Discours prononcé lors de la célébration du 20è anniversaire du CHU de Liège
Dans le discours qu’il prononça lors de l’inauguration de la première partie de l’Hôpital en 1985, le recteur Arthur Bodson exprimait son souhait de voir le CHU acquérir au autre nom, « Céhachu » n’étant guère joli — « Chu » (de « choir »!) comme le prononcent certains, encore moins — et CHU étant une appellation répandue dans les villes universitaires de la francophonie. Il lançait alors un appel aux suggestions, en demandant d’éviter « du Sart Tilman », qui eût accordé beaucoup d’honneur à ce Monsieur Tilman, « courageux défricheur de quelques arpents » disait-il, auquel est déjà dédié un village et puis, surtout, une université ! Je ne sais si personne n’a proposé d’idée intéressante, toujours est-il que le nom est resté et que, 20 ans plus tard, la question ne se pose même plus. Le CHU est, dans notre région et pour tout le monde, l’Hôpital universitaire et quand, de plus de 100 km à la ronde, on amène un malade ou un accidenté au CHU, chacun comprend clairement de quoi il s’agit.
Le U de CHU, c’est évidemment « universitaire ». Ce U a toute son importance pour le prestige de l’Hôpital. C’est ce qui le différencie de tous les autres hôpitaux, en ceci qu’il sert, non seulement d’institution de soins, mais également d’école de formation professionnelle des médecins qui font leurs études à l’Université de Liège, d’école d’application pour tous ses spécialistes en devenir. Pour le public en général, l’appellation « universitaire » suffit à garantir la qualité des soins et la certitude de se voir appliquer la médecine la plus avancée, la plus performante, la plus sûre.
Réciproquement, il n’est point d’université complète sans une faculté de Médecine, ni de faculté de Médecine sans hôpital. C’est d’ailleurs la question que me posent toujours mes interlocuteurs lorsqu’ils ne sont pas familiers avec notre université : « avez-vous un hôpital universitaire ? ». Le prestige d’une université est donc lié, en bonne partie, à l’existence d’une faculté de Médecine et donc d’un CHU.
Ainsi donc, si d’aucuns regrettent le manque de poésie de l’appellation, nul ne disconviendra que le U rappelle en permanence cette filiation. Filiation sûrement, car en effet, le CHU est enfant de l’Université. Et si, pour ceux qui s’en souviennent, l’accouchement ne se fit pas sans douleur, il donna naissance à un bébé qui ne tarda guère à faire ses preuves, certes en exigeant beaucoup de ses membres, car à ses débuts, le CHU se construisit sur de nombreux sacrifices, de nombreuses restrictions. Une logique d’entreprise dut immédiatement lui être appliquée, rupture douloureuse avec les habitudes acquises de longue date au sein de l’Université. L’application de cette logique était indispensable car il s’agissait de s’adapter à des conditions nouvelles, celles qui ont prévalu après la fin des golden sixties, après la crise dite « du pétrole » du début des années septante. Les responsables d’alors comprirent que cette adaptation drastique mais nécessaire ne pourrait s’accomplir qu’en dehors du giron de l’Université et c’est ce qui fit du CHU, la plus grande spin-off de l’Université de Liège.
Aujourd’hui, l’enfant a grandi, il a vingt ans. Les sacrifices ont porté leurs fruits et chacun peut maintenant en constater les effets avec satisfaction. Après les crises de croissance, l’enfance agitée, l’adolescence turbulente, l’enfant est devenu aujourd’hui adulte et sage. La sérénité acquise lui permet de réexaminer ses relations avec sa mère, son Alma Mater, et tous deux comprennent à quel point leurs sorts sont liés. Ils comprennent ce que synergie veut dire et combien ils seraient dramatiquement amoindris, l’un sans l’autre.
L’Université et le CHU sont, depuis 20 ans, des entités juridiques distinctes et indépendantes. Le cordon n’a cependant jamais été rompu. Le recteur et l’administrateur, ainsi que le doyen de la Faculté de Médecine, font ex officio partie du Conseil d’Administration du CHU. Le président et l’administrateur délégué du CHU sont invités permanents du Conseil d’administration de l’Université. Mais au delà de ces liens largement symboliques, une prise de conscience de plus en plus forte se fait jour : celle de la nécessité de resserrer les liens plus étroitement encore. C’est dans l’intérêt de tous. Nous vivons dans le même domaine, nous connaissons les mêmes problèmes et difficultés et nous gagnons à les résoudre ensemble.
C’est ensemble que nous voulons aborder la délicate question de la mobilité vers le domaine universitaire et au sein de celui-ci, avec ses corollaires en termes de trafic et de parcage (à l’exception de vous, Madame, tous ceux qui ont atteint cette salle aujourd’hui peuvent comprendre de quoi je parle !). C’est ensemble que nous voulons examiner l’harmonie entre enseignement et prestation de soins de qualité, avec les difficultés et contraintes que cela implique.
L’Université de Liège vient de mettre sur pied un des plus grands centres de biologie cellulaire et moléculaire à finalité biomédicale d’Europe : le GIGA. Près de 300 chercheurs et un incubateur d’entreprises y sont regroupés. Si quatre facultés y participent activement, c’est au CHU (entendu cette fois dans son acception originale, celle d’un centre qui regroupe à la fois l’Université et l’Hôpital) que nous avons décidé de l’installer, ce qui a permis de remplir la dernière des tours, restée vide suite aux péripéties des restrictions de la politique hospitalière fédérale qui n’ont cessé de compliquer à outrance l’évolution de cet hôpital, d’être amenée à la vie, améliorant ainsi grandement l’environnement immédiat. Mais cette proximité porte ses fruits dans les deux sens. Voici aujourd’hui le CHU flanqué d’un centre de recherche dont l’excellence est reconnue, appelé à se développer plus encore puisqu’il sera rejoint par d’autres centres de recherche qui vont s’y intégrer, en commençant par le centre de recherches en cancérologie expérimentale, qui deviendra « GIGA Cancer », et puis d’autres, je l’espère. Cette proximité est une aubaine pour le CHU. C’est aussi une aubaine pour le GIGA, pour deux raisons : la première est qu’elle permet et assure le contact permanent entre les chercheurs et la clinique, parachevant ainsi le processus de regroupement des différentes équipes auparavant dispersées sur le campus et dans la ville. La seconde est qu’une partie de l’originalité du concept du GIGA repose sur l’intégration d’entreprises en son sein même, valorisant ainsi au mieux les recherches qui y sont accomplies, et que ces entreprises trouvent une motivation immense à se développer dans le GIGA, d’une part en raison de la proximité avec les chercheurs fondamentaux, mais aussi en raison de la proximité de la clinique. Le Doyen et moi-même avons d’ailleurs des plans pour le développement d’un volet clinique au GIGA, ce qui complèterait magnifiquement et comme nulle part ailleurs, la fonctionnalité exceptionnelle de ce centre de recherches hors-normes.
Il s’agit ici, bien sûr, d’un exemple, mais il est tout à fait représentatif de cette relation qui, sans qu’il y ait la moindre raison pour un retour en arrière, doit redevenir de plus en plus étroite entre l’Université et « son » CHU. Nous sommes déterminés à continuer de nous y consacrer, nous sommes déterminés à faire de cette alliance une force considérable pour Liège et sa région.
Il a aujourd’hui 20 ans.
Longue vie au CHU !
Longue vie au couple indissoluble Université de Liège – CHU de Liège !
Visite de la Princesse Astrid au CHU de Liège. La presse opère…