Septante-quatre kilomètres, cela peut paraître loin, même si c’est à peine plus que le diamètre de grandes agglomérations comme Londres, Paris ou Mexico, et moins que Pékin. Et pourtant, quelle distance sur le plan de la connaissance et de l’appréciation mutuelles!

Une anxiété compréhensible, mais sans objet

Il me revient que l’intégration de la FUSAGx dans l’ULg crée un sentiment très fort d’inquiétude dans le personnel de la Faculté, tous corps confondus. Les échos que je ne manque pas d’avoir concernant les réactions sur le blog du Recteur de la FUSAGx — un homme sage que je connais fort bien et dont j’apprécie le sens de l’ouverture et de l’écoute —m’inquiètent moi aussi, de mon côté. Tout se passe comme si certains étaient occupés à faire monter la pression et l’angoisse. On parle même, paraît-il, d’une manifestation à organiser sur la place du 20 août à Liège où l’on viendrait déverser des bennes de purin devant l’ULg… Outre l’effet désastreux d’un tel comportement sur les étudiants potentiels (surtout ceux de Gembloux qui ne pourront croire qu’à une seule chose: leur formation va en souffrir!), je doute qu’une telle manifestation donne au public, à la presse et au monde politique, une image de nos partenaires de Gembloux qui corresponde le moins du monde à celle d’une institution high-tech que pourtant elle mérite amplement.

Ce qui me chagrine le plus dans tout ceci, c’est d’apparaître comme un ogre sanguinaire, impatient d’avaler la FUSAGx toute crue et de la faire disparaître de la surface du globe le plus rapidement possible. Et de lui piquer son argent au passage. C’est vraiment mal nous connaître.

Comment a-t-on pu en arriver là ?

Après autant d’années de discussion bilatérale (j’ai retrouvé des textes que j’ai personnellement rédigés avec le Vice-recteur de Gembloux lors d’une mission exploratoire que nos recteurs respectifs nous avaient confiée, textes de 1998 à 2000 qui démontraient — toute modestie mise à part — une véritable vision d’avenir pour nos deux institutions, dans un profond respect mutuel et un sens aigu des opportunités et avantages pour les deux parties), je n’ai pas changé d’avis et aujourd’hui, je ne changerais pas une ligne à mes engagements d’il y a dix ans.

Je suis donc très profondément convaincu de l’intérêt de cette intégration pour tout le monde, mes partenaires en négociation le savent pertinemment bien. C’est pourquoi je suis si surpris d’apprendre que se fomente une révolte ou que se prépare une « résistance à l’envahisseur » d’une très grande vigueur alors même que les discussions sur l’élaboration d’une convention sont toujours en cours. Je pense que tout cela repose sur des malentendus et des interprétations erronées de propos en réalité anodins.

Pour moi, tant que les accords définitifs font encore l’objet de discussions bilatérales, chacun devrait s’en tenir à une attitude de discrétion élémentaire. Toutefois, devant la diffusion d’informations alarmistes par certains négociateurs eux-mêmes, je me vois obligé de rompre le silence que je m’étais imposé et remettre les choses au point.

Où en sommes-nous ?

Un décret a été voté à l’unanimité par le Parlement de la Communauté française qui intègre la FUSAGx dans l’ULg. Il annonce en outre la signature d’une convention qui réglera les détails pratiques et quotidiens du fonctionnement de la nouvelle entité.

Le texte du décret prévoit clairement la préservation d’une grande autonomie de la Faculté, qui prendra le nom souhaité par nos partenaires gembloutois: « Gembloux Agro Biotech », un Vice-recteur de site, « élu par le conseil académique de la Faculté universitaire des sciences agronomiques de Gembloux pour un mandat d’une durée de cinq ans, parmi les professeurs ordinaires relevant de cette faculté et y exerçant depuis deux ans au moins une fonction à charge complète », membre du Collège rectoral et du Conseil d’administration, un représentant des professeurs au C.A., l’ouverture du C.A. aux représentants des personnels scientifique et ATO ainsi qu’aux étudiants de Gembloux, un administrateur du site, et toute l’autonomie que permet la loi pour Gembloux Agro Biotech. Il faut en effet savoir que, ne formant plus qu’une seule entité juridique, certaines duplications ne seront plus possibles. Nous devrons donc avoir une comptabilité unique et une gestion centralisée du personnel. Mais ceci ne veut pas dire qu’il ne pourra pas y avoir de délégations en la matière, ni que les pratiques actuelles de la FUSAGx en matière de gestion des ressources seront automatiquement changées et calquées sur celles de Liège. Je n’ai jamais exigé ni même prétendu le contraire!

« L’intégration de la Faculté de Gembloux au sein de l’Université de Liège maintient un ensemble cohérent d’activités d’enseignement et de recherche dans le domaine des sciences agronomiques et d’ingénierie biologique sur le site de Gembloux » dit le décret, […] en maintenant définitivement au sein de l’Université de Liège une structure propre de gestion du site de Gembloux ainsi qu’une représentation spécifique de ce site au conseil d’administration ».

Le décret est donc particulièrement attentif à préserver les us et coutumes de la Faculté et rien dans sa rédaction ne pose de problème véritable.

Comment alors s’entretient l’anxiété ? Avec la future convention. Il est vrai que nous n’avons pas d’accord sur cette convention aujourd’hui mais nous devons d’abord nous entendre sur ce qui est légal ou non.

Pourquoi l’ULg a-t-elle l’air intraitable sur certains aspects de la convention ?

Le décret dit: « L’Université de Liège succède aux droits et obligations de la Faculté universitaire des sciences agronomiques de Gembloux. Le principe de continuité de gestion est d’application. La liste des biens immeubles ainsi transférés est arrêté au 31 décembre 2009 par le Gouvernement. Les créances et les obligations fondées sur les contrats en cours relatifs à la Faculté universitaire des sciences agronomiques de Gembloux, à la date d’entrée en vigueur de la présente disposition, sont transférées à l’Université de Liège. Ces cessions et transferts sont opposables de plein droit aux cocontractants et aux tiers, sans autre formalité. Ils incluent tous les droits et obligations liés aux procédures pendantes et futures. »
Et « Le Patrimoine de l’Université de Liège devient l’employeur des membres du personnel scientifique, administratif, technique et ouvrier engagés par le Patrimoine de la Faculté universitaire des sciences agronomiques de Gembloux ; ils y conservent leur grade et leur ancienneté. La liste des membres des personnel à la date du 31 décembre 2009, ventilée en personnel enseignant, scientifique et administratif, technique et ouvrier, est arrêtée par le Gouvernement. Le conseil d’administration de l’Université de Liège devient l’organe compétent de décision à l’égard des membres des personnels s […][CFB]. »

Chacun comprendra aisément que ces éléments du décret rendent les autorités de l’ULg responsables des créances et obligations ainsi que du personnel. On ne plaisante pas avec ça. Mais j’ai personnellement toujours été clair sur le fait que la gestion resterait, durant la période de transition, la prérogative de la FUSAGx, pour autant que les administrations centrales (finances et ressources humaines) aient accès à l’information. Le décret prévoit cette possibilité, ainsi qu’une latitude de gestion pendant la période transitoire.
Mais mon pari est qu’au bout de cette période, ou peut-être même avant, l’avantage de s’intégrer dans une grande structure bien rodée et efficace (ce dont doute un majorité de gembloutois aujourd’hui) deviendra une évidence, comme elle l’est devenue pour nos collègues vétérinaires qui, tous, se réjouissent d’avoir été intégrés à l’ULg, même si, au départ, la plupart freinait des quatre roues pour ne pas se joindre à nous (leur intégration impliquait leur déménagement à Liège, ce qui n’est en aucune manière le cas de Gembloux car ce serait une aberration monumentale pour des raisons tant politiques que scientifiques: géostratégie et qualité du terrain d’activité). HEC-Ecole de Gestion de l’ULg ne peut pas non plus se plaindre de l’intégration, notre soutien est très important. L’ex-FUL à Arlon non plus: nous avons fait pour elle plus que nous avions promis.
Pourquoi cette » générosité »? Tout simplement parce que l’ULg a intérêt à ce que chacune de ses composantes resplendisse de tous ses feux, et il en sera de même pour Gembloux. Je m’y suis engagé depuis le début et je tiens toujours parole.

Quel impact l’intégration aura-t-elle sur le personnel ?

A la lecture du décret, on comprend que les verrous sont serrés en ce qui concerne l’avenir du personnel et de son statut (il faut savoir que notre « fusion » est la plus simple de toutes: nos statuts sont identiques!). C’est très bien.

Mais qu’en est-il des emplois ? « Toute restructuration entraîne des réductions d’emplois! ». C’est en tout cas ce que tout le monde pense! Il se fait que j’ai annoncé depuis trois ans ma volonté de ne pas réduire d’une seule unité les emplois à Gembloux pendant la période transitoire. Après cela, s’il s’avère raisonnable de revoir les fonctions en se basant sur l’évolution de la Faculté et de ses besoins, nous n’évoluerons que par départs naturels et en bonne concertation. Et que l’on comprenne bien que l’évolution du personnel sera qualitative et que, quantitativement, il ne s’agira pas, sauf nécessité reconnue de tous, de réduction mais, je l’espère, d’augmentation.

Quel impact l’intégration aura-t-elle sur les étudiants dans leurs études et sur les chercheurs dans leur recherche ?

Aucun, si ce n’est une opportunité que nos enseignants feront bien de saisir de part et d’autre pour créer des nouveautés et exploiter l’interdisciplinarité. L’ULg est une université complète, la seule à avoir une faculté de médecine vétérinaire, et elle dispose des compétences en matière d’ingéniérie, de biologie, de chimie, de biochimie, de santé, de nutrition, de sociologie, d’environnement, de droit, de gestion, et j’en oublie certainement. Ne pas profiter de cette aubaine serait une immense erreur pour les deux institutions ainsi que pour leurs étudiants et les chercheurs. Seulement pour cela, il faut que les commissions bilatérales qui ont commencé à travailler ensemble il y a un an soient autorisées à continuer et à aller au bout de leur travail dont je puis dire qu’il était prometteur, si ce n’est que les autorités de Gembloux, inquiètes de l’évolution du décret et de la convention leur ont imposé un moratoire. Ce moratoire, il faut le lever le plus tôt possible.

Que veut dire période transitoire ?

« En vue de la gestion de l’institution, il est instauré une période transitoire s’étendant du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2014″.

Il est donc clair que la période transitoire sera de cinq ans. Elle ne pourra être une période d’immobilité. Elle devra voir se développer l’interaction et la collaboration pour atteindre un rythme de croisière dès 2015. Les dernières propositions que je fais et qui seront discutées le 10 décembre devraient recevoir l’accord général. Elles rencontrent les exigences gembloutoises et définissent le mode de fonctionnement à partir de ce moment. Il nous reste à définir l’allure de la progression de l’intégration durant ces cinq ans.

Conclusions

Les deux institutions peuvent s’accorder dans un intérêt mutuel très rapidement. Et elles doivent le faire vite, avant que cette valse-hésitation ne puisse exercer un effet négatif sur notre image commune.

Il faut que cessent la suspicion et les procès d’intention. Ils sont hors de propos. L’ULg n’essaie pas de « rouler » Gembloux. Elle s’associe avec un partenaire respectable et respecté et entend, malgré la différence de taille, être considérée comme un interlocuteur loyal et une future « maison-mère » consciente des atouts de chacune de ses parties et désireuse de les aider à les développer. Et si on ne peut, par méfiance excessive, croire en sa sincérité, on doit au moins comprendre que c’est son intérêt.