Le magazine Science & Avenir, en juin dernier, se penchait sur le problème de l’évaluation de la recherche et des chercheurs au moyen du facteur d’impact. En effet, le CNRS a maintenant demandé à ses chercheurs de fournir une évaluation de la qualité leur recherche au moyen du facteur d’impact (F.I.) des journaux scientifiques, à savoir:

nombre de fois qu’un des articles parus pendant les 2 dernières années dans le journal est cité durant l’année en cours / nombre d’articles publiés par le journal durant les 2 dernières années

mais sous une variante qui s’applique directement au chercheur:

nombre d’articles ayant cité un article du chercheur / nombre d’articles que ce chercheur a publiés.

Par extension, cette mesure peut également s’appliquer à une équipe de recherche, à un laboratoire, à un institut et, pourquoi pas, à une université, une région, un pays, etc., remplacez simplement le terme « le chercheur » par ces autres entités.

Le simplisme de cette exigence soudaine mais, il faut bien le dire, attendue tôt ou tard, suscite chez les chercheurs français une vive polémique, en raison de l’inadéquation ou, à tout le moins, du caractère très indirect de l’utilisation du F.I. pour une mesure de la qualité d’une recherche. Il y a 30 ou 40 ans, faute de mieux, certains s’en contentaient. Mais aujourd’hui, les conséquences des évaluations deviennent tellement majeures pour le chercheur et son équipe, leur financement et la pérennité de leur recherche, qu’on ne peut plus se contenter de raisonnements aussi approximatifs.

Le F.I. d’un journal n’intéresse en principe que l’éditeur du journal. Il indique l’impact du journal sur le « monde du savoir ».
Encore faut-il que le numérateur de la formule (« nombre de citations ») soit significatif par l’exhaustivité du « monde du savoir » examiné à ce propos. Or il est évident que, pour ce qui concerne le F.I. (le plus connu est répertorié par Thomson Scientific), le « monde du savoir » est loin d’être couvert par la liste des journaux où les citations sont détectées. En particulier, le biais en faveur des publications anglophones, et surtout de celles qui émanent des Etats-Unis d’Amérique, est considérable. Première approximation grossière, donc.

Par ailleurs, juger un chercheur sur la base de la moyenne des indices d’impact des journaux où il publie (et additionner les valeurs pour chacun de ses articles) ne donne en réalité qu’une idée très fausse de la valeur du chercheur. Deuxième approximation grossière.

Juger de la valeur d’un chercheur par l’impact de ses travaux personnels sur le « monde du savoir » nous rapproche déjà d’une certaine vérité. Et comment juger de cet impact si ce n’est par la fréquence de ses citations dans la littérature scientifique? L’on sait cependant que les citations ont une composante aléatoire, qu’elles dépendent de la qualité de l’analyse faite par d’autres, que les idées et concepts se transmettent et qu’ainsi la paternité peut se transformer rapidement en grand-paternité, voire au delà et disparaître dans l’oubli. On sait aussi que de nombreux éléments peuvent contribuer à la notoriété d’un chercheur et qu’il peut sembler avantageux de citer un « opinion leader » à l’appui de sa propre thèse plutôt qu’un inconnu. Enfin, on comprendra aisément que, si la citation devient le must, il est possible de se livrer à une « ingéniérie » de la citation, même en évitant l’auto-citation. Troisième approximation grossière.

Enfin, on ne peut éluder la question du domaine du savoir dans lequel le chercheur travaille. Il peut y avoir une variation de 1 à 100 entre les pratiques de citation selon les domaines ou entre le nombre de journaux relevant d’un domaine. Certains domaines requièrent la publication de livres et beaucoup moins d’articles dans des périodiques. D’autres domaines encore font appel à des véhicules différents pour la transmission du savoir (cartes, plans, etc). Enfin, quelle que soit l’utilité d’une recherche, elle n’aboutit pas toujours, et parfois rarement, à des publications d’intérêt universel méritant une diffusion internationale. Quatrième approximation grossière.

Trop d’approximations grossières privent tout calcul de sa validité.

Il est impératif d’élaborer des systèmes d’évaluation plus précis, plus représentatifs de la vraie utilité d’un chercheur pour le bien général. On pourra (et il faut y contribuer d’urgence) améliorer les systèmes de mesure qui sont disponibles ou qui sont en train de le devenir. L’intensification et la généralisation de plus en plus grande des processus d’évaluation nous conduit à trouver des algorithmes performants et rapides. Tant mieux. Mais il faut se faire une raison: on n’échappera jamais au surcroît de travail qu’entraîne l’examen approfondi des travaux d’un chercheur ni au temps nécessaire pour l’étude minutieuse de l’influence qu’il peut avoir sur la collectivité, à différents niveaux d’échelle.

J’ai souvent fustigé la pratique qui consiste à résumer quelque chose d’aussi complexe qu’une université par un seul chiffre, comme on le fait dans les « rankings ». Est-il plus raisonnable, même si l’on se situe un ordre de grandeur au-dessous, de réduire les mérites d’un chercheur, avec ses qualités et ses spécificités, à un seul chiffre…?

Parmi les critiques avancées par les étudiants « reçus-collés », leurs parents et leurs avocats, on relève qu’un étudiant de l’ULg serait discriminé par rapport à ceux qui sont en Bac1 Médecine dans d’autres institutions parce que là-bas, disent-ils, comme toutes les attestations ne sont pas distribuées en juin, il reste des « chances » d’être sélectionné en septembre. Un étudiant aurait donc, dans ces autres institutions, deux chances de réussir le concours et à Liège, une seule.

Tentant comme raisonnement, mais spécieux. Ce qui importe, ce sont les chances de réussite de l’étudiant inscrit au Bac1. Tous les encadrants de Bac1 Médecine se dépensent sans compter depuis des années pour amener les étudiants à la réussite, avec ou sans numerus clausus. Nous avons recruté deux « logisticiens d’enseignement » complémentaires pour encadrer les Bac1 en Médecine et en Sciences dentaires. Le module « Apprentissage de la démarche scientifique » a mobilisé énormément de monde, dont des chercheurs du FNRS dans le cadre des prestations qu’ils sont autorisés à effectuer. Le résultat est qu’une proportion importante de ceux qui réussissent le font dès la 1è session. De plus, les professeurs les encouragent vivement à ne pas scinder leur session en deux mais à faire l’effort de tout présenter dès la 1è session. Et ça marche! Il n’y a rien à redire à cela.

Il est donc, dans ce contexte polémique, intéressant de retourner aux chiffres des années précédentes pour vérifier si l’accusation qui nous est faite a bien pour corollaire d’également nous accuser d’être devenus plus laxistes afin de nous débarrasser dès la 1è session du problème des habilitations et du concours, ce que nous récusons catégoriquement.

En effet, observons les chiffres repris dans le graphique ci-dessous qui concerne uniquement l’ULg.

En reprenant les 10 années qui précèdent celle-ci, on remonte exactement à 1997-98, année académique de l’instauration du numerus clausus communautaire (CFB) en réponse au numerus clausus fédéral limitant à partir de 2004, l’accès des diplômés médecins à un numéro de l’INAMI, source de toute la problématique.

Pour plus de clarté, le graphique dégage 3 périodes-clé:

- Période I : le contingentement dans les universités est imposé par le gouvernement de la CFB. La sélection est établie sur l’ensemble des résultats des 3 premières années, y compris des activités dites « spécifiques ». On a pu montrer que le résultat de cette sélection était prévisible à 90% par celui des examens partiels de janvier en 1ère candidature!

- Période II : face au caractère inacceptable de ce procédé (où les étudiants peuvent réussir 3 années et se retrouver à la case départ, donc 3 années réussies mais totalement perdues), la Ministre F. Dupuis abolit toute sélection. Les étudiants qui s’inscrivent durant cette période pourront donc accomplir des études de médecine et en obtenir le diplôme, mais, si le verrou fédéral demeure inchangé, ils n’auront pas nécessairement l’autorisation de prescrire des soins, ce qui limitera considérablement leur choix professionnel et les contraindra à exercer la médecine à l’étranger ou les confinera dans des domaines « non-prescripteurs » (médecine d’entreprise, du travail, etc.).
Comme la Ministre prend cette décision dans le courant de l’année académique 2002-2003, les étudiants inscrits en 2000 n’ont appris qu’ils échappaient à toute sélection par concours qu’en fin de 3è candidature. C’est pourquoi la période III est subdivisée en une sous-période IIa (les étudiants s’inscrivent en croyant qu’il y aura sélection en fin de 3è) et une sous-période IIb (les étudiants qui s’inscrivent en 2003 et en 2004 savent d’emblée qu’ils ne subiront pas de sélection). Tous les étudiants inscrits durant la période II (a et b) savent qu’en fin de compte, ils auront à faire face à une compétition en vue de l’obtention d’un numéro INAMI. Certain d’entre eux constituent, sans le savoir de manière sûre, la cohorte dite « des surnuméraires« .

- Période III : La Ministre M-D. Simonet instaure un concours en fin de première année, qui s’applique aux étudiants inscrits à partir de 2005. Elle prévoit aussi un système de réorientation des étudiants vers le 2è bac d’autres filières, permettant ainsi de valoriser leur réussite au cas où ils ne seraient pas « classés en ordre utile » bien qu’ayant réussi leur année à 60 crédits. Pour l’ULg, le décret prévoit 90 attestations de réussite du concours par an (petit trait noir horizontal). Cette mesure s’appliquera en 2006 et en 2007. Logiquement, elle devait s’appliquer en 2008 également, comme les années suivantes. L’intervention des partis politiques au gouvernement a dégagé 100 attestations supplémentaires en 2008 et 100 en 2009, soit 22 pour l’ULg, amenant la barre fatidique à 112.

Avant 1997 (donc en dehors de tout contingentement à l’université), le pourcentage de réussite (graphique violet) oscillait entre 40 et 45%, pour 300 à 350 inscrits (graphique bleu), sauf les 2 dernières années, quand la menace du numerus clausus de l’INAMI commence à décourager les vocations, où on descend à 250.
Depuis 1997, on discerne 2 périodes. La première jusqu’en 2003-2004, où le nombre d’inscrits est assez stable (autour de 200) et où le taux de réussite varie entre 35 et 55% selon les années, sans corrélation claire avec un « effet numerus clausus« . A partir de 2004-2005, le nombre d’inscrits en 1er Bac augmente fortement et régulièrement chaque année, pour doubler et atteindre 400 cette année-ci. Il est difficile de donner une interprétation à ce nouvel engouement, d’autant que cette période correspond pratiquement à celle du numerus clausus en fin de 1è année et qu’on aurait pu s’attendre à une diminution du type de celle qu’on avait constatée lors de l’imposition du numerus clausus en fin de 3ème.

Il ressort clairement des statistiques que, certes, il y a une chute, une stabilisation puis une augmentation significative du nombre absolu de réussites (graphique vert), mais parmi une population qui évolue proportionnellement (graphique bleu). Le pourcentage de réussite n’a donc pas réellement varié (graphique violet), à part une poussée pendant la période sans contingentement, justement. Doit-on y voir un effet positif de l’absence de compétition outrancière que l’on connait en période de limitation? Ne peut-on pas imaginer que l’entraide a remplacé la rivalité, et qu’au total, les choses se passent mieux pour un plus grand nombre…?

Autre observation intéressante: pas d’augmentation du pourcentage de réussite durant les années « Simonet » (2006, 2007), au contraire, il est descendu à 40% (réussites cumulées en 1ère et en 2ème session, graphique violet). Par contre, en première session, le taux de réussite à l’ULg n’a fait qu’augmenter depuis 2004 (graphique rouge). La proportion de ceux qui réussissent en 1ère session est très grande (84% des réussites de l’année en 2005-6 et 86% en 2006-7), preuve que la préparation est excellente pour un passage en juin. La proportion de réussites en septembre est, par conséquent, faible. Le pourcentage cumulé (1è + 2è session) est à son niveau le plus bas depuis 16 ans, à 2 exceptions près (en 1996 et en 2001), ce qui démontre que le Bac 1 Médecine n’est pas devenu plus facile à Liège. Les autres institutions, qui ont en 1ère session un nombre moindre de réussites que celui des habilitations auxquelles elles ont droit, ont forcément un taux de réussite inférieur, dans certains cas de l’ordre de 15%. On en pense ce qu’on veut, mais il ne faut sûrement pas en inférer une diminution des chances à l’ULg, mais plutôt une augmentation des chances de réussir en 1è session. Le laxisme dont certains nous accusent n’est pas fondé, les chiffres le démontrent. Il serait très intéressant de confronter ces données à celles des 4 autres institutions.

Maintenant, cela suffit !

Quoi qu’il en soit, toutes ces polémiques autour du numerus clausus m’exaspèrent, je ne vous le cache pas. J’ai dit et redit depuis deux ans que j’étais, tout comme mon prédécesseur, adversaire du concours et de ses répercussions absurdes (en bref, le plus grave: on « casse » de l’étudiant qui a pourtant réussi, et le plus absurde: on aggrave la pénurie médicale). Je relance donc un appel au gouvernement fédéral pour qu’il réexamine ses prévisions et, par conséquent, le contingentement qu’il impose, le plus rapidement possible. Et qu’au moins, si les quotas fédéraux n’entraînent pas de pénurie, que cela soit objectivement démontré, dans la mesure du possible.

Dans nos universités, pendant combien de temps encore allons-nous continuer à ajourner des étudiants qui ont réussi ? Pour les professeurs et leurs équipes d’encadrants, cette situation, qui serait burlesque si elle n’était tragique, devient intenable.

Les Doyens des facultés de Médecine ont très pragmatiquement proposé une solution « de moindre mal »: un examen d’entrée, comme il en existe un chez les ingénieurs. J’y étais personnellement favorable, comme les représentants présents de l’enseignement secondaire, même si tous mes collègues recteurs n’étaient pas de cet avis.
Dans les circonstances actuelles, j’y reviens.

De tout temps, chez les ingénieurs, un tel examen n’a choqué personne. On en connaît la difficulté, on s’y prépare si on en a le courage, voilà tout. Et il vaut mieux savoir tout de suite si on fera ces études-là ou non. Si on y tient, on recommence (il y a une 2è session et on peut recommencer un an plus tard si on persévère). Rien de scandaleux en cela.
De plus, les Doyens des facultés de Médecine proposent que l’examen soit communautaire, donc identique pour toute la CFB.

Quels sont les arguments qu’on oppose à cette proposition?
- « C’est antisocial ». Dites-moi en quoi la possibilité financière dont peuvent disposer certains de perdre un an (ou 3 ans ou 7 ans) est sociale?
- « C’est le prélude à une généralisation de l’examen d’entrée à l’Université en général, toutes sections confondues ». Dites-moi pourquoi on ne pourrait justifier que, dans ce cas-ci, il s’agit de donner un visage plus humain à un contingentement qui nous est imposé et assurer qu’il ne s’agit en rien du début d’une mise en application générale. Le Gouvernement de la CFB pourrait être clair à cet égard.
- « Cela va déclencher une compétition entre les établissements d’enseignement secondaire et encourager l’élaboration de classements ». Dites-moi si l’examen d’entrée aux études d’ingénieur a développé ces effets pervers? Certains établissements ont meilleure réputation que d’autres et ce n’est pas un examen d’entrée en Médecine qui va changer les choses. Si un tel esprit se développe, il contribuera à une saine émulation entre établissements. La formation aux études scientifiques s’en trouvera peut-être améliorée. Et peut-être cela poussera-t-il les pouvoirs publics à soutenir plus efficacement les établissements qui en ont le plus besoin.
- « Cela va susciter le bachotage ». Dites-moi qui se plaint de la préparation que certains étudiants s’imposent avant d’affronter l’examen d’entrée des ingénieurs? Par ailleurs, l’examen que nous proposent les Doyens des facultés de Médecine est basé sur des compétences bien plus que sur de la mémorisation. Une préparation aux qualités qu’on attend d’un médecin ne fera de tort à personne.
- « Cela va manquer l’objectif de la sélection, qui est le contingentement strict de la formation médicale ». Dites-moi en quoi l’ouverture des vannes par le gouvernement en juillet 2008, sur un coup de tête, ou plutôt sous le coup de l’émotion, et l’ajout soudain de 200 attestations respecte plus strictement ce contingentement? Le gouvernement fédéral se plaint-il de l’examen d’entrée organisé en communauté flamande? On ne m’ôtera pas de l’esprit qu’on nous a opposé un argument qu’on a ensuite escamoté pour adopter une autre solution.

Je reviens donc avec cette proposition et j’entends la défendre en tout lieu.

On me fera certainement remarquer que je me tire dans le pied, en réduisant par un examen préalable le nombre d’étudiants qui fréquenteront le 1er Bac en Médecine, réduisant ainsi la subvention au nombre d’étudiants qui finance les universités. Je rétorquerai que c’est la même chose pour tous, donc que dans un système de financement en enveloppe fermée, cela importe très peu. D’autre part, ces étudiants se dirigeront vers d’autres formations, ce qui devrait équilibrer les choses. Mais surtout, ils n’auront subi que l’échec d’un examen, pas l’échec d’une année d’études ratée ni, bien pire, l’échec paradoxal d’une année réussie! A côté de ces considérations humaines, celle du financement est bien dérisoire…

Si la solution de l’examen d’entrée est rejetée, il faudra impérativement éviter de se rendormir sur la question et ne pas attendre qu’une nouvelle session d’examens nous réveille, sous peine de toujours réformer sous la pression de l’urgence et d’aboutir à des solutions boîteuses et éphémères, alors que nos étudiants, eux, compromettent leur vie entière. Aucun décideur ou acteur impliqué ne pourra faire l’économie d’une réflexion bien mûrie sur le système à mettre en place. Chacun devra prendre en compte le fait que, comme les Ministres successifs l’ont imposé — à juste titre — aux universités, l’étudiant DOIT connaître les règles du jeu dès le commencement de ses études. C’est ce que nous faisons, mais l’histoire de la dernière décennie montre à suffisance que des éléments extérieurs nous font souvent mentir.

Je suis en vacances, figurez-vous. Ce n’est pas trop tôt et ce n’est pas immérité.
D’autant que les derniers jours ont été bien remplis, non seulement par la myriade de choses à faire et à régler, mais aussi par la charge inattendue de la saga du numerus clausus en Médecine et en Dentisterie.

En effet, suite aux derniers billets de ce blog, les choses se sont encore compliquées.
J’avais rudement critiqué l’attitude de certaines personnalités politiques qui entraient soudain dans un débat difficile, soumettant tout le monde, ministres, professeurs et étudiants à un traitement en chaud-froid peu acceptable. Ce qui me préoccupait surtout, c’était l’incertitude qui continue à planer sur l’élargissement éventuel, d’ici 2014, des quotas d’accès à l’INAMI, c’est-à-dire à la médecine de prescription.

Pour autant que le gouvernement, suivi en cela par le parlement, nous dise: « pas de souci, il y aura d’ici-là, place pour 200 médecins supplémentaires, on va donc attribuer 200 attestations de plus et les étaler sur 2008 et 2009″, nous ne pouvons que nous en réjouir. Ces 200 sont donc répartis entre universités (sur une base qui prête clairement à discussion, mais c’est là un autre débat) et sur deux années. On s’exécute. On re-délibère. A Liège, on prend les 22 auxquels on a droit et on en garde 22 pour 2009. Le monde politique n’aura qu’à expliquer aux étudiants éliminés en 2006 et 2007, ainsi qu’à ceux des années 2010 et suivantes pourquoi le caractère trop étroit du filtre n’a été pris en compte qu’en 2008 et 2009. Personnellement, je ne sais pas comment « ils » vont expliquer cela. Mais ce n’est pas mon problème, c’est le leur.

Vendredi, l’affaire se corsait. Les parents des 14 « reçus-collés » de 2008 non sauvés par le gong communautaire (puisqu’on n’en « sauve » que 22 sur 36) créent un collectif et donnent une conférence de presse. A la RTBF et dans 7 sur 7 on signalait que: « Les étudiants liégeois regrettent également que le Recteur de l’ULg ait refusé d’appliquer la mesure qui permet de décerner en 2008 un maximum de 15% des attestations disponibles en 2009. A Liège, 16 ou 17 étudiants supplémentaires auraient pu être admis. »

Samedi, Le Soir écrivait: « Le collectif adresse un reproche aux autorités de l’ULg. La Communauté française autorise les universités à augmenter leur quota de 15%, à condition de resserrer encore l’étau les années suivantes. Les 14 reçus-collés auraient ainsi pu être sauvés, mais l’ULg s’y refuse. Il paraît que l’ULg l’aurait fait exprès pour provoquer des recours, termine le porte-parole du collectif. C’est bien joué, mais c’est prendre 14 gosses en otage. »

Je comprends la déception des parents et je la partage. Mais j’ai quelques remarques:

1. Ces étudiants ne sont plus des « gosses ». Nous, nous ne les considérons pas comme cela. Ils ont, pour la plupart, au moins 19 ans, ils ont le droit de vote, ils sont adultes (Il nous est même interdit, vu leur situation d’adultes, de communiquer leurs résultats ou toute information à leur sujet aux parents, c’est tout dire!)

2. Une saine gestion de cet imbroglio ridicule et sans précédent, ne consiste pas, à mon avis, à jouer à « sauve qui peut », ni même à emmagasiner un maximum d’attestations en jouant au poker et en prévoyant que tout le système s’effondrera sûrement d’ici l’année prochaine. Une saine gestion consiste à dire: soyons heureux de prendre le supplément des 22 accordés à ULg cette année et gardons les 22 autres pour 2009. Ne puisons pas dans les 16 que nous pourrions prendre (mais que rien ne nous oblige à prendre), cela ne nous en laisserait que 6 pour l’an prochain, au lieu de 22, et ce serait injuste, voire même, dans ce cas-là je pense, attaquable. Car dites-moi, comment expliquerions-nous alors au probable futur collectif des parents de reçus-collés s’étalant du 97è au 112è en juillet 2009, que les attestations de leurs enfants ont été données à des étudiants de l’année précédente classés du 113è au 126è rang ? En quoi le 126è classé de 2008 est-il meilleur que le 96è de 2009 ?

Il n’y a donc pas d’autre solution que celle qui a été choisie par le jury du 1er Bac en Médecine à l’ULg, en toute souveraineté comme il se doit (il s’agit ici d’une prérogative absolue du jury d’examens, contrairement à ce que certains croient, nullement du recteur ou de quiconque d’autre!). Je trouve cette décision d’une sagesse extrême et j’admire le jury pour le sang froid qu’il a su garder face à une situation invraisemblable où on lui a fait faire des choses et leur contraire en quelques jours de temps.

Quand au Collectif de parents, j’en comprends l’émoi, la colère même, mais en s’attaquant au Recteur de l’ULg, ils se trompent de cible. Affirmer « que l’ULg l’aurait fait exprès pour provoquer des recours » témoigne d’une désinformation consternante. Jamais l’ULg n’a voulu, ni ne voudra faire passer un message sur le dos de ses étudiants. Ce n’est pas notre genre. Je le répète inlassablement: il fallait répartir « l’aubaine » sur les deux années, le jury a décidé de le faire et il a bien fait.

Comme je l’ai dit et redit, la vraie cible c’est le contingentement de l’accès à la profession. En attaquant la Communauté ou même l’Université, les parents concernés ne font qu’essayer de faire grimper leurs « gosses » dans des canots de sauvetage improvisés et fragiles, probablement en risquant de pousser des condisciples (de cette année, mais surtout de l’an prochain) par dessus bord. C’est un réflexe compréhensible et humain. Mais le capitaine, lui, doit organiser le sauvetage de la façon la plus juste et, dans un naufrage, il n’y a rien de vraiment juste.

Le « repêchage » des « reçus-collés » a donc bien eu lieu.
Qu’on ne s’y méprenne pas: j’en suis ravi.

Suite à mon intervention sur ce blog le 13 juillet dernier, dont la presse n’avait, assez logiquement, repris que des extraits, en particulier les phrases-choc, j’ai reçu des messages indignés de plusieurs personnes, dont certaines personnalités politiques de premier plan, qui n’avaient pas lu le blog mais plutôt la presse, et qui m’exhortaient à jouer mon rôle de recteur et à abandonner la défense du numerus clausus.

Je le dis une fois encore: je déteste le numerus clausus. Il heurte chacune de mes fibres d’universitaire. Nous sommes là pour accueillir à l’université tous ceux qui ont la capacité d’y accomplir les études de leur choix et les y aider.

Nous mettons en application les mesures qui nous sont imposées par notre gouvernement, qu’elles nous plaisent ou non. Ma réaction un peu vive tenait, non pas à mon approbation d’un contingentement en médecine, mais à ma désapprobation de décisions prises sous l’emprise d’une émotion curieusement tardive et contrastant violemment avec les directives qui nous étaient données jusqu’alors. Mon message était: « les professeurs d’université et tout le personnel d’encadrement des étudiants sont des gens sérieux et respectables, pas des marionnettes. Leur demander d’expliquer et de mettre en application des mesures qui n’ont pas leur entière approbation n’est déjà pas drôle. Leur faire faire marche arrière ensuite et leur demander de changer les règles du « jeu » en cours de route n’est pas décent ». Voilà tout.

Maintenant, comme annoncé, les règles ont effectivement été changées en cours de route. Après la délibération et la proclamation. Après le choc.

Il est certes normal qu’on s’y conforme. Cependant, pour la première fois de notre vie d’enseignants universitaires, nous devons re-délibérer et re-proclamer. Au passage, je fais remarquer le caractère historique et, pour tout dire choquant, de la mesure. Depuis toujours et jusqu’aujourd’hui, la chose délibérée était comme la chose jugée. Définitive. Et elle était indépendante de toute influence, même politique.
Maintenant, elle ne l’est plus. Dont acte.

Il a donc été décidé (Arrêté du 22 juillet, paru au moniteur ce 25 juillet) que 100 attestations supplémentaires seraient accordées cette année et 100 autres en 2009. Tant mieux. Personnellement, je m’en réjouis. Je crois que c’est une bonne chose, à condition que les présidents de partis et le gouvernement de la CFB continuent, comme promis dans l’Arrêté, à faire pression sur le gouvernement fédéral pour défendre l’idée que la médecine est actuellement en grave état de pénurie. Et qu’on ouvre les vannes en aval, à savoir lors de l’accession à la profession. Alors le lâchage des vannes en amont (fin de premier bac) prendra du sens.

L’Arrêté prévoit que les universités peuvent se partager les 100 attestations. Pour l’ULg, il y en aura 22 (et 22 l’an prochain). Le jury de 1er Bac en Médecine a donc, ce vendredi, re-délibéré, et attribué les attestations aux 22 suivants dans la liste des « reçus-collés », par ordre de résultats. Malheureusement, cette procédure en laisse encore une quinzaine « sur le carreau », sans compter ceux qui réussiront leurs examens en septembre et qui seront dans les conditions pour être « reçus » mais néanmoins « collés ».

L’Arrêté laissait une ouverture à cet égard, sans toutefois l’imposer: attribuer en 2008 un maximum de 15% des attestations disponibles en 2009. Etrange suggestion qui laisserait supposer qu’un étudiant de 2008 vaut plus qu’un étudiant de 2009… Pour l’ULg: 112 x 0,15 = 16,8, soit 16 ou 17 attestations (selon l’arrondi) à prélever sur les 112 de 2009. Il en resterait donc 96 ou 95 à attribuer l’an prochain. Cette solution, pour tentante qu’elle soit dans l’instant, serait inexplicable dans un an. S’en servir serait irresponsable par rapport aux étudiants de l’an prochain. C’est exactement le raisonnement qu’a judicieusement tenu le jury de 1er Bac en médecine à l’ULg, avec mon plein accord et celui du Doyen.

Envisageons le côté franchement positif des choses et réjouissons-nous: 22 « reçus-collés » viennent d’échapper à un couperet de l’utilité duquel on ne finira jamais de débattre. C’est une excellente nouvelle.

A chaque année suffit sa peine…

En 2008, quand on fait partie des élus de la Fédé (Fédération des étudiants de l’ULg) et qu’on a une question à poser, on ne perd pas son temps à s’informer, par exemple auprès de son recteur. Ca risquerait d’ôter tout le fun. Non, on envoie un communiqué à Belga. Beaucoup plus drôle.
Pourtant, si on s’était un peu renseignés, on aurait compris.

En 2001, l’ULg décide de vendre son Home Ruhl, Boulevard d’Avroy. Il n’est plus aux normes de sécurité incendie/conformité ascenseur/peintures intérieures (mise en ordre: 1,429 millions d’euros). Il n’est plus au goût du jour, toilettes et douches collectives, équipement des années ’60, etc. (mise en état: au minimum 2,5 millions d’euros). Les critiques de parents et d’étudiants étaient virulentes. Mais allions nous dépenser toutes ces sommes cumulées? Les prix des locations auraient grimpé en flèche et de manière déraisonnable pour des améliorations mineures.

En 2006, après 5 ans de recherches, nous trouvons enfin un acquéreur qui accepte nos conditions: nous vendions mais l’acheteur devait maintenir la fonction de “logement pour étudiants”. Pas étonnant qu’il ait fallu attendre si longtemps: les conditions sont inacceptables pour la plupart des amateurs. Finalement, ça y est. Nous obtenons un maximum de garanties: logements individuels, confort, gamme de prix rencontrant la demande (étudiants, étudiants étrangers en Erasmus, chercheurs visiteurs). En ville, rien que des “kots”, pléthore de kots, beaucoup sont inoccupés, ou hôtels. Manque cruel de logements adaptés à toute clientèle universitaire. L’affaire est conclue, le Conseil d’administration (qui compte à l’époque 4 étudiants) vote unanimement pour. Tout le monde comprend que l’occasion est idéale et qu’on ne peut la manquer, même si le prix est modeste. Pendant un an, l’acquéreur laisse, comme promis, les étudiants finir leur année sans changer les conditions ni les prix et leur laisse un préavis confortable avant d’entamer les restaurations en été 2007.

Juillet 2008, les travaux sont finis. Le propriétaire ouvre et annonce des “kots luxueux”. Il sont confortables et agréables, c’est vrai. Les prix vont de 400 à 650€. Pas bon marché mais aux normes du marché pour la qualité. Rien à dire. Il existe une clientèle qui peut et souhaite se le permettre. Le marché des kots reste ouvert et excédentaire à Liège, donc pas de problème.

Dès 2006, nous avons provisionné une somme confortable pour apporter un appoint aux étudiants en difficulté financière qui souhaitent louer un logement. A la grande satisfaction des étudiants du Conseil, qui votent comme les autres membres ce subside. En outre, avec l’accord unanime des étudiants également, nous décidons dès ce moment de consacrer le fruit de la vente du bâtiment à la création ou l’amélioration d’infrastructures destinées aux étudiants au Sart Tilman.

Les étudiants d’aujourd’hui ne sont plus ceux de 2006. Sans doute. La roue tourne. Mais si la communication n’est pas bien passée d’une “génération” à l’autre, pourquoi ne pas tout simplement chercher à comprendre, pourquoi ne pas poser la question? Pourquoi dégainer avant de s’informer?

On en parle beaucoup ces jours-ci, l’émotion est grande. Pourtant, ce n’est pas une nouveauté. Il y a deux ans déjà, quasi jour pour jour, j’abordais le sujet dans ce blog. A l’époque, il me semblait valoir la peine qu’on s’y penche et qu’on en saisisse toute l’horreur.

Petit rappel

1) En 2005, afin de se mettre en adéquation avec un numerus clausus de l’accès à la profession de médecin prescripteur imposé par l’INAMI au niveau fédéral, le gouvernement de la Communauté française de Belgique prenait une mesure de limitation de l’accès au second bac en médecine et en dentisterie par l’application d’un concours en fin de premier bac. Au terme de ce concours, un quota limité d’étudiants ayant réussi leur année d’études se verraient néanmoins dénier l’accès en deuxième. Un des effets immédiats de cette mesure, après la constatation d’une rivalité exacerbée entre étudiants créant une ambiance délétère entre eux (exactement l’inverse de la formation à l’entraide et à la coopération qui est la base même de ce que nous essayons de leur apprendre), c’est une frustration immense et un profond sentiment de malaise envers ces “reçus” et néanmoins “collés”.

2) Il faut rappeler que la limitation fédérale date de 1997 et que la première réaction communautaire fut d’établir une sélection en fin de 3è candidature. Il fallait donc attendre 3 ans avant de savoir si on retournait à la case départ. Intolérable.

3) Vint ensuite une période où, suite à la réprobation générale, on abolit toute sélection. Cette mesure, pour humanitaire qu’elle fût, créa rapidement une pléthore et donc une vague d’étudiants “surnuméraires”, vague qui est actuellement en cours d’études et qui, si rien ne se passe, arrivera en fin de 7è année pour y constater que seule une fraction d’entre eux auront accès à la profession médicale pleine et entière. Plus intolérable encore.
Il est des moments où le réflexe généreux, humanitaire, voire libertaire agrave les choses. Les universités se sont mobilisées face à cette épée de Damoclès, ce qui a conduit à une reconsidération du quota fédéral et à l’annonce d’une augmentation qui réglerait le problème des “surnuméraires”. On a eu chaud.

4) Notons tout de suite que, du côté flamand, le problème des surnuméraires est bien plus important puisque la sélection se fait par un examen (non un concours) avant l’entrée à l’université. On peut se demander quelle opération opportune ouvrira les portes de l’INAMI aux nombreux surnuméraires flamands en temps utile…

5) Il y a 3 ans, en CFB, on instaurait un concours en fin de première. Mais la perception de cette mesure fut d’emblée défaillante. Ce que chacun vit, ce fut la dureté du système des “reçus-collés” et non pas la caractéristique intelligente — qu’on ne trouve pas chez nos voisins français, par exemple — qui est que ceux qui ont réussi, s’ils peuvent recommencer, peuvent également se réorienter vers d’autres filières d’études non contingentées et entrer directement en 2è bac dans ces filières. Une carrière envolée, mais pas d’année perdue. Cet aspect positif fut malheureusement escamoté et passa inaperçu. On aurait dû dire “retenus-casés”.

6) Récemment, les doyens des facultés de Médecine, à la demande des recteurs, ont procédé à une étude très complète et très documentée sur la question de savoir si, en admettant qu’on ne puisse rien changer au niveau Fédéral, on pourrait améliorer la nature et/ou le moment de la filtration initiale communautaire. La conclusion de leur rapport suggérait l’organisation, avant l’entrée en premier bac en médecine ou dentisterie, d’un examen d’entrée (comme pour les ingénieurs) comme le pratiquent les flamands. Cette proposition modifiait deux choses fondamentales au filtre: il était établi avant l’entrée et il devenait un examen, plus un concours. Pour diverses raisons bien compréhensibles (un simple examen risque de ne pas contingenter comme un concours, un examen d’entrée amplifie les inégalités sociales et exacerbe les variations de qualité des établissements d’enseignement secondaire, un examen d’entrée crée le bachotage, etc), la ministre de l’enseignement supérieur n’a pas souhaité changer de méthode, même s’il était difficile de tenir bon, et elle en a parfaitement convaincu les recteurs.

Le sabordage

Voilà maintenant que les présidents des partis au pouvoir à la Communauté (PS et CDh) s’aperçoivent du problème et “volent au secours des étudiants reçus-collés” (Le Soir du 11.07.08). Après trois ans, ils s’aperçoivent, eux? Trois ans pendant lesquels les professeurs, les doyens des facultés de Médecine, les recteurs des universités concernées se sont indignés de ce qu’on les oblige à faire à leur corps défendant? Trois ans qu’ils n’arrêtent de marteler leur indignation? Mais que s’est-il donc passé? Pourquoi soudain l’attitude intraitable “dura lex sed lex” fond-elle comme neige au soleil? Serait-ce la réalisation soudaine de la réalité, peut-être le choc de l’anecdote personnelle, le désarroi du petit voisin auquel cela arrive aussi et pas qu’aux autres?

Mais au delà de ce formidable irrespect pour l’Université qui doit se plier à des sautes d’humeur dans l’incompréhension manifeste de ce qu’implique sa mission, ce qui sidère, c’est l’inadéquation de la mesure! Les présidents de partis ont-ils bien réalisé la portée de leur décision? Ont-ils compris que la destruction de l’impopulaire barrage, si elle emporte l’enthousiasme général, ne résout rien puisque ce barrage n’avait été édifié que comme retenue préalable pour éviter d’aller s’échouer contre le barrage final, après 7 ans d’études, ce qui est bien pire!

1) De qui ces super-héros viennent-ils libérer les pauvres reçus-collés? Des méchants professeurs qui les avaient laissé réussir mais leur avaient interdit l’accès en deuxième? Certainement pas. Les universités ne font qu’exécuter une mesure décidée par le gouvernement, et tous les encadrants ont toujours été contre.

2) De quoi vont-il libérer les reçus-collés au secours desquels ils volent si généreusement? Du numerus clausus? Certainement pas. Le numerus clausus, dans ces conditions, aura lieu en fin de septième et c’est là que cette “générosité” actuelle va les envoyer, en masse. De Charybde en Scylla.

3) Ont-ils pensé à qui une mesure aussi prompte et irréfléchie va servir? Certainement pas aux surnuméraires dits “Dupuis”, ceux qui, pendant trois ans, ont été mis dans cette situation de non-contrôle total, ceux qui ont connu l’abolition du numerus clausus à la Communauté mais pas au Fédéral, qui sont actuellement “dans le tube” et vont déjà se retrouver “reçus-calés” l’année prochaine puisqu’ils ont commencé en 2002. Pour eux, on entrevoyait une solution: le relèvement des quotas fédéraux qui permettrait de les absorber durant les 3 prochaines années. Lâcher le barrage derrière eux va inverser la tendance car il faudra maintenant veiller à étaler la sélection en fin d’études sur les années suivantes.

4) Ont-ils pensé à ceux qui ont été ainsi éliminés en 2006 et 2007 par une mesure gouvernementale aujourd’hui considérée comme suffisamment mauvaise pour être abolie? Quelle sera la réaction de ceux-là, y compris en termes de discrimination? (On me dira qu’ils sont comme le dernier contingent de miliciens obligatoires avant l’abrogation du service militaire, et on aura raison. Mais c’est quand même très frustrant).

5) Ont-ils pensé que, dès l’application de la mesure “Simonet” en 2005, les universités se sont réorganisées pour optimiser l’enseignement en fonction d’un nombre réduit d’étudiants en deuxième bac? L’ouverture du barrage va déborder les capacités d’absorption en aval, particulièrement dans les universités comme la mienne, où sur le principe “à quelque chose malheur est bon”, le malthusianisme forcé a été mis à profit pour lancer une nouvelle méthode de formation, plus pratique et plus proche de la réalité que l’ex cathedra classique, mais qui nécessite un encadrement plus personnalisé, donc un rapport encadrant/étudiant plus élevé.

6) Ont-ils pensé aux états d’âme des étudiants concernés qui seront passé par des chaud-froid successifs: ils ont réussi, ils sont collés quand même, ils sont sauvés in extremis par les présidents de partis, ils seront recollés dans 6 ans? Ou, si la mesure avorte, il se seront inutilement réjouis de ce sauvetage annoncé dans la presse avant d’être réellement organisé.

7) Enfin, mais là, c’est plus leur métier que le mien, ont-ils pensé qu’ils lançaient là un brûlot incroyablement provocateur dans le champ des querelles communautaires en matière de soins de santé?

Le malentendu

Les présidents de partis, dans cet élan, certes généreux, se trompent de cible. Ce qui est mauvais, ce n’est pas le numerus clausus en fin de premier bac, comme établi par la Communauté. Désavouer leur propre gouvernement n’avance à rien. Certes, celui-ci tenait bon même si c’était impopulaire, mais il savait ce qu’il faisait. Le lâcher maintenant le décrédibilise complètement.

Non, la vraie cible, on l’a assez dit, c’est le numerus clausus de l’accès à la profession de médecin prescripteur, il faut bien que quelqu’un le proclame tout haut. Tant qu’il demeure et qu’on se dit incapable d’y toucher, on se doit d’organiser les choses en amont pour éviter des catastrophes plus graves, en aval.
Je sais que, vis-à-vis du filtre de l’INAMI, la Communauté et ses ministres ne peuvent rien. Mais précisément, ce n’est pas le cas des présidents de partis!

Et ce qu’on demande, ce n’est pas la suppression de toute régulation, c’est simplement qu’on tienne compte, pour l’établissement de quotas, des réalités du monde médical, de la pénurie de médecins hospitaliers, de la désaffection pour la médecine générale, de l’ouverture de l’Europe à la libre circulation des métiers, des nécessités des pays en développement, etc. Ne pas supprimer toute régulation mais la rendre plus réaliste, compte tenu des vocations et de la qualité des étudiants qui pourraient servir les besoins de santé ici et partout.

Si rien ne se passe au niveau fédéral, lâcher les vannes à la Communauté est tout simplement irresponsable. C’est du Ponce-Pilate à l’état pur, et sur le dos des étudiants, qui plus est. Je m’étonne donc de la joie manifestée par la très bouillante Fédération des Etudiants francophones (FEF) qui semble, elle aussi, n’avoir vu que le bout de son nez et ne pas avoir perçu le coup de Jarnac, même involontaire, que la mesure va porter aux étudiants concernés dans 6 ans.

Il est urgent que nos dirigeants se ressaisissent et qu’ils évitent de donner dans la caricature habituelle du monde politique: une réflexion à court-terme en général et à hyper-court terme en année électorale. Faire plaisir à certains aujourd’hui serait sympathique et sûrement très populaire, mais où est l’héroïsme qui consisterait à “voler au secours” de gens en difficulté si c’est pour les mettre, au delà des élections de 2009 (en 2014, c’est loin!), dans une situation bien pire, sans parler du sacrifice des deux années précédentes ni de la mise en danger des générations suivantes?

Gouverner, c’est prévoir. Tout. Pas seulement ce qui va faire plaisir tout de suite.
Et ce n’est certes pas passer les gens à la douche écossaise car cela ne traduit que du mépris pour tout le monde, ministres, enseignants, étudiants, parents, ce qui n’était certainement pas l’intention, j’en suis sûr.

Certains jours, on croit rêver.
J’ai l’honneur de faire partie du fameux « Groupe Wallonie-Bruxelles » créé au sein de la Communauté française de Belgique afin de réfléchir sur les institutions de la Belgique francophone, entre personnalités politiques de la CFB et « membres de la société civile » (de vous à moi, j’ai parfois un peu de mal à comprendre pourquoi les hommes et femmes politiques pourraient ne pas faire partie de la société civile, mais ne chicanons pas sur le vocabulaire… après tout, je ne comprends pas mieux en quoi cette Communauté est française).

Exercice périlleux et compliqué s’il en est, mais fort intéressant au demeurant. Car il faut bien avouer que si la Belgique détient le record de la complexité des institutions, c’est en bonne part aux francophones qu’elle le doit (je passe rapidement car je ne voudrais pas désarçonner mes quelques lecteurs étrangers avec des notions telles que Région wallonne, Région bruxelloise, Communauté française et… cerise sur le gâteau: la CoCoF! Tout cela avec des compétences différenciées et parfois redondantes ou partiellement superposées). Sans parler des curiosités comme les Fourons ou la Communauté germanophone.

Une simplification s’impose, mais toutes ces structures n’ont pas été mises en place par hasard et on ne les remplace pas par autre chose (de mieux, de préférence!) d’un simple claquement de doigt.

S’il est clair qu’on se dirige vers un consensus qu’on appelle aujourd’hui « Fédération Wallonie-Bruxelles », association assez logique des régions wallonne et bruxelloise recouvrant les compétences régionales spécifiques et gérant en commun les compétences communautaires (simple, non?), de nombreux problèmes restent à résoudre. Il est donc un peu tôt pour tirer des conclusions.

Là où ça se corse, c’est lorsqu’on sait que la sous-commission dont je fais partie (Enseignement-Formation-Recherche) n’a pas terminé ses travaux. L’enseignement représente en effet 80% des missions de la Communauté, le sujet n’est donc pas anodin. Et, qui plus est, l’enseignement est bien le sujet sur lequel tout le monde a un avis. C’est ainsi que d’autres sous-commissions ont franchi les limites de leur propre sujet et ont étendu leur réflexion à l’enseignement. C’est le cas du sous-groupe Economie, qui a tiré des conclusions s’étendant assez naturellement au champ de la formation — rien de mal à cela — et qui suggère que soit examinée la possibilité de régionaliser des pans de formation professionnalisante.

Et là où ça dérape et où on croit rêver, c’est qu’aujourd’hui, pour la deuxième fois, la Presse (Le Soir en juin, La Libre ce matin) annonce une régionalisation de l’Enseignement comme étant la proposition du Groupe Wallonie-Bruxelles plénier avant même que la sous-commission ad hoc ait rendu son rapport. Avec mes collègues de la sous-commission Enseignement, nous sommes évidemment perturbés par l’avalanche de demandes d’interviews du reste de la Presse pour confirmer cette proposition, sans compter toutes les personnes qui nous demandent quelle mouche nous a piqués.

Et si on attendait un tout petit peu? Le 27 septembre 2007, on avait dit un an. On ne se donnerait pas rendez-vous le 27 septembre 2008…?

J’apprends avec effroi que certains de nos enseignants se flattent de la mise à disposition, pour leurs étudiants et gratuitement, de leurs notes de cours « en ligne ». Fort bien, me direz-vous. Moderne et efficace.
Seulement voilà: il s’agit de leur cours en format Word ou PDF.
On n’a pas dû bien se comprendre…

Quand nous encourageons les cours consultables à distance, c’est évidemment de cours réellement adaptés à l’Internet qu’il s’agit. Interactifs, animés, illustrés, bref, disposant des avancées techniques du jour.

Mettre un cours en format texte gratuitement à la disposition des étudiants, c’est juste se simplifier infiniment la vie et la leur compliquer. Je suis sûr que l’intention est excellente: on a l’impression que c’est « donné » gratuitement puisqu’on n’en retire aucun profit et que l’accès est gratuit. Mais en réalité, la formule coûte plus cher aux étudiants que n’importe quelle autre solution. En effet, le tirage d’un cours sur imprimante transfère simplement le coût du tirage (papier, cartouches d’encre) sur l’étudiant, en supposant qu’il soit équipé pour cela. De surcroît, par rapport au coût d’achat du syllabus imprimé et relié par les Editions de l’ULg ou par un simple copy-service ou encore par un collectif étudiant.

Mais ne renonçons pas pour autant à des appuis didactiques divers rendus accessibles sur l’Internet ou via myULg. On va dire que je radote, mais c’est précisément pour aider les encadrants et notamment à ces techniques, que les divers programmes de l’IFRES ont été mis sur pied. Et parmi ces formations ou informations, on trouve les techniques de transmission du savoir à distance les plus appropriées aux buts qu’on recherche. Voilà pourquoi il est préférable de se renseigner plutôt que d’improviser, pas toujours à bon escient.

La prochaine Rentrée Académique de l’ULg, le 18 septembre prochain, se déroulera sous le signe de la recherche en Environnement, avec la remise des insignes de Docteur honoris causa à Rajendra Kumar Pachauri, président du GIEC et co-lauréat du prix Nobel de la Paix 2007. Elle verra également une conférence de notre hôte ainsi que des débats et des activités diverses sur le thème central du jour et de l’année à venir.

Pour donner à ces activités diverses le temps qu’elles méritent, je romprai avec les habitudes. La cérémonie de Rentrée sera retardée de 15 à 17 heures. Le cortège traditionnel sera réduit et le protocole simplifié, de manière à respecter néanmoins l’heure habituelle de fin de séance.

J’ai pu constater combien nos chercheurs impliqués de près ou de loin dans des recherches environnementales étaient nombreux. Je souhaite donc profiter de cette journée pour faire mieux connaître et apprécier les recherches menées à l’Université de Liège sur cette thématique. La Rentrée 2008 sera donc principalement celle des chercheurs, elle constituera une occasion pour eux de présenter l’excellence de leurs travaux.

Afin que chacun puisse y trouver sa place et collaborer concrètement, j’ai fait lancer deux actions sous la bannière «Planet’ULg» : un site Internet et une exposition.

PLANET’ULg, LE SITE

Suite à mon appel en Intranet il y a quelques jours, nombreux déjà sont ceux qui ont complété le formulaire ou pris contact avec Julie Louis au 9928 ou par courriel (reflexions@ulg.ac.be). Il est encore possible de le faire, mais nous souhaiterions pouvoir évaluer assez rapidement le nombre des participants et identifier leur champ d’activités. C’est pourquoi je recommande à ceux qui ont l’intention de se manifester de le faire rapidement.

PLANET’ULg, L’EXPO

Parallèlement au site, qui restera actif pendant toute l’année académique, l’exposition de nos recherches en lien avec l’environnement, toutes Facultés confondues, sera visible lors de la journée de Rentrée Académique. Pour cette exposition, je fais également appel à la contribution des chercheurs sous la forme de posters ou de présentations PowerPoint et nos équipes seront à leur disposition pour la réalisation de leurs idées. Les informations pratiques se trouvent sur le portail MyULg (voir l’actualité « Planet’ULg : le site et l’expo »).

D’avance, je remercie tous ceux qui feront de cette journée et des activités qui l’entoureront un succès sans précédent.

Ca y est! Le dépôt institutionnel de l’ULg est lancé!
Le 25 février 2007, je vous annonçais dans ce blog la création d’une digithèque qui devrait contenir l’ensemble de la production bibliographique de l’ULg. Une révolution pour notre université, attendue d’une manière ou d’une autre depuis des décennies: l’accès libre à l’ensemble des publications de l’ULg! Le rêve!
On y trouvera toutes les publications ULg depuis 2002 et, dans un premier temps, le dépôt sera confiné à un groupe de volontaires acceptant « d’essuyer les plâtres » car il y aura certainement quelques petits couacs opérationnels.
Nous aurons ainsi tracé la voie. Nos collègues de l’UCL et de l’ULB annoncent l’ouverture proche de leur site également. Il ne restera qu’à convaincre le FNRS d’adopter une parfaite compatibilité et la vie des chercheurs sera bien plus facile en CFB.
Par ailleurs, et c’est bien là le but premier, le lectorat de nos auteurs sera immensément plus vaste et la notoriété de l’Institution ne pourra qu’en bénéficier.

L’ouverture d’ORBi devance ainsi de peu celle d’EOS, EurOpenScholar, le site piloté par l’ULg qui aura pour but premier la promotion de la création de dépôts institutionnels dans toutes les universités d’Europe.

La plupart des dépôts institutionnels ressemblent à des dépôts: ils sont sinistres. Ici, Paul Thirion et son équipe ont réussi la performance de rendre ce site élégant, remarquablement fonctionnel et de lui donner des explications très claires.
J’espère qu’ORBi aura le succès qu’il mérite et que nos chercheurs, souvent sévères à l’égard d’une université qui ne pouvait leur fournir une vitrine assez vaste pour leurs travaux, ne manqueront pas de se précipiter sur cette nouvelle opportunité, pour rendre accessible, orbi, au monde entier, toute la science générée par l’ULg.

Pour ceux qui penseraient que le dépôt institutionnel n’est pas leur problème, je rappelle que j’ai annoncé qu’ORBi serait désormais l’outil incontournable pour l’évaluation des publications* lors des nominations (sauf pour les extérieurs, bien sûr) ou des promotions dans l’Institution. C’est la manière la plus juste et la plus équitable de traiter ces dossiers aujourd’hui, en permettant un accès simple aux articles complets, rendant dès à présent obsolète le jugement très indirect basé sur les facteurs d’impact des journaux ou moyens similaires.
Croisons nos doigts pour que cette expérience réussisse et qu’elle atteigne son objectif. Ce sera le meilleur remerciement pour ceux qui s’y sont attelés depuis plus d’un an.

Rendez-vous sur ORBi!

*: les livres échappent à cette obligation, il est possible que certaines formes de publications puissent également faire exception, mais ceci devra faire l’objet d’un accord préalable.

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