Ayant été interpellé quelques fois ces derniers temps au sujet de la « marchandisation » de l’Université, du contrôle institutionnel de la publicité et du sponsoring, je souhaite livrer ici quelques réflexions personnelles.
Commençons par préciser de quoi on parle.

La publicité peut être considérée comme un acte complètement autonome de la part d’une entreprise commerciale, acte qui n’a, en principe, pas d’interférence avec des tiers.
Le sponsoring — ou, pour utiliser le français, le parrainage — lui, repose sur l’utilisation d’un événement comme support médiatique à des fins publicitaires. Le parrainage permet de réaliser un événement, d’ériger un bâtiment, d’aménager ou d’équiper des locaux, au prix de l’affichage — généralement discret mais pas toujours — du nom et/ou du logo de l’entreprise.

L’ULg n’a, délibérément, aucune politique institutionnelle organisée en ce qui concerne la publicité. En principe, l’affichage sauvage est interdit et les panneaux d’affichage sont réservés à des informations officielles ou aux activités estudiantines. La seule sanction est l’arrachage et celui-ci est assuré par le personnel de l’Université. Aucune ressource financière de l’Institution ne provient d’affichages publicitaires.

En matière de sponsoring, les choses sont plus complexes. Beaucoup d’activités estudiantines sont parrainées. Un certain nombre d’activités universitaires (réunions, colloques) sont sponsorisées. La recherche de sponsors est assurée par les organisateurs eux-mêmes. Une réflexion est actuellement en cours sur une certaine rationalisation, voire centralisation, de la prise de contact avec les sponsors éventuels, visant essentiellement à ne pas les solliciter de manière désordonnée, ni manquer une occasion coûteuse à cause d’une petite intervention préalable, mais une telle organisation n’est encore qu’à l’état de la réflexion.

Plus délicate est la question des chaires sponsorisées, c’est-à-dire la possibilité de faire couvrir le salaire et parfois même les frais de fonctionnement de professeurs par une entreprise. On peut en effet s’inquiéter de la sauvegarde de la liberté académique dans ces conditions. Dans les rares (2 ou 3) cas à l’ULg — cette pratique est nettement plus courante dans les universités « libres » —, cet écueil a été complètement évité, mais il est vrai qu’une grande vigilance s’impose.

Qu’en est-il des lois et règlements? Il n’existe pas de législation applicable aux universités en matière de publicité ou de parrainage.
En existe-t-il une dans les autres degrés d’enseignement ? L’enseignement maternel, primaire, secondaire et supérieur non universitaire sont régis, à cet égard, par la Loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l’enseignement dite « loi du pacte scolaire ». Cette loi prévoit en son article 41 que: « Toute activité et propagande politique ainsi que toute activité commerciale sont interdites dans les établissements d’enseignement organisés par les personnes publiques et dans les établissements d’enseignement libre subventionnés ».

La portée de cette loi a cependant été, depuis lors, tempérée par la circulaire n° 1026 du 27 décembre 2004 portant sur la « publicité dans les établissements scolaires et matériel didactique diffusé par des firmes commerciales » qui note que « il n’est pas aisé de déterminer ce qui constitue une activité commerciale dans un établissement d’enseignement » et précise : « Faut-il refuser toute initiative d’origine commerciale, même lorsqu’elle peut apporter un petit plus aux écoles ? ». La Ministre M. Arena y affirme deux choses: d’une part, sa confiance dans la sagesse des enseignants et des responsables scolaires et d’autre part, l’évidence même du fait que les élèves sont confrontés à la publicité en dehors de l’école alors que, dans cette dernière, les enseignants peuvent « former les enfants et les adolescents à développer une attitude critique face au matraquage publicitaire ».

A la lecture de la circulaire, il est évident que toutes les interrogations soulevées par cette loi concernent l’âge du public ciblé: les mineurs. Cette règlementation n’a donc pas de correspondance au niveau universitaire. Par ailleurs, en Europe, ce questionnement est appréhendé de façon fort différente dans chaque Etat. A ma connaissance, en Belgique francophone, les autres universités n’ont, pas plus que l’ULg, de règle stricte en la matière et raisonnent au cas par cas.

Il est donc clair qu’aujourd’hui, faute de mise en place d’une règlementation institutionnelle spécifique, tout ceci est laissé au jugement et à l’appréciation de chacun, ce qui fait de nous des funambules craignant de basculer d’un côté ou de l’autre: le laxisme de la marchandisation ou le puritanisme de la surprotection. Faut-il nécessairement, dans une université, placer des garde-fous partout? Allons-nous édicter des règles à propos de tout et de n’importe quoi? Ne pouvons-nous compter sur nous-mêmes, sur nos enseignants, sur notre personnel et aussi sur nos étudiants, pour trouver, en permanence, la juste limite?

Basons-nous sur les principes généraux de « non-discrimination » applicables aux services publics et sur l’éthique particulière que l’ULg entend respecter en la matière et évitons de légiférer. Les temps évoluent, les sensibilités aussi.
Gardons-nous de transformer notre université, où se côtoient des adultes responsables, en un enclos protégé de tout, loin des réalités de la vie et du temps.
Ce serait tout le contraire de ce que je souhaite pour notre Université et pour ses étudiants.