décembre 2008


J’ai terminé l’année 2008 par un voyage au Chili avec une petite délégation de l’ULg, à l’invitation du recteur Sergio Lavanchy de l’Université de Concepción (UdeC) qui nous avait rendu visite en mai dernier. L’intérêt premier de l’UdeC porte sur l’aéronautique, domaine dans lequel nos deux universités collaborent activement depuis 36 ans (un de nos professeurs tout récemment retraité, Pierre Beckers y a même reçu les insignes de docteur honoris causa), les sciences spatiales, l’astronomie et les biotechnologies médicales. Notre Institution a d’autres liens avec des universités chiliennes et c’est ainsi que nous avons visité également, à Santiago, l’Université du Chili (la plus grande université d’Etat) et l’Université Andres Bello (une petite université privée très dynamique). Nous avons par ailleurs visité les sites des radiotélescopes du projet Alma dans le désert d’Atacama au nord du pays ainsi que l’extraordinaire site du Paranal, où la contribution liégeoise a été majeure dans l’élaboration de l’Observatoire Européen Austral (ESO).

Concepción
Une des trois villes les plus australes atteignant un million d’habitants (avec Melbourne et Auckland), elle fut fondée au 16è siècle à la limite méridionale du territoire espagnol, le fleuve Biobio qui la traverse ayant pendant trois siècles délimité la frontière sud au delà de laquelle subsistaient les territoires indiens. Deux cents ans exactement après sa fondation, en 1751, un séisme majeur, suivi d’un raz-de-marée, anéantit complètement la ville qui ne possède donc plus de centre historique ancien, d’autant que la nouvelle ville fut reconstruite sur un nouvel emplacement. L’essor de la ville fut lié au développement industriel, en particulier la sidérurgie qui a connu une splendeur puis un effondrement que nous connaissons bien.

L’UdeC, fondée en 1919, est la principale des 6 universités de Concepción. C’est une institution privée, largement subventionnée par l’Etat. Plusieurs domaines, au delà des collaborations actuelles sont apparus comme très prometteurs d’échanges : le génie civil (matériaux, ponts), la thermodynamique, la biotechnologie, l’océanographie et l’environnement.


Le campus de l’UdeC

Plusieurs éléments concourent à promouvoir un jumelage institutionnel : les deux universités sont à peu près de même taille, elles sont situées dans des villes non capitales d’Etat qui ont un passé industriel similaire, elles accordent une importance primordiale à la recherche et sont très concernées par les relations université-entreprises. En outre, leur stratégie de collaboration internationale présente des similitudes (collaboration ciblée sur un nombre limité de partenaires de qualité qui comptent dans leur pays respectif, intérêt pour l’évaluation, définition de domaines prioritaires et avec un objectif majeur d’accroître la mobilité des professeurs, des chercheurs et des étudiants en capitalisant sur la valeur ajoutée et la complémentarité). Enfin, elles ont fait l’expérience d’une collaboration scientifique et pédagogique commune depuis plusieurs décennies.
Après notre visite, nous allons donc examiner la faisabilité d’une collaboration sur une plus grande échelle dans les semaines qui viennent.

Santiago
Dans la capitale chilienne, nous avons des collaborations avec au moins deux universités où enseignent des chercheurs formés à Liège. Ceci nous a valu deux rencontres très intéressantes.
La première fut à l’Université Andres Bello, jeune (20 ans) université privée qui s’est, depuis dix ans, résolument engagée dans la recherche en appui à l’enseignement, une philosophie souvent absente dans les universités privées au Chili dont le but premier est le profit. Nous avons signé un accord-cadre général avec cette université basé essentiellement sur les collaborations existantes entre leur département de Biologie moléculaire et notre GIGA, mais qui pourrait être étendue à d’autres domaines, en particulier la biologie moléculaire végétale, l’océanographie et l’aquaculture, pour autant que nos collègues concernés soient intéressés, ce que nous allons vérifier prochainement.


Signature de l’accord-cadre avec le nouveau recteur de l’Université Andres Bello, Rolando Kelly

Nous avons ensuite été reçus par l’Université du Chili, avec laquelle plusieurs voies de collaborations sont également envisageables.

ALMA
Le site de test et de préparation des radiotélescopes qui seront installés en un grand réseau pour le projet ALMA de l’ESO en collaboration avec les USA, le Japon et le Chili, à 5.000m d’altitude dans le désert d’Atacama, est déjà lui-même un endroit extraordinaire. Nous avons eu le privilège d’en visiter les installations et d’admirer en action les immenses transporteurs qui seront chargés d’amener les antennes sur leur site définitif.

Paranal
A quelques centaines de kilomètres de là, sur le sommet du Cerro Paranal, sont installés quatre télescopes optiques de 8m20 de diamètre et quatre télescopes auxilaires fabriqués à Liège par la spin-off AMOS, le tout fournissant un vaste réseau interférométrique correspondant à un miroir virtuel de près de 200m de diamètre grâce à un ensemble gigantesque de bancs optiques de précision infinitésimale organisés en sous-terrain dans la montagne sous les télescopes… Impressionnant. Et ce fut une belle occasion de voir à l’œuvre et d’entendre louanger la remarquable technologie liégeoise ainsi que l’influence déterminante des astrophysiciens de l’ULg dans le choix du site et la conception générale de l’implantation! Cocorico!

Le Chili, une terre d’échanges universitaires pour nous
Ce qui ressort de ce voyage, c’est qu’autant les grands pays émergents comme la Chine, l’Inde, le Brésil ou le Mexique nous interpellent en raison de l’importance qu’ils sont en train de prendre et qu’ils auront à l’avenir, autant le Chili me semble, par son niveau de développement, tout à fait comparable à celui de beaucoup de pays européens, jouer plus d’égal à égal avec nous, particulièrement sur le plan universitaire. On y trouve des groupes de recherche qui n’ont rien à nous envier en termes de niveau et de qualité, y compris quant aux publications qu’ils produisent. Certes, l’échantillonnage que nous avons pu voir relève certainement du haut de gamme, mais il est évident que l’on peut sérieusement envisager un approfondissement de nos relations d’échange. Celles-ci sont devenues plus étroites après les événements tragiques de 1973, la belgique étant devenue sysonyme de terre d’asile pour beaucoup de chiliens, mais elles méritent d’être intensifiées. Le Chili, en raison de toutes ses caractéristiques, des relations préexistantes et du prestige dont y jouit notre Institution, me semble constituer le meilleur centre de rayonnement que nous puissions avoir en Amérique latine et nous devrons le placer ainsi au haut de nos priorités internationales.


Mauvais temps pour le Père Noël!

Un accord
Les autorités de l’ULg et de la FUSAGx ont finalement conclu un accord sur les principes de base qui doivent servir à la rédaction d’une convention telle que prévue par le décret d’intégration. Ces principes mettent en évidence les avantages mutuels d’une intégration bien comprise, tels que je les ai déjà décrits dans ce blog. La FUSAGx conservant son nom au sein de l’ULg (même si l’ensemble enseignement-recherche de Gembloux s’appellera désormais « Gembloux Agro-Bio Tech »), gardera la visibilité qui est la sienne et son appartenance à une université complète comme l’ULg ne pourra qu’augmenter cette visibilité. Le non-recouvrement de la plupart des domaines d’activité et d’enseignement (hormis quelques champs de recherche et d’enseignement qui concordent et qui feront donc l’objet d’accords particuliers où l’intérêt premier des étudiants sera prioritaire) efface immédiatement toute inquiétude en matière de concurrence ou de rationalisation. La complémentarité des deux institutions apportera à l’ULg les ressources intellectuelles nécessaires pour devenir la plus complète des universités francophones belges. Chacun y trouve ainsi son avantage. Mais ces évidences, même estompées sous une couche de méfiance initiale, étaient bien connues, souvent réaffirmées et constituaient la base-même du concept d’intégration. Si on ajoute à cela les nombreuses possibilités de fertilisation croisée entre les agronomes et les vétérinaires, les ingénieurs, les biologistes, les chimistes, les géologues, les géographes, les architectes, les économistes/gestionnaires, les sociologues, les juristes et j’en passe, on comprendra facilement que de nouvelles avenues peuvent être tracées et témoigner d’une grande originalité dans l’assemblage des compétences. C’est là que la créativité de nos chercheurs et de nos enseignants pourra le mieux se concrétiser et s’épanouir. Car enfin, ce n’est pas en revendiquant un monopole sur une formation particulière qu’on assure le mieux son avenir, c’est en développant, en saine concurrence avec d’autres universités, des formations dont la qualité découle immédiatement de celles de l’ensemble des enseignants impliqués et s’avère ainsi compétitive.

Un degré d’autonomie
Un autre point d’inquiétude que j’ai déjà mentionné à propos de nos amis de Gembloux est le degré d’autonomie que la FUSAGx conservera après l’intégration et la durée de la période transitoire indispensable pour l’harmonisation, dans tous ses détails, des deux entités. En effet, elles sont très proches à bien des égards puisqu’elles sont toutes deux des institutions publiques (ex-d’Etat) et que les personnels ont les mêmes statuts. Mais malgré cela, il existe de subtiles différences dans la « culture d’entreprise », le degré d’autonomie des unités d’enseignement et de recherche, qui, à Gembloux, ont encore le degré d’indépendance que nous avons connu dans le passé à l’ULg. Si, pour l’ULg, une telle « féodalité » était, vu la taille de l’institution, devenue ingérable avec l’évolution des principes et des techniques de gestion et la réduction relative et persistante des ressources, les dimensions de la FUSAGx lui permettaient encore de fonctionner de cette manière. La période transitoire devra servir à définir les principes de fonctionnement de la nouvelle entité. Il ne faut toutefois pas voir l’évolution de l’ULg vers le système actuel comme une régression, ou une perte de liberté et d’autonomie des anciens « services ». Chacun y a, en fait, gagné en solidarité institutionnelle, un principe auquel je tiens beaucoup. Un exemple : le lancement d’un programme pour lequel les ressources financières attendues ne sont pas encore là reste une impossibilité dans le système des unités indépendantes et autonomes, forcément. Ce handicap a disparu à l’ULg. La période transitoire servira également à faire prendre conscience à nos collègues de Gembloux, de l’intérêt des mesures en place chez nous. L’accord de ce 16 décembre permettra à la FUSAGx de juger des avantages et des inconvénients d’un alignement sur l’ULg et prévoit le maintien d’un système distinct éventuel.

Trois phases
L’accord est passé le 18 décembre devant le C.A. de la FUSAGx qui l’a approuvé. Il sera proposé au C.A. de l’ULg pour approbation le 21 janvier 2009. La convention organisant l’intégration des deux institutions sera soumise aux deux Conseils d’administration au mois de mars 2009 sur base des principes énoncés ci-dessus. Elle sera rédigée par un organe paritaire qui aura également pour rôle de prévoir et d’accompagner le phasage et les modalités de mise en œuvre de l’intégration d’ici à fin 2013, en d’en référer au C.A. de l’ULg — seul C.A. restant à partir d’octobre 2009 — chaque année. Trois périodes transitoires sont prévues : 1) l’année 2009, 2) la période 2010-2014 et 3) la période 2015-2019.

Les deux institutions devenant une seule entité juridique, la première période verra l’intégration de certaines fonctions telles que la comptabilité afin d’établir le compte de résultats et le bilan de Gembloux Agro-Bio Tech en tant qu’entité, le régime TVA (tout en garantissant à Gembloux Agro-Bio Tech le retour TVA lié à ses opérations), le paiement du personnel et la représentation syndicale (CCB, Sécurité et hygiène). Pourront également être discutés, durant la première période, une délégation du contrôle des engagements de certaines dépenses selon des modalités à définir dans la convention, les modalités d’inscription des étudiants de la FUSAGx à Gembloux, les divers processus électoraux à mettre en œuvre dans les délais requis. On pourra également envisager de transférer des activités en relation avec la gestion de l’informatique, les bibliothèques, les marchés de fournitures et de services, la sécurité et la bio-sécurité, ainsi que la valorisation, après évaluation des avantages et des inconvénients de part et d’autre.

Les deux périodes suivantes verront l’intégration progressive se poursuivre et se terminer avec, comme date butoir, le 31.12.14 avec l’intégration complète du financement par la Communauté française, Gembloux Agro-Bio Tech conservant l’ensemble des moyens dont la FUSAGx dispose aujourd’hui.

Voici, en gros, les termes de l’accord signé par les deux recteurs le 16 décembre 2008. Rédiger la Convention ne présentera pas de grandes difficultés, les assurances étant données de part et d’autre. Seule une accélération du processus à la demande expresse de Gembloux Argo-Bio Tech pourrait modifier le cours des évènements. C’est le vœu que je forme, à l’aube de cette importante année 2009 pour nos institutions, celui que ce processus se révèle une telle réussite que les partenaires les plus réticents trouvent que, tout compte fait, cela ne va pas assez vite.

Tous les deux ans revient la saison des promotions dans le corps enseignant. Entre St Nicolas et Noël, cela fait un peu distribution de cadeaux. C’est ainsi que ce mercredi, le Conseil d’administration de l’ULg est descendu dans quelques cheminées professorales.

Mais la comparaison s’arrête très vite là. Contrairement au grand Saint ou au petit Papa, le C.A. ne peut pas essayer de faire plaisir à tout le monde. Il ne peut même pas, et c’est plus grave et plus frustrant, récompenser les méritants. En effet, face à de nombreuses candidatures (plus de deux cents), il ne peut en accorder « que » 24 comme professeur ordinaire, 32 comme professeur et 4 comme professeur à temps partiel. Soit un petit 30% des demandes dont plus de 90% sont parfaitement fondées.

L’analyse des mérites est confiée à une commission facultaire qui classe les candidats et motive son classement. Les classements facultaires sont ensuite juxtaposés par une commission présidée par le recteur et composée des doyens ainsi que de représentants du personnel scientifique, qui est amenée à proposer au C.A. un nombre limité de promotions par grade (PO, P, Ptp) et par Faculté, sans toutefois modifier l’ordre de la liste et en respectant non seulement les mérites des uns et des autres, mais également les proportions facultaires. En effet, aucune de ces entités ne peut se retrouver déficitaire dans un quelconque de ces grades.

Gymnastique difficile, donc ? Non. Mission impossible.
Tout le monde sait aujourd’hui ce que je pense des classements, surtout lorsqu’il s’agit de classer des pommes et des poires et que le classement doit reposer sur la comparaison de nombreux critères très différents. Et c’est exactement le cas ici.

En pareille saison, je reçois évidemment des lettres de remerciement, comme s’il s’agissait d’une décision personnelle et non pas collective, — mais c’est ainsi que je les interprète: elles sont, sciemment ou non, adressées à la collectivité que je représente.
Mais je reçois aussi, et surtout, des lettres qui expriment une grande déception, un profond découragement et une immense incompréhension.

On voit donc les limites d’un système qui vise à récompenser et à encourager en reconnaissant des mérites, mais qui tombe trop court en créant au contraire, dans la grande majorité des cas, des désillusions, voire une démobilisation. Pire: la sensation très nette que la non-promotion serait un message clair des Autorités qui sanctionnerait un travail mal fait ou une implication insuffisante dans la vie universitaire, bref, qui refléterait une volonté délibérée de ne pas reconnaître le dévouement à l’Institution et la passion du métier. Ce que j’en dis ici à propos du corps académique est également vrai des autres corps, scientifique, administratif, technique et ouvrier.

Les promotions sont toujours injustes parce que trop peu nombreuses. Evidemment, nous prenons la responsabilité de nos choix, mais les différentes étapes du processus limitent considérablement le champ de décision du Conseil, et même celui de la commission rectorale. C’est sans doute mieux ainsi, car cela laisse une large autonomie à ceux qui s’expriment les premiers: les membres des commissions facultaires, plus proches des gens et mieux à même de juger, mais malheureusement aussi trop proches, donc souvent partiaux ou manifestant une compréhension variable du poids des critères. Le respect absolu de l’ordre du classement des commissions facultaires amène donc à la disparition d’un degré important de liberté dans la décision finale, il verrouille largement le système d’emblée. La commission rectorale n’a pour seule latitude que de limiter le nombre de candidats retenus dans chaque groupe en fonction des disponibilités. Certes, le C.A. vote nominativement pour chacun des individus et n’est pas obligé de se conformer aux propositions de la commission rectorale, mais la pratique nous montre que ce n’est jamais le cas.

S’il est tentant de vouloir réformer le processus de décision en matière de promotions, c’est risqué. Lui laisser un caractère démocratique est essentiel, mais comme toujours dans les processus démocratiques, il convient de savoir se pencher sur des traditions et éventuellement les remettre en cause, tout en ne les réformant qu’avec sagesse et après mûre réflexion.

Dans le nouveau mode de fonctionnement de l’Université que je préconise, le processus de consultation de base ne serait pas supprimé, il serait simplement subdivisé en deux organes chargés d’estimer les trois missions. Cette réforme élargit donc le mode d’évaluation dès le début et définit mieux l’appréciation qui est faite de chacun des critères. Les commissions mixtes seront ainsi amenées à juger des mérites scientifiques d’une part, des mérites et charges pédagogiques d’autre part et, ensemble, des services rendus à la communauté. Loin de proposer que le niveau où se fait l’examen des mérites remonte vers des caucus plus restreints, la nouvelle organisation permettra d’élargir l’évaluation par les pairs à la base même du processus.

Je suis conscient du fait qu’aucun système n’enlèvera jamais le caractère largement subjectif du choix des promotions, ni n’établira une vraie justice qui n’existe sans doute pas, quoi qu’on fasse. Tant que la pyramide existera — mais faut-il en contester le principe? je ne pense pas — il y aura des déçus. Une majorité de déçus. Espérons seulement que l’effet pervers de ces déceptions, la démobilisation, ne nuise pas au bon fonctionnement de l’Institution, quoi qu’il arrive.

Parallèlement aux promotions, il faut trouver d’autres moyens de témoigner à nos collègues méritants la reconnaissance de l’Institution pour leurs efforts et leurs sacrifices. C’est cela le message qui doit passer et que ne peuvent occulter les promotions. Facile à dire, M. le Recteur…

Je n’ai pas l’intention de commencer ici une chronique régulière de nos discussions avec la Faculté agronomique, et encore moins d’en révéler la teneur. Toutefois, je ne puis laisser sans suite mon billet précédent. En effet, une réunion était prévue ce matin à Gembloux, malgré le Conseil d’administration important de cet après-midi qui décidait des promotions académiques et approuvait le budget 2009, sans parler de l’éventuel achat des cinémas Opéra! Et elle a bien eu lieu.

Je puis en dire qu’elle fut franche et cordiale et que bien des malentendus ont été aplanis des deux côtés. Du nôtre, ou plutôt du mien, devrais-je dire, il me faut modérer ma réaction courroucée quant à ce que je considérais comme une rupture de confidentialité de nos travaux de la part de « certains » négociateurs J’en ai reçu des explications rassurantes. D’autre part, j’ai eu tort de sembler insinuer qu’il y avait des ‘bons’ et des ‘méchants’ parmi ces négociateurs: le groupe gembloutois est homogène et sur une même longueur d’onde. Mais bien sûr, les personnalités et les caractères diffèrent, le fond est bien le même, c’est la forme qui varie! Chacun a donc reconnu ses écarts de langage ou d’écriture et nous avons retrouvé une grande sérénité pour nous plonger dans le vif du sujet.

Clairement, en travaillant sur un document de base que j’avais rédigé en fin de semaine dernière, les deux équipes en présence ce matin ont bien compris leurs points de vue respectifs et, simplement en définissant mieux les termes que nous employons et les concepts que nous défendons, nous avons pu percevoir rapidement la réelle convergence des deux démarches et la possibilité de concilier les points de vue.

Sans aller plus avant dans les détails, je dirais que les craintes des autorités de Gembloux — mais peut-être surtout des membres de la Faculté qu’elles représentent — sur le plan financier ont été aplanies. Des garanties ont été offertes sur l’autonomie de gestion, sur le processus d’évolution transitoire dans le temps, le respect de la culture et du mode de fonctionnement de la Faculté, l’objectif à atteindre ensemble et les nombreux terrains de coopération existants ou potentiels.

Le message est donc que les choses avancent à pas de géant (particulièrement aujourd’hui), que la solution complète est en vue (« terre, terre! ») et que tous ceux qui, à Gembloux comme à Liège, craignent que cette intégration ne soit pas l’occasion de saisir une formidable opportunité pour tout le monde peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Ou plutôt peuvent continuer à mener leurs activités universitaires sans s’inquiéter d’un changement qui ne sera pas un bouleversement, mais une évolution dont les avantages vont progressivement apparaître à leurs yeux.

Septante-quatre kilomètres, cela peut paraître loin, même si c’est à peine plus que le diamètre de grandes agglomérations comme Londres, Paris ou Mexico, et moins que Pékin. Et pourtant, quelle distance sur le plan de la connaissance et de l’appréciation mutuelles!

Une anxiété compréhensible, mais sans objet

Il me revient que l’intégration de la FUSAGx dans l’ULg crée un sentiment très fort d’inquiétude dans le personnel de la Faculté, tous corps confondus. Les échos que je ne manque pas d’avoir concernant les réactions sur le blog du Recteur de la FUSAGx — un homme sage que je connais fort bien et dont j’apprécie le sens de l’ouverture et de l’écoute —m’inquiètent moi aussi, de mon côté. Tout se passe comme si certains étaient occupés à faire monter la pression et l’angoisse. On parle même, paraît-il, d’une manifestation à organiser sur la place du 20 août à Liège où l’on viendrait déverser des bennes de purin devant l’ULg… Outre l’effet désastreux d’un tel comportement sur les étudiants potentiels (surtout ceux de Gembloux qui ne pourront croire qu’à une seule chose: leur formation va en souffrir!), je doute qu’une telle manifestation donne au public, à la presse et au monde politique, une image de nos partenaires de Gembloux qui corresponde le moins du monde à celle d’une institution high-tech que pourtant elle mérite amplement.

Ce qui me chagrine le plus dans tout ceci, c’est d’apparaître comme un ogre sanguinaire, impatient d’avaler la FUSAGx toute crue et de la faire disparaître de la surface du globe le plus rapidement possible. Et de lui piquer son argent au passage. C’est vraiment mal nous connaître.

Comment a-t-on pu en arriver là ?

Après autant d’années de discussion bilatérale (j’ai retrouvé des textes que j’ai personnellement rédigés avec le Vice-recteur de Gembloux lors d’une mission exploratoire que nos recteurs respectifs nous avaient confiée, textes de 1998 à 2000 qui démontraient — toute modestie mise à part — une véritable vision d’avenir pour nos deux institutions, dans un profond respect mutuel et un sens aigu des opportunités et avantages pour les deux parties), je n’ai pas changé d’avis et aujourd’hui, je ne changerais pas une ligne à mes engagements d’il y a dix ans.

Je suis donc très profondément convaincu de l’intérêt de cette intégration pour tout le monde, mes partenaires en négociation le savent pertinemment bien. C’est pourquoi je suis si surpris d’apprendre que se fomente une révolte ou que se prépare une « résistance à l’envahisseur » d’une très grande vigueur alors même que les discussions sur l’élaboration d’une convention sont toujours en cours. Je pense que tout cela repose sur des malentendus et des interprétations erronées de propos en réalité anodins.

Pour moi, tant que les accords définitifs font encore l’objet de discussions bilatérales, chacun devrait s’en tenir à une attitude de discrétion élémentaire. Toutefois, devant la diffusion d’informations alarmistes par certains négociateurs eux-mêmes, je me vois obligé de rompre le silence que je m’étais imposé et remettre les choses au point.

Où en sommes-nous ?

Un décret a été voté à l’unanimité par le Parlement de la Communauté française qui intègre la FUSAGx dans l’ULg. Il annonce en outre la signature d’une convention qui réglera les détails pratiques et quotidiens du fonctionnement de la nouvelle entité.

Le texte du décret prévoit clairement la préservation d’une grande autonomie de la Faculté, qui prendra le nom souhaité par nos partenaires gembloutois: « Gembloux Agro Biotech », un Vice-recteur de site, « élu par le conseil académique de la Faculté universitaire des sciences agronomiques de Gembloux pour un mandat d’une durée de cinq ans, parmi les professeurs ordinaires relevant de cette faculté et y exerçant depuis deux ans au moins une fonction à charge complète », membre du Collège rectoral et du Conseil d’administration, un représentant des professeurs au C.A., l’ouverture du C.A. aux représentants des personnels scientifique et ATO ainsi qu’aux étudiants de Gembloux, un administrateur du site, et toute l’autonomie que permet la loi pour Gembloux Agro Biotech. Il faut en effet savoir que, ne formant plus qu’une seule entité juridique, certaines duplications ne seront plus possibles. Nous devrons donc avoir une comptabilité unique et une gestion centralisée du personnel. Mais ceci ne veut pas dire qu’il ne pourra pas y avoir de délégations en la matière, ni que les pratiques actuelles de la FUSAGx en matière de gestion des ressources seront automatiquement changées et calquées sur celles de Liège. Je n’ai jamais exigé ni même prétendu le contraire!

« L’intégration de la Faculté de Gembloux au sein de l’Université de Liège maintient un ensemble cohérent d’activités d’enseignement et de recherche dans le domaine des sciences agronomiques et d’ingénierie biologique sur le site de Gembloux » dit le décret, […] en maintenant définitivement au sein de l’Université de Liège une structure propre de gestion du site de Gembloux ainsi qu’une représentation spécifique de ce site au conseil d’administration ».

Le décret est donc particulièrement attentif à préserver les us et coutumes de la Faculté et rien dans sa rédaction ne pose de problème véritable.

Comment alors s’entretient l’anxiété ? Avec la future convention. Il est vrai que nous n’avons pas d’accord sur cette convention aujourd’hui mais nous devons d’abord nous entendre sur ce qui est légal ou non.

Pourquoi l’ULg a-t-elle l’air intraitable sur certains aspects de la convention ?

Le décret dit: « L’Université de Liège succède aux droits et obligations de la Faculté universitaire des sciences agronomiques de Gembloux. Le principe de continuité de gestion est d’application. La liste des biens immeubles ainsi transférés est arrêté au 31 décembre 2009 par le Gouvernement. Les créances et les obligations fondées sur les contrats en cours relatifs à la Faculté universitaire des sciences agronomiques de Gembloux, à la date d’entrée en vigueur de la présente disposition, sont transférées à l’Université de Liège. Ces cessions et transferts sont opposables de plein droit aux cocontractants et aux tiers, sans autre formalité. Ils incluent tous les droits et obligations liés aux procédures pendantes et futures. »
Et « Le Patrimoine de l’Université de Liège devient l’employeur des membres du personnel scientifique, administratif, technique et ouvrier engagés par le Patrimoine de la Faculté universitaire des sciences agronomiques de Gembloux ; ils y conservent leur grade et leur ancienneté. La liste des membres des personnel à la date du 31 décembre 2009, ventilée en personnel enseignant, scientifique et administratif, technique et ouvrier, est arrêtée par le Gouvernement. Le conseil d’administration de l’Université de Liège devient l’organe compétent de décision à l’égard des membres des personnels s […][CFB]. »

Chacun comprendra aisément que ces éléments du décret rendent les autorités de l’ULg responsables des créances et obligations ainsi que du personnel. On ne plaisante pas avec ça. Mais j’ai personnellement toujours été clair sur le fait que la gestion resterait, durant la période de transition, la prérogative de la FUSAGx, pour autant que les administrations centrales (finances et ressources humaines) aient accès à l’information. Le décret prévoit cette possibilité, ainsi qu’une latitude de gestion pendant la période transitoire.
Mais mon pari est qu’au bout de cette période, ou peut-être même avant, l’avantage de s’intégrer dans une grande structure bien rodée et efficace (ce dont doute un majorité de gembloutois aujourd’hui) deviendra une évidence, comme elle l’est devenue pour nos collègues vétérinaires qui, tous, se réjouissent d’avoir été intégrés à l’ULg, même si, au départ, la plupart freinait des quatre roues pour ne pas se joindre à nous (leur intégration impliquait leur déménagement à Liège, ce qui n’est en aucune manière le cas de Gembloux car ce serait une aberration monumentale pour des raisons tant politiques que scientifiques: géostratégie et qualité du terrain d’activité). HEC-Ecole de Gestion de l’ULg ne peut pas non plus se plaindre de l’intégration, notre soutien est très important. L’ex-FUL à Arlon non plus: nous avons fait pour elle plus que nous avions promis.
Pourquoi cette » générosité »? Tout simplement parce que l’ULg a intérêt à ce que chacune de ses composantes resplendisse de tous ses feux, et il en sera de même pour Gembloux. Je m’y suis engagé depuis le début et je tiens toujours parole.

Quel impact l’intégration aura-t-elle sur le personnel ?

A la lecture du décret, on comprend que les verrous sont serrés en ce qui concerne l’avenir du personnel et de son statut (il faut savoir que notre « fusion » est la plus simple de toutes: nos statuts sont identiques!). C’est très bien.

Mais qu’en est-il des emplois ? « Toute restructuration entraîne des réductions d’emplois! ». C’est en tout cas ce que tout le monde pense! Il se fait que j’ai annoncé depuis trois ans ma volonté de ne pas réduire d’une seule unité les emplois à Gembloux pendant la période transitoire. Après cela, s’il s’avère raisonnable de revoir les fonctions en se basant sur l’évolution de la Faculté et de ses besoins, nous n’évoluerons que par départs naturels et en bonne concertation. Et que l’on comprenne bien que l’évolution du personnel sera qualitative et que, quantitativement, il ne s’agira pas, sauf nécessité reconnue de tous, de réduction mais, je l’espère, d’augmentation.

Quel impact l’intégration aura-t-elle sur les étudiants dans leurs études et sur les chercheurs dans leur recherche ?

Aucun, si ce n’est une opportunité que nos enseignants feront bien de saisir de part et d’autre pour créer des nouveautés et exploiter l’interdisciplinarité. L’ULg est une université complète, la seule à avoir une faculté de médecine vétérinaire, et elle dispose des compétences en matière d’ingéniérie, de biologie, de chimie, de biochimie, de santé, de nutrition, de sociologie, d’environnement, de droit, de gestion, et j’en oublie certainement. Ne pas profiter de cette aubaine serait une immense erreur pour les deux institutions ainsi que pour leurs étudiants et les chercheurs. Seulement pour cela, il faut que les commissions bilatérales qui ont commencé à travailler ensemble il y a un an soient autorisées à continuer et à aller au bout de leur travail dont je puis dire qu’il était prometteur, si ce n’est que les autorités de Gembloux, inquiètes de l’évolution du décret et de la convention leur ont imposé un moratoire. Ce moratoire, il faut le lever le plus tôt possible.

Que veut dire période transitoire ?

« En vue de la gestion de l’institution, il est instauré une période transitoire s’étendant du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2014″.

Il est donc clair que la période transitoire sera de cinq ans. Elle ne pourra être une période d’immobilité. Elle devra voir se développer l’interaction et la collaboration pour atteindre un rythme de croisière dès 2015. Les dernières propositions que je fais et qui seront discutées le 10 décembre devraient recevoir l’accord général. Elles rencontrent les exigences gembloutoises et définissent le mode de fonctionnement à partir de ce moment. Il nous reste à définir l’allure de la progression de l’intégration durant ces cinq ans.

Conclusions

Les deux institutions peuvent s’accorder dans un intérêt mutuel très rapidement. Et elles doivent le faire vite, avant que cette valse-hésitation ne puisse exercer un effet négatif sur notre image commune.

Il faut que cessent la suspicion et les procès d’intention. Ils sont hors de propos. L’ULg n’essaie pas de « rouler » Gembloux. Elle s’associe avec un partenaire respectable et respecté et entend, malgré la différence de taille, être considérée comme un interlocuteur loyal et une future « maison-mère » consciente des atouts de chacune de ses parties et désireuse de les aider à les développer. Et si on ne peut, par méfiance excessive, croire en sa sincérité, on doit au moins comprendre que c’est son intérêt.