La mobilité et l’internationalisation sont des notions qui focalisent actuellement les objectifs des universités du monde entier. Et elles entraînent, sans surprise, beaucoup de confusions et de malentendus. En particulier, l’internationalisation évoque, chez beaucoup de gens, l’idée de l’exportation commerciale des formations universitaires vers des pays demandeurs, non seulement pour asseoir la renommée de l’institution, mais surtout pour en tirer un profit considérable sur le plan financier. Voilà pourquoi, dans les slogans de la contestation étudiante, on trouve mélangés les termes d’internationalisation, de globalisation et de mondialisation, dans ce qu’ils ont de plus menaçant. Je comprends cette inquiétude, mais il est important de préciser encore une fois que lorsqu’on parle d’internationalisation à l’ULg, on évoque simplement les relations internationales, qui sont une enrichissement intellectuel et culturel majeur, indispensable dans une université aujourd’hui comme hier et de tout temps. L’ULg a conduit, sans grande coordination, différents programmes d’enseignement dans divers pays du monde, à l’initiative de professeurs ou de départements, sans le moindre esprit de lucre, mais dans le seul but de contribuer au développement et à la coopération internationale. Aujourd’hui, cet esprit se fédère et commence à se coordonner dans le cadre de LUIS (Liège University International School). Ce projet concrétise de nombreuses actions (Vietnam, Equateur, Tunisie, RDC) qui ont permis la mise en place de cursus d’études conjoints, dont plusieurs formations de master, sans autre but que de contribuer à l’essor d’institutions amies et comme seuls retours une ouverture agrandie sur le monde de certains de nos enseignants ainsi qu’un respect et une fidélité envers notre université sur d’autres continents.
Bien sûr, LUIS n’est pas, dans un premier temps, un moteur de mobilité étudiante, mais bien une opportunité de mobilité professorale.
Notre ambition est plus réaliste en matière de mobilité étudiante. Elle s’est certes développée par le programme Erasmus/Socrates, par les réseaux d’échange auxquels nous appartenons en Europe, ainsi qu’au travers de nos relations internationales à plus longue distance et là, bien évidemment, les échanges restent l’affaire d’un petit nombre, peu significatif en regard de la volonté institutionnelle de mobilité extensive.
Il est donc normal de se tourner vers les universités géographiquement proches, à commencer par celles des régions frontalières.
Nous appartenons à deux ensembles politiques établis:
- l’ « Euregio Meuse-Rhin » comprenant les provinces de Liège, du Limbourg belge et du Limbourg hollandais ainsi que du land de Rhénanie du Nord-Westphalie,
- la « Grande Région » comprenant , la Lorraine, le Grand-Duché de Luxembourg, les länder de Sarre et de Rhénanie-Palatinat ainsi que la Région Wallonne/Communauté française/Communauté germanophone.
Au sein de l’Euregio Meuse-Rhin, on trouve le consortium d’universités « ALMA » (Aachen, Liège, Maastricht, Hasselt).
Au sein de la Grande Région, on trouve le consortium de la « Charte universitaire de la Grande Région » (Liège, Luxembourg, Metz, Nancy 1, 2 & 3, Saarbrücken, Kaiserslautern et Trêves, universités auxquelles il faut ajouter diverses hautes/grandes écoles, 13 établissements d’enseignement supérieur en tout).
Au sein de la Charte, à la présidence de laquelle j’ai été installé vendredi, les 7 universités partenaires ont obtenu un financement européen visant à mettre en place « l’Université de la Grande Région » (UGR), un rassemblement virtuel des 7 partenaires en une seule université, dans un effort de mobilité entre les différents sites et de visibilité par la complémentarité.
Dans ces ensembles, il est évident que la proximité relative permet d’envisager une mobilité à coût réduit et c’est bien cela l’idée, mais il ne faut pas se cacher que les coûts de la mobilité, même dans ce contexte restreint, sont énormes pour la plupart des familles de nos étudiants.
Lorsqu’on écoute le mouvement étudiant « Respact » pour un allégement des coûts des études (ils demandent même la gratuité, sur base du pacte de New York en 1966), on se rend compte que même les minervals pratiqués dans nos pays (et particulièrement bas en Belgique) sont encore trop élevés et constituent encore un motif d’éloignement des études supérieures, on comprend que le coût additionnel d’une mobilité, même dans un rayon limité, soit rébarbatif.
C’était l’objet des manifestations de Louvain (qui faisait l’objet d’un encadrement musclé par les forces de l’ordre) lors du sommet des ministres de l’enseignement supérieur des pays signataires du processus de Bologne
ou plus bon-enfant à Saarbrücken lors du lancement de l’UGR.
Il est dommage d’entendre alors que les revendications ne se limitent pas à une demande de réduction des coûts, mais qu’elles jettent le bébé avec l’eau du bain et dénoncent toute velléité de mobilité, un discours terriblement rétrograde que j’avais déjà entendu clamer à Barcelone l’an dernier: « A quoi bon la connaissance des langues et des autres pays? Nous voulons des études chez nous et un boulot chez nous ensuite. »
Si nous voulons que nos étudiants, au moins à un moment de leur parcours, s’aèrent l’esprit et se l’ouvrent au monde, il faut abolir ces confusions. Il faut éviter qu’ils ne considèrent la mobilité comme un privilège réservé aux nantis et que cela n’entraîne chez eux un rejet du concept-même des études réalisées partiellement à l’étranger.
Pour cela, on ne peut compter sur le porte-monnaie des familles ni sur les faibles moyens des universités (la nôtre consacre toutefois un budget d’un million d’€ à la mobilité sous tous ses aspects, doublant ainsi les moyens mis à sa disposition à cet effet). On doit pouvoir attendre de la Communauté française un support massif à ce qu’elle devrait considérer comme un atout majeur à accorder à ses jeunes. Il ne suffit pas que les institutions comprennent, que les enseignants comprennent, que les étudiants comprennent, il faut aussi que les autorités politiques comprennent qu’il n’en va pas seulement de l’intérêt des uns ou des autres, mais aussi de l’intérêt général pour la Communauté. En passant d’une aide de 70 K€ en 2007 à 1 million en 2008 et 1,7 millions en 2009, le Gouvernement a montré qu’il progressait, mais on voit aisément qu’on n’en est pas encore à un ordre de grandeur qui puisse rassurer les étudiants sur la levée de cet obstacle financier.
Appel au prochain gouvernement de la CFB et à son ministre de l’enseignement supérieur: reprenez le flambeau, il reste un gros effort à faire…