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Suite à la « votation » helvétique du 9 février dernier « contre l’immigration de masse » qui a fait grand bruit, et pour cause, la Commission Européenne a, le 26 février, en guise de représailles, purement et simplement exclu la Suisse des programmes de recherche « Horizon 2020″ et des échanges d’étudiants « Erasmus+ ». Elle a également fermé immédiatement l’accès des chercheurs suisses aux prestigieuses bourses de démarrage de l’ERC (European Research Council).

Si on doit bien reconnaître que la Suisse a, dans le cadre de sa démocratie directe, commis une erreur d’une extrême gravité qui ne peut que susciter la colère, si on peut comprendre que l’Europe veuille exercer des représailles, il est absolument aberrant que celles-ci portent sur les programmes d’échange et sur les programmes de recherche. Ceci équivaut, pour les pays membres de la Communauté européenne, à se tirer un balle dans le pied, en se coupant de collaborations importantes. En effet, nos universités collaborent avec les suisses dans de nombreux programmes d’excellence européens et ces collaborations renforcent nos candidatures. Une telle mesure risque aussi d’amener les suisses, dont les universités et la recherche sont de très grande qualité, à se tourner vers d’autres pays du monde pour leurs collaborations et même de provoquer une ‘fuite des cerveaux’ internationaux actuellement attirés vers le continent européen par les institutions suisses.

Jamais, dans l’histoire des relations politiques de la Communauté européenne, de telles représailles, portant spécifiquement sur la science et l’éducation, n’ont été mises en œuvre, même pas vis-à-vis de pays qui ont fait l’objet de sanctions économiques, un outil souvent employé par l’Europe lorsqu’elle est mécontente… Le recours à des sanctions visant spécifiquement les étudiants et les chercheurs est donc complètement disproportionné et contre-productif.

Plus encore que pour trouver des financements, c’est pour la qualité des collaborations et pour le prestige que leur confère la participation aux programmes européens que les équipes de recherche suisses sont candidates. Nos collègues suisses nous disent qu’on peut s’accorder, dans le cadre de sanctions, sur la prise en charge par la Suisse de la totalité de sa quote part financière des bourses ERC mais qu’il serait absurde de les empêcher de faire partie de la compétition, et plus encore lorsque c’est en collaboration avec nous. Si la Suisse mérite des sanctions, ses étudiants et ses chercheurs, non, pas plus que les nôtres.

En conséquence, et en se concentrant sur l’urgence la plus pressante, puisque les demandes de bourses d’amorçage ERC (« Starting Grants ») doivent être rentrées pour le 25 mars 2014 et que les chercheurs suisses qui travaillent depuis plusieurs mois sur de tels projets ont vu se fermer pour eux l’accès au dépôt ‘en ligne’ des candidatures, il est essentiel que la communauté scientifique européenne se mobilise pour demander à la Commission que soit levée cette sanction avant le 25 mars, même si elle est maintenue sur le plan budgétaire.

C’est avec joie que nous apprenons que le Gouvernement fédéral, lors de son bouclage budgétaire final, a finalement décidé d’octroyer à la Coopération Universitaire au Développement (CUD) le financement qu’il avait gardé en suspens.

Nos interlocuteurs au plus haut niveau s’étaient montrés réservés, voire pessimistes, quant à cette éventualité d’octroyer aux universités le tiers manquant, ce qui avait amené la DGD à suspendre les bourses accordées aux ressortissants des pays du Sud (pour pouvoir suivre les cours internationaux spécialisés) et jeté l’émoi auprès des acteurs de la coopération.

Bonne nouvelle donc, et merci aux autorités fédérales pour cette sage décision.

Comme on pouvait le craindre depuis quelques mois, le Gouvernement fédéral a décidé de n’allouer à la Coopération Universitaire au Développement que deux tiers de l’allocation qui lui était due. En effet, les montants attendus concernent les dépenses réalisées en 2011 en toute bonne foi sur base de l’engagement gouvernemental.

Dans ce cadre, nous avons travaillé sur plusieurs scénarios pour déterminer l’affectation la plus adéquate et la plus efficace des 67% du budget sur les différents programmes gérés par le CIUF-CUD. Chacun de ces différents scénarios prévoyait la mise en œuvre d’une cohorte de boursiers 2013-2014 dans le cadre des cours internationaux.

Malheureusement, dans ces circonstances budgétaires inquiétantes, la DGD a décidé de ne pas autoriser, au sein des 67% de budget alloué, l’attribution de bourses de cours internationaux 2013-2014 car cela entraînerait de facto des dépenses sur 2014.

Les candidats sélectionnés et de réserve ont été immédiatement avertis de l’annulation du programme de bourses 2013-2014.

On comprendra combien cette décision est d’un effet désastreux pour nos relations avec les universités avec lesquelles nos institutions coopèrent activement, parfois depuis des décennies…

Les universités sont ainsi placées devant le fait accompli. Sans l’aide de ces bourses, elles ne pourront accueillir les étudiants qui en auraient bénéficié, mais en outre, comme ceux-ci sont largement majoritaires dans ces programmes, nous devons déterminer dans l’urgence ceux qui ne seront pas organisés dès l’année académique prochaine. Un désastre.

Et comme rappelé plus haut, la réduction d’un tiers de la subvention fédérale promise à la coopération universitaire au développement est une décision unilatérale qui prive les universités d’un tiers des investissements financiers qu’elles ont déjà réglé il y a deux ans dans ce cadre, en totale confiance vis-à-vis de la garantie du gouvernement fédéral.

Que celui-ci décide de ne plus subventionner la coopération universitaire au prétexte que ce qui est universitaire relève des Communautés et qu’il s’agit donc d’une compétence qu’il « usurperait » est une chose. Et ça se discute car ce ne sont pas de simples programmes universitaires mais il s’agit une participation des universités à l’effort national de coopération: rien de communautaire là-dedans. Qu’il refuse d’acquitter des dépenses que nous avons engagées avec son accord et avec l’assurance d’un remboursement en est une autre, parfaitement malhonnête.

Le Gouvernement britannique promeut l’Open Access mais par la voie la plus chère (The Guardian, ce matin).

Conséquence: un surcoût pour les fonds de recherche, donc pour les chercheurs, d’environ 50 millions de £ par an afin d’ouvrir l’accès tout en préservant les profits des maisons d’édition.

Cette initiative, qui apparaît à première vue comme un soutien à la Recherche et à sa diffusion libre, pourrait résoudre une des deux revendications du mouvement de l’Open Access (la liberté d’accès aux résultats de la Recherche) mais gravement enrayer l’autre (combattre l’escalade astronomique des coûts de publication).

L’extension à l’ensemble de la Communauté Européenne de cet exemple imparfait (voire même trompeur, car on peut n’y voir que l’aspect positif) pourrait endommager gravement la recherche universitaire pour une relativement longue durée, celle de la période intermédiaire avant que toute la production scientifique soit diffusée directement dans des journaux publiés en Open Access. A ce moment-là, le seul coût sera celui des charges strictement liées à la publication et au travail d’édition, y compris le peer reviewing. La proposition intermédiaire et hybride où les universités paient pour lire ET pour publier est tout simplement catastrophique pour nos budgets et réduit la part de nos moyens attribuable directement à la recherche.

On est bien là au cœur du dilemme: promouvoir la recherche internationalement ou sauver le business model des grandes maisons d’édition scientifique.

The British Government will promote Open Access but the expensive way (The Guardian, this morning), consequently raising the cost for research funds, hence for researchers, to about 50 millions £ per year, in order to open freely access to scientific publications while preserving the big publishing houses’ profits.

This decision, to be taken later today, which appears at first sight as supportive for a free diffusion of research, could well meet one claim of the Open Access worldwide movement (free access to research output) but could also harm considerably the other (fight escalating publication costs).

Extending this imperfect (perhaps even misleading, since one may see only the bright side) example to the entire European Community could damage university research seriously and perhaps durably, at least for the whole transition period while both systems will coexist before all scientific knowledge will be published directly in « Gold » Open Access journals. At that time, the only cost will be that of editing and publishing on line and will include the peer reviewing process. The hybrid system where universities pay to read AND to publish as well is simply disastrous for our budgets and reduces considerably research funding.

We are here at the core of the dilemma: promote research internationally or spare the big publishing houses’ business model.

Au Chili, le 27 février, le tremblement de terre et le tsunami qui a suivi ont provoqué le désastre que l’on sait dans la région du Biobio: aux dernières nouvelles, environ 500 morts identifiés (probablement beaucoup plus en réalité), un million de bâtiments détruits ou endommagés, d’innombrables écoles, hôpitaux, routes et ponts anéantis. Et peut-être plus encore que par tout ce désastre, nos amis chiliens ont été choqués par les scènes de pillage qui ont déshonoré la ville de Concepción, proche de l’épicentre…

C’est là que se trouve une université avec laquelle nous entretenons des relations de collaboration depuis près de quarante ans. J’ai eu le plaisir de la visiter il y a un peu plus d’un an avec une délégation de l’ULg et de donner une impulsion pour une amplification de notre travail commun. Divers programmes sont venus s’ajouter et commençaient à voir le jour.

Nous n’avons pu reprendre contact avec l’Université de Concepción (UdeC) que jeudi, près de deux semaines après le sinistre, pour découvrir l’ampleur de la catastrophe, comme nous le craignions au vu des reportages provenant de la région. Concepción s’est déplacée de plus de 3 mètres vers l’ouest. L’UdeC a été durement frappée, on y pleure deux étudiants et deux membres du personnel. Ses infrastructures ont été gravement endommagées. La Faculté des Sciences chimiques a entièrement brûlé, celle de Dentisterie est également détruite, la grande Bibliothèque le serait aussi, mais tous les bâtiments ont souffert du séisme à des degrés divers et les dégâts au matériel et aux équipements sont considérables. Le retour à la normale prendra incontestablement très longtemps et coûterait, selon les premières estimations, plus de 50 millions de dollars… Le personnel de l’UdeC reprendra ses activités dès demain, lundi 15 mars et les cours recommenceront en avril, après Pâques.

Là-bas, nos collègues comptent sur nous pour les aider au mieux. Nous tentons actuellement d’évaluer le soutien que nous pourrions leur apporter, en termes de matériel, produits et réactifs perdus en raison de l’absence d’électricité, mais également d’accueil pour les étudiants en cours de doctorat, par exemple. Actuellement, quatre étudiants de l’UdeC ont entamé un doctorat chez nous: trois en Sciences de l’Ingénieur et un en Sciences biomédicales et pharmaceutiques.

Beaucoup de membres de la communauté universitaire liégeoise m’ont sollicité pour savoir ce que l’on pouvait faire. Sans contact depuis deux semaines, il était difficile de se prononcer. Maintenant, les choses deviennent plus claires. Nos collègues chiliens vont nous envoyer des listes de besoins. L’Université du Chili à Santiago, avec laquelle nous avons également des collaborations, a provisionné un fonds de secours qui pourra prendre en charge les frais de transport des produits et leur dédouanement.

De notre côté, le professeur ordinaire émérite Pierre Beckers, un familier de l’UdeC depuis le début des années ’70 et à qui nous avions confié la coordination des collaborations ULg-UdeC, se tient prêt à centraliser nos idées, vos idées, quant au soutien à apporter. Il a accepté d’assurer une mission de l’ULg sur place dès que possible et de présider dès à présent un groupe de travail que nous créons pour gérer cette action. Il peut être contacté à l’adresse suivante: pierre.beckers@ulg.ac.be (copie à cabinet.recteur@ulg.ac.be).
Merci d’avance pour votre mobilisation.

J’étais invité jeudi 1er octobre à la Rentrée Académique de l’Université Jagellone de Cracovie.
Fondée en 1364, c’est une des plus vieilles universités au monde. Elle a certes beaucoup souffert des malheurs de la Pologne et, en particulier, durant les décennies d’après-guerre mais, incontestablement, la reprise est en train de se produire. Les financements européens commencent à abonder et le soutien du gouvernement polonais est manifeste. Occupée à construire son « troisième campus », ultramoderne, elle préserve cependant au mieux ses traditions. La Rentrée était très impressionnante, probablement surtout par le taux de participation de la communauté universitaire, dans laquelle on sent, plus que chez nous, la fierté de l’appartenance.

L’université Jagellone est un des sommets du triangle belgo-suédo-polonais que nous avons décidé de former, réunissant les universités de Liège, d’Uppsala et de Cracovie. Trois cités au passé glorieux. Uppsala et Cracovie sont des anciennes capitales et Liège fut indépendante pendant 800 ans. Toutes trois ont connu un essor particulier lié à la fabrication de l’acier et ont eu à faire face aux difficultés récentes de ce secteur économique. Toute trois ont compris l’importance du rôle de leur université dans le redressement économique régional. Toutes trois ont des interactions internationales importantes.

Uppsala et Cracovie seront dorénavant des partenaires privilégiés de nos relations internationales, au même titre que nos partenaires du réseau Latinus.

Tout le monde sait aujourd’hui que je tiens énormément à ce que les enseignants que l’ULg recrute en son sein ou au dehors aient, au préalable, effectué au moins un séjour de longue durée à l’étranger. C’est presque devenu une plaisanterie…

Ce n’est pourtant pas nouveau. Personne ne peut plus dire « on ne savait pas ». C’était déjà un objectif que nous nous étions fixés, le recteur Legros et moi, dès 1997, comprenant clairement que nous ne pouvions pas parler sérieusement d’internationalisation de l’université sans cela. Evidemment, nous ne disposions d’aucun moyen pour atteindre ce but. En effet, le C.A. ne peut se montrer plus exigeant que la Loi. Or un long séjour à l’étranger n’est pas légalement requis pour accéder à une charge de cours.
On ne peut donc placer l’exigence qu’ensuite, parmi les critères attendus pour une promotion. C’est évidemment trop tard. Lorsqu’une personne se voit confier une charge de cours, on attend d’elle, au moins dans les premières années, qu’elle soit très présente pour accomplir ses missions. C’est avant qu’il faut agir.

J’ai pris l’habitude de rencontrer personnellement les nouveaux chargés de cours qui n’ont pas effectué de long séjour professionnel de recherche à l’étranger. Dans la majorité des cas, s’ils ne l’ont pas fait, ils me confient que c’est parce qu’on ne leur en a pas laissé l’occasion. Les « patrons » semblent considérer que leurs jeunes collaborateurs leur sont plus utiles s’ils restent auprès d’eux, et sacrifient donc leur carrière à des contingences immédiates. Sans doute pensent-ils que cela n’a pas d’importance.

C’est cette indifférence que je souhaite ébranler, en faisant en sorte que chacun prenne conscience que le séjour de longue durée (pour moi, 1 an minimum, mais depuis quelques années, on transige hélas à 6 mois…) à l’étranger n’est en rien remplacé par de nombreux séjours de trois jours ou d’une semaine, ni par la participation à des colloques et des congrès, ni par des collaborations actives avec des équipes étrangères. C’est un état d’esprit, une véritable expérience, une épreuve en quelque sorte.

Croyez-le ou non, je reçois encore des plaidoyers (pas tellement de la part des intéressés, mais plutôt de leurs « patrons » ou de collègues qui soutiennent leur candidature) arguant que dans telle ou telle branche, le séjour à l’étranger ne se justifie pas. Cet argument s’applique généralement aux cas où la matière étudiée est soi-disant locale! Mais le séjour à l’étranger vise à acquérir l’expérience irremplaçable de l’adaptation au travail dans un autre environnement, pas nécessairement à avancer dans la recherche qu’on a réalisée jusque là. A la limite, il vaut même mieux changer de sujet, ne serait-ce que temporairement, pour des raisons évidentes d’élargissement du champ d’expertise et/ou de réflexion.
A côté de cette sotte excuse, on en trouve aussi souvent une autre: « qui va encadrer les stages ou les TP si untel s’en va un an ? » Pire: « Dans notre domaine, la présence ici est indispensable ».
Entendre cela, dans une université comme la nôtre, n’est plus acceptable.

Aussi ai-je demandé au C.A. le 3 juillet de me donner carte blanche pour élaborer un règlement précis sur les exigences s’appliquant à l’accès à une fonction académique, avec pour accord de principe de rendre cette exigence incontournable pour les promotions. Cette nouvelle réglementation sera soumise à un prochain C.A. Et je ne désespère pas d’arriver un jour à placer cette exigence avant la primo-nomination, là où elle doit opérer une sélection.
Aujourd’hui, 45% des nouveaux chargés de cours n’ont jamais séjourné en dehors de l’ULg au moins 6 mois. C’est trop. Nous devons encourager les séjours post-doctoraux à tout prix.

La mobilité et l’internationalisation sont des notions qui focalisent actuellement les objectifs des universités du monde entier. Et elles entraînent, sans surprise, beaucoup de confusions et de malentendus. En particulier, l’internationalisation évoque, chez beaucoup de gens, l’idée de l’exportation commerciale des formations universitaires vers des pays demandeurs, non seulement pour asseoir la renommée de l’institution, mais surtout pour en tirer un profit considérable sur le plan financier. Voilà pourquoi, dans les slogans de la contestation étudiante, on trouve mélangés les termes d’internationalisation, de globalisation et de mondialisation, dans ce qu’ils ont de plus menaçant. Je comprends cette inquiétude, mais il est important de préciser encore une fois que lorsqu’on parle d’internationalisation à l’ULg, on évoque simplement les relations internationales, qui sont une enrichissement intellectuel et culturel majeur, indispensable dans une université aujourd’hui comme hier et de tout temps. L’ULg a conduit, sans grande coordination, différents programmes d’enseignement dans divers pays du monde, à l’initiative de professeurs ou de départements, sans le moindre esprit de lucre, mais dans le seul but de contribuer au développement et à la coopération internationale. Aujourd’hui, cet esprit se fédère et commence à se coordonner dans le cadre de LUIS (Liège University International School). Ce projet concrétise de nombreuses actions (Vietnam, Equateur, Tunisie, RDC) qui ont permis la mise en place de cursus d’études conjoints, dont plusieurs formations de master, sans autre but que de contribuer à l’essor d’institutions amies et comme seuls retours une ouverture agrandie sur le monde de certains de nos enseignants ainsi qu’un respect et une fidélité envers notre université sur d’autres continents.

Bien sûr, LUIS n’est pas, dans un premier temps, un moteur de mobilité étudiante, mais bien une opportunité de mobilité professorale.
Notre ambition est plus réaliste en matière de mobilité étudiante. Elle s’est certes développée par le programme Erasmus/Socrates, par les réseaux d’échange auxquels nous appartenons en Europe, ainsi qu’au travers de nos relations internationales à plus longue distance et là, bien évidemment, les échanges restent l’affaire d’un petit nombre, peu significatif en regard de la volonté institutionnelle de mobilité extensive.

Il est donc normal de se tourner vers les universités géographiquement proches, à commencer par celles des régions frontalières.
Nous appartenons à deux ensembles politiques établis:
- l’ « Euregio Meuse-Rhin » comprenant les provinces de Liège, du Limbourg belge et du Limbourg hollandais ainsi que du land de Rhénanie du Nord-Westphalie,
- la « Grande Région » comprenant , la Lorraine, le Grand-Duché de Luxembourg, les länder de Sarre et de Rhénanie-Palatinat ainsi que la Région Wallonne/Communauté française/Communauté germanophone.

Au sein de l’Euregio Meuse-Rhin, on trouve le consortium d’universités « ALMA » (Aachen, Liège, Maastricht, Hasselt).
Au sein de la Grande Région, on trouve le consortium de la « Charte universitaire de la Grande Région » (Liège, Luxembourg, Metz, Nancy 1, 2 & 3, Saarbrücken, Kaiserslautern et Trêves, universités auxquelles il faut ajouter diverses hautes/grandes écoles, 13 établissements d’enseignement supérieur en tout).

Au sein de la Charte, à la présidence de laquelle j’ai été installé vendredi, les 7 universités partenaires ont obtenu un financement européen visant à mettre en place « l’Université de la Grande Région » (UGR), un rassemblement virtuel des 7 partenaires en une seule université, dans un effort de mobilité entre les différents sites et de visibilité par la complémentarité.

Dans ces ensembles, il est évident que la proximité relative permet d’envisager une mobilité à coût réduit et c’est bien cela l’idée, mais il ne faut pas se cacher que les coûts de la mobilité, même dans ce contexte restreint, sont énormes pour la plupart des familles de nos étudiants.
Lorsqu’on écoute le mouvement étudiant « Respact » pour un allégement des coûts des études (ils demandent même la gratuité, sur base du pacte de New York en 1966), on se rend compte que même les minervals pratiqués dans nos pays (et particulièrement bas en Belgique) sont encore trop élevés et constituent encore un motif d’éloignement des études supérieures, on comprend que le coût additionnel d’une mobilité, même dans un rayon limité, soit rébarbatif.

C’était l’objet des manifestations de Louvain (qui faisait l’objet d’un encadrement musclé par les forces de l’ordre) lors du sommet des ministres de l’enseignement supérieur des pays signataires du processus de Bologne

ou plus bon-enfant à Saarbrücken lors du lancement de l’UGR.

Il est dommage d’entendre alors que les revendications ne se limitent pas à une demande de réduction des coûts, mais qu’elles jettent le bébé avec l’eau du bain et dénoncent toute velléité de mobilité, un discours terriblement rétrograde que j’avais déjà entendu clamer à Barcelone l’an dernier: « A quoi bon la connaissance des langues et des autres pays? Nous voulons des études chez nous et un boulot chez nous ensuite. »

Si nous voulons que nos étudiants, au moins à un moment de leur parcours, s’aèrent l’esprit et se l’ouvrent au monde, il faut abolir ces confusions. Il faut éviter qu’ils ne considèrent la mobilité comme un privilège réservé aux nantis et que cela n’entraîne chez eux un rejet du concept-même des études réalisées partiellement à l’étranger.

Pour cela, on ne peut compter sur le porte-monnaie des familles ni sur les faibles moyens des universités (la nôtre consacre toutefois un budget d’un million d’€ à la mobilité sous tous ses aspects, doublant ainsi les moyens mis à sa disposition à cet effet). On doit pouvoir attendre de la Communauté française un support massif à ce qu’elle devrait considérer comme un atout majeur à accorder à ses jeunes. Il ne suffit pas que les institutions comprennent, que les enseignants comprennent, que les étudiants comprennent, il faut aussi que les autorités politiques comprennent qu’il n’en va pas seulement de l’intérêt des uns ou des autres, mais aussi de l’intérêt général pour la Communauté. En passant d’une aide de 70 K€ en 2007 à 1 million en 2008 et 1,7 millions en 2009, le Gouvernement a montré qu’il progressait, mais on voit aisément qu’on n’en est pas encore à un ordre de grandeur qui puisse rassurer les étudiants sur la levée de cet obstacle financier.

Appel au prochain gouvernement de la CFB et à son ministre de l’enseignement supérieur: reprenez le flambeau, il reste un gros effort à faire…

Discours d’accueil de la séance de remise des insignes de docteur honoris causa de l’ULg ce 26 mars 2009

La longue tradition des doctorats honoris causa se perpétue aujourd’hui, comme chaque année. C’est le moment où l’Université marque une pause dans la vie trépidante qui lui est trop lourdement imposée. Elle s’arrête quelques instants de courir après les contrats, les conventions, les financements, les crédits, les subventions. Elle s’arrête quelques instants de courir pour attirer plus d’étudiants, puis pour arriver à les encadrer efficacement, pour améliorer ses méthodes pédagogiques, pour faire vivre son campus et l’animer, pour trouver de l’espace en ville et l’aménager, pour résoudre ses problèmes asphyxiants de mobilité. Elle s’arrête quelques instants de courir pour produire des publications, pour être présente dans le reste du monde, rivaliser ou coopérer avec ses sœurs universités voisines et lointaines. Elle s’arrête quelques instants de courir pour valoriser ses recherches, prendre des brevets, concéder des licences, créer des spin-offs. Elle s’arrête quelques instants de courir en essayant de comprendre le paysage de l’enseignement supérieur dont elle fait partie dans sa région, sa communauté, l’Europe et le vaste monde, comme on essaie de comprendre sa planète, son système solaire et sa galaxie, voire ce qui existe au delà, jusqu’au grand commencement, en se demandant ce que celà même veut dire…

Elle s’arrête quelques instants de courir et se pose une vraie bonne question: «pour quoi faire?».
Et la meilleure réponse lui vient des autres, de ceux-là qui nous donnent au moins l’illusion que là où ils travaillent, les choses sont différentes. Ce n’est qu’une illusion, bien sûr, la vie est trépidante partout, mais lorsqu’on se penche sur la beauté de l’œuvre de nos collègues lointains, il n’y paraît pas. C’est certainement l’impression qu’ils ont, eux aussi, à notre égard, et c’est une partie importante du caractère fondamental de la cérémonie d’aujourd’hui: le regard vers les autres, dans un moment de calme et de sérénité.

En effet, le chercheur, comme l’artisan — et sans doute comme tout le monde — a besoin de maîtres, d’exemples et de repères. Il a besoin de personnalités qui lui servent de référence, de balise, de guide d’une certaine façon. Il est facile de se considérer soi-même comme excellent, mais il faut savoir se confronter à deux mesures essentielles : le jugement par ses pairs et la recherche de l’exemple. La première, on l’affronte lorsqu’on décide de publier ses travaux, la seconde, lorsqu’on s’inspire de ceux des autres. Et de cette deuxième mesure naît quelquefois l’admiration, celle-là même qui se traduit un jour par le bonheur d’inviter son modèle et de le faire adopter comme un des siens par sa communauté académique tout entière, puisque le corps académique nomme les docteurs honoris causa à l’exigeante majorité des 2/3. L’acceptation par le lauréat est, elle aussi, une épreuve à franchir, puisqu’elle implique qu’il accepte de faire désormais partie de l’université qui l’accueille et d’en devenir membre d’honneur.

Décerner ainsi ce diplôme à une personnalité de grand calibre consiste à l’honorer, c’est évident, et c’est ce que nos docteurs honoris causa ne manquent jamais de nous dire, mais nous devons avant tout retenir que ce sont eux qui nous honorent et que nous en tirons fierté.

C’est pourquoi je me réjouis aujourd’hui d’accueillir nos hôtes et je demanderai, dans quelques instants, à leurs «parrains» liégeois de les présenter et donc de tenter l’impossible : expliquer, en quelques mots et de manière compréhensible pour tous, les qualités et les accomplissements de nos lauréats de ce jour.

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