sam 2 août 2008
Je suis en vacances, figurez-vous. Ce n’est pas trop tôt et ce n’est pas immérité.
D’autant que les derniers jours ont été bien remplis, non seulement par la myriade de choses à faire et à régler, mais aussi par la charge inattendue de la saga du numerus clausus en Médecine et en Dentisterie.
En effet, suite aux derniers billets de ce blog, les choses se sont encore compliquées.
J’avais rudement critiqué l’attitude de certaines personnalités politiques qui entraient soudain dans un débat difficile, soumettant tout le monde, ministres, professeurs et étudiants à un traitement en chaud-froid peu acceptable. Ce qui me préoccupait surtout, c’était l’incertitude qui continue à planer sur l’élargissement éventuel, d’ici 2014, des quotas d’accès à l’INAMI, c’est-à-dire à la médecine de prescription.
Pour autant que le gouvernement, suivi en cela par le parlement, nous dise: « pas de souci, il y aura d’ici-là, place pour 200 médecins supplémentaires, on va donc attribuer 200 attestations de plus et les étaler sur 2008 et 2009″, nous ne pouvons que nous en réjouir. Ces 200 sont donc répartis entre universités (sur une base qui prête clairement à discussion, mais c’est là un autre débat) et sur deux années. On s’exécute. On re-délibère. A Liège, on prend les 22 auxquels on a droit et on en garde 22 pour 2009. Le monde politique n’aura qu’à expliquer aux étudiants éliminés en 2006 et 2007, ainsi qu’à ceux des années 2010 et suivantes pourquoi le caractère trop étroit du filtre n’a été pris en compte qu’en 2008 et 2009. Personnellement, je ne sais pas comment « ils » vont expliquer cela. Mais ce n’est pas mon problème, c’est le leur.
Vendredi, l’affaire se corsait. Les parents des 14 « reçus-collés » de 2008 non sauvés par le gong communautaire (puisqu’on n’en « sauve » que 22 sur 36) créent un collectif et donnent une conférence de presse. A la RTBF et dans 7 sur 7 on signalait que: « Les étudiants liégeois regrettent également que le Recteur de l’ULg ait refusé d’appliquer la mesure qui permet de décerner en 2008 un maximum de 15% des attestations disponibles en 2009. A Liège, 16 ou 17 étudiants supplémentaires auraient pu être admis. »
Samedi, Le Soir écrivait: « Le collectif adresse un reproche aux autorités de l’ULg. La Communauté française autorise les universités à augmenter leur quota de 15%, à condition de resserrer encore l’étau les années suivantes. Les 14 reçus-collés auraient ainsi pu être sauvés, mais l’ULg s’y refuse. Il paraît que l’ULg l’aurait fait exprès pour provoquer des recours, termine le porte-parole du collectif. C’est bien joué, mais c’est prendre 14 gosses en otage. »
Je comprends la déception des parents et je la partage. Mais j’ai quelques remarques:
1. Ces étudiants ne sont plus des « gosses ». Nous, nous ne les considérons pas comme cela. Ils ont, pour la plupart, au moins 19 ans, ils ont le droit de vote, ils sont adultes (Il nous est même interdit, vu leur situation d’adultes, de communiquer leurs résultats ou toute information à leur sujet aux parents, c’est tout dire!)
2. Une saine gestion de cet imbroglio ridicule et sans précédent, ne consiste pas, à mon avis, à jouer à « sauve qui peut », ni même à emmagasiner un maximum d’attestations en jouant au poker et en prévoyant que tout le système s’effondrera sûrement d’ici l’année prochaine. Une saine gestion consiste à dire: soyons heureux de prendre le supplément des 22 accordés à ULg cette année et gardons les 22 autres pour 2009. Ne puisons pas dans les 16 que nous pourrions prendre (mais que rien ne nous oblige à prendre), cela ne nous en laisserait que 6 pour l’an prochain, au lieu de 22, et ce serait injuste, voire même, dans ce cas-là je pense, attaquable. Car dites-moi, comment expliquerions-nous alors au probable futur collectif des parents de reçus-collés s’étalant du 97è au 112è en juillet 2009, que les attestations de leurs enfants ont été données à des étudiants de l’année précédente classés du 113è au 126è rang ? En quoi le 126è classé de 2008 est-il meilleur que le 96è de 2009 ?
Il n’y a donc pas d’autre solution que celle qui a été choisie par le jury du 1er Bac en Médecine à l’ULg, en toute souveraineté comme il se doit (il s’agit ici d’une prérogative absolue du jury d’examens, contrairement à ce que certains croient, nullement du recteur ou de quiconque d’autre!). Je trouve cette décision d’une sagesse extrême et j’admire le jury pour le sang froid qu’il a su garder face à une situation invraisemblable où on lui a fait faire des choses et leur contraire en quelques jours de temps.
Quand au Collectif de parents, j’en comprends l’émoi, la colère même, mais en s’attaquant au Recteur de l’ULg, ils se trompent de cible. Affirmer « que l’ULg l’aurait fait exprès pour provoquer des recours » témoigne d’une désinformation consternante. Jamais l’ULg n’a voulu, ni ne voudra faire passer un message sur le dos de ses étudiants. Ce n’est pas notre genre. Je le répète inlassablement: il fallait répartir « l’aubaine » sur les deux années, le jury a décidé de le faire et il a bien fait.
Comme je l’ai dit et redit, la vraie cible c’est le contingentement de l’accès à la profession. En attaquant la Communauté ou même l’Université, les parents concernés ne font qu’essayer de faire grimper leurs « gosses » dans des canots de sauvetage improvisés et fragiles, probablement en risquant de pousser des condisciples (de cette année, mais surtout de l’an prochain) par dessus bord. C’est un réflexe compréhensible et humain. Mais le capitaine, lui, doit organiser le sauvetage de la façon la plus juste et, dans un naufrage, il n’y a rien de vraiment juste.
Courriel de la Fédé, le 1er août à 15h14 :
Monsieur le Recteur,
Je tiens par ce mail à réagir à l’action du collectif des étudiants « reçus collés » liégeois et de leurs parents.
Afin d’éviter tout amalgame, je tiens à préciser que la Fédé n’est nullement liée à cette action et ne soutient pas les démarches résumée par la dépêche Belga (INT055 3 POL 0434 F BELGA-1182 NEVENSEIGNEMENT/GVTFRA/JUDICIAIRE/Actions des étudiants « reçus collés » liégeois).
Ce mail a pour seul objectif d’assurer qu’il n’y ait aucune confusion entre une conférence de presse à l’initiative d’un groupe difficilement identifiable (collectif des reçus collés? FELU?) et la Fédé.
Le Numérus Clausus reste un sujet inquiétant et je serais ravi d’avoir des échanges avec vous sur le sujet.
Cordialement,
Romain Gaudron
Commentaire de Bernard Rentier, le 3 août 2008 à 0:14Président de la Fédé
Nouveau commentaire déposé à mon message de février.
Commentaire de Bernard Rentier, le 3 août 2008 à 14:16Monsieur le Recteur,
La publication sur votre blog de mon courriel privé du vendredi 1er août, me pousse à expliciter en quoi la Fédé ne soutient pas les démarches du collectif des étudiants «reçus-collés» et de leurs parents.
Avant tout, il me semble bon de rappeler que la Fédé dénonce le numérus clausus et ses effets. Limiter un accès aux études va à l’encontre de notre conception de l’enseignement supérieur, de surcroît quand ces études débouchent sur une profession souffrant d’une pénurie importante. C’est pourquoi, la Fédé dénonce l’existence absurde des quotas fédéraux.
Nous comprenons et nous partageons la déception des étudiants «reçus-collés» (et de leurs parents), victimes d’un contingentement totalement insensé de l’offre médicale. Passer une année de sa vie à étudier, réussir l’ensemble de ses cours en première session pour se voir refuser l’accès en deuxième année au nom de ce contingentement est tout simplement inhumain. Pour l’ensemble de ces raisons, il est normal que les «reçus-collés» manifestent leur mécontentement face à ce système.
Cependant, le collectif semble doublement se tromper de cible.
Saisir le Conseil d’Etat nous semble une mesure risquée. Le Conseil d’ Etat n’a pas le pouvoir de modifier une loi, au mieux pourra-t-il la suspendre ou l’annuler. Pour cette raison, saisir cette juridiction ne donne pas la moindre perspective aux étudiants «reçus-collés» de passer en deuxième bac médecine. En outre, le risque est de remettre en cause la réussite des étudiants ayant profité des attestations supplémentaires octroyées par l’arrêté de la Communauté française. Arrêtons de jouer avec les nerfs de ces étudiants collés, finalement reçus mais dont le futur pourrait à nouveau être remis en cause et ce , à peine 1 mois et demi avant la rentrée académique.
La seconde position du comité que nous ne pouvons pas appuyer est le regret de la non-utilisation des 15% de quotas 2008/2009 de l’ULg (malgré la possibilité prévue par le même arrêté de la Communauté française). Certes, cette opportunité semble attrayante pour les 14 «reçus-collés» restants de 2008. Cependant, il est pour nous inconcevable de favoriser de la sorte des étudiants de la promotion 2008 vis-à-vis de ceux de 2009. Ne rendons pas ce système encore plus injuste qu’il ne l’est même si nous comprenons la déception des quatorze intéressés. Nous ne comprenons pas la position du comité des «reçus-collés» sur cette utilisation anticipée des certificats 2009. Ce serait en effet à nouveau discriminatoire pour les futurs étudiants entrants. C’est quelque peu paradoxal alors que l’un des arguments brandis par le comité est justement de saisir le Conseil d’Etat pour discrimination vis-à-vis des étudiants non-reçus en 2006 et 2007.
Pour la Fédé, il est nécessaire que l’ensemble des acteurs focalisent leurs actions sur le véritable problème central du Numérus Clausus, la limitation du nombre de numéros INAMI.
Romain Gaudron
Commentaire de Gaudron Romain, le 5 août 2008 à 15:28Président de la Fédé
Désolé d’avoir pris l’initiative de transférer sur mon blog votre mail. Son aspect « privé » ne m’était pas apparu et je pensais que c’était instructif de témoigner de l’avis de la Fédé et de son président. Il est vrai que je ne fais que rarement cela et toujours avec l’accord explicite de l’auteur. Le fait que je sois à l’étranger est sans doute lié à cette action un peu rapide.
Je vous remercie d’avoir longuement expliqué votre position et je me réjouis de constater qu’elle est très exactement et en tout point superposable à la mienne. Le problème du numerus clausus, s’il trouve aujourd’hui une solution très partielle, n’est pas résolu pour autant, loin s’en faut, et il nous ménage certainement encore une série de difficultés organisationnelles, juridique et, tout simplement mais surtout, humaines.
Commentaire de Bernard Rentier, le 6 août 2008 à 7:40