novembre 2008


Après une période d’essai pilote puis de pré-production, ORBi est lancé en production générale avec succès. Je tiens à en féliciter les responsables qui ont accompli un travail tout-à-fait remarquable en un temps record (si on compare aux expériences similaires dans le monde).

Nous disposons à présent de plus de 1.200 références archivées sur ORBi dont près de 80% sont accompagnées d’un texte complet (un peu plus de la moitié en accès libre, l’autre moitié restant temporairement inaccessible sauf via une demande d’obtention du tiré à part par courriel). Dans les 24 heures qui ont suivi mon annonce par Intranet, plus de 110 références ont été ajoutées. Il faut ajouter à cela plus de 1.000 références en cours de dépôt… C’est donc bien parti.

Je suis convaincu que cet outil va rendre un signalé service aux chercheurs de notre institution et à la réputation de celle-ci en recherche.

Nous n’avons reçu que deux interpellations négatives, ce qui est remarquable quand on pense après tout à la charge de travail fastidieux que cela comporte, tout au moins la première fois…

La première provient de chercheurs qui se plaignent d’erreurs d’encodage. Il faut savoir que ces erreurs viennent de ceux qui encodent, évidemment, donc des chercheurs eux-mêmes. Ici, ce n’était pas le cas parce que, pour limiter la charge de travail des auteurs, notre équipe d’ORBi a pré-importé plus de 20.000 références issues de Web of Science et de Pubmed! Pour chacune de celles-ci, un appariement automatique a été opéré avec le système de répertoire de l’université, procédure qui laisse effectivement passer des erreurs dans le cas d’homonymes ou pseudo homonymes, de noms d’épouses, etc…. En automatique, il n’est évidemment pas possible d’aller plus loin. Il appartient alors à l’auteur de faire la correction avec le système de liste associée au LDAP, ce qui est très rapide.

La seconde émane d’un chercheur qui trouve la charge trop lourde. Je publie ici la réponse que je lui fais, c’est le plus simple et cela pourra servir pour tous ceux qui auraient le même avis.

« Cher Monsieur,

J’ai souhaité la mise en place d’ORBi dans un double but: l’intérêt de l’Institution (visibilité de la recherche) et celui du chercheur (visibilité de son travail). Bien sûr, on y croit ou on n’y croit pas, mais personnellement, je pense que c’est une vitrine de première importance. Le « Southampton Phenomenon » le démontre (l’université de Southampton se place parmi les mieux citées du Royaume-uni, contre toute attente, mais elle est parmi les premières à avoir créé un dépôt institutionnel).

Je suis parfaitement conscient de la surcharge de travail que ceci implique. S’il ne s’agissait que d’une promotion de l’université, j’admettrais que l’effort soit complètement à charge de cette dernière, mais je suis intimement convaincu que les premiers bénéficiaires de cette opération sont les chercheurs eux-mêmes.

Ceci dit, il est évident que nous avons en place une équipe capable de rendre bien des services. Mais en raison du nombre de chercheurs à l’ULg, il serait impossible de demander à celle-ci de faire le travail à la place des auteurs qui sont de plus mieux à même que quiconque de garantir l’exactitude de ce qu’ils rendent public. La contribution de chacun est donc demandée.

Certes, vous dites que vous envoyez « personnellement un email au premier auteur and that’s it », d’accord, c’est simple, mais ceci implique que vous soyez informé au préalable de l’existence dudit article. L’objectif ici est que l’article puisse aussi être repéré par des moteurs de recherche sur base de mots-clés et ainsi rayonner bien plus efficacement.

Dans votre secteur de recherche, PubMed permet déjà un accès à l’information que ne connaissent pas d’autres domaines de la science, il est vrai, mais le « full text » n’est pas toujours disponible, contrairement aux dépôts institutionnels. Par ailleurs, l’existence de vos articles dans PubMed rend incomparablement simple leur transfert dans ORBi. Enfin, si actuellement vous envoyez personnellement un mail aux auteurs pour obtenir copie de leurs articles, certains de ceux-ci font sans doute de même avec vous pour vos propres articles, ce qui génère également un trafic sur votre boite mail (vous vous plaignez que nous l’encombrions!), trafic qui sera considérablement réduit lorsque vos articles seront immédiatement accessibles en OA sur ORBi.

Si chaque institution procède de même, l’accès à l’information sera significativement facilité et accéléré. C’est le but même de l’OA. Il suppose néanmoins un effort initial de chacun. C’est pourquoi je me mobilise, chaque fois que j’en trouve le temps, pour convaincre mes collègues responsables des universités en Europe et dans le monde, en faveur de l’installation d’un dépôt institutionnel dans chaque établissement de recherche.

Croyez bien que tout ce processus est réfléchi dans l’intérêt des chercheurs et de l’Université et n’est aucunement une tracasserie « administrative » supplémentaire vide de sens, un « nonsense ». Il entraîne un léger « encombrement » des boîtes mails qui restera occasionnel en vitesse de croisière, en fonction de votre production scientifique. Je suis convaincu que vous mesurerez bientôt l’avantage considérable de cet outil face aux quelques désagréments bien réels qu’il occasionne. La publication (au sens de « rendre accessible ») de nos recherches est la manifestation tangible de notre activité de recherche et chaque chercheur est logiquement motivé à rendre son œuvre aussi largement publique que possible. C’est là le pari que nous prenons avec cette opération qui demande à l’ULg un effort considérable en ressources financières et humaines.

Merci de votre compréhension. »

Mais en général, ceux qui s’y sont frottés sont ravis et plusieurs ont eu la gentillesse d’exprimer leur satisfaction. Deux exemples sympathiques:
« Malgré mes réserves par rapport à l’idée d’un « chercheur transparent », je dois avouer que le programme est confortable et pratique, compliment aux responsables! »
«  Tout d’abord « félicitations ++++ » pour ORBI, un formidable outil. Je vais donc y archiver tout mon CV. »

Il est toujours impressionnant de constater, dans les pays émergents, le contraste entre les conditions dramatiques de financement des universités et la qualité de l’enseignement qui y est dispensé. Cette observation est vraie pour la Chine, la Corée du Sud ou le Mexique, par exemple, et tout particulièrement pour le Vietnam. L’expérience de l’Inde tient de la même observation, mais avec ses caractéristiques propres.

En arrivant dans ce pays gigantesque d’un milliard deux cent millions d’habitants — près d’un cinquième de l’humanité — au moment même où il envoie avec succès un engin sur la lune, où les immenses complexes ultramodernes hébergeant des géants de l’informatique mondiale ou des sociétés de consultance multimilliardaires côtoient les villages de huttes ou les bidonvilles crasseux, il faut un moment pour comprendre où on est et ce qui s’y passe. Soixante pourcents de la population ont moins de 25 ans et le défi est, bien sûr, la formation. Six cent mille ingénieurs sont formés chaque année: une seule promotion suffirait à combler l’immense retard de l’Europe dans ce domaine car c’est exactement le nombre qui nous manque… On comprend donc pourquoi on ne peut qu’être rempli d’effroi, ici peut-être plus encore que dans les autres pays émergents, en se disant que s’il ne se passe pas très vite quelque chose qui ramène nos jeunes en grand nombre vers des études scientifico-techniques, ce n’est plus chez nous qu’on assurera le progrès technologique global, mais ailleurs. Tout particulièrement en Inde.

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Signature, avec JP Jaspart (à dr.), d’un accord de coopération avec l’IIT (Indian Institute of Technology) dans le domaine des constructions métalliques, le 7 novembre 2008 à Mumbai (Bombay)

Où se situe le Président-élu des USA en matière d’éducation et de recherche ?

De toute évidence, son principal souci est de rendre plus accessible l’enseignement supérieur dont on sait combien, sur le plan financier, il est difficilement accessible dans ce pays. Par accessible, il entend formation préalable suffisante, prix démocratique, recherche de qualité pour alimenter la formation, contribution au développement économique et compétitivité internationale. Déjà entendu ça quelque part ?

A titre d’exemple, il faut lire ses engagements sur son site web, New America Foundation ou Inside Higher Education.

En ce qui concerne la recherche, il annonce un assouplissement de certaines contraintes éthiques (cellules-souches), il promet de « mener la recherche américaine vers une nouvelle ère d’innovation scientifique. » Pour cela, il envisage de « doubler l’investissement fédéral dans la recherche fondamentale afin de faire face aux grands défis du 21è siècle« , ce qui lui a valu le soutien officiel de 61 Prix Nobel. S’il tient ses promesses, il mettra fin à l’idée généralement répandue que les présidents républicains, contrairement à ce qu’on pourrait croire, sont généralement plus généreux que les démocrates dans l’investissement en recherche. Ce nouvel espoir pour un essor de la recherche aux USA transparaît également dans un article du Nouvel Observateur du 4 novembre, jour de l’élection.

Si tout ceci se confirme, les nouvelles sont bonnes. Certains, en Europe, ont pu se réjouir du ban américain sur l’utilisation des cellules-souches qui donnait une longueur d’avance aux chercheurs et aux médecins européens sur leurs « concurrents » du pays de l’oncle Sam. En fait, c’est un mauvais calcul pour deux raisons: d’abord parce que la recherche est universelle et que c’est ainsi que chacun en profite et ensuite parce que, si compétition il doit y avoir (je dirais émulation), ce n’est pas comme cela que nous voulons en relever le défi, non pas en tentant de profiter des entraves aux mouvements de nos partenaires, mais en parvenant à convaincre nos pouvoirs politiques, à tous les niveaux, de la nécessité absolue de subventionner généreusement la recherche fondamentale, celle qui alimente tout le reste — y compris l’économie — dans un monde globalisé.

Vue depuis l’Inde, la victoire de Barack Obama crée un enthousiasme qui semble quasi unanime dans le monde.

Pour les universités, c’est une perspective d’ouverture, d’intelligence et de clairvoyance. Espérons qu’elle s’accomplira. En tout cas, on peut dès à présent constater que, contrairement au « ticket » McCain-Palin, le duo Obama-Biden est le premier de l’histoire des Etats-Unis où les deux élus et leurs épouses ont rempli des missions professionnelles, académiques ou administratives, dans des universités, comme le signale aujourd’hui The Chronicle of higher education. Une chance, probablement, pour le monde de l’enseignement supérieur, une sorte de garantie contre l’obscurantisme qui regagne du terrain dans ce pays.

L’Inde, un monde en soi, grande comme l’Europe, avec 2 fois plus d’habitants, 3 fois plus de religions et 4 fois plus de langues… où 600 millions de personnes n’ont pas l’électricité, où la lutte pour une vie décente est la première priorité, mais où ces populations dans le dénuement côtoient les plus hautes technologies, où l’enseignement et la formation sont en expansion jusqu’à des niveaux très élevés, voilà où nous sommes, éberlués malgré tout ce qu’on nous en avait dit et tout ce que nous en avions lu.

Au moment où un nouveau président des USA se profile, où les défis les plus immenses sont devant lui, on comprend la vanité de la crise financière et l’absurdité des guerres bushiennes, et l’urgence de la prise en main du sort de la planète tout entière, à commencer par l’affrontement de la réalité des désastres écologiques qui s’annoncent.

La coïncidence de l’annonce de la victoire électorale d’Obama en pleine séance d’un excellent colloque sur la dérive écologique mondiale et les pistes de remèdes qui se tenait à l’Institut TERI de New Delhi ce matin, en présence de R.K. Pachauri, président du GIEC et docteur honoris causa 2008 de l’ULg, est apparue à tous comme très symbolique. Connaissant le mauvais exemple systématique offert par les USA en ces matières, la mauvaise foi du président sortant et les handicaps mondiaux que cela entraînait, espérons qu’un profond changement soit en vue là aussi.