J’ai terminé l’année 2008 par un voyage au Chili avec une petite délégation de l’ULg, à l’invitation du recteur Sergio Lavanchy de l’Université de Concepción (UdeC) qui nous avait rendu visite en mai dernier. L’intérêt premier de l’UdeC porte sur l’aéronautique, domaine dans lequel nos deux universités collaborent activement depuis 36 ans (un de nos professeurs tout récemment retraité, Pierre Beckers y a même reçu les insignes de docteur honoris causa), les sciences spatiales, l’astronomie et les biotechnologies médicales. Notre Institution a d’autres liens avec des universités chiliennes et c’est ainsi que nous avons visité également, à Santiago, l’Université du Chili (la plus grande université d’Etat) et l’Université Andres Bello (une petite université privée très dynamique). Nous avons par ailleurs visité les sites des radiotélescopes du projet Alma dans le désert d’Atacama au nord du pays ainsi que l’extraordinaire site du Paranal, où la contribution liégeoise a été majeure dans l’élaboration de l’Observatoire Européen Austral (ESO).

Concepción
Une des trois villes les plus australes atteignant un million d’habitants (avec Melbourne et Auckland), elle fut fondée au 16è siècle à la limite méridionale du territoire espagnol, le fleuve Biobio qui la traverse ayant pendant trois siècles délimité la frontière sud au delà de laquelle subsistaient les territoires indiens. Deux cents ans exactement après sa fondation, en 1751, un séisme majeur, suivi d’un raz-de-marée, anéantit complètement la ville qui ne possède donc plus de centre historique ancien, d’autant que la nouvelle ville fut reconstruite sur un nouvel emplacement. L’essor de la ville fut lié au développement industriel, en particulier la sidérurgie qui a connu une splendeur puis un effondrement que nous connaissons bien.

L’UdeC, fondée en 1919, est la principale des 6 universités de Concepción. C’est une institution privée, largement subventionnée par l’Etat. Plusieurs domaines, au delà des collaborations actuelles sont apparus comme très prometteurs d’échanges : le génie civil (matériaux, ponts), la thermodynamique, la biotechnologie, l’océanographie et l’environnement.


Le campus de l’UdeC

Plusieurs éléments concourent à promouvoir un jumelage institutionnel : les deux universités sont à peu près de même taille, elles sont situées dans des villes non capitales d’Etat qui ont un passé industriel similaire, elles accordent une importance primordiale à la recherche et sont très concernées par les relations université-entreprises. En outre, leur stratégie de collaboration internationale présente des similitudes (collaboration ciblée sur un nombre limité de partenaires de qualité qui comptent dans leur pays respectif, intérêt pour l’évaluation, définition de domaines prioritaires et avec un objectif majeur d’accroître la mobilité des professeurs, des chercheurs et des étudiants en capitalisant sur la valeur ajoutée et la complémentarité). Enfin, elles ont fait l’expérience d’une collaboration scientifique et pédagogique commune depuis plusieurs décennies.
Après notre visite, nous allons donc examiner la faisabilité d’une collaboration sur une plus grande échelle dans les semaines qui viennent.

Santiago
Dans la capitale chilienne, nous avons des collaborations avec au moins deux universités où enseignent des chercheurs formés à Liège. Ceci nous a valu deux rencontres très intéressantes.
La première fut à l’Université Andres Bello, jeune (20 ans) université privée qui s’est, depuis dix ans, résolument engagée dans la recherche en appui à l’enseignement, une philosophie souvent absente dans les universités privées au Chili dont le but premier est le profit. Nous avons signé un accord-cadre général avec cette université basé essentiellement sur les collaborations existantes entre leur département de Biologie moléculaire et notre GIGA, mais qui pourrait être étendue à d’autres domaines, en particulier la biologie moléculaire végétale, l’océanographie et l’aquaculture, pour autant que nos collègues concernés soient intéressés, ce que nous allons vérifier prochainement.


Signature de l’accord-cadre avec le nouveau recteur de l’Université Andres Bello, Rolando Kelly

Nous avons ensuite été reçus par l’Université du Chili, avec laquelle plusieurs voies de collaborations sont également envisageables.

ALMA
Le site de test et de préparation des radiotélescopes qui seront installés en un grand réseau pour le projet ALMA de l’ESO en collaboration avec les USA, le Japon et le Chili, à 5.000m d’altitude dans le désert d’Atacama, est déjà lui-même un endroit extraordinaire. Nous avons eu le privilège d’en visiter les installations et d’admirer en action les immenses transporteurs qui seront chargés d’amener les antennes sur leur site définitif.

Paranal
A quelques centaines de kilomètres de là, sur le sommet du Cerro Paranal, sont installés quatre télescopes optiques de 8m20 de diamètre et quatre télescopes auxilaires fabriqués à Liège par la spin-off AMOS, le tout fournissant un vaste réseau interférométrique correspondant à un miroir virtuel de près de 200m de diamètre grâce à un ensemble gigantesque de bancs optiques de précision infinitésimale organisés en sous-terrain dans la montagne sous les télescopes… Impressionnant. Et ce fut une belle occasion de voir à l’œuvre et d’entendre louanger la remarquable technologie liégeoise ainsi que l’influence déterminante des astrophysiciens de l’ULg dans le choix du site et la conception générale de l’implantation! Cocorico!

Le Chili, une terre d’échanges universitaires pour nous
Ce qui ressort de ce voyage, c’est qu’autant les grands pays émergents comme la Chine, l’Inde, le Brésil ou le Mexique nous interpellent en raison de l’importance qu’ils sont en train de prendre et qu’ils auront à l’avenir, autant le Chili me semble, par son niveau de développement, tout à fait comparable à celui de beaucoup de pays européens, jouer plus d’égal à égal avec nous, particulièrement sur le plan universitaire. On y trouve des groupes de recherche qui n’ont rien à nous envier en termes de niveau et de qualité, y compris quant aux publications qu’ils produisent. Certes, l’échantillonnage que nous avons pu voir relève certainement du haut de gamme, mais il est évident que l’on peut sérieusement envisager un approfondissement de nos relations d’échange. Celles-ci sont devenues plus étroites après les événements tragiques de 1973, la belgique étant devenue sysonyme de terre d’asile pour beaucoup de chiliens, mais elles méritent d’être intensifiées. Le Chili, en raison de toutes ses caractéristiques, des relations préexistantes et du prestige dont y jouit notre Institution, me semble constituer le meilleur centre de rayonnement que nous puissions avoir en Amérique latine et nous devrons le placer ainsi au haut de nos priorités internationales.


Mauvais temps pour le Père Noël!