La supériorité de l’Open Access (OA) en matière de citation d’articles a été démontrée par plusieurs études que l’on peut retrouver facilement grâce à l’Open Citation Project, Reference Linking and Citation Analysis for Open Archives.

Vous me direz: « Quoi de plus prévisible? » et vous aurez raison. Cela fait un bout de temps que, dans chacune de mes présentations sur le sujet, je mentionne la conviction intuitive que j’en ai. Mais il fallait que des chercheurs se décident à en faire la mesure, ce qui n’est pas chose facile car, méthodologiquement, la comparaison avec les articles en accès payant n’est guère simple à réaliser et sujette à de nombreuses critiques. La méthode la plus convaincante consiste à mesurer le succès, en termes de citations, des articles publiés dans un journal de renom et mis à disposition, dans la version finale de l’auteur après peer review dans la digithèque de son institution et le comparer à ceux qui ont été publiés dans le même journal, la même année. Le résultat est concluant.

La principale critique est qu’il ne s’agirait, en fait que d’un biais dû à le tendance des auteurs de ne rendre librement accessibles que leurs meilleurs papiers… On ne peut s’empêcher de penser à une certaine mauvaise foi, mais cela demande quand même à être scientifiquement examiné.

Pour ce faire, Y. Gargouri, C. Hajjem, V. Larivière, Y. Gingras, L. Carr, T. Brody et S. Harnad viennent de procéder à un examen scrupuleux, publié dans « PLoS One ». Ils ont comparé des auto-archivages auto-sélectifs à des auto-archivages imposés comme nous le faisons ici à Liège, sur un échantillon de 27.197 articles publiés entre 2002 et 2006 dans 1.984 journaux. Pour les défenseurs, comme je le suis, de l’approche de l’OA par le dépôt des articles en accès libre (dans la mesure du possible légal) dans un dépôt institutionnel (chez nous, ORBi), il est extrêmement intéressant que cette étude ait été réalisée précisément dans ces conditions.

L’article mérite d’être lu mais on peut le résumer en disant que la supériorité de l’OA sur le plan des citations concerne les articles les plus « citables », non pas en raison d’un biais qualitatif de la part des auteurs mais en raison d’un avantage qualitatif induit par les lecteurs qui choisissent ce qu’ils souhaitent lire et citer, en toute inépendance vis-à-vis des contraintes d’achat et de disponibilité liée au moyens alloués. Ceci renforce d’autant la logique de l’auto-archivage en accès libre et l’obligation qui en est faite par les autorités universitaires, celles des centres de recherche et celles des pouvoirs subsidiants.

Pour clore le débat public sur l’opération d’extinction de toute discrimination à la FMV (voir billets précédents), et sachant que l’action continue pour veiller à en faire disparaître toute trace, j’ai le plaisir d’annoncer qu’avant même que le délai accordé à la commission que j’appellerai « d’assainissement éthique » de la Faculté, ses membres se sont déjà fermement engagés dans la bonne voie et des mesures sont déjà prises, en pratique.
Comme je l’ai beaucoup dit, il faut en outre modifier l’état d’esprit de certains individus que j’espère relativement rares et je me réjouis, à cet égard, de l’attitude constructive et proactive de la Société générale des Etudiants en Médecine vétérinaire de l’ULg (SGEMV), souvent mise en cause, et qui publie son engagement solennel sur son site web. J’applaudis des deux mains aux déclarations qui y sont faites et à l’attitude progressiste et volontariste qui y est encouragée.

J’aimerais juste apporter une petite précision. Jamais je n’ai considéré que LES professeurs ou LES maîtres de stages étaient tous coupables ni même tous suspects. A tout moment, j’ai eu la prudence de dire que, dans les témoignages bien étayés déposés auprès du Centre pour l’Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme, que je connais puisque j’étais en copie d’emblée au moins de certains d’entre eux (il y en a eu un, en effet, puis plusieurs autres), je suis en droit de penser que certains ont fait preuve d’un comportement de ségrégation ou de favoritisme flagrant. C’est de ceux-là que je parle, et en aucun cas je ne fais d’amalgame. J’ai énormément de respect pour tous mes collègues, mais personne ne m’empêchera de juger avec sévérité ceux d’entre eux à propos desquels une dérive inacceptable serait avérée, démontrée et reconnue. Loin de moi l’idée même d’une chasse aux sorcières et je ne voudrais pas que l’on imagine que je suis persuadé que ces cas sont nombreux. Je l’ai déjà dit: rien ne me réjouirait plus que de savoir que ces dérives n’existent pas et, si c’est le cas, je serai le premier à le faire savoir haut et clair.

Les étudiants sont déterminés à mettre de l’ordre chez eux, les encadrants aussi et moi-même
également. Ensemble, nous y arriverons.

Je souhaite à présent clore le débat sur mon blog concernant la question de la discrimination des non-baptisés en Faculté de Médecine vétérinaire. Je pense qu’avec l’abondance des commentaires apportés à mes billets précédents, nous sommes aujourd’hui suffisamment informés pour bien comprendre les thèses qui s’affrontent. Les nouveaux messages qui affluent n’apportent plus rien de neuf. Soit ils confirment ce qui a déjà été dit (et je suis sûr qu’on pourrait continuer ainsi longtemps), soit ils dégénèrent en bataille rangée et je n’ai pas pour objectif d’attiser des rancunes personnelles, ni d’étaler aux yeux de tous des chamailleries sans intérêt.
Je présente donc mes excuses à ceux qui continuent à m’envoyer des prises de bec, ou des témoignages déjà décrits et dont j’ai décidé de ne plus publier les messages.

Je tiens toutefois à préciser que je reste personnellement à l’écoute de chacun et que je lis et écoute tous les témoignages qu’on m’envoie ou qu’on vient me présenter. En effet, la concordance de certains d’entre eux est troublante et apporte réellement de la précision à mon objectif d’en finir avec des comportements inacceptables. Mon attention reste donc pleine et entière, même si je n’alimente plus le blog avec de nouvelles interventions. A cet égard, je ne serai jamais suffisamment informé.

On peut résumer les différents points de vue de la manière suivante (je fais l’impasse sur le baptême lui-même, dont j’ai déjà dit ce que je pensais et que je n’envisage pas de remettre en question à ce stade, mais je reste demandeur d’une charte qui s’applique à toute l’Université, en accord avec toutes les Facultés):

• Des étudiants ayant décidé de ne pas faire leur baptême, ce qui reste leur droit le plus strict, je le rappelle, dénoncent des attitudes plus ou moins dures de ségrégation par ceux qui sont baptisés. Si cette attitude discriminatoire est largement le fait d’autres étudiants, on en reste à des querelles de cour de récréation. Si cette attitude est également le fait de personnel encadrant, ceci devient inacceptable. Des noms reviennent régulièrement et cela ne peut être simplement l’effet du hasard. Il est évident que j’aurai un entretien personnel avec ceux et celles qui sont la cible de ces accusations.

• Parmi les accusations, on trouve des niveaux de gravité différents. Je pense être capable de faire la distinction entre taquinerie et harcèlement, tout en étant conscient du fait que ce qui est perçu comme un harcèlement par une personne pourra parfaitement être interprété comme une taquinerie par une autre. Il convient aussi de faire la part des choses entre ambiance désagréable et handicap à la réussite. La première est regrettable, le second ne peut être toléré.

• Sans nier les faits, beaucoup de baptisés nous disent qu’ils ont le droit de former un club. C’est vrai. Que ce club peut être réservé à ses membres, comme un club privé. C’est vrai. Que l’appartenance à ce club peut donner droit à une entraide significative. C’est vrai. Le reproche qui est fait, cependant, est non pas l’esprit d’entraide qui est louable, mais le rejet de l’autre avec l’expression d’un mépris et d’un manque total de respect. L’indifférence serait navrante mais non répréhensible, l’agressivité l’est.

Voilà, il me semble, la palette des éléments importants à dégager dans cette affaire.

Tout cela laisse penser que le chemin vers une meilleure acceptation des différences — une vraie valeur que je prône avec force pour mon Institution, une valeur que j’aimerais voir transmise à nos étudiants — n’est peut-être pas si escarpé, si tout le monde veut y mettre du sien, pour le bien d’une Faculté dont je ne dirai jamais assez combien elle excelle, combien elle a réussi à imposer internationalement sa réputation de qualité et combien il me chagrinerait (le mot est faible) de voir la réputation ternie par des comportements aussi primitifs, voire barbares. Lutter contre cet état de chose et l’éradiquer (je réutilise le terme parce que c’est le bon: éradiquer des comportements, bien sûr, pas des gens!) est dans la mission de chacun, à son niveau et à la mesure de sa bonne volonté. Je réitère mon appel à la raison et à la contribution de chacun à cette guérison, qui repose sur une prise de conscience commune de l’intérêt général par delà l’esprit de castes qui ne doit en aucun cas avoir cours dans un établissement universitaire digne de ce nom.

A la demande des organisations étudiantes, pour ceux que cela intéresse, voici les sites qui peuvent être visités: celui de la SGEMV et celui du CLV

Dans le très abondant courrier que je reçois concernant la discrimination des étudiants en Médecine vétérinaire non baptisés — dits les « chroniques » ou les « chros » — (voir les billets précédents et les commentaires qu’ils ont suscités) je reçois également bon nombre de messages anonymes.
J’ai pour principe de ne pas afficher de commentaires dont les auteurs ne sont pas identifiables. Certes, tout le monde peut inventer un faux nom, mais ceci permet quand même de limiter les débordements.
Mon second principe est de ne pas afficher les commentaires orduriers, injurieux, haineux ou par trop stupides. Question de tenue.
Dans toute cette histoire, je n’ai pas dû éliminer beaucoup de commentaires anonymes ou déplacés.

Par contre, je suis confronté à un phénomène inhabituel: les anonymes qui me supplient de préserver leur anonymat, généralement encore étudiants. Leur témoignage est souvent étonnant, mais facilement vérifiable, et il en dit long sur le climat maffieux que font régner certains étudiants baptisés dans la Faculté. Je précise certains car je ne veux pas qu’une fois de plus, on pense que je mets tout le monde dans le même sac (les autres étudiants baptisés, le personnel scientifique ou académique, les maîtres de stage, etc.), je réalise que la discrimination est entretenue par une catégorie précise de personnes. Si ces anonymes tiennent à le rester, ils souhaitent néanmoins me faire part de leur témoignage et ils ne sont donc pas anonymes à mon égard. Je dispose de leurs coordonnées et ils se tiennent à ma disposition si je souhaite les interroger. Je ne manquerai évidemment pas de le faire. En attendant, je mets quelques uns de ces témoignages en commentaire de ce billet, pour que chacun puisse juger.

Pour moi, l’objectif se précise. Je l’ai dit, la cible n’est pas le baptême en soi, ni la liberté de sélection des maîtres de stages dont on sait qu’ils doivent héberger les stagiaires chez eux, au sein de la famille, nourris, logés, et auxquels on doit laisser une grande liberté de choix (on peut cependant regretter que ce choix se fasse sur le critère « baptisé », il y en a d’autres, bien plus acceptables et justifiés, même s’ils restent subjectifs). La cible n’est pas les membres du corps professoral ni les autres encadrants, sauf s’il s’avérait indiscutablement que l’un d’eux dérape en cette matière. Non, la cible est un noyau dur d’étudiants qui perpétue le harcèlement et les représailles sont telles ou les menaces de représailles sont telles que d’autres étudiants inscrits à l’ULg, qui ont tous les mêmes droits et devoirs, n’osent pas se découvrir. Ca glace les sangs. Je pense néanmoins que nous aurons bientôt suffisamment d’éléments pour identifier les responsables et les inviter à plus de respect de l’autre…

Comme toujours, lorsqu’on parle du problème évoqué dans le billet précédent, on s’éloigne vite du propos précis.

1) Je rappelle qu’il ne s’agit pas de remettre en question le baptême estudiantin, pour autant qu’il soit pratiqué indépendamment de toute conséquence injuste et discriminatoire. A ceux qui ont compris que mon propos était anti-baptême estudiantin, je dis: relisez calmement, je n’ai jamais dit ça, même si j’ai dit que, dans les activités soi-disant folkloriques, je réprouvais les attitudes humiliantes.

2) Je précise que, si j’ai dit que des étudiants, des assistants, des professeurs et des maîtres de stages ont, ou ont eu un comportement que je réprouve, je n’ai certainement jamais voulu généraliser et je suis prêt à entendre qu’ils sont en infime minorité (ce que je pense), voire inexistants aujourd’hui. Je m’en réjouirais. Si certains ont trouvé mon propos trop énergique (j’ai entendu parler de « karchérisateur » à mon sujet!), j’en suis désolé. Croyez que je n’assimile pas tout le monde à ce profil-là et que je sais pertinemment que ce comportement n’est pas courant, ni même toléré dans la Faculté, mais je ne puis ignorer les plaintes et je dois donc en avoir le cœur net.

3) Quant aux sanctions que j’ai annoncées, il va de soi (mais ça me semblait clair) qu’elles ne seront appliquées qu’à ceux dont la culpabilité serait avérée, bien entendu.

Mon vœu le plus cher est que la mobilisation que je constate au sein de la Faculté — et j’en félicite sincèrement tous ses membres — produise des effets bénéfiques, même si la tempête ne se déchaîne que dans un verre d’eau. Au moins aura-t-on saisi une opportunité intéressante.

D’autre part, le Doyen de la Faculté de Médecine vétérinaire a rencontré ses étudiants ce jeudi et les choses évoluent dans le bon sens, comme en témoigne le billet radio sur Vivacité.

Néanmoins, vous verrez dans le commentaire de ce billet qu’avec certains maîtres de stage, nous n’en sommes pas encore sortis…
Affirmer qu’il n’existe pas de discrimination reste encore un peu prématuré.

Il y a quelques semaines, le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (CECLR) me faisait savoir qu’il était saisi d’une plainte d’un étudiant en Médecine vétérinaire dénonçant une discrimination systématique des étudiants non-baptisés. Le « baptême » estudiantin est en effet une tradition séculaire chez les vétérinaires, comme d’ailleurs dans d’autres facultés telles que les Sciences appliquées, la Médecine, la Philosophie-et-Lettres ou l’Agronomie.

L’intensité et les exigences quelque peu démesurées de ce « baptême » me posent problème, personnellement. Les attitudes d’humiliation des « bleus » par les baptisés me sont terriblement antipathiques car je déteste le manque de respect et l’avilissement délibéré, même lorsque la victime est consentante. Toutefois, si j’appelle au calme et à la mesure, je ne souhaite pas aller jusqu’à l’interdiction des baptêmes. Comment, d’ailleurs, le pourrais-je? Des adultes majeurs peuvent se livrer à tout ce qui leur passe par la tête dans un contexte privé sans que je dispose du moindre moyen de les en empêcher, et c’est très bien ainsi. Après tout, personne n’est obligé de se soumettre à ce à quoi il ou elle répugne, dire non reste son droit le plus fondamental.

Seulement voilà: il faut évidemment que cette dernière phrase soit vraie. Là où on sort carrément des clous, c’est lorsque le refus de se soumettre aux épreuves du baptême estudiantin conduit à des représailles de la part d’étudiants baptisés, de la part de membres du personnel scientifique baptisés ou de la part de professeurs baptisés — et ce n’est pas moins grave lorsqu’il s’agit de maîtres de stages extérieurs à l’Institution —, qui pratiquent l’abus de pouvoir, donc le harcèlement. A ce moment-là, que les représailles tiennent de l’intimidation, du rejet, ou de n’importe quelle forme d’entrave à la poursuite sereine des études, cela devient de la discrimination et c’est bien évidemment interdit par la loi — que nul n’est sensé ignorer —, tout autant que par l’éthique la plus élémentaire. De tels comportements seront sanctionnés par l’ULg qui dispose, pour cela, des organes nécessaires.

Une rencontre a donc été organisée le 6 octobre entre le Conseil de la Faculté, deux représentantes du CECLR, mes collaborateurs des affaires académiques, étudiantes et juridiques et moi-même. De cette rencontre est née la décision claire et déterminée du Doyen et des membres du Conseil de Faculté de veiller à mettre bon ordre à cet état de choses en suivant mes recommandations: créer une commission chargée d’enquêter sur ces anomalies et rédiger une charte de déontologie précisant les limites des activités estudiantines et de la discrimination qu’elles induisent. Cette charte sera d’application dans toute l’Université.

Ayant « eu vent » de cette rencontre, le 12 octobre, la RTBF a diffusé un billet dans son journal télévisé de 19h30. Assez logiquement, d’autres media ont suivi et ont donné de l’ampleur à un problème que j’aurais souhaité régler sereinement. Mais c’est la loi du genre. Plusieurs autres plaintes me sont parvenues depuis lors ainsi qu’au CECLR, et elles sont sorties enfin de l’anonymat. Le lendemain, j’ai convoqué à nouveau le Conseil de Faculté afin de le presser de finaliser la constitution de la commission et la rédaction de la charte. J’ai en outre fixé la date du 15 novembre pour l’accomplissement de cette mission, ainsi qu’un autre objectif: celui de proposer un ensemble de valeurs moralement acceptables sur lesquelles pourraient se fonder l’esprit d’équipe, l’esprit de corps, le sens de l’entraide et la solidarité qui font aujourd’hui la fierté de la Faculté et qui remplacera la valeur désormais inacceptable que véhiculent les épreuves du baptême. J’entends bien que cette vision utile et innovante s’installe dans tous les esprits au sein de la Faculté, ainsi que chez ses anciens diplômés, afin d’en finir avec une sélection basée sur le rejet de groupes qui rappelle étrangement les rejets fondés sur des discriminations ethniques ou religieuses, un ostracisme maintenant puni dans tous les pays qui partagent notre culture (à l’exception notable et heurtante de certaines expulsions ethniques qui suscitent l’indignation dans toute l’Europe).

Pour ma part, je recevrai dès à présent les témoignages de toutes les personnes qui le souhaitent, pour autant que ces témoignages relatent des faits réellement vécus et non des informations indirectes, des rumeurs ou des fantasmes collectifs. En effet, nous nous attaquons ici à un sujet qui prête à toutes sortes de commentaires et je ne désire pas que mon écoute — que je promets pleine et entière — soit polluée par des racontars sans fondement. La tâche sera donc très difficile. Je me ferai aider par nos spécialistes en matière juridique, éthique et de qualité de la vie étudiante, ainsi que par des psychologues experts. J’entendrai également les organisations d’étudiants.

Je sais que changer les mentalités exige un travail de fond long et difficile ainsi qu’une adhésion très large de l’ensemble des acteurs à tous les niveaux et que, par conséquent, il serait illusoire d’espérer tout transformer en un claquement de doigt. Mais si j’entends bien ce que la Faculté me dit, ces délits ne sont plus aujourd’hui que le fait de quelques personnes, peut-être inconscientes du caractère délictueux de la discrimination qu’elles exercent, même si c’est difficile à croire. Il faut alors que ces personnes soient, en toute justice, identifiées et qu’elles soient informées des risques qu’elles prennent au regard de la loi et de la justice, en plus des sanctions internes qu’elle encourent. Il est évident que, plutôt que d’êtres mues par la peur du gendarme, je préférerais qu’elles prennent réellement conscience de la nature abjecte et inacceptable, voire répréhensible et condamnable de leur comportement.

Cela ne m’empêche pas d’être pressé, car je tiens à ce que cette année académique soit la dernière où la Faculté de Médecine vétérinaire se trouve entachée par cette réputation nauséabonde. Mon objectif est que, dès l’année 2011, qui marquera les célébrations du 175è anniversaire de la Faculté de Médecine vétérinaire et le 20è du déménagement de Cureghem à Liège, celle-ci soit définitivement désinfectée.

Voir aussi les commentaires récents à mon article du 25 mars dernier

Dans le sillage de la Rentrée académique, durant laquelle j’avais lancé un appel solennel à la Communauté française pour un refinancement lié à l’accroissement inouï du nombre d’étudiants, tout particulièrement en médecine et en sciences dentaires, le Conseil des Recteurs francophones (CRef) a relayé l’appel dans un communiqué réclamant une attention particulière à cette question, qui préoccupe cinq de nos universités. Cet appel a été entendu.
Nous avons rencontré hier soir le Ministre de l’Enseignement supérieur, Jean-Claude Marcourt, qui apporte une aide d’au moins trois millions d’Euros pour l’année 2011. Cette somme permettra de renforcer significativement l’encadrement des facultés concernées.
Avec cette aide, ponctuelle bien sûr, nous pourrons faire face à l’urgence, en clair, la situation que nous vivons actuellement dans nos facultés de Médecine. Mais elle devra également servir à prévoir l’avenir, et un avenir pas tellement lointain, qui pose la question cruciale: que faire pour améliorer les conditions d’apprentissage dans ces études malgré l’envahissement de nos institutions.
Un pari est pris sur l’auto-régulation de l’accès aux études de médecine et de dentisterie, avec l’établissement d’un test permettant à chaque futur étudiant de s’évaluer. Ce test doit être validé et fiable. Il doit également se prolonger, pour ceux qui ne le réussissent pas, par une offre de remise à niveau adaptée à l’amplitude du déficit. Une telle approche est très coûteuse, on le comprend, mais nous sommes décidés, avec les moyens nouveaux, à la mettre en œuvre.

Comme l’indique le communiqué ministériel: « Ces propositions doivent inscrire davantage le processus d’orientation progressive des étudiants au cœur d’une politique de la réussite, sachant qu’il est vain de laisser les étudiants les moins bien préparés s’engager sans accompagnement spécifique dans des études longues et difficiles ».

On reconnaîtra ici la préoccupation que je décrivais dans mon discours.

Aujourd’hui, les recteurs ne cachent pas leur satisfaction d’avoir reçu une écoute débouchant sur une action concrète. Les étudiants en sont également heureux, à l’unisson des recteurs. Il est suffisamment rare que les étudiants soutiennent notre action pour que cela soit souligné! ;-)

Tout le monde est d’accord que l’on n’est pas au bout d’un réel refinancement, mais pour l’instant ne boudons pas notre plaisir et mettons-nous à l’œuvre sans tarder: le temps presse et il y a beaucoup de choses à faire.

Second discours prononcé lors de la Séance solennelle de Rentrée académique de l’ULg, le 22 septembre 2010

L’enseignement universitaire se démocratise.
Voici une affirmation, encore contestée par certains, qui commence à faire ses preuves. Bien sûr, il ne faut pas confondre massification — terme détestable s’il en est — et démocratisation. La première notion est purement quantitative, la seconde est plus qualitative. La première est aisément quantifiable, la seconde l’est moins car elle requiert une analyse fine et très malaisée du statut social de l’étudiant, qui ne peut se réduire à l’avertissement/extrait de rôle de ses parents, pourtant le seul critère que le respect de la vie privée nous autorise à utiliser. Des enfants de riches peuvent avoir rompu avec leurs parents, des parents riches peuvent présenter une déclaration fiscale modeste, l’effort financier consenti pour la formation des enfants par les familles peut varier énormément, même au sein des dépenses totales consacrées aux enfants, et j’en passe. Une chose est claire: le nombre d’étudiants universitaires ne cesse d’augmenter, et c’est une bonne chose. En effet, dans une Communauté comme la nôtre, tout le monde s’accorde aujourd’hui à reconnaître l’importance essentielle de la formation au plus haut niveau pour le maintien d’un dynamisme économique, voire pour engager une réelle croissance économique.
L’augmentation de l’accès à l’Université est donc une bonne chose et nous devons nous en réjouir.

Néanmoins, et ce n’est un secret pour personne, une telle affluence pose quelques problèmes qui méritent toute notre attention.
La première difficulté est tout simplement logistique. Lorsqu’on reçoit plus d’étudiants que les auditoriums ne peuvent en contenir, on se trouve confronté à un problème logistique. Mais tous les problèmes techniques ont leur solution, nous pouvons temporairement les résoudre, et rapidement.

Toutefois, cet aspect purement logistique ne doit pas en masquer un autre, celui qu’impose une loi implacable, la Loi de l’encombrement, qui dit que « plus il y a d’étudiants au cours, moins le cours est efficace ».

Il n’y a donc que deux solutions à ce problème: restreindre l’entrée par un moyen quelconque ou fractionner les grandes sections et multiplier les sous-groupes. La première mesure — un concours ou un examen — comme cela se fait dans tous les pays et communautés qui nous entourent, est impopulaire, contraire aux engagements politiques annoncés et relativement inégalitaire en raison des diversités d’options dans l’enseignement secondaire. La seconde, qui implique de multiplier les encadrants, bien entendu, coûte cher et dépasse les moyens actuels des universités.
Je ne plaiderai pas pour la première — dussé-je déplaire aux doyens des facultés de Médecine qui sont confrontés avec une réalité inextricable et qui ont toute ma sympathie — mais plutôt pour la seconde. Evidemment, dans ce cas, le support financier doit bien provenir du pouvoir subsidiant et je ne suis pas naïf au point d’ignorer que les budgets de la Communauté ne sont pas disponibles aussi simplement que cela. C’est néanmoins, me semble-t-il, la voie que nous devons suivre, dans un effort commun de l’ensemble des universités et du gouvernement.

Je lance donc aujourd’hui l’appel du 22 septembre, un appel qui devrait mobiliser toutes les forces universitaires unies, les responsables politiques ainsi que le monde économique et social, pour la mise sur pied d’un effort collectif de grande envergure visant à refinancer substantiellement l’enseignement universitaire. Un tel refinancement, à propos duquel nous devrions rapidement nous réunir et que nous devons évaluer au plus juste, devrait permettre d’affronter les réalités de notre temps dès la rentrée académique de 2011. Cette année, les universités vont faire avec ce qu’elles ont. Elles vont puiser dans leurs dernières ressources et sacrifier diverses initiatives pourtant bien utiles afin d’assurer la qualité de leur enseignement. Des mesures sont déjà prises, comme le dédoublement des classes, grâce au dévouement des professeurs qui vont donner deux fois leurs enseignement en sacrifiant leurs missions de recherche et de service à la société et je les en remercie très sincèrement. Toutefois ces mesures restent des emplâtres sur des jambes de bois et ne peuvent résoudre que très partiellement le problème. Il nous faut imaginer pour l’avenir des solutions pédagogiquement acceptables et, je le souhaite, profiter de cette difficulté pour accomplir de vrais progrès pédagogiques, en un mot, pour rebondir. Ils nécessiteront des investissements considérables, mais la Communauté tout entière en retirera collectivement les fruits.
J’ai suffisamment dit que j’étais adversaire du principe des classements d’universités puisqu’on y compare des choses non-comparables. Toutefois je constate que, face aux universités du monde entier, c’est essentiellement le critère du taux d’encadrement qui handicape les nôtres.

Il n’est en effet pas tenable d’enjoindre aux universités d’accueillir tout le monde sans aucune forme de sélection et, en même temps, de maintenir fermée l’enveloppe de financement. Quand, en outre, on exige d’elles qu’elles améliorent le taux de réussite, on a atteint le sommet de l’absurde.

Certes, ces objectifs d’ouverture et de réussite sont louables, mais ils ne sont pas gratuits. Les atteindre coûte cher. Dans le carcan financier qui nous est imposé aujourd’hui, c’est «mission impossible».

Venons-en à la sélection. Quels objectifs sert-elle? Essentiellement celui qui consiste à réduire «l’effet de balast» que constituent les étudiants mal orientés ou insuffisamment préparés. La sélection vise à leur épargner l’expérience négative et frustrante de l’échec après une année d’errance plus ou moins consciente. Elle vise aussi, soyons clair, à limiter l’interférence avec ceux qui sont bien à leur place et qui pâtissent de la fameuse «loi de l’encombrement». Pour les opposants à la sélection, ceux qui sont à leur place sont précisément les nantis. Il est plus que temps que la démocratisation de l’accès à l’université se voit attribuer une définition claire. Pour moi, comme pour tout le monde, j’imagine, on peut être d’accord sur celle-ci: c’est la possibilité pour chacun, pour autant qu’il ou elle en ait les capacités, de faire des études universitaires, quel que soit son statut social et financier. C’est le « pour autant qu’il ou elle en ait les capacités» qui est généralement escamoté et qui impose une évaluation. Ce n’est pas parce que des injustices sociales marquent le parcours pré-universitaire des élèves que le diagnostic sur leur état de préparation doit être tabou.

J’ai dit que je ne plaidais pas en faveur d’un tri par concours, le système est déplaisant et, somme toute, injuste quoi qu’on fasse. Dans une certaine mesure, j’accepte de ne pas plaider non plus pour un examen d’entrée, pourtant un moyen simple, efficace et logique de sélectionner. Si on analyse les résultats du 1er Bac en Sciences appliquées, [on constate que 58% des nouveaux entrants réussissent à la fin de l’année alors que ce chiffre tourne autour de 37% pour l’ensemble des facultés.

Au moins alors pourrait-on plaider pour un simple test, destiné à l’étudiant lui-même et qui lui donne, à lui seul, une information, non contraignante, sur l’état de sa préparation à aborder les études qu’il a choisies. Un tel test, pour être réellement informatif et significatif, nécessite un énorme chantier de réflexion, mais s’il est bien un endroit où l’on peut élaborer un tel travail de façon parfaitement professionnelle, c’est à l’Université. J’ai du mal à croire qu’un étudiant averti de ses faiblesses ne soit pas tenté par une opportunité de se préparer spécifiquement. Evidemment, ceci implique la mise en place d’une année ou, selon certaines variantes, d’un semestre, de «remédiation» efficace, donc un coût additionnel non négligeable. Et en outre, ceci nécessite une décision quant à qui, du secondaire ou du supérieur, l’organise — les deux ensemble peut-être — et quant à la manière de ne pas introduire de biais en fonction des universités. Je plaide donc pour la mise en place, dès que possible, d’un test de compétence strictement informatif laissant à l’étudiant la responsabilité de la prise de décision qui en découle. Je plaide en même temps pour une réflexion sur les conditions de sa mise en place — quand, comment, par qui? — et pour la création d’une «remédiation» efficace, juste et équilibrée.

Voila pour le volet du mode de sélection. Maintenant, examinons le volet de l’ouverture universelle. Tout d’abord par rapport aux étrangers. Toutes nos universités sont heureuses d’accueillir des étudiants étrangers. Vous aurez remarqué qu’elles en sont fières et qu’elles ne manquent pas de s’en flatter. Croire que nous sommes mécontents d’un afflux excessif d’étudiants étrangers refoulés par les «numerus clausus» de plus en plus généralisés qui s’instaurent dans leur pays, serait une erreur. Au contraire, nous en sommes ravis. La seule chose qui nous préoccupe, c’est la pléthore par rapport à nos moyens d’encadrement, d’hébergement et d’instrumentation et, une fois de plus, à l’enveloppe fermée qui nous subventionne. Plus le nombre d’étudiants augmente, plus l’enveloppe est étriquée et plus le financement par étudiant diminue, c’est simple à comprendre. Les montants originellement fixés correspondaient pourtant à l’évaluation du coût réel de formation d’un étudiant universitaire. Ce coût aurait-il diminué…?
Il me semble que cela doit être, par contre, un souci pour la Communauté française qui doit certainement se préoccuper du fait qu’elle subventionne de grandes quantités d’étudiants dont la majorité n’exerceront pas le fruit de leur coûteuse formation chez nous. Notre bonne Communauté française Wallonie-Bruxelles, dernier bastion de l’entrée libre, face à la mise en place des concours chez ses voisins et singulièrement chez son voisin francophone principal, me semble devenue une sorte de zone de compétence universelle en matière d’enseignement supérieur.

Si l’afflux d’étudiants étrangers, refoulés par les concours mais cependant bien préparés par au moins une année spécialisée, fait significativement monter le taux de réussite de nos institutions, l’ouverture universelle a eu ses effets pervers. L’initiative de l’entrée libre à l’Université pour les élèves sortant de l’enseignement technique, artistique et professionnel, certes une très généreuse idée pour certaines de leurs orientations dites «de transition» où le niveau de réussite est relativement bon, s’avère cependant désastreuse, avec 6% de réussite pour les autres orientations, soit 6 fois moins que la moyenne générale (qu’ils contribuent à faire descendre). Il est vrai qu’on ne peut que se réjouir pour ces 6% là, qui n’auraient pas accédé à l’Université sans cela. Mais quel gâchis! Est-il raisonnable, et même décent, humainement acceptable, de faire croire ainsi à ces jeunes gens que tout est possible, sans mieux les avertir du niveau qui est le leur et de celui qui est exigé ? Et si on leur laisse leurs chances, ne doit-on pas formellement les avertir ?

Nous sommes aujourd’hui dans la situation de maîtres-nageurs au bord d’un fleuve, responsables de la sécurité de milliers d’enfants attirés par une récompense alléchante sur l’autre rive. Ces maîtres-nageurs savent que 63% de ces enfants (94% pour la catégorie que je viens d’évoquer) seront emportés par le courant simplement parce qu’ils ne savent pas ou pas suffisamment bien nager. Ces maîtres nageurs vous diront ceci: «Nous ne pouvons cautionner ce désastre. Imposons un test de capacité de natation, au calme et loin du danger. Envoyons ceux qui en ont besoin apprendre à nager dans de bonnes conditions. Et laissons ceux qui en ont les capacités et la robustesse traverser le fleuve en minimisant pour eux les embûches, en les accompagnant nous-mêmes et en veillant sur eux.» Ca demande plus de maîtres-nageurs, c’est vrai, et compétents. Beaucoup plus. Et cela coûte plus cher. Beaucoup plus cher. Mais en définitive, n’aurons nous pas bien plus de succès, en nombre de jeunes arrivant sains et saufs sur l’autre rive plutôt qu’en laissant le torrent faire son œuvre et charrier au loin une majorité d’entre eux, s’accrochant aux autres et diminuant les chances de ceux-ci de s’en sortir ?

Voilà, Mesdames et Messieurs, l’état de mes réflexions sur cette question lancinante, devenue aujourd’hui une préoccupation d’urgence, pour toutes les universités, face à l’augmentation du nombre de nouveaux étudiants mais aussi et surtout face au taux important des échecs, malgré les efforts innombrables que nous faisons pour accompagner nos étudiants, efforts dont la liste serait beaucoup trop longue pour que je l’énumère ici. J’en profite pour donner un coup de chapeau à toutes les personnes qui s’y consacrent avec dévouement.
C’est pourquoi je confirme le lancement de cet Appel du 22 septembre pour une prise de conscience citoyenne majeure amenant à un refinancement massif des universités de la CFWB. J’ai conscience du fait que ce refinancement devra être évalué à son juste coût et qu’il ne pourra s’envisager qu’après une réflexion approfondie des diverses questions qui se posent, conjointement avec le gouvernement. Mais j’ai la conviction absolue qu’il n’existe aucune autre issue et qu’il faut qu’on cesse de croire qu’on peut continuer à faire plus (augmenter l’accès, ouvrir au monde entier, augmenter le taux de réussite, augmenter la qualité de la formation) avec moins (laisser diminuer l’allocation par étudiant).
Je suis convaincu que mes collègues recteurs ici présents, de même que l’ensemble de la communauté universitaire francophone belge, et, sans doute, tous les citoyens soucieux du bien public, partageront mon analyse. Je peux témoigner que tous ressentent intimement cette nécessité. Je souhaite que le monde politique s’en fasse le relais, ainsi que le monde économique et social.

Pour un enseignement supérieur de l’excellence et de la compétence, utile au bien-être et au bien-vivre de nos concitoyens, je forme le vœu de pouvoir revenir en ce même endroit dans un an, vous annoncer que la synergie de tous les acteurs impliqués dans cet appel ou interpellés par lui, sera mise en place.

Premier discours prononcé lors de la Séance solennelle de Rentrée académique de l’ULg, le 22 septembre 2010

Je voudrais commencer par remercier notre nouveau Maître de Cérémonie, le Professeur Jean-Jacques Claustriaux, Vice-recteur Honoraire de la Faculté des Sciences agronomiques de Gembloux, pour avoir accepté de prendre la relève de notre collègue de Professeur Robert Laffineur, aujourd’hui admis à la retraite. Je remercie également notre nouveau secrétaire académique le Professeur Bernard Jurion qui succède au professeur Luc Angenot.
Je remercie d’emblée Jacques Stotzem d’avoir accepté de nous accompagner tout au long de cet après-midi. Guitariste verviétois, autodidacte de talent, Jacques Stotzem est un orchestre à lui seul. Sa collaboratrice, Anne-Françoise Biet, le qualifie de «guitariste inclassable, bousculant les règles de la musique avec un naturel désarmant et redessinant avec son âme les frontières du « fingerpicking ». Il flirte avec le blues, le folk, le jazz, le rock ou encore des sonorités qui invitent aux voyages et rappellent les contrées asiatiques lointaines où régulièrement il se rend». On dit de lui que sa musique évoque l’image, que sa musique est une image ! Qui aurait, dès lors, mieux que lui, accompagné nos invités aujourd’hui ?

Cette année, nous saluerons d’emblée la présence des personnalités qui recevront dans quelques instants les Insignes de Docteur Honoris Causa de notre Insitution: Agnès VARDA, William KLEIN, Santiago CALATRAVA et Victor BURGIN. Malheureusement, pour des raisons impérieuses de santé ou d’agenda, Pierre ALECHINSKY, Jacques PERRIN et Bill VIOLA n’ont pu nous rejoindre aujourd’hui. Ils nous ont cependant fait le plaisir de nous promettre de venir à l’Université de Liège au cours de cette année académique. Aujourd’hui, ils seront représentés respectivement par Michel DRAGUET, Directeur du Musée des Beaux-Arts et professeur à l’Université Libre de Bruxelles, Monsieur le Consul Général de France Zaïr KEDADOUCHE et Monsieur Robert STEPHANE, chargé de cours honoraire de l’ULg que nous connaissons tous comme brillant journaliste, Directeur honoraire de la RTBf, passionné de vidéographie et ami de Bill Viola.

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

Il est des moments, dans la vie, où la fonction qu’on exerce vous apporte des bonheurs insoupçonnés. J’ai aujourd’hui cette chance et je me suis empressé de la saisir. Depuis ma plus tendre adolescence, j’ai nourri pour l’image une véritable passion. Arrière petit-fils d’un pionnier de la photographie, fils de peintre et père de vidéaste, c’est donc bien d’une fibre familiale qu’il s’agit, même si, à chaque génération, nous avons su modestement reconnaître nos limites et même si, pour ce qui me concerne, le talent est bien plus imperceptible que celui des trois autres.
Néanmoins, cette passion, que j’ai pu discrètement infiltrer dans ma vie de chercheur et d’enseignant, m’a fait connaître — par œuvre interposé — et m’a fait admirer des personnalités nombreuses et variées.

Aujourd’hui, c’est donc à d’illustres représentants des arts de l’image que sont réservés les honneurs académiques et c’est un vieux rêve, vaguement conscient, qui s’accomplit pour moi. J’espère que vous partagez mon plaisir.
Les personnalités que nous honorons ce jour ne sont pas seulement des maîtres incontestés de leur art, mais en outre — et c’est bien là le premier fil rouge qui relie nos invités — ils ont ajouté d’autres cordes à leur arc et se sont également distingués dans des arts connexes, voire différents. C’est ce que j’appelle «le supplément de génie».
Il existe aussi un second fil rouge, moins visible sans doute, et moins complet, qui sont les liens qui se sont tissés entre plusieurs de nos invités au fil de leur existence, ainsi que l’admiration qu’ils se portent mutuellement. Vous devriez percevoir ces liens dans les séquences de présentation.
Aussi, aujourd’hui n’est-ce pas un échantillonnage de célébrités au hasard qui est devant vous, mais une logique les relie.

Le thème de l’image me tenait à cœur, vous l’avez compris, mais il n’est pas fortuit. Il correspond à une préoccupation importante dans le monde entier et tout particulièrement ici, où les technologies de l’image se développent dans l’excellence, dans notre université, chez nos ingénieurs, chez nos médecins, chez les deux ensemble, mais aussi dans le département de communication, chez nos philosophes, chez les chercheurs et les enseignants de toutes nos facultés. J’ai le plaisir, à cette occasion, de vous annoncer le lancement, à la fin de cette année 2010, d’un nouveau media de communication de notre Institution qui diffusera des séquences audiovisuelle d’information sur l’enseignement, la recherche et les diverses activités et spécificités de l’Université, en un mot, la WebTV-ULg. On retrouve cette excellence dans notre région, où les entreprises impliquées dans le développement de l’image fixe ou animée, télévisuelle ou cinématographique, se développent avec le succès que l’on sait. De nombreuses activités telles que le festival ImagéSanté ou le festival 3D, dans lesquels l’Université et le CHU sont partie prenante, donnent à Liège une connotation de «pôle de l’image». Le thème de cette rentrée est donc aussi un constat et le soutien des gouvernements, tant régional que communautaire, à toutes ces initiatives n’est pas étranger à leur succès.

Mais le thème de l’image, dans une université, c’est aussi celui d’une certaine précaution, d’une vigilance par rapport à son aspect trompeur, à la manipulation qu’on peut en faire. Car si l’image est au centre de notre civilisation aujourd’hui, sa déformation ou, plus exactement, la désinformation qu’elle peut apporter, volontairement ou non, doivent demeurer au cœur de nos préoccupations. Car l’image n’est pas que belle ou laide. Elle peut aussi véhiculer des messages et des idées. Elles peut inciter à l’action par symbolisme ou par provocation. Et c’est là que la méthode et l’expérience doivent intervenir pour nous protéger de ces effets pervers. C’est un des objectifs d’une formation universitaire bien comprise, qui laisse à l’émotion son champ d’action, mais qui limite rationnellement ses effets délétères.

L’image, c’est le reflet de la réalité. A nous d’apprendre à mesurer le degré de fidélité de ce reflet. L’image, c’est aussi le rêve, la fantaisie, l’imaginaire. Elle peut donc être tout et son contraire. Le rôle de l’Université aujourd’hui, est de l’utiliser au mieux à des buts scientifiques sans se fermer aux aspects artistiques, à l’onirisme et à la fantaisie. L’image est aujourd’hui omniprésente, rendons hommage, à travers elle, à celles et ceux qui ont su en faire une si bel usage.

Peter Suber diffuse aujourd’hui sur son site une réflexion très intéressante sur le « Principe de Garvey ». En 1979, à une époque où seule la publication scientifique sur papier prévalait, William D. Garvey affirmait, dans un ouvrage consacré à la publication scientifique, que, dans certaines disciplines, il s’avère plus aisé de procéder directement à une expérience que de déterminer si elle a déjà été réalisée (W.D. Garvey, Communication: The essence of science, Pergamon Press, Oxford 1979, p. 8.). Cette proposition découlait évidemment de la difficulté qu’éprouvait le chercheur Lambda à accéder à la totalité de la littérature scientifique publiée. En fait, il s’agissait d’un équilibre entre le coût de cet accès et le coût de l’expérience, équilibre très variable selon le domaine et les moyens du chercheur en termes de documentation et en termes d’équipement scientifique.

Selon Suber, on pourrait penser qu’aujourd’hui, à l’âge de la publication électronique, le principe de Garvey ne serait plus valide, mais peut-être ne le serait-il seulement que moins fréquemment qu’il y a trente ans, la « digitalisation » de la littérature scientifique la rendant beaucoup plus accessible. Cependant cet accès est loin de l’être complet aujourd’hui, en raison des embargos et limitations diverses imposés par les éditeurs commerciaux (ce qui suscite plus fréquemment de nos jours une dérobade du lecteur, déjà habitué à la lecture gratuite sur l’Internet) et dans le cas toujours possible où l’expérience est simple et rapide à effectuer. Enfin, il reste la possibilité de l’intérêt à refaire l’expérience malgré tout, pour d’excellentes raisons scientifiques (à ceci près que, s’il s’agit d’une répétition consciente, il n’y aura pas de duplication de publication). A l’avenir, la combinaison de moteurs de recherche de plus en plus performants et de la généralisation de l’accès libre (OA) permettra de périmer le principe de Garvey.

Suber prolonge sa réflexion pour prendre en compte les situations où refaire l’expérience est de loin trop coûteux, voire tout simplement impossible ou contraire à l’éthique actuelle. Son analyse du premier cas (trop coûteux) aborde le sujet des domaines de recherche dont les implications financières sont colossales, un thème qu’il abordait déjà en 2008, tout comme le faisait le journaliste Richard Poynder. Lorsque le coût de l’expérience rend quasi-impossible sa reproduction mais qu’on en a besoin, pour tester une nouvelle théorie par exemple, il est indispensable de rendre accessible, sans aucune limitation, les données originales générées par l’expérience. C’est l’ »Open Data« , OD. Et l’accès doit être totalement libre et gratuit, puisque la coûteuse expérience a déjà été financée, généralement par des deniers publics. Mais l’OD ne suffit pas, il doit être accompagné d’OA, c’est-à-dire d’un accès libre et gratuit aux publications rédigées par les scientifiques qui ont eu le privilège de pouvoir réaliser l’expérience. Et ces principes jouent en faveur du progrès de la science qui est un processus cumulatif, comme le précise Rolf-Dieter Heuer du CERN, interviewé par Poynder. « Plus grand est le nombre de gens qui ont accès aux articles, qui les critiquent, qui les soumettent à l’épreuve de l’examen des données brutes et qui construisent leur propre contribution par dessus, plus vite émergeront de nouvelles solutions ou de nouvelles théories ». Les programmes de « Big Science » impliquent de vastes collaborations, une très grande ouverture internationale et également une maximalisation de l’usage qui peut en être fait. Il est stupide, dit Suber, de financer une expérimentation chère et de rendre coûteux l’accès aux résultats pour ceux qui veulent non seulement les connaître mais en tirer plus encore. Et cette logique s’étend d’une expérimentation individuellement coûteuse à un ensemble d’expérimentations collectivement coûteux.

C’est ici que l’on perçoit bien comment on ne peut que passer d’un raisonnement qui prône la mise à disposition large et gratuite des résultats obtenus (OD) pour des recherches très onéreuses et de l’interprétation qu’en font les chercheurs (OA) à un principe général qui veut que les recherches réalisées au moyen de fonds publics soient rendues accessibles aisément et gratuitement, quel que soit leur coût, aussi bien en tant que résultats bruts qu’en tant que documents interprétés et conclus. C’est là une exigence que devraient avoir tous les organismes finançant la recherche.

Ceux qui connaissent Peter Suber ne s’étonneront pas qu’il aille encore plus loin, défendant l’idée que non seulement ce libre accès porte tant sur les données brutes que sur les articles interprétatifs — donc aux progrès du savoir — mais qu’il s’applique également, avec une large diffusion:
- aux intentions de recherche, c’est-à-dire aux propositions que font les chercheurs en vue d’obtenir des fonds, à un moment où elles ne constituent encore que des hypothèses soumises à évaluation;
- aux propositions dont il a ensuite été démontré qu’elles étaient inopérantes;
- aux hypothèses dont il a ensuite été démontré qu’elles étaient fausses;
- aux observations vraies à l’époque de leur conception mais qu’un environnement évolutif a rendues obsolètes, voire erronées.

Il s’agit évidemment ici d’une ouverture intéressante vers un monde de la recherche très différent du nôtre aujourd’hui, un monde d’une extrême transparence, où ne prévaudraient plus les règles de la compétition, mais qui exacerberait la coopération ouverte et franche. Une sorte de vision, sans doute utopique, de la fraternité absolue de tous les chercheurs dans un but ultime, sympathique mais quelque peu naïf de recherche du bien commun, par dessus les intérêts particuliers… Une telle perspective appelle inévitablement un changement radical dans le mode d’évaluation de la recherche d’une part, des chercheurs d’autre part, évaluation qui valoriserait plus les contributions collectives que l’éclat individuel. Un très beau modèle. Mais notre société humaine est-elle suffisamment mûre pour remettre ses usages en question à ce point…?

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