De l’évolution du paysage de l’enseignement supérieur

Nos universités doivent se définir des spécialités et des priorités, se singulariser. Trouver les complémentarités. La qualité d’une université, à l’avenir, sera bien moins fonction de sa taille ou de sa localisation géographique que de sa capacité à s’insérer dans des réseaux scientifiques internationaux, donc de sa capacité à innover, à s’adapter rapidement aux évolutions de la recherche et de l’enseignement, et à proposer une offre de formations qui la « labellise » de manière originale. Pour cela, elle se doit de définir clairement ses points de force, évidemment liés en premier lieu à la recherche. Elle doit, en permanence, mettre en évidence les originalités et l’excellence de sa recherche, dans des domaines qu’elle ne devra pas hésiter à choisir préférentiellement et à faire largement connaître.

Le paysage de l’Enseignement supérieur en CFB gagnerait beaucoup en lisibilité si, après le regroupement en Académies, ce qui est fait, et la fusion des institutions en leur sein, ce qui est en cours, on se décidait à prolonger l’effort en intégrant les filières de type long. Ainsi les étudiants se verraient proposer, à l’entrée dans le supérieur, une gamme étendue de possibilités au sein-même de l’Université. Cela permettrait de gommer les idées préconçues quant à une hiérarchie de qualité et de mérite, de revaloriser les filières des hautes écoles dans l’Université agrandie et, par conséquent, de faire disparaître le besoin de venir en touriste à l’université pour y subir des échecs et devoir se réorienter vers ce qui est alors pris comme un “pis-aller”.
 En outre, la coexistence, au sein des universités, des différentes filières permettrait une orientation plus efficace, une aide au choix, mais aussi une réorientation rapide et intégrée par des passerelles simples dans un sens comme dans l’autre. Ces rassemblements sous une seule bannière universitaire doivent évidemment satisfaire à une logique de zones géographiques. Mon point de vue diffère en cela de celui de certains de mes collègues recteurs, cela ne vous étonnera pas, mais je suppose qu’une certaine logique prévaudra.
Malheureusement, les possibilités légales d’ainsi intégrer ces enseignements sont rares et ne sortent qu’au coup par coup. Il serait bon qu’elles aboutissent vite.

Nous avons bénéficié cette année de l’habilitation conférée à la Haute Ecole de la Ville de Liège Hazinelle pour l’organisation conjointe d’un bachelier, puis d’un master en Traduction-Interprétation. La première rentrée est significative: 122 étudiants sont inscrits à ce jour, révélant le vif intérêt des étudiants pour ces disciplines qui sont plus que demandées à Liège. Par ailleurs, je puis déjà vous annoncer un scoop: les deux hautes écoles du réseau officiel de la CFB, « Charlemagne » et « Robert Schuman », déjà associées à notre Académie, vont prochainement fusionner pour former la Haute Ecole Wallonie-Europe. Dès que les conditions décrétales le permettront, elles s’intégreront à notre université.

Du numerus clausus en Médecine et en Sciences dentaires

Une université est, comme chacun le sait, une institution d’enseignement, de recherche et de services. Elle doit pouvoir accomplir ses missions en toute liberté, limitée seulement par un certain nombre de règles et règlements, de lois et autres contraintes légales, sans ingérence extérieure d’aucune sorte dans l’opportunité de ses recherches et l’indépendance de son jugement pédagogique.

Les événements survenus cet été à la Faculté de Médecine, auxquels je ne peux manquer de faire allusion et qui sont d’ailleurs commentés avec fougue par mes collègues recteurs dans leurs discours de rentrée, ne peuvent échapper à mon analyse, que je conserverai brève car je me suis déjà beaucoup exprimé depuis le mois de juillet, l’ULg étant en ligne de front dans cette histoire. Je ne reviendrai donc pas sur mes critiques d’une intervention externe changeant les règles du jeu de l’étudiant et des professeurs en cours d’année académique, ce qui est contraire à tous les principes d’engagement pédagogique. Je ne reviendrai pas sur un jugement qui nous a obligés à gérer nos attestations d’une année à l’autre en dépit du plus élémentaire bon sens. Je ne reviendrai pas sur un jugement qui a tenté d’obliger un jury à changer ses décisions de délibération sur la base de la contestation de la pondération d’un cours à la demande d’un étudiant sur 400. Je ne reviendrai pas sur ces incohérences et sur ces ingérences dont je signale quand même qu’elles risquent fort de compromettre la sérénité des jurys au grand désavantage des étudiants, in fine. Je n’y reviendrai pas parce que je veux regarder devant nous et faire en sorte qu’un tel chaos ne se reproduise plus.
Mais je ne m’étendrai pas non plus en un débat pourtant inévitable, sur la réalité de la demande médicale et sur le rôle pervers de la limitation de l’accès aux numéros INAMI, dont le bien-fondé reste à démontrer et qui est la source de tous les maux.

Espérer établir un numerus clausus en premier bac sans reçus-collés, c’est comme vouloir faire une omelette sans casser des œufs. Seul un miracle ferait correspondre le nombre de réussites au nombre d’attestations disponibles. C’est précisément, entre nous soit dit, ce qu’on nous demande de faire, puisque nous devons proclamer « ajournés » ceux qui ne se classent pas en ordre utile. Un faux, en quelque sorte, puisque sur base de tous les autres critères, ils auraient réussi. Espérer que ce système puisse devenir bon est illusoire.

C’est pourquoi les doyens des facultés de Médecine ont proposé un examen d’entrée. D’emblée, cette proposition, pourtant étudiée avec beaucoup de soin, a été rejetée en raison de son soi-disant caractère anti-social et l’idée qu’il ne permettrait pas un contingentement précis. Quelques jours plus tard, ce contingentement précis était pulvérisé puisqu’on ajoutait, entre les deux sessions, 200 attestations à répartir sur 2 ans. Voilà un argument qui disparaissait instantanément. Aujourd’hui, dans une unanimité qui est une première historique, les recteurs des 3 universités complètes relancent cette proposition car on ne peut critiquer sans proposer d’alternative. Notre Ministre la décrit dans la presse d’avant-hier comme une « fausse bonne solution » dit-elle « car les étudiants seront jugés sur base de leur parcours scolaire et sur des matières qui n’ont rien à voir avec la médecine ».

Tout d’abord, j’espère que nul ne doit avoir honte de son parcours scolaire. Permettez-moi de faire ensuite remarquer que le concours de fin de premier bac n’est pas non plus particulièrement médical (chimie, physique, biologie, pour l’essentiel). Par ailleurs, si on analyse bien le document proposé par les doyens, on voit que l’examen est pensé pour éviter ces écueils autant que faire se peut. Il porte sur des capacités de compréhension, d’analyse et de synthèse, beaucoup plus que sur des capacités de mémorisation ou l’accumulation de matière acquise.

Qu’il y ait des différences de qualité entre les établissements d’enseignement secondaire ne fait aucun doute, mais il est à la mode aujourd’hui de considérer qu’il s’agit là d’un tabou, d’un problème qui ne peut être évoqué ni mesuré (voyez la levée de boucliers face au test que propose le Ministre Dupont).
On préfère ne pas savoir ou faire semblant de ne pas savoir et repartir soi-disant à zéro à l’université. Comme si les disparités bien connues des 6 ans du secondaire pouvaient être aplanies par une première année de bac universitaire. C’est fameusement minimiser le déficit de formation que de croire qu’il s’efface ainsi en un an. Chacun aujourd’hui peut mesurer le taux de succès dans telle ou telle branche à l’université des élèves de tel ou tel collège, lycée ou athénée. Quand donc quelqu’un osera-t-on dénoncer ces œillères qui pervertissent notre enseignement secondaire ? On ne peut ignorer cela aujourd’hui. On ne peut plus nier l’importance d’évaluer nos enseignements, quels qu’ils soient. Rejeter un examen d’entrée sur cette base, c’est entériner définitivement le décalage entre les institutions, tout en en le reconnaissant mais en considérant qu’il n’y a rien à faire et que l’écart ne pourra que continuer à grandir. Qu’on arrête donc de brandir ce spectre de l’inégalité des chances et qu’on se décide à l’affronter de face. Et comment mieux le faire qu’en se fixant des objectifs ? La réussite d’un examen d’entrée intelligemment pensé peut être un objectif — parmi d’autres certes — mais un objectif tangible. Le nier est une dérobade. D’autant plus que la capacité à affronter une année de premier bac universitaire est conditionnée par les mêmes inégalités. Ce sont elles qu’il faut combattre bien plus tôt déjà et qu’il faut arriver, dans le secondaire, à gommer.

Faire de nos enfants des universitaires accomplis, ça se prépare bien avant. Et un pays comme le nôtre ne peut espérer maintenir son niveau de développement que par la qualité de ses diplômés de l’enseignement supérieur, en compétition flagrante avec ceux des pays émergents, la Chine, l’Inde, le Brésil, le Mexique, pour ne citer que ceux-là. Alors ressaisissons-nous et ne nous réfugions pas derrière le caractère soi-disant inéluctable des inégalités.
Si les recteurs défendent l’idée d’un examen d’entrée, ils restent néanmoins ouverts à d’autres solutions, mais ils demandent que le pour et le contre des diverses propositions soit pesé honnêtement et sans parti pris. Ils demandent en tout cas, que l’on trouve une solution acceptable, et que l’on cesse d’empêcher les étudiants de faire les études qu’ils ont envie de faire alors qu’ils en sont jugés capables. C’est un droit humain fondamental qui prime par rapport aux initiatives législatives locales ou contextuelles.

Tout ceci souligne la nécessité, pour nos universités, non pas de s’adapter à la baisse pour pallier les manquements de la préparation qui précède, mais de s’adapter à la hausse par l’exigence et l’excellence, seuls atouts à développer face à la compétition internationale. Je ne parle pas ici de mondialisation ni de marchandisation, deux concepts qu’en matière universitaire, je réprouve. Je parle de l’émulation avec les autres universités du monde pour que nos diplômés trouvent, aujourd’hui et demain, dans un monde de plus en plus ouvert et mobile, mais aussi changeant, une place de choix et un réel épanouissement. Un tel objectif implique des coûts exorbitants et il est vrai que notre enseignement universitaire reste un des plus mal financés au monde. Heureusement, nous avons acquis cette capacité extraordinaire de faire bien avec peu, et nous en sommes fiers, mais nous ne devons pas cesser de combattre pour que chacun comprenne que l’investissement dans la formation des jeunes est notre meilleur placement.

Ce que « Vers l’Avenir » me fait dire ce matin en réponse à sa question: « Faut-il encore faire l’Unif? » est effectivement ce que j’ai répondu. Mais pas dans ce contexte. Si la question m’avait été posée comme cela, j’aurais évidemment, comme mes collègues de l’UCL et de l’ULB, répondu oui.
En réalité, la question, telle quelle, ne m’a jamais été posée. L’interview portait sur l’intégration éventuelle des hautes écoles dans les universités? J’avais répondu que j’y étais favorable et qu’ainsi les étudiants se verraient proposer, à l’entrée dans le supérieur, une gamme étendue de possibilités au sein-même de l’Université. Cela permettrait de gommer les idées préconçues quant à une hiérarchie de qualité, de mérite, etc, de revaloriser les filières de haute école dans l’Université agrandie et, par conséquent, de faire disparaître le besoin de venir en touriste à l’université pour y subir des échecs et devoir se réorienter vers un « pis-aller ».
En outre, la coexistence, au sein des universités, des différentes filières permettrait une orientation plus efficace, une aide au choix, mais aussi une réorientation rapide et intégrée par des passerelles simples dans un sens comme dans l’autre.
Dans une telle optique, et seulement dans ce cas, je réponds: « Non, il n’est pas nécessaire de choisir des filières universitaires si l’on n’en a pas l’envie ou les capacités, si l’on sent bien que ses goûts personnels ne sont pas là, et si l’on ne souhaite pas jouer au touriste ».
Dans l’article, c’est le prérequis qui manque, ainsi que le contexte. Il correspond à mon propos si on le précède par cette proposition: l’intégration des hautes écoles dans les universités, comme en beaucoup de pays dans le monde.

Semaine mexicaine pour l’ULg, avec la signature de deux accords-cadres : l’un avec l’ Universidad Nacional Autónoma de México (UNAM) et l’autre avec l’Instituto Politécnico Nacional (IPN). Deux institutions majeures du Mexique, réparties sur plusieurs campus et comptant chacune plus de 300.000 étudiants. Si on ajoute l’Universidad Autónoma de Nuevo León à Monterrey (UANL) (Réseau Latinus), ceci porte à trois les universités mexicaines avec lesquelles nous avons des accords-cadres permettant une mobilité des étudiants et des chercheurs.

Comme au Brésil et au Chili, on constate que des universités immenses peuvent tenir un rang très élevé parmi les institutions mondiales. Elles constituent le haut de gamme dans un vaste paysage universitaire à deux vitesses, voire plus. Mais il est incontestable que leur niveau n’a rien à envier à la plupart des universités européennes. Malgré le nombre impressionnant d’étudiants, ces universités parviennent à gérer leur enseignement au meilleur niveau et développent des programmes de recherche très honorables au plan international. Les accords avec l’UNAM et l’IPN reposent sur des collaborations préexistantes avec des chercheurs de l’ULg. Les nouvelles bourses internationales annoncées à nos collègues mexicains par notre Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche (10 bourses qui devraient être doublées par le Mexique) lors de la signature de l’accord CFB/RW-Mexique, constituent une opportunité intéressante pour les membres de l’ULg intéressés.

C’est lors de ce genre de déplacement que l’on se rend compte que les pays dits émergents (déjà un progrès terminologique par rapport à « en développement »!), si leur niveau universitaire doit encore progresser en moyenne, ont déjà, pour ce qui est de leurs meilleures institutions, rattrapé et comblé leur retard, voire pris de l’avance, ne fut-ce qu’en termes d’infrastructures et d’équipements, sans parler de la culture de l’évaluation qui y est un puissant moteur de progrès.

Ces accords ont donc beaucoup d’importance pour nous. J’espère qu’un suivi important y sera donné et enrichira nos destinations étrangères.

Pour toute info: Service des Relations Internationales (04 366 56 34).


Pyramides de Teotihuacan

Au terme — on l’espère — de la saga de l’été 2008, celle du numerus clausus, il convient d’en tirer les leçons. J’y détecte essentiellement deux dérives.

La première consiste en l’ingérence progressive d’influences externes tels que les pouvoirs politique et judiciaire dans les prérogatives académiques des universités. Sous le couvert d’agir en faveur des étudiants, tous ceux qui se permettent cette intrusion nuisent profondément à ceux-ci et tout particulièrement aux plus méritants.

1. En exigeant, par exemple, des universités une totale transparence — au point qu’elles doivent aujourd’hui, au 1er Bac en Médecine, communiquer la totalité de leurs points, dans le moindre détail, aux étudiants AVANT la délibération —, le pouvoir politique croit faire plaisir aux étudiants, voire même les protéger, alors qu’en réalité il paralyse le processus même de la délibération et le vide de son sens. Or ce processus, lorsqu’il reste secret, assouplit toujours les décisions — j’en ai la longue expérience et tous mes collègues en témoigneront — en faveur de l’étudiant. Remplacer le jury par un tableur informatique sans la moindre latitude empêchera dorénavant de se montrer clément ou compréhensif.

2. En changeant les « règles du jeu » en cours de partie ou, comme nous venons de le vivre, après la fin de la partie, le pouvoir politique amène l’université à se déjuger et à annuler une proclamation comme si elle était entachée d’une erreur matérielle. Chacun se cherche ou se donne des valeurs à poursuivre et on attend des universités qu’elles s’en donnent et qu’elles les appliquent. La principale valeur d’une institution d’enseignement primaire, secondaire ou supérieur, devrait être, me semble-t-il, la valeur de l’exemple. Que penser, dans ces conditions, d’une université qui passe avec chacun de ses étudiants un « contrat », l’engagement pédagogique, véritable pacte où chacun s’engage à respecter un ensemble de promesses, et qui, sous la pression de son propre pouvoir organisateur (c’est le cas à l’ULg et à l’UMH) et de sa composante politique, change la donne pendant l’année académique en cours? Comment encore espérer transmettre le sens du respect de la parole donnée et de l’engagement pris?

La seconde est une tendance de plus en plus fréquente à recourir à des assignations en justice pour des divergences de vue que l’étudiant peut ressentir avec son encadrement formatif, y compris des contestations non pas de forme mais d’opportunité. Cette tendance n’est pas propre à l’Université, on la trouve dans toutes les formes d’enseignement et également dans beaucoup d’autres circonstances où l’intérêt particulier semble primer par rapport à l’intérêt général.

1. Dans un contexte de contingentement par compétition, cette tendance s’exacerbe puisqu’on trouve de nombreuses situations où un étudiant a réussi si l’on utilise les critères ordinaires applicables à toutes les sections sans numerus clausus mais où il ne peut néanmoins passer dans l’année supérieure. Le caractère profondément frustrant de cette mesure est un intense générateur de recours, et cela se comprend.

2. Dans ce même contexte, la moindre faiblesse (moins de 10/20 à un examen) ne pardonne pas: elle verse l’étudiant dans une catégorie où, quel que soit le nombre maximum, il n’est pas éligible, ce qui est également frustrant. L’envie est très forte pour lui de démontrer que cette note a été mal évaluée non seulement pour lui mais pour tout le monde. Ce deuxième cas se double nécessairement du premier (d’abord remonter dans le canot de sauvetage, ensuite sauver le canot).

Dans ces deux cas, l’action portée immédiatement (si on vit dans un environnement familial instruit des possibilités de recours, mais je ne m’étendrai pas cette fois-ci sur l’injustice sociale que ceci met en lumière) consiste en un recours au Conseil d’Etat. C’est le droit le plus strict de chacun, mais il ne faut pas négliger la dérive que cela implique et, par conséquent, les mesures préventives que ce type d’action pousse les enseignants à développer qui risquent forcément de se montrer, dans bien des cas, défavorables à l’étudiant concerné et même à l’ensemble des étudiants.

La surprise suivante est la tendance, observée cet été, qu’a le Conseil d’Etat à donner raison à l’étudiant dans une procédure en référé, en quittant son rôle de vérificateur de la légalité des actes administratifs pour déborder sur le terrain de l’opportunité qui devrait rester la prérogative absolue de l’institution d’enseignement. Cette précipitation conduit à des revers, comme la réalisation tardive du fait que les éléments à charge du dossier ont été « enjolivés » par l’étudiant, ce qui l’amène, dans un deuxième temps, à retirer sa plainte, faute de vrais arguments, sous le couvert valorisant du sacrifice héroïque en faveur de ses condisciples. En jouant ce jeu sans sérénité, le Conseil perd de sa crédibilité, et c’est dommage.

Il perd également de sa crédibilité lorsqu’il rejette la décision d’un jury universitaire qui souhaite organiser une juste répartition des attestations de réussite que le gouvernement lui accorde pour deux ans, et l’oblige à tout dépenser tout de suite. Voilà bien un jugement qui ne porte nullement sur la légalité de l’acte (le prélèvement sur 2009 était autorisé mais pas obligatoire) mais bien sur son opportunité. Le Conseil s’aventure, là, en dehors de ses prérogatives, et sur un terrain éminemment politique.

Malheureusement, de tels arrêts ne peuvent qu’encourager des étudiants en difficulté à prendre l’habitude de contester la validité de leurs examens ainsi que les décisions du jury, même si c’est précisément, au départ, au détriment de leurs condisciples. Je crains terriblement de voir arriver une vague de récriminations par voie juridique qui risquent de déstabiliser le système éducatif et d’instaurer un climat de recours permanents à propos de tout et de rien qui ne pourra qu’aboutir à la ruine de la qualité de la formation, ou à l’opposé, à un durcissement des évaluations et un raidissement du corps professoral. Dans les deux cas, si nous n’y prenons garde tout de suite, la qualité des systèmes de formation des jeunes sera la grande perdante de ce vaste dérapage.

Comme je l’ai dit plus haut, ces dérives sont exacerbées par le numerus clausus, qui rend les détails de la vie étudiante bien plus décisifs, stimule l’esprit de compétition au point de prôner le « chacun pour soi » et multiplie les actions de contestation. On a beau chercher comment résoudre ce problème, on arrive toujours à la même conclusion: il n’existe pas de bon système de contingentement. Ne cherchez pas, il n’y en a pas. Ils sont tous mauvais. Choisir le moins mauvais (à démontrer) n’est qu’un pis-aller.

Aujourd’hui, surtout après avoir distribué toutes les attestations dont nous disposions, y compris 15% de celles de 2009, nous devons continuer à réagir. Nous ne pouvons nous contenter de laisser venir. Nous devons traiter les étudiants qui seront délibérés après les élections de 2009 comme ceux de cette année, avant les élections de 2009. Nous devons faire prévaloir une certaine justice et éviter de jouer le jeu de certains qui abusent de leur influence pour créer des conditions nouvelles, non annoncées et en faveur d’une seule cohorte d’étudiants, à un moment particulier.

Nous devons manifester notre conviction (c’est en tout cas la mienne) qui est que les universités sont là pour aider les jeunes à apprendre et à se former, non pas pour les contingenter et que la seule limitation à leur accès aux études doit être leur capacité personnelle à les mener à bien.

Le plaignant ayant retiré sa plainte, plus rien de s’oppose à la proclamation (finale j’espère) des résultats de la 1è session d’examens du 1er Bac en Médecine, qui aura lieu aujourd’hui à 17 heures.

L’ULg est convaincue de n’avoir jamais failli à ses devoirs et d’avoir, tout au long de ce pénible été, suivi une ligne de conduite cohérente, éthique et juste, soucieuse qu’elle est d’une parfaite équité. Il est vrai que, poussée par les événements et afin de ne pas prolonger ce qui est devenu pour des étudiants un véritable calvaire, elle est consciente de sacrifier un certain nombre de chances normalement réservées aux étudiants qui vont entrer en Médecine cette année. Elle n’en demeure pas moins convaincue d’avoir géré les choses au mieux, dans le contexte qui lui est imposé et elle a l’intention de continuer à lutter pour un assouplissement des contraintes.

Néanmoins, elle compatit avec les étudiants qui ne pourront bénéficier d’un accès en 2è Bac malgré leurs capacités, cette année, les années passées et les années suivantes. Elle réitère son affirmation que, même avec un contingentement d’accès à la profession, tout contingentement à l’accès aux études basé sur un autre critère que celui de l’aptitude individuelle est contre nature pour les universités. Et que les universités sont seules compétentes pour en juger. Elle continuera à se battre pour son indépendance dans l’exercice de ses missions par rapport aux influences extérieures, quelles qu’elles soient.

Et bien, ce ne fut pas long. J’avais prédit des recours, celui-ci a été ultra-rapide.
Comme je vous le disais, le système du numerus clausus est générateur de recours sans fin. J’ajoute qu’il l’est non seulement par lui-même mais encore plus lorsque l’on change les règles du jeu en cours de route ou même après coup.

Avant que le jury ne puisse proclamer ses décisions de ce matin, nous recevions la notification d’un recours auprès du Conseil d’etat introduit à l’extrème urgence par un étudiant en 1er Bac Médecine, M. Xavier GIET, assignant l’Université de Liège, le Recteur et le jury de 1er Bac. Au motif qu’un examen n’aurait pas été pondéré de manière correcte. Je n’entre pas dans les détails. M. Giet avait déjà introduit ce recours précédemment et le Conseil d’Etat, le 14 août, lui avait donné raison, à charge de l’ULg de mieux motiver sa décision. Le jury a maintenu sa décision et constitué un dossier qui en expose clairement les raisons. Ce dossier devait être défendu prochainement devant le Conseil d’Etat.

Le recours d’aujourd’hui, traité dès 14 heures par le Conseil, suspend donc toute proclamation puisque, si M. Giet se voit donner raison, il faudra recalculer ses points selon la pondération qu’il réclame, mais il faudra aussi, bien entendu, revoir les points de tous les étudiants, y compris ceux qui ont été délibérés précédemment. Il est évident que cette révision, que conteste catégoriquement le jury, changerait assez largement le classement des étudiants, voire même le fait qu’ils aient ou non une note en dessous de 10/20 (condition d’éligibilité du numerus clausus!). Certains vont « remonter dans le canot de sauvetage » (les 16 attestations encore disponibles car prélevées sur 2009), d’autres vont tomber à l’eau. Ce résultat serait profondément injuste et achèverait de créer le capharnaüm.

J’ai déjà dit que le numerus clausus faisait régner au sein du 1er Bac en Médecine une ambiance d’extrême compétition très déplorable, surtout chez de futurs médecins qu’on devrait former à la collaboration et à l’entraide. Il est clair que ce recours, s’il est reçu, ne contribuera pas à améliorer les choses…

Le Conseil d’Etat statuera le vendredi 29 août prochain. D’ici-là, les étudiants resteront dans la plus totale incertitude, ce que le jury voulait éviter en délibérant et proclamant aujourd’hui.
Lamentable.

(pour bien comprendre, lire les épisodes précédents)

Le jury de 1er Bac en Médecine de l’ULg a repris et terminé ce midi sa troisième délibération de première session commencée samedi dernier.

Pour cela, il attendait d’obtenir, par mon intermédiaire, des gouvernements fédéral et communautaire, des informations complémentaires sur les tenants et aboutissants de l’arrêt du Conseil d’Etat concernant les étudiants « reçus-collés ». Je n’ai pu leur ramener aucune garantie, aucune certitude. Mais toutefois la nette impression que, suite à tous ces événements, suite à toutes ces actions où nous avons essayé de mettre en lumière les incohérences et l’inadéquation des mesures en vigueur, plus personne n’ignore le problème et que chacun, à son niveau respectif, est décidé à bouger, et que quelque chose se passera lorsqu’on disposera du cadastre des professions médicales, espérons-le, dans quelques mois.

Je rappelle que, contrairement à ce que clame partout l’avocat des plaignants, l’arrêt du Conseil d’Etat n’est nullement contraignant et si le jury améliore la motivation de sa décision, elle peut être maintenue. Mais ce n’est pas ce que le jury a décidé. Non pas qu’il admette avoir tort, mais parce que sa persévérance nuirait gravement aux intérêts des étudiants car la procédure entraînerait un délai incompatible avec la suite de leurs études.

Il n’a pas voulu non plus jouer les Robin-des-Bois et laisser passer les 18 étudiants concernés, conformément au pacte de New York (1966) évoqué par le Conseil d’Etat. Il aurait alors distribué plus d’attestations qu’il n’en possédait (16). En outre, l’équité prônée par ce pacte voudrait que tous ceux qui réussissent leurs examens en 2è session reçoivent aussi chacun une attestation. Sans compter l’illégalité de cette action de faux-monnayeur et les risques d’annulation qu’elle comporte, elle aurait aussi été profondément injuste vis-à-vis des ajournés de juillet qui, considérant à juste titre que présenter une 2è session eût été bien inutile (les reçus-collés peuvent recommencer leur 1er Bac mais sans aucune dispense), ont préféré prendre du repos.

Soucieux en tout premier lieu du sort des étudiants, le jury a décidé d’accorder toutes les attestations dont il dispose, y compris 15% de celles de l’an prochain. Il continue à penser que c’est injuste pour les étudiants de 2008-2009 mais se rend à l’évidence malgré le cynisme que cela comporte: ceux-là ne sont pas encore identifiés et ne le savent pas encore eux-mêmes… Ils n’ont donc pas encore, eux, un soutien émotionnel général. Le combat doit continuer pour ceux-là aussi!

Evidemment, les 16 attestations dont il dispose en les prélevant sur 2009 ne résolvent pas le vrai problème: l’existence des reçus-collés. D’autres recours en perspective? Sans doute, mais ceux-là ne pourront être dirigés contre l’ULg et contre son jury qui ont fait tout ce qu’ils pouvaient, et même, comme aujourd’hui, contre leur intime conviction.

Ne manquez pas l’épisode suivant, c’est sûrement pour bientôt, le système le veut.
Mais pour la fin de la série, je crains qu’il faille attendre la disparition du caractère insupportablement étroit du numerus clausus fédéral.

Ce samedi, le jury de premier bac en Médecine a choisi d’interrompre sa délibération, considérant que l’imbroglio dans lequel il se trouve placé actuellement est inextricable, incompréhensible, et que toute solution envisagée, même si elle apporte un salut à certains étudiants, ne pourra que nuire gravement à d’autres, que ce soit ceux de cette année ou ceux de l’an prochain.

Comme je l’écrivais hier, il est soumis à des exigences gouvernementales et juridiques contradictoires.

• La Communauté française enjoint au jury d’organiser une sélection basée sur un numerus clausus, donc d’ajourner des étudiants qui ont, par ailleurs, satisfait à l’ensemble des épreuves (moyenne de 12/20 et pas de cote en dessous de 10/20) car ils ne satisfont pas au dernier critère imposé : se classer « en ordre utile ». Le jury s’y plie mais c’est éminemment désagréable.
• Le Conseil d’état reproche au jury de ne pas tenir compte d’un pacte international de 1966 qui invalide le principe même de la sélection par concours. Ce concours n’est pas du fait du jury qui, en outre, ne comprend pas pourquoi ce pacte s’appliquerait seulement à une partie des « reçus-collés ».

• La Communauté française accorde au jury des attestations supplémentaires (autorisant le passage en seconde), elle en ajoute également pour l’an prochain et l’autorise à opérer un prélèvement (15% max) dans celles de l’an prochain dès cette année, s’il le souhaite. En clair, il revient au jury de décider ce qu’il veut en faire, en âme et conscience.
• Le Conseil d’Etat condamne le jury pour n’avoir pas utilisé toutes ces ressources futures alors qu’il y était autorisé. La motivation du jury, à savoir qu’il ne voit aucune raison de favoriser les étudiants de 2008 au détriment d’étudiants qui seront mieux classés en 2009, est jugée insuffisante. (NB: il ne doit pas nécessairement obtempérer, il peut se contenter de mieux motiver sa décision).

• La Communauté française affirme ne pas pouvoir garantir plus d’attestations dans l’avenir sans une décision du Fédéral auquel elle rejette la balle. Ce dernier devrait assouplir le numerus clausus d’entrée dans la profession. Le Fédéral dit ne pas pouvoir se prononcer sur un tel assouplissement dès à présent, il évoque une étude scientifique des nécessités médicales qui pourrait éventuellement sortir en 2009 mais il ne peut en dire plus et ne souhaite certainement rien garantir.
• Le Conseil d’Etat condamne le jury pour ne pas avoir perçu un frémissement qui, selon lui, annoncerait que le carcan fédéral, donc le communautaire également, de 2009 sera assoupli.

Face à ces incohérences, le jury ne se considère pas dans les conditions sereines qui sont requises pour l’exercice de son métier: déterminer si un étudiant est, ou non, capable d’accomplir des études de Médecine. En tout cas pas tant que les pouvoirs judiciaire et politique ne se sont pas entendus pour clarifier les règles du jeu. Ni tant que les deux pouvoirs politiques impliqués, le fédéral et le communautaire, ne se sont pas mis d’accord pour éclairer les perspectives d’avenir.

Je soutiens cette décision, même si elle consiste à ne pas décider. Si certains pensent que c’est une dérobade et que le jury manque de cran, je leur réponds que c’est justement le contraire: il faut du courage pour ne pas choisir la solution la plus simple, la plus sympathique, mais aussi la plus irresponsable, celle à propos de laquelle on peut dire : «J’y étais bien obligé, je n’avais pas le choix». Justement, le jury a le choix mais, quel qu’il soit, ce choix heurte sa conscience. Il faut du courage pour dire à des étudiants qui sont dans l’angoisse : «attendez encore un peu, nous ne voulons pas trancher sans avoir en mains tous les tenants et aboutissants de l’arrêt du Conseil d’Etat qui est incompréhensible».

Il serait bien commode de se dire que si l’on réduit de 15% le quota de l’année prochaine, personne ne pourra s’en plaindre puisqu’il sera trop tard dans un an pour déposer un recours contre la décision que le jury aurait prise aujourd’hui. Ca, c’est de la dérobade.
Mais les membres du jury n’ont pas voulu s’en laver ainsi les mains. Le sort des étudiants qui vont entrer le mois prochain en premier bac leur importe, tout autant que celui des étudiants d’aujourd’hui. Le choix est, avouez-le, cornélien.
Bien sûr, les jurys universitaires sont habitués à prendre des décisions qui leur déchirent le cœur, mais ces décisions-là, ils en maîtrisent tous les éléments, ils connaissent les règles du jeu, claires, précises et invariables dans une même année académique.

Qu’on le veuille ou non, la balle est maintenant dans le camp du gouvernement fédéral. C’est lui qui impose le numerus clausus des numéros INAMI, un procédé qui a clairement montré ses limites et, de surcroît, son inefficacité. Comme je l’ai dit et redit maintes fois sur ce blog in tempore non suspecto, c’est là que réside le problème. Les mesures prises par la CFB ne sont que des filets de sauvetage visant, et c’est louable, à éviter à des étudiants d’accomplir toutes leurs études sans pouvoir, en fin de compte, pratiquer librement la médecine de prescription.

Que ce souci de limitation soit dû au coût de la sécurité sociale ou aux inquiétudes des associations de médecins face à la concurrence, (sinon on s’inquièterait aussi pour l’avenir professionnel des étudiants en psychologie et en communication…), ce sont de mauvaises raisons. Exercer un contingentement pour réduire la consommation ne peut constituer une bonne solution, en tout cas pas la seule. Il est temps qu’une réflexion approfondie sur la qualité et les coûts des soins de santé débouche sur autre chose qu’une limitation des diplômes des prestataires de soins. Il est temps de trouver d’autres moyens d’enrayer la surconsommation que le contingentement des médecins. Il est temps qu’on arrête de casser de l’étudiant pour soi-disant préserver un système alors qu’il fuit de partout, qu’il crée la pénurie et qu’on compense par l’accueil de médecins étrangers. Il faut accélérer l’étude commanditée par l’Etat pour connaître les besoins médicaux réels, dentistes compris, et nous donner enfin une vision objective et réelle des choses, pénurie ou besoin.

Aujourd’hui, en suspendant sa délibération, le jury de 1er bac en Médecine de l’ULg ne choisit en tout cas pas la facilité. Il dit à tous ces gens qui veulent le contrôler sans être à la manœuvre, sans être quotidiennement au contact direct de tous les étudiants, année après année : mettez-vous d’accord, harmonisez vos politiques, vos stratégies, vos planifications, puis revenez nous dire dans quel jeu on joue, pour que nous puissions alors en informer nos étudiants, qui sont, on vous le rappelle, des êtres humains avec des aspirations, des espoirs, des capacités, un potentiel, des devoirs mais aussi des droits. Et sans doute par-dessus tout le droit de faire les études qu’ils souhaitent faire pour autant qu’ils en aient les capacités.
Voilà ce que dit le jury, rien d’autre. Si, il dit aussi: arrêtez de nous prendre pour des marionnettes!
Il précise également qu’à son avis, «le Conseil d’Etat fait peser sur le pouvoir politique l’obligation de majorer ses quotas pour les porter [en 2009] à un niveau permettant d’au moins compenser le prélèvement qu’il serait ainsi amené à opérer».

Comme il me l’a demandé, je vais interroger les gouvernements communautaire et fédéral sur leurs intentions pour 2009 à cet égard. Muni de ces informations et en fonction de celles-ci, il reprendra sa délibération dès que possible et statuera. En toute connaissance de cause, j’espère.

L’arrêt du Conseil d’Etat est tombé: les étudiants ayant introduit un recours contre la décision de jury qui les empêche d’accéder à la 2è année de Médecine ont eu gain de cause. Le jury doit re-délibérer demain et je ne souhaitais pas m’exprimer sur ce blog avant cela mais la relation qui en a été faite est parfois tellement confuse que quelques précisions s’imposent. Je me cantonnerai donc à l’arrêt du Conseil d’Etat, je commenterai les décisions du jury ce week-end.

Numerus clausus et attestations

• L’ULg n’est pas demandeuse d’une limitation du nombre d’étudiants en Médecine, mais un décret l’oblige, comme toutes les universités de la CFB, à l’organiser.

• Pour cela, elle dispose de 90 attestations (autorisations de passage en 2è Bac) pour 2008 (comme en 2006 et en 2007). C’est ce qu’elle a annoncé aux étudiants s’inscrivant en 2007 (environ 400). La règle est dure mais elle est claire et elle est connue.

Les sauveurs

• En juillet, émotion de M. Di Rupo et de Mme Milquet: on va « sauver les reçus-collés »! Le Gouvernement n’a qu’à en trouver le moyen.

• Simple: on ajoute 100 attestations en 2008 et 100 en 2009 « après coup » (après la délibération et la proclamation). A Liège, la délibération du jury a été menée sur base de ces 90 attestations. Mais voici qu’on « hérite » de 22 attestations supplémentaires (22% du quota communautaire) pour 2008 et 22 pour 2009. Plus surprenant encore: si on veut, on peut puiser en 2008 dans le quota de 2009 jusqu’à concurrence de 15% de 112=16. Conclusion: 22+16= 38.

Deuxième délibé

• Seulement voilà: on doit procéder à une nouvelle délibération, puisque les reçus-collés ont été proclamés « ajournés », comme le système nous l’impose. Le jury, forcément seul compétent, décide de faire réussir les 22 premiers reçus-collés classés sur la liste. Et de ne pas amputer le quota de 2009 qui aurait pour conséquence qu’à cette date, au lieu de 112, on ne pourrait plus en accorder que 96.
En effet, comment expliquerait-on au 97è de 2009 que son attestation a déjà été donnée au 128è de 2008? Il irait sûrement, comme les 15 autres, au Conseil d’Etat se plaindre de l’inégalité flagrante des chances d’une année à l’autre.

Recours

• Sept étudiants non-retenus dans la fournée des 22 font un recours au Conseil d’Etat et plaident que l’Université n’a pas bien géré les attestations dont elle disposait (38) puisqu’elle n’en a donné que 22. Certes, elle aurait dû amputer le quota de 2009 de 16 unités, mais elle doit savoir qu’il y a pénurie de médecins et que quelque chose va sûrement se passer. Elle aurait donc dû puiser dans ses ressources de 2009 car nul ne sait ce qui arrivera en 2009.

• Surprise générale, malgré cet argument pour le moins décoiffant, le Conseil d’Etat donne raison aux plaignants. Et confirme: l’ULg ne pouvait ignorer « que les autorités tant fédérales que communautaires recherchent des solutions à une pénurie médicale et que, dès lors, la justification de ne pas amputer le quota d’attestations disponibles pour les étudiants de l’année académique 2008-2009 n’est pas pertinente; que selon le rapport [qui accompagne l'arrêté ajoutant 200 attestations en 2008 et 2009 en CFB], ‘la nouvelle réglementation en matière d’attestations d’accès constitue une première réponse à la pénurie médicale, il importe d’aller plus loin et de favoriser au plus tôt la diplomation d’étudiants’; que toute autorité, même si comme en l’espèce elle dispose d’un pouvoir d’appréciation, a l’obligation de fonder ses décisions sur un examen complet et sérieux des éléments utiles pour le choix de la mesure à prendre ».

Cerise sur le gâteau

• Il ajoute même une couche: un pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels signé à New York en 1966, en son article 13, 2,c, dont découle une obligation de standstill, dispose comme suit: « L’enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration de la gratuité ». Le jury de 1er Bac en Médecine de l’ULg aurait bien évidemment dû le respecter…

Que conclure ?

• Le jury doit se réunir à nouveau pour examiner ces faits nouveaux: troisième délibé, du jamais vu.

• Il dispose essentiellement de deux possibilités:
1. s’en tenir à sa décision du 25 juillet et conserver pour 2009 les 112 attestations prévues. Il faut pour cela qu’il motive « mieux » ses raisons de ne pas procéder à cette amputation recommandée par le Conseil d’Etat.
2. se plier à l’injonction et accorder les 16 attestations. Ceci ne sera toutefois pas suffisant pour « sauver » tout le monde.

Désobéissance ?

• Dans ce deuxième cas, on peut se demander si l’obéissance au Conseil d’Etat ne doit pas aller jusqu’à accorder toutes les attestations, même celles qu’on n’a pas, afin de se conformer au pacte de New York en 1966. Et puis, si tout va s’arranger en 2009 comme le promet le Conseil d’Etat, allons-y, sauvons tout le monde…

• Le jury est souverain. On verra demain ce qu’il décide de faire.

Conséquences

On peut néanmoins, sans vouloir influencer le jury, s’interroger sur cet arrêt du Conseil d’Etat.

1. Sa recommandation d’utiliser les « cartouches » de 2009 dès aujourd’hui sur base d’une incertitude de l’avenir ne me paraît pas, malgré tout le respect que je lui dois, raisonnable. C’est tout simplement une injonction à « jouer au poker » avec le sort des étudiants de 2009.

2. Son allusion au pacte de New York de 1966 ne s’adresse en rien à l’ULg, ni à aucune université. Elle s’adresse en réalité à tout qui exige un concours et/ou impose un numerus clausus. Elle remet en cause ces processus dans leur principe.
Mais elle ouvre également la voie à des recours:
- des reçus-collés des années précédentes,
- des excédentaires de cette année, dans toutes les universités, y compris en 2è session (l’ULg disposant d’une proportion faible d’attestations par rapport au nombre d’inscrits, elle sert « d’éclaireur » pour les autres universités),
- des nombreux reçus-collés de 2009 et peut-être des années suivantes,
- des reçus-collés en dentisterie (et j’en profite pour dire que, tiens donc c’est étrange, mais personne, vraiment personne ne s’émeut de leur sort, à ceux-là…)
- de toutes les victimes d’une quelconque forme de concours (et non pas d’examen) ou de numerus clausus préalable à des études (y compris les étudiants étrangers!).

On peut donc dire que cet arrêt tire un trait. Il y aura toujours un avant et un après cet arrêt. Qui pourra, dorénavant, parler du numerus clausus des études de médecine sans tenir compte de tout ce qui a été dit, décrété et arrêté à son sujet?

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