sam 26 juil 2008
Le « repêchage » des « reçus-collés » a donc bien eu lieu.
Qu’on ne s’y méprenne pas: j’en suis ravi.
Suite à mon intervention sur ce blog le 13 juillet dernier, dont la presse n’avait, assez logiquement, repris que des extraits, en particulier les phrases-choc, j’ai reçu des messages indignés de plusieurs personnes, dont certaines personnalités politiques de premier plan, qui n’avaient pas lu le blog mais plutôt la presse, et qui m’exhortaient à jouer mon rôle de recteur et à abandonner la défense du numerus clausus.
Je le dis une fois encore: je déteste le numerus clausus. Il heurte chacune de mes fibres d’universitaire. Nous sommes là pour accueillir à l’université tous ceux qui ont la capacité d’y accomplir les études de leur choix et les y aider.
Nous mettons en application les mesures qui nous sont imposées par notre gouvernement, qu’elles nous plaisent ou non. Ma réaction un peu vive tenait, non pas à mon approbation d’un contingentement en médecine, mais à ma désapprobation de décisions prises sous l’emprise d’une émotion curieusement tardive et contrastant violemment avec les directives qui nous étaient données jusqu’alors. Mon message était: « les professeurs d’université et tout le personnel d’encadrement des étudiants sont des gens sérieux et respectables, pas des marionnettes. Leur demander d’expliquer et de mettre en application des mesures qui n’ont pas leur entière approbation n’est déjà pas drôle. Leur faire faire marche arrière ensuite et leur demander de changer les règles du « jeu » en cours de route n’est pas décent ». Voilà tout.
Maintenant, comme annoncé, les règles ont effectivement été changées en cours de route. Après la délibération et la proclamation. Après le choc.
Il est certes normal qu’on s’y conforme. Cependant, pour la première fois de notre vie d’enseignants universitaires, nous devons re-délibérer et re-proclamer. Au passage, je fais remarquer le caractère historique et, pour tout dire choquant, de la mesure. Depuis toujours et jusqu’aujourd’hui, la chose délibérée était comme la chose jugée. Définitive. Et elle était indépendante de toute influence, même politique.
Maintenant, elle ne l’est plus. Dont acte.
Il a donc été décidé (Arrêté du 22 juillet, paru au moniteur ce 25 juillet) que 100 attestations supplémentaires seraient accordées cette année et 100 autres en 2009. Tant mieux. Personnellement, je m’en réjouis. Je crois que c’est une bonne chose, à condition que les présidents de partis et le gouvernement de la CFB continuent, comme promis dans l’Arrêté, à faire pression sur le gouvernement fédéral pour défendre l’idée que la médecine est actuellement en grave état de pénurie. Et qu’on ouvre les vannes en aval, à savoir lors de l’accession à la profession. Alors le lâchage des vannes en amont (fin de premier bac) prendra du sens.
L’Arrêté prévoit que les universités peuvent se partager les 100 attestations. Pour l’ULg, il y en aura 22 (et 22 l’an prochain). Le jury de 1er Bac en Médecine a donc, ce vendredi, re-délibéré, et attribué les attestations aux 22 suivants dans la liste des « reçus-collés », par ordre de résultats. Malheureusement, cette procédure en laisse encore une quinzaine « sur le carreau », sans compter ceux qui réussiront leurs examens en septembre et qui seront dans les conditions pour être « reçus » mais néanmoins « collés ».
L’Arrêté laissait une ouverture à cet égard, sans toutefois l’imposer: attribuer en 2008 un maximum de 15% des attestations disponibles en 2009. Etrange suggestion qui laisserait supposer qu’un étudiant de 2008 vaut plus qu’un étudiant de 2009… Pour l’ULg: 112 x 0,15 = 16,8, soit 16 ou 17 attestations (selon l’arrondi) à prélever sur les 112 de 2009. Il en resterait donc 96 ou 95 à attribuer l’an prochain. Cette solution, pour tentante qu’elle soit dans l’instant, serait inexplicable dans un an. S’en servir serait irresponsable par rapport aux étudiants de l’an prochain. C’est exactement le raisonnement qu’a judicieusement tenu le jury de 1er Bac en médecine à l’ULg, avec mon plein accord et celui du Doyen.
Envisageons le côté franchement positif des choses et réjouissons-nous: 22 « reçus-collés » viennent d’échapper à un couperet de l’utilité duquel on ne finira jamais de débattre. C’est une excellente nouvelle.
A chaque année suffit sa peine…
Commentaire de Pierre FIRKET, qui m’est parvenu incomplet. Il me le renvoie par mail:
Zut! C’est perdu…
Peut-être pas plus mal, le « soufflé » est maintenant un peu retombé… Et je suis donc moins dans l’émotionnel.
Faut dire que je ne décolère pas devant cette comédie du numerus clausus.
Je te disais que tu avais magistralement démonté la complexité de ce processus de sélection (?) en le replaçant dans son histoire et dans ses enjeux multiples, permettant ainsi de bien comprendre les tenants et les aboutissants d’une triste procédure, mais se terminant, ces jours derniers, en véritable farce!! (ou scandale…!).
J’écrivais aussi que ta démarche était courageuse.
En prenant la parole pour dire, (paraphrasant le titre du dernier Journal du Médecin), « tout haut ce que d’autres pensent tout bas », quelqu’un tentait enfin de donner du sens aux événements. Je me suis senti soulagé. J’avais tellement le sentiment d’une indifférence estivale par rapport à cette subite décision politique que ton intervention est venue à point pour apaiser une certaine amertume.
Je venais d’être interpellé, en tant qu’ami et universitaire, par un ami dont le fils avait été reçu-collé, l’année dernière. Il s’étonnait (euphémisme) de “la détermination et la célérité avec lesquelles les décideurs politiques s’étaient subitement émus” de la question de ces « pauvres étudiants » abandonnés à leurs illusions et pour lesquelles j’ai naturellement la plus grande compassion. (encore que, comme le rappelait MD Simonet, pas à l’aise manifestement, prise par des enjeux qui lui échappent certainement, « ils étaient au courant du système dès le départ »).
Un peu naïvement, en souvenir d’un tempérament adolescentaire un peu excessif, je me suis mis dans la tête d’écrire à un parlementaire, que je connais par ailleurs.
Et je m’étais permis de t’en adresser une copie.
“Je suis sollicité, en tant qu’ami mais aussi universitaire, par un ami dont le fils a été reçu-collé l’année dernière. Il s’étonne (euphémisme) devant la détermination et la célérité avec lesquelles, cette année, les responsables politiques se sont émus du problème, à tel point qu’ils le réglèrent, manu militari, comme jamais on n’aurait pu l’imaginer un instant, au plus fort de la crise politique institutionnelle et un pied en vacances. Prouesse.
Je ne te cache pas mon embarras, cherchant à justifier… l’injustifiable.
Je compte ne pas en ajouter une couche vis à vis de cet ami. Les jeux sont faits. Je ne sais pas ce qu’il va faire. Il se souvient de l’année dernière.
Son fils s’était enfermé dans sa chambre pendant un mois, muté, au lendemain de la nouvelle.
Mais, pour mon édification personnelle, me sentant, malgré moi, pris dans cette véritable comédie, je voudrais comprendre. Il y a eu, certainement, à un moment donné « une mouche » qui a piqué l’un ou l’autre et qui s’est senti alors plus concerné que d’autres pour donner l’impulsion, pour créer cette dynamique décisionnelle invraisemblable.
(Même l’argument « on ne change pas a posteriori les règles en cours de processus » n’a pas eu son poids habituel.)
Comment cela marche-t-il? Comme ça… au gré des pulsions et autres envies?
As-tu des éléments de l’envers du décor? Peux-tu, si oui, m’en donner la teneur ou en tout cas les grandes lignes?
J’ai l’impression que cela apaiserait mes fantasmes ou au contraire…
Je t’écris, en fait, parce que j’ai la conviction que d’autres causes ne mériteront sans doute jamais autant d’attentions.
Je n’ai jamais supporté le fait du prince.
A te lire, dans la mesure du possible.”
Voilà. J’ignore s’il me répondra. Peut-être ne vaut-il mieux pas. Je risque de n’avoir pas qu’une langue de bois en retour, devant cette naïveté de penser que l’on peut dire “tout haut ce que certains pensent tout bas”.
Merci de m’avoir relancé. Je ne sais où sont partis les premiers mots envoyés au blog. Peut-être tournent-ils, quelque part, dans l’atmosphère des rêves et des désirs?
Bien à toi,
Commentaire de Bernard Rentier, le 27 juil 2008 à 16:11Pierre, dans le rôle de Peter Pan
A propos du numérus clausus : un problème fondamental dont personne ne parle : la répartition des quotas.
Commentaire de Vanderwalle, le 27 juil 2008 à 21:08Je résume ce que je crois avoir compris : 33 places pour l’Université de Mons ; 136 pour Louvain-la-neuve ( 80 en deuxième session, presque l’équivalent de Liège en juin ) ; 120 pour Namur ( qui n’organise que les « bac » ) ; 126 pour Bruxelles ; 112 pour Liège.
Comment interpréter ce déséquilibre en défaveur, me semble-t-il, des étudiants liégeois ?
Avec mes sentiments respectueux.
Marie-Françoise Vanderwalle
La répartition des quotas est une vieille histoire. Elle date d’une dizaine d’années. Les quotas pour chacune des 5 institutions universitaires ont été calculés sur base d’une statistique de fréquentation de la 1ère candidature en Médecine pendant plusieurs années.
Commentaire de Bernard Rentier, le 28 juil 2008 à 12:17C’est pour cela qu’on trouve des répartitions aussi étonnantes, sans aucune relation avec le fait qu’il existe ou non un hôpital universitaire lié à l’institution dispensant les études de Médecine.
De même, aucun rapport avec le fait que la faculté dispense seulement le premier cycle ou les deux.
Cette situation est effectivement très défavorable à l’ULg car, après le 1er cycle, les étudiants de Mons vont majoritairement faire leur second cycle à l’ULB et ceux de Namur à l’UCL. Au détriment du SEUL hôpital universitaire de Wallonie…
Mais c’est le résultat d’une très mauvaise négociation sur laquelle il est difficile de revenir.
A nouveau une réaction des étudiants liégeois qui s’insurgent contre une discrimination. « Un reçu collé 60 crédits en première session à Liège vaut-il moins qu’un réussi critère Simonet en seconde session dans une autre université ? Tous les deux sont des étudiants méritants mais clairement le premier n’aura pas eu les mêmes chances que le second » (http://www.rtbf.be/info/societe/enseignement/les-recus-colles-liegeois-introduisent-des-recours-en-justice);
Je m’étonne de l’ »étonnement » des étudiants. Que je sache, ils se sont engagés dans les études en toute connaissance de cause et réagissent plus que tardivement à un règlement connu de longue date. Mais il semble que faire appel à la justice lorsque qu’on se sent lésés par une règlementation qui ne nous arrange pas a postériori (cfr les athlètes qui désirent aller aux jeux alors qu’ils sont reçus (par le CIO) mais collés (par le COIB)).
Il est certain que le numerus clausus n’est la meilleure solution (mais qu’elle est-elle, si il en faut vraiment une) mais comme assez bien énoncé dans ce blog, utiliser les universitaires comme des pions de la politique n’en est encore moins et utiliser la justice de manière systématique ne risque pas non plus de laisser un climat serein pour les futurs étudiants.
Commentaire de Marlène Mengoni, le 1er Août sur le blog interne.
Commentaire de Bernard Rentier, le 3 août 2008 à 0:05