Dans une société où le profit règne en maître, le financement public de l’enseignement en général et celui de l’Université en particulier laisse de plus en plus à désirer, à tel point que la qualité-même de la formation des jeunes est gravement menacée, de même que la formation permanente des adultes tout au long de leur vie (formation non subventionnée !), ce qui nous place dans une position peu enviable par rapport à la majorité des autres pays européens et nord-américains, voire même des pays dits « émergents » ou « en développement ».

Il s’agit de choix et d’options politiques de gouvernance publique. J’en resterai là.

Quoi qu’il en soit, cette carence a obligé les universités à revoir leur propre politique d’acquisition de moyens de fonctionnement afin de ne pas voir décliner la qualité de leurs missions.
Auparavant, les découvertes issues de la recherche universitaire étaient tout simplement rendues publiques par les articles que publiaient les chercheurs. Ceci permettait une bonne diffusion de l’information et des progrès du savoir.
Aujourd’hui, si ceci reste vrai pour ce qui concerne les recherches dont on voit mal les champs immédiats d’application, les choses ont changé pour ce qui est des recherches applicables ou potentiellement applicables. De plus en plus, ces recherches sont « valorisées » et rapportent, dans une mesure très variable, des moyens à l’Université et au département ou au centre, ainsi qu’aux chercheurs qui ont pris les mesures adéquates.

On aime ou on n’aime pas ce mode de fonctionnement, mais on ne peut nier qu’il soit juste que la propriété intellectuelle des découvertes et inventions puisse être affirmée, réclamée, protégée et défendue. Cette évidence est encore renforcée dans un contexte où la recherche publique est notoirement sous-financée. Au sein de l’Université, peu de chercheurs ont les moyens et/ou le savoir-faire nécessaires pour assurer seuls ces démarches. Moins encore sont disposés à y consacrer du temps et nous parlons ici de beaucoup de temps.

Les universités ont donc mis sur pied des dispositifs permettant de soulager les chercheurs de ces tâches — en bonne partie du moins, leur expertise restant indispensable — et de professionnaliser cette fonction. C’est ainsi que sont nés à l’ULg ses « outils » de valorisation: l’Interface Entreprises-Université il y a quinze ans, Gesval puis SpinVenture, Science Park Service, SPS, WSL, GIGA et Aquapôle plus récemment et dernièrement CIDE.

• L’Interface a pour tâche d’identifier au sein de l’Université les recherches valorisables, de construire un réseau de relations avec les entreprises et d’établir le contact entre les chercheurs et les entreprises afin de trouver les meilleures voies de valorisation de la recherche universitaire. Ceci implique une activité prospective, mais également une activité pédagogique et d’animation technologique, l’organisation de conférences, colloques, séances de travail permettant d’augmenter les chances de rencontre et de collaboration entre l’ULg et le monde des entreprises, privées ou publiques.

• Gesval est une s.a. dont l’ULg est l’actionnaire principal, à 99,9%. Son rôle est l’évaluation technico-économique des développements universitaires, l’aide à la prise de décision en matière de brevets, la recherche de partenaires pour la valorisation, la négociation et la rédaction de contrats de transfert et enfin, l’aide à la décision avant la création et le suivi d’entreprises « spin-off ».

• SpinVenture est une s.a. dont l’ULg et Meusinvest sont actionnaires paritaires et dont le but est d’aider les chercheurs à trouver le capital d’amorçage pour la création d’une spin-off au cas où cette voie de valorisation a été considérée comme la plus adéquate.

• SPS est également une s.a. de l’ULg et de Meusinvest qui a pour mission d’offrir des espaces immobiliers pour les entreprises de haute technologie qui souhaitent une proximité étroite avec l’Université.

• WSL, GIGA et Aquapôle sont des incubateurs de haute technologie pour les entreprises naissantes dans les domaines de l’ingeniérie, de la biotechnologie et de l’eau, qui favorisent l’interaction permanente et étroite entre entreprises et centres de recherche universitaires.

• CIDE est une asbl créée par l’ULg et Meusinvest en vue de soutenir activement l’innovation et la création d’entreprises dans notre région. Au sein de CIDE sont regroupées les compétences de SEED-ULg, qui fut créé par le Prof. B. Surlemont au Centre d’entreprenariat de HEC-ULg, et celles de PI2, ou centre Patlib, lui-même intégré à l’Interface.

L’ULg encourage tous ceux qui, parmi ses chercheurs s’interrogent sur le caractère nouveau d’une technologie, ou sur la liberté qu’ils ont de l’exploiter, à recourir à l’instrument PI2 (Propriété Intellectuelle et Innovation), extrêmement performant à cet égard. Intégré dans un réseau européen de plus de 300 centres du même type, PI2 est officiellement reconnu par l’Office européen des brevets (OEB) et par l’office national belge des brevets: l’Office de la Propriété Intellectuelle (OPRI).
PI2 étant maintenant incorporé dans CIDE, c’est là qu’il convient de s’adresser lorsque l’on veut répondre de la meilleure manière aux appels à projets de la Région Wallonne, par exemple, qui pose clairement, dans ses formulaires, la question de la nouveauté et de la liberté d’exploitation. Cette opportunité existe également pour les chercheurs des autres universités, centres de recherche ou entreprises qui ont le loisir de profiter des performances de PI2. L’ULg a pris un abonnement à PI2 pour ses membres et d’autres peuvent évidemment en faire de même.

Mais il est important de savoir que la gestion de la propriété intellectuelle de l’ULg n’est pas l’affaire de PI2, pas plus que le suivi des procédures liées à la prise et au maintien de brevets. Cette gestion est prise en charge par l’ULg qui la confie à Gesval car c’est là qu’est accompagné tout le processus de valorisation, depuis le recueil des annonces d’invention jusqu’au suivi des licences d’exploitation. Gesval aura alors éventuellement recours à PI2 pour la recherche des informations liées au marché.

http://www.cide.be/


Looking for seed funding!
(Photo Grant Heffernan, www.photoslave.com/ journal/2002/09.html)

Comme promis sur ce blog le 17 décembre dernier, le rapport d’auto-évaluation de l’ULg est dès à présent accessible « en ligne » sur l’Intranet à l’adresse:

http://www.evalulg.ulg.ac.be/

Il est donc rendu public et est ainsi disponible pour tous ceux qui veulent en prendre connaissance, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Institution.
C’est là un choix délibéré de ma part, après concertation avec le Comité d’Auto-évaluation, le Collège Rectoral et le Conseil des Doyens.
En effet, en tant qu’institution universitaire publique, nous n’avons rien à cacher, rien dont nous devrions rougir, rien à passer sous silence.
L’exercice-même de l’auto-évaluation se révèle être extrêmement instructif pour tous ceux qui y ont participé et, cette année, la participation a été encore plus générale qu’auparavant. L’analyse présentée dans ce rapport est sans concession. Elle se veut même résolument sévère car c’est de la pleine conscience de nos insuffisances que nous pourrons tirer l’inspiration qui nous amènera à y remédier au mieux, et tous ensemble.
Chacun se sentira visé, ou à tout le moins concerné, par l’une ou l’autre critique et pourra ainsi se pencher sur les moyens de s’améliorer.

Mais l’exercice peut aussi présenter de l’intérêt pour des personnes extérieures à l’ULg. En effet, dans un deuxième temps — car il ne s’agit ici que de la première phase du processus d’évaluation, qui doit se prolonger à présent par deux visites d’experts internationaux, la première ce mois-ci et la seconde en mai — nous allons élaborer un « Projet de l’ULg » pour l’automne prochain, et pour celà, nous ferons appel à tous, y compris à des regards extérieurs. Il est donc normal que nous rendions public un tel document, même à ce stade, comme nous rendrons publics les divers rapports ultérieurs.
La Presse, en particulier, s’intéresse beaucoup à notre évaluation. Il est bon qu’elle puisse en parler en connaissance de cause et non sur base de bruits divers et incontrôlés, ou de fragments (mal) choisis et sortis de leur contexte. A cet égard, le préambule des Professeurs Coignoul et Delruelle est précieux et très explicatif. J’espère que tout lecteur du rapport prendra le temps de lire tout d’abord ce bref avertissement.

Il est également important de savoir que, lorsque l’European University Association, l’EUA, procède à une évaluation, elle demande que l’Institution concernée choisisse un nombre restreint de thèmes. Pour notre part, nous avons décidé d’évaluer la Gouvernance institutionnelle (l’ensemble des processus de décision et des mécanismes mis en œuvre à cet effet, à tous les niveaux), l’Enseignement et la Recherche. Le lecteur ne trouvera donc pas, ou guère, d’auto-évaluation à propos d’autres aspects de l’activité universitaire. Nous pensons cependant que ces trois thèmes sont les plus importants à examiner et que pratiquement tout le reste en dépend.

Enfin, la grande nouveauté de cette évaluation 2006 étant la totale transparence des analyses, servie par la meilleure communication interne possible et par une consultation externe franche et ouverte, nous avons ouvert une adresse électronique à laquelle chacun peut poser ses questions et faire ses commentaires. Utilisez-là, elle est là pour vous, qui que vous soyez: evalulg@ulg.ac.be

Le 9 octobre dernier, j’abordais le sujet des relations entre l’ULg et les Hautes Ecoles, et plus particulièrement le Pôle Mosan. J’y déclarais notamment que ce vaste pôle de formation, dont j’apprécie énormément les vertus de précurseur dans le dialogue que l’on doit développer au sein de l’Enseignement supérieur francophone, était quelque peu tombé en léthargie et que je souhaitais le réactiver.


http://www.polemosan.be/

En effet, autant les rencontres et l’échange d’idées sont utiles, autant en rester là manque vraiment d’intérêt. Il est plus que temps aujourd’hui de prendre position par rapport à une coopération beaucoup plus concrète. Plusieurs groupes de travail se sont réunis et ont élaboré des propositions dont certaines peuvent aujourd’hui donner lieu à des conventions particulières. Je pense à la mise en commun des ressources documentaires ou informatiques, donc à une utilisation plus rationnelle et mieux partagée des moyens qui y sont consacrés.

Par ailleurs, les choses ont évolué dans notre relation avec les Hautes Ecoles de la Communauté française de Liège et du Luxembourg, respectivement « Charlemagne » et « Robert Schumann ». Ces deux institutions ont déposé, à la fin de l’année académique 2004-5, une demande officielle d’intégration dans l’ULg. Une telle opération n’a pu réellement être envisagée en raison des difficultés évidentes qu’elle présente mais également à cause du moratoire sur les fusions instauré par la Ministre M-D Simonet. Toutefois, nous avons décidé d’examiner la possibilité d’une association très étroite, privilégiée, entre l’Université et ces deux Hautes Ecoles. Une catégorie (Agronomie) de la HE Charlemagne présentant des affinités particulières pour la Faculté Universitaire des Sciences Agronomiques de Gembloux (FUSAGx), cette dernière a été associée à nos discussions.

Il est donc apparu clairement que, pour des raisons d’affinité et de complémentarité, mais également pour des raisons de financement de nos initiatives, il serait préférable d’envisager que cette association privilégiée ne s’établisse pas seulement avec l’ULg et la FUSAGx, mais globalement avec l’Académie Universitaire Wallonie-Europe, qui regroupe ces deux institutions.

La convention, déjà ratifiée par les quatre Conseils d’Administration, sera signée officiellement par le Conseil de l’Académie le 8 février prochain. Dorénavant, c’est le Conseil de l’Académie, élargi aux directeurs-présidents des deux Hautes Ecoles, qui veillera à la destinée de cette association.

Mais au delà de cet accord qui est essentiellement une lettre d’intention, il convient de passer à des réalisations concrètes. Le Groupe stratégique de cette nouvelle association a décidé, ce vendredi 27 janvier, qu’outre les rationalisations évidentes qui peuvent être réalisées (bibliothèques, informatique, gestions diverses), de nombreux domaines d’enseignement sont suffisamment proches pour qu’on examine attentivement les possibilités de collaboration, de même que les éventuelles passerelles à établir. C’est ainsi que des groupes de contact vont être relancés maintenant pour la formation des infirmiers, la logopédie, la kinésithérapie, l’éducation physique, les sciences biomédicales, les sciences appliquées, l’agronomie, avec mission d’examiner les synergies possibles, en termes de cursus communs, de passerelles, de logistique (équipements, salles de TP, etc) à partager. Des pistes seront tracées pour la mise sur pied en commun de programmes de recherche, en particulier — mais pas uniquement — dans le contexte du Plan « Marshall » de la Région Wallonne. Nous ferons ainsi l’expérience d’une collaboration étroite au sein de l’Académie, comme le décret du 31 mars 2004 nous le permet, collaboration qui pourrait servir d’exemple aux Hautes Ecoles qui souhaiteraient franchir une étape plus concrète en rejoignant cette association.

Ceci nous semble être une voie d’avenir vers un paysage plus étendu mais aussi plus lisible de l’Enseignement supérieur en Belgique francophone (et germanophone d’ailleurs, la Haute Ecole de cette Communauté s’étant tout récemment affiliée au Pôle mosan). L’appel est ainsi lancé aux Hautes Ecoles appartenant à d’autres réseaux et membres du Pôle Mosan, pour une éventuelle association avec l’Académie Universitaire Wallonie-Europe.

Le passage à l’an 2006 semble un bon moment pour examiner rapidement ce qui vient d’être accompli mais surtout pour définir les grands chantiers de l’Institution au cours de la nouvelle année.

Qu’avons-nous fait ?

Les accomplissements consistent en :
- une réforme de l’administration ;
- une révision extensive des procédures de fonctionnement de la gouvernance ;
- une action très importante en faveur de la recherche ;
- un soutien significativement accru aux bibliothèques ;
- une réactivation des recrutements de personnel scientifique permanent ;
- un accroissement du nombre d’assistants et d’étudiants-moniteurs ;
- une réactivation de l’engagement dans le PATO en excès des départs et une relance des promotions ;
- une réflexion sur la vie étudiante et sur la vie universitaire en général qui conduit aujourd’hui à la construction d’un nouveau restaurant et à la création d’une Maison des étudiants ;
- la mise en place de l’Institut de Formation et de Recherche en Enseignement Supérieur (IFRES) ;
- le lancement de nombreux projets et réflexions qui porteront leurs fruits en 2006.

Qu’allons-nous faire ?

Les grands projets ont été abondamment annoncés. Ils peuvent se résumer par l’énoncé des pistes suivantes :
- Formation des nouvelles générations par l’enseignement et la recherche ;
- Contribution à l’essor économique régional ;
- Application de méthodes de formation favorisant mieux l’esprit d’entreprise et d’innovation ;
- Harmonisation au sein de l’Académie Wallonie-Europe et réalisation de ses grands objectifs ;
- Constitution d’un grand pôle éducationnel avec les hautes écoles, le Pôle Mosan, et l’associer activement à l’Académie Wallonie-Europe ;
- Négociations pour une entente avec les autres académies ;
- Mise en œuvre d’une formation permanente structurée ;
- Maîtrise des langues étrangères ;
- Mobilité et ouverture vers le monde…

Qui sommes-nous ?

Mais au delà de ces voies toutes tracées, il nous reste un exercice important à faire : celui de définir réellement qui nous sommes, dans toute notre complexité et toute notre diversité. Chacun d’entre nous a son idée là-dessus, mais personne n’a — ni n’a jamais eu, je pense — la réponse définitive. Aussi est-il temps de nous en préoccuper car cette question devient fondamentale quant à déterminer notre place en Wallonie, en Belgique, en Europe et dans le monde…
- Sommes-nous une université de recherche ou d’enseignement ?
- Nos structures organisationnelles et décisionnelles sont-elles en rapport avec ce que nous voulons être ?
- En quoi nos associations (Pôle mosan, Académie, ALMA, etc) renforcent-elles notre image et nos aspirations ?
- Qu’impliquent nos aspirations à l’internationalisation en coûts, en efforts humains, en temps consacré ?
- Enfin et peut-être surtout, nous n’arrêtons pas de nous proclamer Université complète, publique et pluraliste : qu’est-ce que ça veut dire ici et aujourd’hui ? En percevons nous bien le sens, les avantages et les contraintes ?

Ce travail est amorcé par le comité d’autoévaluation présidé par le professeur F. Coignoul, dont j’ai déjà salué le travail dans un message précédent (« EvalUlg », 17.12.05).
Cette interrogation sur nous mêmes est importante et elle doit faire participer toute la communauté universitaire liégeoise, ainsi que des anciens et des personnalités extérieures. Elle se reflètera dans le rapport du comité — dont j’ai souhaité qu’il soit accessible dès la fin du mois de janvier 2006 — ainsi que ses annexes et les documents de support, sur notre intranet, dans un souci de transparence, mais également dans le but de stimuler l’interactivité de la part des membres de l’Institution. De la même manière, le verdict des évaluateurs étrangers de l’EUA sera rendu public pour les membres de l’ULg et nous servira de guide. Je ne prétends pas que nous suivrons nécessairement à la lettre les recommandations, mais nous nous en inspirerons au mieux. C’est bien là l’intérêt d’un guide comme on en utilise en voyage : de bonnes suggestions, à suivre éventuellement !

Toutefois, si le diagnostic est important, sans nul doute, la thérapeutique l’est aussi. Cette analyse doit conduire à une réflexion et à des propositions. C’est la tâche qui a été confiée au Collège rectoral et plus particulièrement au Conseiller à l’Image institutionnelle, le professeur Edouard Delruelle. Son travail va conduire notamment à l’organisation de tables rondes et de forums de discussion impliquant tous les membres de la communauté universitaire qui le souhaitent et à l’envoi d’un questionnaire — un de plus, je sais — qui nous donnera des éléments importants et sur lesquels nous comptons vivement. Il donnera les grandes lignes et la philosophie de son action dans le prochain numéro du 15e Jour.
Je prévois de réunir le Conseil académique dans quelques mois pour consulter mes collègues de manière plus directe, plus personnelle. Je rencontrerai également le personnel scientifique et les représentants du PATO et des étudiants.
Je compte enfin publier un « Projet de l’ULg » à la rentrée prochaine, basé sur ces enquêtes, audits et travaux divers qui indiquera les grandes directions que l’Institution aura elle-même définies, et c’est ce « elle-même » qui me paraît important.
A ce moment, nous disposerons de grandes directives auxquelles chacun pourra se référer pour ses propres actions. Je compte beaucoup sur l’ensemble de ces procédures pour corriger bon nombre de critiques et orienter le destin de notre université dans une direction qui convient au plus grand nombre d’entre nous.

J’écris ce message d’Equateur où je suis venu signer un accord-cadre de coopération avec l’Universidad Central del Ecuador (UCE; http://www.ucentral.edu.ec/). Nous avons déjà avec l’UCE des programmes communs dans les domaines du transport fluvial et intermodal (Sciences appliquées) et de la médecine vétérinaire, mais nous pourrons étendre notre collaboration à diverses autres disciplines, telles que la biotechnologie, la biodiversité et la protection de l’environnement, la pharmacologie des plantes médicinales, l’archéologie, la littérature hispano-américaine, pour en citer quelques-unes qui viennent immédiatement à l’esprit parmi d’autres encore. Cet éventail de collaborations dépendra directement de l’intérêt que nos collègues y porteront. Pour ma part, je vois plusieurs avantages à interagir avec cette institution: elle est dynamique et enthousiaste, bien équipée et performante dans plusieurs domaines, a fait ses preuves dans la collaboration avec l’ULg depuis 18 ans et bénéficie d’une situation géographique idéale. En effet, l’Équateur, en dehors de sa latitude particulière que chacun peut aisément deviner, présente la caractéristique d’héberger une vaste gamme de configurations topologiques et climatiques: océan Pacifique, plaine océane, cordillière des Andes culminant à plus de 5.000 mètres, nombreux volcans et plaine amazonienne typique s’étalant à l’Est jusqu´à la Colombie et le Pérou. En termes de géographie, de biologie et d’environnement, entre autres, l’Equateur constitue donc un réservoir immense de recherches et nos liens avec l’UCE nous donnent accès à ces ressources scientifiques. En outre, la tradition des études universitaires à l’ULg est bien éprouvée à l’UCE.
Notre collaboration, qui nous donne déjà accès à la station biologique d’Arajuno à la limite entre les Andes et la plaine amazonienne, pourra même mener à l’établissement d’une station scientifique sur le fleuve Napo, près du Pérou, station qui sera co-gérée par l’UCE et l’ULg.
Par ailleurs, l’UCE peut être pour nous une véritable plaque tournante vers de nombreuses universités d’Amérique latine avec lesquelles elle entretient des liens actifs.

Ce séjour fructueux, au cours duquel j’ai pu sillonner très largement le pays, me confirme dans une conviction déjà solidement ancrée chez moi après de nombreux voyages au quatre coins de la planète : l’Université du 21è siècle sera celle de la coopération internationale où les partenaires joueront à armes non pas forcément égales, mais équivalentes, se complétant harmonieusement et trouvant dans ces interactions les fondements d’une recherche qui, en quelque domaine que ce soit, sera profondément humaine et utile à l’ensemble de l’humanité. Cette largeur de vues, c’est dans la coopération internationale que nous la trouverons, par la connaissance intime des peuples et l’amitié qui en dérive. Elle implique un profond respect des autres et de leurs particularités, sans s’arrêter à leurs faiblesses mais en tâchant de toujours repérer et comprendre leurs forces, leurs atouts, leur savoir et leur savoir-faire.

J’aurai bientôt l’occasion de revenir plus en profondeur sur ce sujet général dans ce blog et lors de diverses interventions que je ferai dans les semaines et mois qui viennent.

En attendant, je souhaite à tous les lecteurs de ce blog une excellente année 2006. Qu’elle apporte à chacun de vous tout ce que vous pouvez souhaiter et qu’elle apporte en particulier à notre Université toute l’aura qu’elle mérite.

San Francisco de Orellana, Amazonie équatorienne, le 31 décembre 2005

Enfants dans le village indien d’Arajuno, Equateur

Que d’émois dans les media !
Toute la presse écrite régionale s’est emparée du « scoop » lancé dimanche 11 décembre par la RTBf : « L’Université de Liège se désintéresse de ses bibliothèques ». Retentissement majeur, jusqu’au journal télévisé.
Que d’honneur !
Une bonne nouvelle, que sais-je, une découverte scientifique, une évolution majeure de notre Institution, recueillerait-elle autant d’attention ? Jusqu’à Bruxelles ?
La même nouvelle, recoupée, comme on dit en langage journalistique, c’est-à-dire ayant fait l’objet d’une simple question auprès des autorités universitaires ou du Recteur en particulier, donc ramenée à ses justes proportions, aurait-elle eu autant de retentissement ?

Je dois à la vérité de préciser que seul l’auteur du billet du dimanche qui a mis le feu au poudres s’est abstenu de cette vérification. Mais ensuite, le mouvement était lancé et il était difficile de ne pas y donner écho.

Que s’est-il passé ?
La situation du réseau des bibliothèques n’est guère bonne depuis plusieurs années. Le financement consacré au fonctionnement et aux acquisition documentaire a été plafonné à 2 millions d’Euro. Le personnel a été réduit de plus du tiers. Le coût des revues a augmenté de manière déraisonnable et a nécessité un abandon progressif de nombreux abonnements importants.

Ayant moi-même présidé le CSBi (Conseil Scientifique des Bibliothèques) depuis 1997, puis le Réseau des Bibliothèques, j’ai pu me sensibiliser au sort de notre documentation et me rendre compte de la nécessité de faire perdre au réseau son statut de « centre de coût financier » pour lui donner le rang de « centre de profit intellectuel, scientifique et culturel ». Bien sûr, ceci implique des coûts ainsi qu’une restructuration sérieuse, un regroupement des unités permettant une rationalisation et des économies d’échelle, une meilleure répartition du personnel et des compétences, et certains choix parfois difficiles.

Cette petite révolution se prépare depuis un certain temps, s’organise depuis mon élection et se concrétise depuis deux mois, aboutissant à une série de prises de décision que je réservais au Conseil d’Administration du 14 décembre.

Il est bien évident que l’absence de mesures, combinée à une situation difficile à la Faculté de Philosophie et Lettres due à la perte de deux agents dès janvier, nous aurait mis dans des conditions où nous ne pouvions assurer le plein service de la Bibliothèque générale et des bibliothèques de la Faculté. Un affichage — un peu hâtif il est vrai — annonçant ces mesures restrictives qui devraient être prises dès le 4 janvier, a créé une vive inquiétude chez les étudiants et chez certains de leurs professeurs, a amené les premiers à constituer un comité de sauvegarde, à lancer une pétition et à prévenir la presse, malheureusement sans me consulter pour connaître mes intentions, ce que je déplore.

Les documents du Conseil d’administration étaient déjà communiqués aux membres de celui-ci, y compris aux représentants étudiants, depuis trois jours. Ils contenaient des propositions que j’y faisais pour un ensemble de mesures qui allaient résoudre cette difficulté avant même qu’elle n’existe vraiment et entamer la relance des grands projets du Réseau.

A savoir :

1) réserver une part du subside fédéral à la Recherche pour la documentation, pour un montant de 250.000 € ;
2) investir dans l’achat de compactus et assurer le regroupement de la biliothèque des Sciences et Techniques, pour un montant de 350.000 € ;
3) augmenter le budget ordinaire du Réseau, pour un montant de 250.000 € ;
4) créer 3 nouveaux postes de personnel scientifique, pour un montant de 140.000 € ;
5) créer 3,5 nouveaux postes de personnel ATO, pour un montant de 193.000 € ;
6) ajouter à l’existant 2.000 heures de jobistes, pour un montant de 21.000 € ;

soit un supplément de budget de 1.204.000 € pour 2006, la plus forte augmentation annuelle jamais accordée en une seule fois aux bibliothèques de l’ULg.

Toutes ces mesures viennent s’ajouter à d’autres, prises déjà en 2005 :
- augmentation du budget ordinaire du réseau de 250.000 €
- engagement de 2,5 scientifiques, 2 PATO et 245 heures de jobistes pour un total de 139.000 €
- engagement d’un budget additionnel d’investissement de 1.500.000 € à étaler sur 3 ans.

Vous comprendrez pourquoi il me fut pénible de voir l’ULg accusée de désintérêt à l’égard des bibliothèques par toute la presse, pour un simple problème lié à la pause-carrière de deux agents entraînant une hypothétique nécessité de réduire les heures d’ouverture.

Mais seul compte le progrès accompli. Le Conseil d’Administration s’est rallié unanimement à mes propositions et je lui en sais gré. Nous continuerons le mouvement et ferons de la création d’une seule grande bibliothèque de Philosophie et Lettres une réalité. Et nous montrerons que ce que certains considèrent aujourd’hui comme une solution dictée par de médiocres considérations d’argent constituera un véritable progrès pour le confort des utilisateurs et la qualité du service qui leur sera offert.

Je tiens à réaffirmer ma conviction qu’il n’existe pas d’université de qualité sans un accès de qualité à la documentation, quel qu’en soit le mode.

Pour la troisième fois en huit ans, notre institution va être évaluée en février prochain par des experts externes mandatés par l’European University Association (EUA).
Le caractère éminemment instructif des deux premières évaluations ne pouvait que nous amener à poursuivre l’expérience et à nous livrer régulièrement à cet effort.

Comme à chaque fois, nous sommes conscients de l’importance primordiale de l’auto-évaluation qui nous est demandée en préalable à la visite des experts. En effet, cet exercice est extrêmement informatif. Il demande, de la part des membres de l’Institution et surtout de la part des membres de la Commission d’Evaluation: EvalUlg, un travail considérable qui, s’il est effectué en profondeur et sans pudeur inutile — et c’est le cas — permet de révéler toutes les forces et les faiblesses de l’Université, de dégager des lignes stratégiques institutionnelles, de corriger des aberrations et de combler des lacunes. Ce rapport préliminaire constitue le socle dont va dépendre l’ensemble de l’évaluation. Il doit être réaliste, analytique et objectif et faire l’objet d’une réflexion collective, bien dans l’esprit de collégialité que je souhaite insuffler à l’ULg.

A cet égard, je désire féliciter et remercier chaleureusement tous les membres de la Commission présidée aussi magistralement que courtoisement par le Professeur Freddy Coignoul, qui travaillent d’arrache-pied à la rédaction du rapport d’auto-évaluation. Celui-ci deviendra pour nous une référence d’une qualité exceptionnelle. Ils n’ont pas ménagé leurs efforts, se rencontrant chaque semaine depuis le mois de septembre (après quelques rencontres en juin) et prenant tous en charge des chapitres de cette rédaction, recevant des invités pour les familiariser avec des aspects moins connus. La rigueur et la persévérance dont cette commission a fait preuve jusqu’ici — et ce n’est pas terminé! — sont tout simplement exemplaires.

Pour qu’une évaluation institutionnelle de cette ampleur soit de qualité et réellement utile, plusieurs conditions doivent être remplies, dont deux sont primordiales:
(1) le soutien ferme et inconditionnel des Autorités de l’Université et en particulier celui du Recteur;
(2) une transparence totale de la procédure et des conclusions vis-à-vis de la communauté universitaire.

C’est pourquoi j’ai décidé:
- de faire moi-même partie de la Commission et de participer à la totalité de ses travaux, dans la mesure de mes disponibilités, en plus du Vice-recteur, de l’Administrateur et du Directeur général;
- de mettre à la disposition de la Commission tous les moyens financiers, logistiques et de personnel dont elle pourrait avoir besoin;
- d’offrir à la commission un accès illimité à tous les documents, archives et dossiers divers qu’elle souhaiterait consulter;
- d’accorder à la Commission la primeur des intentions que je puis avoir pour l’Institution, en accord avec le Vice-recteur et le Collège rectoral;
- de publier largement et in extenso tous les documents: le rapport d’auto-évaluation, les rapports intermédiaires ainsi que le rapport final de l’audit lorsqu’il sera disponible. C’est là d’ailleurs l’utilité principale et le rôle du site web qui sera bientôt ouvert par EvalUlg.

Enfin, je désire rassurer la Communauté universitaire sur le caractère constructif de toute cette opération et lever toute crainte que chacun pourrait avoir sur ses conséquences à titre individuel. Il n’est point question de sanctionner ni réprimer, mais d’examiner sereinement une situation actuelle, par ailleurs en perpétuelle évolution, et d’en tirer des conclusions pour une amélioration de notre fonctionnement, de nos objectifs et des moyens que nous y consacrons. Bien sûr, il faudra mettre en œuvre des changements qui nous permettront de corriger nos manquements et nos défaillances, mais nous pourrons aussi accorder un soutien accru aux initiatives qui auront reçu une appréciation favorable. Je vois cet événement comme une étape très positive dans notre développement collectif et également comme un véritable incitant pour le travail de chacun.

Au delà de cet événement ponctuel, je souhaite ardemment que notre institution s’inscrive dans un processus d’évaluation permanente et acquière une véritable culture de la qualité. Bien sûr, le terme de qualité ne doit pas être compris ici comme celui d’excellence académique — cette culture-là, nous l’avons depuis toujours — mais de qualité au sens où ce mot est entendu dans le monde actuel où la rigueur et la fiabilité, où une garantie de constance et de reproductibilité sont attendues de tous les professionnels quel que soit leur domaine d’activité. Il n’y a aucune raison que l’Université échappe à cette demande universelle. Sans verser dans les normes ISO, il demeure que nos partenaires universitaires, institutionnels ou industriels, nos bailleurs de fonds les plus divers, les parents de nos étudiants et nos étudiants eux-mêmes, sont en droit d’attendre de nous que nous offrions un service dont la constance de qualité est garantie et répond à des normes strictes que nous annonçons et respectons tous. Ce principe du « on fait exactement ce qu’on dit et on dit exactement ce qu’on fait » doit prévaloir chez nous, pénétrer nos mentalités et devenir une règle incontournable dans toutes nos actions.

Ce n’est qu’avec cette tournure d’esprit, le courage de l’autocritique et l’acceptation de la critique, le respect strict de nos propres règles et engagements et une réelle volonté d’amélioration que nous ferons de notre Université une institution respectable et respectée, par la qualité de nos actes bien plus que par l’auto-proclamation de notre grandeur.

LE VERDICT

Par un arrêt rendu ce mercredi 23 novembre 2005 ((167/2005), la Cour d’Arbitrage vient de rejeter le recours introduit par 57 membres des corps académique et scientifique de l’ULg ainsi que de mandataires du FNRS à l’encontre du décret de la Communauté française du 31 mars 2004 définissant l’enseignement supérieur, favorisant son intégration à l’espace européen de l’enseignement supérieur et refinançant les universités mieux connu sous le nom de « Décret Bologne« .

Nos collègues critiquaient trois aspects du décret:
1. la limitation géographique de l’ULg à 6 cantons (Liège, Aywaille, Herstal, Seraing, Fléron et, pour les sciences et gestion de l’environnement et l’océanographie, Arlon),
2. la création de 3 académies universitaires qui, dans les faits, se sont avérées peu équilibrées et cela au détriment de l’ULg,
3. la mise en place de mesures disciplinaires qui pouvaient constituer une atteinte à la liberté académique.

Concernant les deux premiers points, la Cour a jugé que les requérants n’avaient pas d’intérêt direct à contester ces dispositions et que seule l’Université aurait pu se prévaloir d’un préjudice direct. Le recours n’était donc pas, pour ces points, recevable à ses yeux. Elle n’a pas jugé sur le fond.

Concernant le troisième point, la Cour a considéré que le recours était recevable, mais non fondé. En effet, selon elle, le décret ne menace pas la liberté académique mais au contraire, il en réaffirme le principe et il appartient aux universités de mettre en œuvre des mesures qui la garantissent effectivement pour leur corps enseignant.

QU’EN PENSER ?

Chacun peut se réjouir de cet arrêt. Les requérants puisqu’ils n’ont pas été déjugés sur le fond pour leurs deux premières critiques et qu’ils ont été rassurés sur la troisième, et tout le personnel académique puisqu’il est aujourd’hui patent que sa liberté n’est en aucun cas altérée par le décret, toutes les sécurités étant mises en place.

Pour ce qui est de l’Institution, sa position est claire comme elle l’a toujours été.

La restriction géographique

Concernant le point 1 (la limitation géographique de l’ULg à 6 cantons), il est vrai que cette mesure prive l’ULg d’une liberté historique que l’on peut même qualifier de privilège, puisque les universités « privées » étaient, elles, confinées spécifiquement à certains cantons. Il faut toutefois reconnaître que l’ULg n’a rigoureusement jamais fait usage de ce privilège dans les 188 ans de son existence. En effet, ce qu’il ne nous est plus possible d’organiser n’importe où en Belgique, c’est un enseignement conduisant à un grade académique — ceci ne concernant pas les formations continuées — or il n’est nullement dans nos intentions de le faire, pas plus aujourd’hui qu’auparavant.
Et ce n’est pas ce non-changement qui fera de notre université ce que certains prétendent qu’elle va devenir : une université de village.

Pour bien comprendre pourquoi, hormis un agacement bien naturel sur le principe en soi, je n’ai pas de difficulté particulière à admettre cette mesure, il faut préciser qu’elle n’affecte en rien l’aire de recrutement de nos étudiants. La restriction qui nous est imposée n’est pas de celles qui, à la française, limitent le choix des étudiants à des institutions particulières dans la zone géographique à laquelle ils appartiennent.

Pour moi, ce n’est pas en créant des bacs dans diverses provinces belges que l’ULg augmentera la zone de recrutement de ses étudiants, elle n’en aurait d’ailleurs pas les moyens humains. Par contre, c’est par des ententes et accords avec d’autres institutions, belges ou étrangères, en vue de compléter son offre de formations, qu’elle atteindra ce but.

Notre attractivité est inchangée. Elle reste due à la qualité de notre institution, de son enseignement et de sa recherche, bref, à sa réputation. A nous de l’entretenir et de l’améliorer.

Les académies

Quoi que certains puissent en dire, l’Académie Universitaire Wallonie-Europe, constituée par l’ULg et la Faculté Universitaire des Sciences Agronomiques de Gembloux (FUSAGx) se porte fort bien. A elles deux, nos institutions couvrent l’ensemble des domaines d’enseignement de la communauté, hormis la théologie, sans redondance. Par la rationalisation de l’offre de formations qui ne manquera pas d’être imposée aux académies tôt ou tard, la nôtre ne sera aucunement affectée. Par ailleurs, la complémentarité entre agronomie et médecine vétérinaire constitue un atout majeur.

Si, à première vue, nous souffrons de nous retrouver au sein de la plus petite des trois académies, un examen plus approfondi nous montre que les avantages de notre situation surpassent largement cet inconvénient et risquent fort, à terme, de jouer clairement en notre faveur.

La liberté académique

La lecture que fait la Cour du titre VI du décret est tout à fait rassurante.
La Cour rappelle que la liberté académique assure aux enseignants et aux chercheurs une « très grande liberté » pour mener des recherches et exprimer leurs opinions dans l’exercice de leurs fonctions, dans l’intérêt du développement du savoir et du pluralisme des opinions. Elle ajoute que la liberté académique fait partie de la liberté d’expression garantie par la Constitution et par la Convention européenne des droits de l’homme et qu’elle est spécifiquement réaffirmée dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Elle précise que cette liberté n’est pas illimitée en ce qu’elle ne peut porter atteinte à l’intérêt général ni à la qualité de l’enseignement dispensé au moyen des deniers publics.

Selon la Cour d’arbitrage, le décret « Bologne » n’entrave en rien la liberté académique mais la réaffirme explicitement dans son article 67.

Par ailleurs, on pouvait craindre qu’en organisant les enseignements selon le principe de la détitularisation — que personnellement, je préfère appeler « non-titularisation » et qui prévoit l’attribution temporaire de la charge d’enseignement et une révision périodique de cette charge — le décret ne menace la liberté académique en subordonnant la carrière d’un enseignant à la « conformité » des opinions qu’il exprime dans l’exercice de ses fonctions.

En fait, la non-titularisation instaurée dans le décret l’a été à la demande de l’ULg qui souhaitait ainsi bénéficier des avantages de mobilité interne et de souplesse dont jouissent les universités libres. En accordant cette requête aux institutions publiques, le décret prévoit que la révision périodique et la modification éventuelle du contenu de la charge d’un enseignant doit s’opérer selon un règlement établi par le Conseil d’administration (C.A.) et adopté à la majorité des deux tiers des membres présents. A charge donc du C.A. d’en fixer les garanties.

L’université a-t-elle pris ses responsabilités ?

Le C.A. de l’ULg s’est réuni en séance extraordinaire en novembre 2003 et s’est penché sur ce qui n’était alors qu’un projet de décret. Il a proposé une reformulation qui est reprise dans le texte définitif en mars 2004 et qui introduit la phrase : selon un règlement établi par le Conseil d’administration et adopté à la majorité des deux tiers des membres présents. Notre C.A. était donc bien conscient de cette disposition : il l’avait lui-même proposée !
La reformulation suggérée portait également sur le fait que le renouvellement ou la modification du contenu de la charge doit se faire après « avis de l’intéressé » et non simple information ou consultation de l’intéressé.

Une commission a reçu du C.A. la mission de proposer un règlement d’ordre intérieur, conformément aux exigences du décret. Le rapport de cette commission a été examiné et adopté par le C.A. le 17 novembre 2004, qui a acté la conclusion que, ni le décret, ni le règlement n’apportent de modification au statut des enseignants et qu’ils ne concernent que le renouvellement ou la modification de leur charge. Il a constaté que le règlement veillait à la protection des intéressés et à l’objectivité des décisions qui doivent être dûment motivées.

Une commission de sages a en outre été établie, qui examinera les cas litigieux éventuels et rendra un avis au C.A. Si celui-ci venait à prendre une décision contraire à l’avis des sages, il ne pourra le faire qu’à la majorité des deux tiers.

Dès le 17 novembre 2004, l’ULg était ainsi dotée d’un règlement interne (Doc C.A. 13.444) définissant les procédures et garanties concernant le principe de non-titularisation, comme l’exigeait le décret.

CONCLUSION

La Cour d’arbitrage a donc rejeté les recours en annulation partielle du décret « Bologne », à la satisfaction des requérants autant qu’à celle de l’université.

Dans leur communiqué à la communauté universitaire, les requérants insistent sur le fait que «C’est donc à nos autorités académiques actuelles, relayées par le monde politique, de défendre les intérêts futurs de notre institution au sein du paysage universitaire de notre Communauté». Je ne puis que partager cet avis avec enthousiasme et nous saurons prendre nos responsabilités.

Toutefois, il serait injuste de prétendre que les autorités et le C.A. précédents ne les avaient pas prises. Toutes les dispositions sont en place depuis un an, pratiquement jour pour jour, et c’est pour cette raison que les autorités de l’ULg et son C.A. n’ont pas jugé opportun de mettre en péril l’énorme travail mis en œuvre pour se conformer à la réforme de l’enseignement supérieur européen en contestant juridiquement un décret pour trois de ses aspects qui leur ont paru sans gravité ou sans réel danger, en raison des dispositions et garanties qu’ils ont prises.

Cette semaine s’est avérée riche en évènements révélateurs.

Lundi, conférence de presse sur la collaboration FN Herstal-ULg. J’en retire qu’au delà de collaborations technologiques que nous pouvons avoir avec des industries dans bien des domaines, il existe également des collaborations qui se révèlent très pluridisciplinaires. C’est le cas ici, avec le développement d’armes (fleuron du savoir-faire liégeois depuis des siècles) dont la dangerosité est réduite. Chacun s’accordera à dire que dans le maintien de l’ordre comme dans le maintien de la paix, nul ne souhaite voir utiliser des armes mortelles ou très dangereuses. La mise au point et la commercialisation d’armes à dangerosité réduite nécessite l’intervention d’ingénieurs, de physiciens, de chimistes, mais également de médecins légistes, de criminologues, de sociologues et de psychologues. Notre institution renferme toutes ces expertises et la collaboration paraît idéale.
C’est un superbe exemple de la complémentarité des spécialités, qui peut engendrer des développements très complets et intégrés.

Jeudi, conférence de presse sur la collaboration Arcelor-ULg. De celle-là, je retire essentiellement la mise en contact de chercheurs de l’entreprise et de l’Université, chercheurs de formation très différente. De la rencontre entre Biologistes, ingénieurs et physiciens de la recherche spatiale, chimistes d’une part et ingénieurs sidérurgistes d’autre part, sont nées une cinquantaine d’idées originales et totalement inattendues, qui elles-mêmes ont donné naissance à une cinquantaine de projets étonnants. Aucun d’entre eux ne serait arrivé à concevoir de tels projets sans ces rencontres fertilisantes.
C’est un superbe exemple du caractère indispensable du choc des cultures scientifiques pour la vraie innovation, celle qui ne se contente pas d’une amélioration de procédés mais qui fait naître des concepts totalement neufs, ceux-là même qui nous permettront de sauver l’avenir économique de notre région.

Il faut ajouter que, du côté de l’Université, les chercheurs impliqués dans ces programmes innovants ont derrière eux des années de travail acharné sur des sujets dont peu de gens ont jamais compris à quoi ils pourraient servir un jour. Ce sont les recherches fondamentales, qui semblent un luxe inutile de recherche pure de la connaissance pour elle-même, qui nourrissent le processus d’innovation, à condition d’être replacées dans un contexte inattendu.

Favoriser la rencontre de ces mondes apparemment distants est précisément notre rôle.

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