juin 2007


Hier, l’Association Canadienne des Bibliothèques (CLA) annonçait son passage à l’Open Access, mettant ainsi en accès libre pratiquement toute sa propriété intellectuelle digitalisée. L’accès sera immédiat pour l’ensemble des publications de la CLA (à l’exception de Feliciter (durée de l’embargo: 1 numéro) et des monographies. La politique d’embargo sera revue après une année. Les monographies seront examinées au cas par cas. La CLA encourage ses membres à auto-archiver leurs publications dans des dépôts institutionnels (l’équivalent de notre Digithèque ULg) ou disciplinaires (sociétés savantes). La CLA s’engage également à veiller à la conservation par les auteurs de leurs droits, en encourageant le « Creative Commons licensing » ou les accords editeur-auteur qui promeuvent l’accès libre.

Pour rappel, nous aurons le plaisir de présenter la Digithèque ULg à toute la communauté universitaire le jeudi 5 juillet de 12 h 30 à 13 h 30 aux amphithéâtres de l’Europe (salle 204).

En effet, sur ma proposition, le Conseil d’Administration du 23 mai dernier décidait de créer la Digithèque ULg. Elle assurera deux fonctions.
- La première consistera en une bibliographie institutionnelle qui deviendra désormais la liste officielle des publications de chaque membre de l’ULg depuis 2002. Elle sera utilisée pour toutes leurs candidatures officielles à des postes ou promotions au sein de l’ULg, pour les candidats internes, évidemment. Elle constituera également un inventaire précieux des publications de l’Université, des ses Facultés ainsi que de ses Départements et Centres de recherche.
- La deuxième sera un dépôt institutionnel Open Access où l’on trouvera la version électronique intégrale des articles publiés par les membres de l’ULg depuis 2002, selon le principe de l’Immediate-Deposit/Optional-Access (ID/OA) déjà décrit dans ces pages. Ce dépôt donnera à nos publications une diffusion extraordinairement large, par son référençage sur les grands moteurs de recherche du web ainsi que sur les moteurs de recherche spécifiques des publications scientifiques.

Au passage, j’en profite pour remercier et féliciter toute l’équipe du Réseau des Bibliothèques de l’ULg qui se consacre depuis près de deux ans à ce projet, en plus des tâches qui lui sont normalement confiées, et qui a abouti à ce remarquable résultat.

A ceux qui penseront qu’il s’agit là d’une « tracasserie administrative de plus », je répondrai qu’il n’en est rien et que cette initiative permettra une bien meilleure visibilité de notre Institution sur le plan de sa production scientifique, visibilité dont chacun bénéficiera, bien entendu. En effet, on ne peut, jusqu’aujourd’hui, que déplorer le peu d’information que notre Université — et elle n’est pas la seule — rend aisément accessible à propos d’une de ses missions essentielles, la production du savoir.

Rendez-vous donc aux membres de l’ULg, jeudi à 12h30, pour en apprendre plus sur les nombreux avantages et caractéristiques de ce nouvel outil au service de tous et qui place notre Université dans le peloton de tête mondial (22 universités dans le monde à ce jour — si on compte l’Université de Californie pour une seule — dont 14 en Europe) en cette matière.

Ayant été interpellé quelques fois ces derniers temps au sujet de la « marchandisation » de l’Université, du contrôle institutionnel de la publicité et du sponsoring, je souhaite livrer ici quelques réflexions personnelles.
Commençons par préciser de quoi on parle.

La publicité peut être considérée comme un acte complètement autonome de la part d’une entreprise commerciale, acte qui n’a, en principe, pas d’interférence avec des tiers.
Le sponsoring — ou, pour utiliser le français, le parrainage — lui, repose sur l’utilisation d’un événement comme support médiatique à des fins publicitaires. Le parrainage permet de réaliser un événement, d’ériger un bâtiment, d’aménager ou d’équiper des locaux, au prix de l’affichage — généralement discret mais pas toujours — du nom et/ou du logo de l’entreprise.

L’ULg n’a, délibérément, aucune politique institutionnelle organisée en ce qui concerne la publicité. En principe, l’affichage sauvage est interdit et les panneaux d’affichage sont réservés à des informations officielles ou aux activités estudiantines. La seule sanction est l’arrachage et celui-ci est assuré par le personnel de l’Université. Aucune ressource financière de l’Institution ne provient d’affichages publicitaires.

En matière de sponsoring, les choses sont plus complexes. Beaucoup d’activités estudiantines sont parrainées. Un certain nombre d’activités universitaires (réunions, colloques) sont sponsorisées. La recherche de sponsors est assurée par les organisateurs eux-mêmes. Une réflexion est actuellement en cours sur une certaine rationalisation, voire centralisation, de la prise de contact avec les sponsors éventuels, visant essentiellement à ne pas les solliciter de manière désordonnée, ni manquer une occasion coûteuse à cause d’une petite intervention préalable, mais une telle organisation n’est encore qu’à l’état de la réflexion.

Plus délicate est la question des chaires sponsorisées, c’est-à-dire la possibilité de faire couvrir le salaire et parfois même les frais de fonctionnement de professeurs par une entreprise. On peut en effet s’inquiéter de la sauvegarde de la liberté académique dans ces conditions. Dans les rares (2 ou 3) cas à l’ULg — cette pratique est nettement plus courante dans les universités « libres » —, cet écueil a été complètement évité, mais il est vrai qu’une grande vigilance s’impose.

Qu’en est-il des lois et règlements? Il n’existe pas de législation applicable aux universités en matière de publicité ou de parrainage.
En existe-t-il une dans les autres degrés d’enseignement ? L’enseignement maternel, primaire, secondaire et supérieur non universitaire sont régis, à cet égard, par la Loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l’enseignement dite « loi du pacte scolaire ». Cette loi prévoit en son article 41 que: « Toute activité et propagande politique ainsi que toute activité commerciale sont interdites dans les établissements d’enseignement organisés par les personnes publiques et dans les établissements d’enseignement libre subventionnés ».

La portée de cette loi a cependant été, depuis lors, tempérée par la circulaire n° 1026 du 27 décembre 2004 portant sur la « publicité dans les établissements scolaires et matériel didactique diffusé par des firmes commerciales » qui note que « il n’est pas aisé de déterminer ce qui constitue une activité commerciale dans un établissement d’enseignement » et précise : « Faut-il refuser toute initiative d’origine commerciale, même lorsqu’elle peut apporter un petit plus aux écoles ? ». La Ministre M. Arena y affirme deux choses: d’une part, sa confiance dans la sagesse des enseignants et des responsables scolaires et d’autre part, l’évidence même du fait que les élèves sont confrontés à la publicité en dehors de l’école alors que, dans cette dernière, les enseignants peuvent « former les enfants et les adolescents à développer une attitude critique face au matraquage publicitaire ».

A la lecture de la circulaire, il est évident que toutes les interrogations soulevées par cette loi concernent l’âge du public ciblé: les mineurs. Cette règlementation n’a donc pas de correspondance au niveau universitaire. Par ailleurs, en Europe, ce questionnement est appréhendé de façon fort différente dans chaque Etat. A ma connaissance, en Belgique francophone, les autres universités n’ont, pas plus que l’ULg, de règle stricte en la matière et raisonnent au cas par cas.

Il est donc clair qu’aujourd’hui, faute de mise en place d’une règlementation institutionnelle spécifique, tout ceci est laissé au jugement et à l’appréciation de chacun, ce qui fait de nous des funambules craignant de basculer d’un côté ou de l’autre: le laxisme de la marchandisation ou le puritanisme de la surprotection. Faut-il nécessairement, dans une université, placer des garde-fous partout? Allons-nous édicter des règles à propos de tout et de n’importe quoi? Ne pouvons-nous compter sur nous-mêmes, sur nos enseignants, sur notre personnel et aussi sur nos étudiants, pour trouver, en permanence, la juste limite?

Basons-nous sur les principes généraux de « non-discrimination » applicables aux services publics et sur l’éthique particulière que l’ULg entend respecter en la matière et évitons de légiférer. Les temps évoluent, les sensibilités aussi.
Gardons-nous de transformer notre université, où se côtoient des adultes responsables, en un enclos protégé de tout, loin des réalités de la vie et du temps.
Ce serait tout le contraire de ce que je souhaite pour notre Université et pour ses étudiants.

QS, la firme qui réalise (mal, à mon goût) les études de classement des universités pour le London Times Higher Education Supplement, produit aussi d’excellentes analyses de divers phénomènes qui affectent la vie universitaire.

Elle vient de publier un commentaire intéressant sur le plagiat, fléau de l’enseignement depuis toujours, mais malheureusement beaucoup plus généralisé, au point qu’il devient un problème majeur aujourd’hui, en raison de la facilité de le commettre dans un environnement électronique où le « copier-coller » est si simple. Et c’est un problème pour deux raisons: la violation des droits d’auteurs et le non-apprentissage par l’étudiant du processus rédactionnel.

Selon l’auteur, Tim Rogers, si la technique le favorise, le plagiat est essentiellement dû au manque d’éducation en matière de propriété intellectuelle, ou tout simplement à l’égard de la tricherie et de la fraude intellectuelle. Ensuite, la facilité pratique vient accélérer et répandre largement la dérive.

Condamner la technique serait un combat d’arrière-garde comme le serait l’idée de limiter les performances des automobiles pour prévenir les excès de vitesse. Tout est dans l’éducation à ne pas transgresser les interdictions qui ont une raison d’être sociétale.

Christine, une étudiante à l’Institut National des Techniques de la Documentation (INTD-CNAM) en France qui y prépare le diplôme de chef de projet en ingénierie documentaire, tient un blog fort intéressant sur les universités françaises vues par des yeux d’étudiant, qui peut — mutatis mutandis — nous aider à réfléchir.

Son analyse explore les difficultés que l’étudiant rencontre pour s’orienter dès le début de ses études universitaires, les difficultés de l’accès aux Grandes Ecoles, les difficultés de trouver un emploi avec un diplôme universitaire dans un pays où l’enseignement supérieur est dual (là, c’est l’université qui est le « second choix »), l’inquiétude des étudiants devant les réformes qui s’annoncent en France. Elle y évoque le danger des formations qui ne conduisent qu’à peu de débouchés, non tant par la qualité médiocre de la formation, mais plutôt en raison des préjugés sur la primauté des orientations spécialisées et pointues qui donnent l’illusion de l’efficacité d’emblée. Alors que ce qui importe, c’est l’adaptabilité que devraient acquérir tous nos étudiants, quel que soit leur parcours.

Un blog d’étudiante qui fait preuve de maturité, d’acuité et de profondeur. Encourageant.

Certains prétendent, à grand renfort de presse, qu’ils sont les seuls à donner des cours de chinois en Communauté française de Belgique.
Qu’ils en donnent, c’est fort bien. Ce qui l’est moins, c’est d’ignorer volontairement le plus grand centre de formation en langue et en culture chinoises, l’Institut Confucius de la Communauté française de Belgique, hébergé par l’ULg.
Que ceux que cela intéresse, et ils sont nombreux, se rendent sur le site web de l’Institut, pour en connaître les activités remarquablement diversifiées.

Il est surprenant de constater le temps qu’il aura fallu pour que des institutions de grande qualité scientifique finissent par contester les méthodes ridiculement inadéquates qui sont employées pour les juger et les classer.

Voici enfin qu’un boycott des « rankings » est proposé par un groupe d’universités américaines. Il est commenté par D. Butler dans la revue Nature (447, 514-515, 31 May 2007) et par S. Harnad ce 3 juin dans l’American Scientist Open Access Forum.

En Europe, les voix ont été plus discrètes. Rares sont ceux d’entre nous qui ont rejeté d’emblée les « rankings » sur base de leur médiocrité scientifique, beaucoup ont accepté ces classements comme incontournables, certains ont même essayé de manipuler les chiffres à leur avantage et personne n’a vraiment réussi à convaincre la presse d’ignorer ces informations.

En substance, l’analyse de Nature est la suivante: « Experts argue that [the rankings] are based on dubious methodology and spurious data, yet they have huge influence. All current university rankings are flawed to some extent; most, fundamentally ».

Les auteurs défendent un point de vue qui est le mien depuis le début: aucun classement, que ce soit celui du U.S. News & World Report, celui du British Times Higher Education Supplement (THES) ou celui de la Jiao Tong University à Shanghai, pour citer les plus connus, n’est basé sur des critères ni sur une méthodologie irréprochables, loin s’en faut. Quant aux données du Thomson Scientific’s ISI citation data, elles sont inutilisables pour opérer des classements — le nom d’une même institution s’écrit de manière différente dans différents articles, voire même est mal orthographié ou complètement omis selon les cas — et elles ne concernent que les publications.

La conclusion est nette, les rankings, dans leur forme actuelle, sont purement et simplement à oublier.