelevants mais relativement peu significatifs dans bien des cas.

Certaines voix, dont la mienne se sont élevées, mais en vain, car comment décider de faire marche arrière sans handicaper gravement sa propre institution tant que la compétition internationale ne fait pas relâche ? Et comment espérer qu’elle le fasse ? Et nous voilà revenus à la bonne logique de nos coureurs cyclistes…

À côté de cette globalisation qui a entraîné les universités dans une logique de tourbillon, un autre élément a pesé très lourd. Les grandes maisons d’édition scientifique, qui avaient déjà compris tout le profit qu’on pouvait tirer du monde de la recherche qui n’avait aucune vision stratégique par rapport à son processus de publication, se mirent à multiplier les journaux jusqu’à atteindre le nombre effarant de 26.000, estimation actuelle. Et cette explosion ne ralentit pas. Ceci a largement contribué à rendre possible un véritable excès de publications, une fragmentation des résultats visant à multiplier les articles avec le même message, bref, une accélération du processus de production scientifique. Une grande société privée a tout simplement acheté l’ISI (Institute for Scientific Information) qui a établi la notion même de ‘facteur d’impact’. Elle a persuadé la communauté scientifique de la validité des méthodes d’évaluation des chercheurs basées sur celle des revues où ils publient. Et elle a rendu incontournable cette mesure pour les évaluateurs que le caractère trépidant de la vie a poussé vers la confiance en une mesure chiffrée, facile et rapide à obtenir. Une illusion de rigueur.

Sans disposer d’un outil de mesure réellement fiable, mais devant la nécessité d’évaluer, on peut estimer qu’une approche plus raisonnable est celle qui se base sur le nombre de citations. Il est clair que beaucoup d’effets pervers entachent cette mesure, mais elle peut donner une idée approximative de la « pénétrance » d’un auteur dans son environnement scientifique, donc de son impact sur la communauté. Sur cette base, il est clair que l’accessibilité gratuite des publications sur le Web et leur repérage par des moteurs de recherche augmentent considérablement les chances d’être lu, donc cité.

Et la boucle est bouclée. Cela n’étonnera personne que j’en arrive à prétendre que l’Open Access (OA) offre une possibilité de se libérer des contraintes de la trépidante excessive de la vie de chercheur. Et pour moi, la nécessité de cette libération n’est pas, pour le chercheur, l’aspiration à travailler moins, mais à travailler autrement, l’aspiration à prendre le temps de la réflexion, l’aspiration à ne publier que ce qui est utile, sans redondance et sans « saucissonnage ». Je reconnais évidemment que, si l’OA présente beaucoup de mérites, rien n’indique qu’il contribuera à ralentir la cadence de la vie universitaire pour lui rendre une certaine sérénité. Mais nous savons aujourd’hui que des articles oubliés reviennent à l’honneur grâce à cette ouverture libre et l’accès libre à l’ensemble des publications sur un sujet permet, pour autant qu’on en prenne le temps, de mieux cibler sa propre recherche et de la relativiser.

Les tenants de la « Slow Science » vont plus loin, et plus sûrement sur la voie cette sérénité, mais au prix d’un changement radical qui n’est autre que celui que revendiquent également Lechampêtre et ses compagnons. Ceux-ci ont sans doute raison, au moins partiellement, mais ils n’ont qu’une infime chance de convaincre leurs sponsors dans la caravane du Tour et les milliers de spectateurs tout au long de la route de la nécessité d’en venir à une course au ralenti dans laquelle l’objectif ne serait pas de gagner…

Le Gouvernement britannique promeut l’Open Access mais par la voie la plus chère (The Guardian, ce matin).

Conséquence: un surcoût pour les fonds de recherche, donc pour les chercheurs, d’environ 50 millions de £ par an afin d’ouvrir l’accès tout en préservant les profits des maisons d’édition.

Cette initiative, qui apparaît à première vue comme un soutien à la Recherche et à sa diffusion libre, pourrait résoudre une des deux revendications du mouvement de l’Open Access (la liberté d’accès aux résultats de la Recherche) mais gravement enrayer l’autre (combattre l’escalade astronomique des coûts de publication).

L’extension à l’ensemble de la Communauté Européenne de cet exemple imparfait (voire même trompeur, car on peut n’y voir que l’aspect positif) pourrait endommager gravement la recherche universitaire pour une relativement longue durée, celle de la période intermédiaire avant que toute la production scientifique soit diffusée directement dans des journaux publiés en Open Access. A ce moment-là, le seul coût sera celui des charges strictement liées à la publication et au travail d’édition, y compris le peer reviewing. La proposition intermédiaire et hybride où les universités paient pour lire ET pour publier est tout simplement catastrophique pour nos budgets et réduit la part de nos moyens attribuable directement à la recherche.

On est bien là au cœur du dilemme: promouvoir la recherche internationalement ou sauver le business model des grandes maisons d’édition scientifique.

The British Government will promote Open Access but the expensive way (The Guardian, this morning), consequently raising the cost for research funds, hence for researchers, to about 50 millions £ per year, in order to open freely access to scientific publications while preserving the big publishing houses’ profits.

This decision, to be taken later today, which appears at first sight as supportive for a free diffusion of research, could well meet one claim of the Open Access worldwide movement (free access to research output) but could also harm considerably the other (fight escalating publication costs).

Extending this imperfect (perhaps even misleading, since one may see only the bright side) example to the entire European Community could damage university research seriously and perhaps durably, at least for the whole transition period while both systems will coexist before all scientific knowledge will be published directly in « Gold » Open Access journals. At that time, the only cost will be that of editing and publishing on line and will include the peer reviewing process. The hybrid system where universities pay to read AND to publish as well is simply disastrous for our budgets and reduces considerably research funding.

We are here at the core of the dilemma: promote research internationally or spare the big publishing houses’ business model.

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