sam 17 déc 2005
Que d’émois dans les media !
Toute la presse écrite régionale s’est emparée du « scoop » lancé dimanche 11 décembre par la RTBf : « L’Université de Liège se désintéresse de ses bibliothèques ». Retentissement majeur, jusqu’au journal télévisé.
Que d’honneur !
Une bonne nouvelle, que sais-je, une découverte scientifique, une évolution majeure de notre Institution, recueillerait-elle autant d’attention ? Jusqu’à Bruxelles ?
La même nouvelle, recoupée, comme on dit en langage journalistique, c’est-à-dire ayant fait l’objet d’une simple question auprès des autorités universitaires ou du Recteur en particulier, donc ramenée à ses justes proportions, aurait-elle eu autant de retentissement ?
Je dois à la vérité de préciser que seul l’auteur du billet du dimanche qui a mis le feu au poudres s’est abstenu de cette vérification. Mais ensuite, le mouvement était lancé et il était difficile de ne pas y donner écho.
Que s’est-il passé ?
La situation du réseau des bibliothèques n’est guère bonne depuis plusieurs années. Le financement consacré au fonctionnement et aux acquisition documentaire a été plafonné à 2 millions d’Euro. Le personnel a été réduit de plus du tiers. Le coût des revues a augmenté de manière déraisonnable et a nécessité un abandon progressif de nombreux abonnements importants.
Ayant moi-même présidé le CSBi (Conseil Scientifique des Bibliothèques) depuis 1997, puis le Réseau des Bibliothèques, j’ai pu me sensibiliser au sort de notre documentation et me rendre compte de la nécessité de faire perdre au réseau son statut de « centre de coût financier » pour lui donner le rang de « centre de profit intellectuel, scientifique et culturel ». Bien sûr, ceci implique des coûts ainsi qu’une restructuration sérieuse, un regroupement des unités permettant une rationalisation et des économies d’échelle, une meilleure répartition du personnel et des compétences, et certains choix parfois difficiles.
Cette petite révolution se prépare depuis un certain temps, s’organise depuis mon élection et se concrétise depuis deux mois, aboutissant à une série de prises de décision que je réservais au Conseil d’Administration du 14 décembre.
Il est bien évident que l’absence de mesures, combinée à une situation difficile à la Faculté de Philosophie et Lettres due à la perte de deux agents dès janvier, nous aurait mis dans des conditions où nous ne pouvions assurer le plein service de la Bibliothèque générale et des bibliothèques de la Faculté. Un affichage — un peu hâtif il est vrai — annonçant ces mesures restrictives qui devraient être prises dès le 4 janvier, a créé une vive inquiétude chez les étudiants et chez certains de leurs professeurs, a amené les premiers à constituer un comité de sauvegarde, à lancer une pétition et à prévenir la presse, malheureusement sans me consulter pour connaître mes intentions, ce que je déplore.
Les documents du Conseil d’administration étaient déjà communiqués aux membres de celui-ci, y compris aux représentants étudiants, depuis trois jours. Ils contenaient des propositions que j’y faisais pour un ensemble de mesures qui allaient résoudre cette difficulté avant même qu’elle n’existe vraiment et entamer la relance des grands projets du Réseau.
A savoir :
1) réserver une part du subside fédéral à la Recherche pour la documentation, pour un montant de 250.000 € ;
2) investir dans l’achat de compactus et assurer le regroupement de la biliothèque des Sciences et Techniques, pour un montant de 350.000 € ;
3) augmenter le budget ordinaire du Réseau, pour un montant de 250.000 € ;
4) créer 3 nouveaux postes de personnel scientifique, pour un montant de 140.000 € ;
5) créer 3,5 nouveaux postes de personnel ATO, pour un montant de 193.000 € ;
6) ajouter à l’existant 2.000 heures de jobistes, pour un montant de 21.000 € ;
soit un supplément de budget de 1.204.000 € pour 2006, la plus forte augmentation annuelle jamais accordée en une seule fois aux bibliothèques de l’ULg.
Toutes ces mesures viennent s’ajouter à d’autres, prises déjà en 2005 :
- augmentation du budget ordinaire du réseau de 250.000 €
- engagement de 2,5 scientifiques, 2 PATO et 245 heures de jobistes pour un total de 139.000 €
- engagement d’un budget additionnel d’investissement de 1.500.000 € à étaler sur 3 ans.
Vous comprendrez pourquoi il me fut pénible de voir l’ULg accusée de désintérêt à l’égard des bibliothèques par toute la presse, pour un simple problème lié à la pause-carrière de deux agents entraînant une hypothétique nécessité de réduire les heures d’ouverture.
Mais seul compte le progrès accompli. Le Conseil d’Administration s’est rallié unanimement à mes propositions et je lui en sais gré. Nous continuerons le mouvement et ferons de la création d’une seule grande bibliothèque de Philosophie et Lettres une réalité. Et nous montrerons que ce que certains considèrent aujourd’hui comme une solution dictée par de médiocres considérations d’argent constituera un véritable progrès pour le confort des utilisateurs et la qualité du service qui leur sera offert.
Je tiens à réaffirmer ma conviction qu’il n’existe pas d’université de qualité sans un accès de qualité à la documentation, quel qu’en soit le mode.
Commentaire de Benoit Bidaine, le 17 déc 2005 à 19:53, sur le blog interne. Je le reproduis ici, en raison de l’intérêt témoigné par des personnes extérieures à l’Université pour ce sujet.
Nous avons été tout à fait rassurés et enchantés des mesures prises lors du Conseil de mercredi.
Cependant, comme signalé mercredi, nous tenons à rappeler les circonstances dans lesquelles les étudiants de Philosophie et Lettres ont réagi certes violemment mais à juste titre.
L’amorce de cette réaction fut, comme mentionné ci-dessus, l’affichage de la fermeture partielle des bibliothèques à partir de janvier suite à quoi un comité étudiant s’est constitué autour de représentants étudiants au Conseil de Faculté. L’un d’eux s’est présenté le matin du 7 décembre au Rectorat afin d’éclaircir la situation mais n’a malheureusement pas été reçu. La mesure fut ensuite présentée et détaillée au Conseil de Faculté de Philosophie et Lettres du 7 décembre dernier par le directeur de la Bibliothèque générale de Philosophie et Lettres lui-même suite à quoi le Conseil s’est unanimement positionné contre la réduction des horaires. Ce Conseil comprend vraisemblablement certains membres du Conseil d’Administration…
Ce n’est malheureusement qu’en ce début de semaine, après les parutions dans la presse, que, chacun de leur côté, étudiants administrateurs et représentants étudiants de Philosophie et Lettres, ont éclairci cette situation grâce à certains contacts fructueux.
Malgré le message erroné que nous regrettons tous alors que d’autres nouvelles bien plus réjouissantes auraient pu s’y substituer, félicitons-nous plutôt de l’intérêt que chacun a porté au sujet, de l’étudiant au Recteur lui-même, signe que nous nous sentons tous concernés par l’avenir de notre institution. Attachons-nous à l’avenir à continuer à améliorer notre communication et notre capacité de réaction et de construction !
Pour les étudiants administrateurs,
Benoît Bidaine
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Ma réponse:
Merci pour votre conclusion optimiste !
Manifestement, un grain de sable vient vite perturber de gros efforts de communication, je le reconnais.
En lançant ce blog — initiative fort nouvelle dans le cadre de la communication du Recteur avec l’ensemble de la communauté universitaire si on en juge par les pratiques ou l’absence de pratiques du passé —, je pensais aplanir ce genre de malentendus, en permettant un dialogue direct.
Certes, le 7 décembre dernier je me trouvais à l’étranger, malheureusement, et le contact n’a pu être établi.
Autant je comprends l’émoi, autant j’essaie d’être à l’écoute. Un courriel ou un commentaire sur le blog auraient pu éclaircir immédiatement la situation en l’occurrence et éviter de lancer dans la presse des bruits non vérifiés. Une mauvaise nouvelle comme celle-là cause beaucoup plus de tort à notre institution, surtout quand elle paraît au niveau national, que d’immenses efforts quotidiens au fil des années dans le domaine de l’enseignement et de la recherche ne peuvent lui faire de bien.
Mais regardons, comme vous le faites et c’est fort bien, le bon côté des choses: je reconnais avoir “mis le paquet” sur la réfutation de cette annonce dans la presse. Beaucoup plus d’articles positifs sont sortis entre le billet de dimanche et le Conseil de mercredi, et plusieurs journaux ont remis le couvert après le Conseil, pour confirmer les bonnes nouvelles et donner des échos élogieux du budget 2006 de l’ULg et des mesures de développement prises en C.A.
Comme vous, je me félicite du dénouement de cette histoire qui doit nous servir de leçon sur notre communication interne, toujours difficile, mais qui pourrait s’améliorer encore beaucoup, sur une confiance réciproque que nous devons construire en toute sérénité, et sur notre solidarité à tous vis-à-vis de l’avenir et de la qualité de notre Université.
Commentaire de Bernard Rentier, le 18 déc 2005 à 10:13