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Quelques définitions concernant l’Open Access (OA)

L’OA Gold, la voie d’or, c’est le vrai libre accès immédiat, la publication dans une revue en OA, accessible à chacun, dès la publication, librement, sans entrave et gratuitement.

L’OA Green, la voie verte, c’est la publication classique, mise en OA par auto-archivage institutionnel, immédiatement, après 6 mois ou 1 an.

Sherpa Romeo publie une statistique des pratiques des journaux en cette matière.

Le Trojan horse, le Cheval de Troie selon Stevan Harnad, c’est l’Open Choice, la liberté de choix pour chaque auteur. En accordant cette liberté face à l’auto-archivage, les éditeurs-requins rompent la discipline que nous essayons d’imprimer et proposent un archivage bien plus simple, sans souci pour l’auteur, mais à leurs conditions. La vraie intention est de casser la dynamique naissante de l’auto-archivage institutionnel. Ces éditeurs font semblant d’admettre l’OA et jouent astucieusement sur la confusion qu’ils entretiennent entre Open Access et Open Choice, mais font payer des sommes exorbitantes pour publier sur leur site, demandent des montants considérables pour la lecture et en outre interdisent l’auto-archivage, gardant ainsi un contrôle complet sur l’archivage, qui peut être rendu inaccessible à tout moment*. Ils misent sur la facilité pour le chercheur et sur leur propre prestige. Le chercheur, comme l’indique fort bien E. De Pauw dans son commentaire à mon article du 3 mars, ne réalise pas les montants des coûts puisque ce n’est pas lui, mais son université qui paie, et ne comprend donc pas l’enjeu.
Une forme particulièrement pernicieuse du Trojan Horse, est celle des éditeurs-requins qui se dissimulent sous une étiquette de société savante (l’ACS, par exemple, est dirigée par des responsables issus directement du monde commercial), avec tous les avantages séduisants que cela implique, qualité des publications et congrès à prix réduits.

Je parlais plus haut de sacrifices temporaires, c’est donc bien de ça qu’il s’agit. Se priver des sirènes alléchantes pendant un moment, le temps de voir se décanter les choses, et de constater qu’inévitablement, l’OA deviendra la norme, dans l’intérêt de tous.

* cela s’est déjà vu: nous avons acheté à Elsevier des accès électroniques que nous pouvions consulter indéfiniment en archives et l’éditeur nous a soudain imposé de payer pour y accéder, se moquant bien de l’achat que nous avions fait !)

Commentaire de Olivier Ertzscheid, le 9 mars 2007

Bonsoir,

Ce lien vers un billet dans lequel je reviens sur votre – à mon sens – courageuse prise de position.

Olivier Ertzscheid

Merci pour cet encouragement ! Notez bien qu’il ne s’agit pas ici de courage, mais de conviction. Et celle-ci me dit que la ligne que je suis est dans l’intérêt de tous les chercheurs, même ceux qui n’arrivent pas à comprendre l’importance du défi, même ceux qui font le jeu de ceux qui profitent de nous de manière éhontée. Ce combat devrait être celui de toute la communauté scientifique.
B.R.

Nouveaux commentaires pour le billet du 25 février: « Archivage institutionnel et vitrine bibliographique ».

A lire également, sur le même sujet: On « Open Access » Publishers Who Oppose Open Access Self-Archiving Mandates. En résumé: « L’âge de l’internet a apporté beaucoup à la recherche, mais crée inévitablement un conflit entre les intérêts de l’industrie de l’édition de journaux de recherche et les chercheurs, les universités, les centres de recherche, les bailleurs de fonds de la recherche, la R&D industrielle, et les contribuables. L’Open Access est incontestablement un immense atout, que ce soit la publication en OA, ou l’auto-archivage en OA. On doit s’attendre à une résistance de la part des éditeurs qui ne pratiquent pas l’OA. Mais ce qui est particulièrement décevant et déplorable, est que des éditeurs qui pratiquent l’OA s’opposent à l’auto-archivage en OA. »

A noter, par ailleurs, que sur Cordis, dans le programme de l’Information Event On The First Calls For Proposals Under The E-Infrastructures Activity Of The ‘Capacities’ Specific Programme, FP7 qui a eu lieu en février, il est spécifié que l’Europe finance des projets dans le domaine des « Scientific Digital Repositories » et du « Deployment of e-Infrastructures for scientific communities ».

C’est aujourd’hui et demain qu’aura lieu à Berlin le lancement officiel en grandes pompes du Conseil Européen de la Recherche.
Il est intéressant de noter que l’optique dans laquelle ce Conseil a été créé est de financer la meilleure science, indépendamment des agendas régionaux et politiques !
Et ça commence fort: le premier appel aux candidatures pour des bourses sera consacré à de jeunes chercheurs dans le métier depuis deux ans au moins et neuf au plus. Et on nous laisse entendre qu’ils devront être très prometteurs, le but recherché étant ni plus ni moins de faire revenir les prix Nobel en Europe !

L’annonce n’est guère loquace en ce qui concerne les qualités véritables des candidats éventuels mais elle consacre plus de la moitié du texte à des précisions sur le fait qu’il sera autorisé des extensions à cette fourchette à condition qu’elles soient dûment justifiées en raison, par exemple, de maternités (la comptabilité du système prévoit généreusement un an par enfant né après l’obtention du doctorat), de paternités (congé moins bien précisé), de maladies de longue durée ou de service militaire ou civil. On ne manque pas de préciser que des congés pris pour des raisons liées à des obligations inévitables (celles-là !) comme l’acquisition de certifications cliniques pourront également être prises. Néanmoins, « la période cumulative d’éligibilité ne pourra en aucun cas excéder 12 années après la délivrance du diplôme de docteur ». Cerise sur le gâteau: aucune exception ne sera faite pour le travail éventuel à temps partiel, deux années à mi-temps comptant pour deux ans pleins !
On a beau dire, ça casse un peu le lyrisme de l’envolée initiale sur les nobélisables…

Plus sérieusement, les bourses, qui pourront avoir une durée de 5 ans, seront très généreuses: de 100,000 € à 400,000 € par an ! On pourra en faire seulement un millier au départ, mais on parle de cinq fois plus en 2013. Les experts opéreront la sélection sur la base du mérite, sans aucune référence à la nationalité du candidat. Ils évalueront la capacité de l’institution d’offrir un environnement idéal aux chercheurs: une bonne infrastructure et un entourage intellectuel stimulant.

Ce qui est particulièrement interpellant, comme le relève la revue Nature (445, 795-796, 2007) dans un article du 22 février dernier, c’est que les candidats sont encouragés à choisir leur institution d’accueil. Si leur université ne leur offre pas ce qu’ils attendent, ils sont invités à s’en choisir une autre ou un centre de recherche de leur choix. Nature rappelle que tous les pays n’ont pas la même souplesse quant aux conditions qu’ils autorisent leurs universités à concéder aux chercheurs qu’elles souhaitent attirer. On comprend donc que certaines universités seront plus attractives en raison de leur réputation préétablie, mais aussi de leur degré d’autonomie, des choix qu’elles pourront ou voudront faire et des priorités qu’elles vont se définir. Et comme l’accueil de ces boursiers de l’ERC deviendront rapidement un motif de fierté et, à plus long terme, un réel renforcement de la qualité scientifique, on imagine que la compétition va d’emblée se développer entre toutes les institutions.
Voici que revient déjà la hantise des effets que, malgré d’excellentes intentions, les initiatives européennes ne manquent pas de produire.

Mais voyons les choses du bon côté: les universités les plus adaptables recevront le plus de boursiers et verront le moins partir les leurs. C’est donc une véritable prime à la souplesse et c’est, quelque part, une excellente nouvelle, pour autant que les universités soient largement autonomes (qualificatif à acquérir, pour ce qui nous concerne…). Nature va au bout du raisonnement: « L’appel de l’ERC est en fait une sonnette d’alarme qui devra pousser les universités à se dégager de leurs chaînes et à devenir compétitives internationalement ». Et de fustiger l’Allemagne, l’Italie et la France, de même que les pays d’Europe de l’Est, qui ont une longue histoire de « paralysie académique institutionnalisée » et d’anti-élitisme mais tentent d’évoluer. Nature termine en rappelant que l’Initiative d’Excellence allemande, qui a pourvu une sélection d’universités de fonds de recherche extrêmement importants, a eu pour conséquence de stimuler par ricochet l’ensemble des universités allemandes. De là à penser que l’initiative de l’ERC aura le même effet sur l’ensemble des universités qui sauront se montrer à la hauteur, il n’y a qu’un pas.

Acceptons-en l’augure.

En signant la Déclaration de Berlin ainsi que la pétition pour l’accès libre aux résultats des recherches effectuées avec des fonds publics européens, notre université s’est en même temps résolument engagée dans la voie de l’auto-archivage de ses publications.
Il faut en effet aller jusqu’au bout de la logique de l’accès libre et jouer le jeu de la mise en ligne des publications universitaires. De nombreuses institutions dans le monde (des consortiums d’universités comme celles de Californie et leur eScholarship Repository ou un seul département comme celui des Sciences informatiques de l’Université de Southampton par exemple) s’y sont lancées avec succès et cette initiative leur apporte un surplus de notoriété incontestable.

Entendons-nous bien: quand on parle d’archivage, il ne s’agit pas de remiser dans un grenier l’ensemble de nos publications, mais au contraire de les rendre librement accessibles sous forme électronique à tout le monde.
La constitution de ce répertoire institutionnel qui placera en OA (Open Access) le plus grand nombre possible de publications réalisées par des membres de l’ULg aura plusieurs effets complémentaires:
- elle assurera aux publications électroniques de l’ULg (éditées ou non par l’ULg) une pérennité qui ne nous rendra dépendants de personne;
- elle impliquera une négociation entre les auteurs et leurs éditeurs quant au délai minimal de mise en ligne d’un article publié;
- elle contribuera au rayonnement de l’Institution en permettant l’accès libre au fruit de ses recherches et en élaborant ainsi une vitrine exaustive et consultable par tous de la recherche à l’ULg.

Par ailleurs, elle permettra d’élaborer conjointement un instrument objectif d’évaluation de la production scientifique des chercheurs de l’ULg par l’élaboration d’une véritable bibliographie institutionnelle reprenant la liste complète des publications des membres de l’ULg.

Une telle décision, si elle doit avoir du sens, impliquera nécessairement le caractère obligatoire de la contribution de chacun à la Bibliographie Institutionnelle.

Comment cette obligation sera-t-elle respectée ? Très facilement: à partir de l’année académique 2007-2008, les seules listes de publications des membres de l’ULg prises en compte officiellement dans tout processus d’évaluation interne, quel que soit son but, seront celles que générera la Bibliographie Institutionnelle.
Et c’est ici que s’ajoute un effet positif supplémentaire: les listes de publications seront normalisées et rendues comparables, enfin structurées et classées de manière logique, débarrassées de tout effet « gonflant » dû au mélange des genres qui rend souvent très indigeste et fastidieuse l’analyse comparative des CV…

Avant l’été, le Réseau des Bibliothèques de l’ULg organisera une grande séance d’information ouverte à tous sur les nouveautés liées à l’OA et en particulier:
- l’auto-archivage recommandé des publications au sein du Répertoire Institutionnel (le projet pilote est déjà lancé depuis un an et demi et comporte déjà 500 dépôts, nos partenaires de la FUSAGx nous y ont rejoint, donnant au projet une dimension qui est celle de l’Académie);
- la mise en ligne des CV grâce à la Bibliographie Institutionnelle;
- PoPuPS : le nouveau Portail de Publication de Périodiques Scientifiques de l’ULg;
- BICTEL/e, le programme de mise en ligne en OA des thèses (15 déjà accessibles et 15 autres en cours d’incorporation).

A propos de l’intérêt de l’initiative de la Bibliographie Institutionnelle en relation avec le Répertoire Institutionnel, je vous recommande vivement la lecture d’un remarquable article (de 2003!) en OA par Stevan Harnad, Les Carr, Tim Brody et Charles Oppenheim publié dans le magazine électronique Ariadne sur les mesures à prendre pour l’amélioration de l’impact et de l’évaluation de la recherche au Royaume-Uni par la mise en ligne obligatoire des curricula vitæ en lien avec les archives électroniques des universités.
A méditer et, surtout, à appliquer chez nous rapidement.

Pour ceux qui souhaient être convaincus, voici l’évolution des prix des périodiques ces dernières années :

En 14 ans, pour une augmentation de l’index de 30 %, les coûts des revues scientifiques ont augmenté de 257,8 % !
Cette augmentation de x 2,5 a été atteinte en 2005 déjà pour les revues de Sciences et de Médecine, elle est plus lente en Sciences humaines, mais reste non négligeable dans ces matières.
Ces chiffres sont calculés en tenant compte de tous les éditeurs, y compris ceux qui n’ont pas opté pour une exploitation éhontée de la recherche. Les grands exploiteurs pratiquent donc des augmentations de prix encore plus spectaculaires.
Devant une telle absence de vergogne, seul un combat organisé peut sauver la diffusion du savoir.

Ce mardi les universités belges signeront la Déclaration de Berlin sur le Libre Accès (Open Access, OA) aux résultats de la recherche publique.
Pourquoi un tel engagement ?
Parce que les universités souhaitent assurer à la recherche faite par leurs membres une diffusion et un impact aussi larges que possible.
Et c’est maintenant dans l’air du temps.

Des organismes finançants et des universités adhèrent

Aux Etats-Unis, les National Institutes of Health ont annoncé leur politique en la matière (Public Access Policy) en mai 2005. La faiblesse de leur proposition est toutefois qu’ils n’en font pas une véritable obligation et qu’en outre ils autorisent une année d’embargo protégeant les éditeurs avant que l’accès aux articles soit libéré. Par ailleurs, ils recommandent l’archivage dans PubMed Central, qu’ils ont contribué à fonder, et non dans des archives de l’Institution où le chercheur travaille (l’un n’empêche pas l’autre, en fait). L’avenir dira s’il s’agit là d’une force ou d’une faiblesse.
Au Royaume-Uni, le Wellcome Trust a émis un « Position Statement in Support of Open and Unrestricted Access to Published Research » en octobre 2005, qui recommande également la publication des recherches qu’il finance en OA et requiert leur archivage en OA dès 6 mois après la publication.
Le Research Council UK essaie de mettre en œuvre une politique d’OA (Policy on Access to Research Outputs) exigeant l’auto-archivage immédiat. S’il y arrive, la moitié des recherches produites dans les universités du Royaume-Uni deviendra accessible librement grâce aux dépôts institutionnels. Contrairement aux deux organismes précédents qui se consacrent à la recherche biomédicale, il s’agit ici de l’ensemble des disciplines de recherche.
Le Canadian Social Sciences and Humanities Research Council s’est engagé dès 2004 à promouvoir l’OA auprès des chercheurs canadiens, mais les résultats sont encore partiels et il publie en 2006 une étude de faisabilité (en PDF).
En avril 2006, la Commission Européenne publiait son étude « Study on the Economic and Technical Evolution of the Scientific Publication Markets in Europe » (en PDF) dans laquelle elle se prononçait clairement: « Research funding agencies should establish a European policy mandating published articles arising from EC-funded research to be available after a given time period in open access archives »
• En mai 2006 paraît l’US Federal Research Public Access Act (FRPAA) qui rend obligatoire aux USA l’auto-archivage des résultats des recherches effectuées avec des fonds publics, j’en ai parlé dans ce blog à l’époque. Il réduit à 6 mois le délai d’accès public dans tous les cas et s’étend à tous les domaines de la recherche. Enfin, l’auto-archivage est décentralisé et peut résider dans l’Institution de l’auteur.
En 2005, seize universités hollandaises on lancé DAREnet, les Digital Academic Repositories qui comptent aujourd’hui plus de 69 000 articles

Comment une telle action se justifie-t-elle ?

Les recherches ayant été effectuées avec des fonds publics, les contribuables peuvent attendre un accès à leurs résultats.
D’autre part, même ceux qui ne lisent pas d’articles scientifiques peuvent exiger que leur argent contribue directement et sûrement à la formation des spécialistes dont ils attendent la compétence.

Pourquoi les universités signent-elles la Déclaration de Berlin ?

Afin d’affirmer leur volonté de gérer la communication scientifique (publications et auto-archivage) d’une « autre façon »: plus largement, plus démocratiquement, plus rapidement et plus efficacement. Aujourd’hui, 90 pourcents des journaux qui font appel à la revue par des pairs ont approuvé l’auto-archivage sous une forme ou sous une autre. Dix pourcents de ces journaux sont aujourd’hui en OA.
Afin d’exprimer leur détermination dans leur combat contre ceux qui, parmi les éditeurs, privilégient le profit à la diffusion du savoir (pour une analyse détaillée de la valse échevelée des prix des périodiques, rendez-vous sur Library Journal).
Afin de donner un signal fort aux universitaires et les emmener dans un mouvement de dimension mondiale en faveur de l’OA.
Afin d’atteindre un consensus entre les universités, les organisations finançantes et les personnalités politiques pour développer des solutions de remplacement et une nouvelle organisation efficace de diffusion de la science.
Afin de rappeler aux chercheurs les voies de publication en OA.
Afin de soutenir la création de nouveaux journaux en OA ou le passage en OA des journaux existants.
Afin de promouvoir les répertoires institutionnels thématiques des publications en OA.
Afin de soutenir les bibliothécaires dans leurs actions en faveur de l’OA.
Afin, en Belgique de convaincre les membres des commissions du FNRS et du FWO de reconnaître les publications en OA comme références valides dans les curricula vitæ et en outre comme gage de citoyenneté.
Afin de contribuer utilement à la diffusion du savoir généré par la recherche dans les pays en développement.
Afin d’apporter aux chercheurs de partout un accès large aux résultats de la recherche publiés dans des journaux auxquels leurs universités ne sont pas abonnées car elles ne peuvent s’abonner à tout, surtout quand les revues les plus prestigieuses font exploser les prix.
Afin d’apporter au grand public des informations scientifiques contrôlées et sérieuses permettant de contrer au mieux la masse d’informations fantaisistes accessibles aujourd’hui sur la « toile ». Les informations rigoureuses doivent pouvoir apparaître rapidement lors de recherches sur des « moteurs » généralistes (Google, Yahoo, Altavista, etc), mais aussi plus spécifiquement et à coup sûr grâce à des moteurs spécialisés (Directory of Open Access Journals, OAIster, Citebase, Citeseer, Scirus, Scientific Commons, Google Scholar, par exemple).

Y a-t-il un risque à signer la déclaration de Berlin ?

« Publier en OA va m’empêcher ou empêcher mon université de valoriser ma recherche »
– Non, évidemment. En matière de valorisation, tout se passe AVANT la publication. C’est elle qui marque la fin de la confidentialité. Qu’elle soit en OA ou non ne change strictement rien à l’affaire.

« Publier en OA risque de me priver de mes droits d’auteur »
– Non, évidemment. C’est dans le mode d’édition classique (non-OA) que les droits d’auteurs sont pratiquement toujours cédés par l’(les) auteur(s), pratique contre laquelle nous nous battons d’ailleurs, même si sa raison d’être est compréhensible: elle empêche l’auteur de republier les mêmes informations ailleurs ou de les réutiliser ultérieurement dans des revues générales, par exemple. Rien dans la procédure de l’OA ne prive l’auteur de ses droits. Et si c’était le cas exceptionnellement, cela ne serait en rien différent de ce qui se passe aujourd’hui et qui semble accepté par la grande majorité des chercheurs.

« Auto-archiver mes publications en OA risque de me priver de mes droits d’auteur ou de la valorisation de ma recherche »
– En aucun cas. L’auto-archivage en OA est une forme de publication et doit être considéré comme tel. Les questions d’antériorité sont identiques à celle de la publication. Il importe que les auteurs se mettent d’accord sur le cours des évènements et ne compromettent pas par une mise en réseau trop précoce leur potentiel de valorisation.

« Qui décide de l’option OA ? »
– Les universités, centres de recherches, bibliothèques et organismes finançants ont leurs propres raisons de favoriser l’option OA mais seuls les auteurs peuvent faire le choix de soumettre leurs publications aux journaux OA, de les déposer en auto-archivage, de transférer éventuellement leurs droits, en accord avec la politique de leur institution. Il est important qu’ils comprennent bien l’enjeu collectif et les bénéfices qu’eux-mêmes peuvent tirer de l’OA, en quoi il améliore l’impact de leur recherche. De même, ils doivent bien comprendre la compatibilité entre l’auto-archivage en OA et la publication dans des journaux non-OA.

C’est pleinement conscients de ces enjeux et de ces implications que les recteurs des universités belges rejoindront les signataires de la Déclaration de Berlin ce mardi.

Comme on pouvait s’y attendre, les grandes maisons d’éditions scientifiques ont senti le vent du boulet de l’Open Access et elles construisent leur contre-offensive.

Le monde de l’édition scientifique (au sens large) se compose de quelques grands éditeurs mondiaux et d’une constellation de maisons plus petites, voire très petites. Je m’en voudrais de les mettre tous dans le même sac. La guerre entre les chercheurs et les éditeurs implique les grandes maisons, beaucoup moins les moyennes et généralement pas les petites. Malheureusement, depuis quelques années, les grands poissons mangent les petits et deviennent de plus en plus gros. Ceci a pour conséquence que les intérêts financiers grandissent démesurément en regard des moyens dont disposent les chercheurs pour publier. Deux mondes fondamentalement différents s’affrontent: celui de la recherche globalement sous-financée et celui du grand profit.

Impact

Les « facteurs d’impact » ont permis longtemps de faire croire à l’existence d’une méthode pratique de mesure de la qualité d’un article scientifique (alors qu’ils indiquent en réalité l’impact du journal !). On a même étendu leurs vertus à la mesure de la qualité d’un chercheur ! Leur invention et leur diffusion ont offert aux éditeurs peu scrupuleux, avec la complicité naïve des chercheurs eux-mêmes, un moyen de les « fidéliser », en fait de les rendre parfaitement captifs.
Le prestige de publier dans un journal bien coté est indéniable, mais l’intérêt principal est d’être lu et d’ainsi contribuer activement à la progression du savoir. Dès que chacun aura compris que ses chances d’être lu sont plus grandes s’il publie dans des revues à accès électronique et qu’elles deviennent infiniment plus grandes encore si la publication est en accès libre, la perception sera toute différente.

Le bout du tunnel ?

Pour ceux d’entre nous qui se sont engagés résolument dans ce combat, les choses ont bien changé et nous voyons notre cause gagner du terrain tous les jours. Nous ne sommes pas opposés à l’existence de maisons d’éditions, elles sont fort utiles, nous sommes opposés au racket qui, hélas, lorsqu’il est question de gros sous, se met en place en situation de monopole.

La preuve du succès de la campagne de l’Open Access est double: d’une part la croissance exponentielle des journaux électroniques en accès libre et d’autre part la montée en puissance de la réplique des éditeurs.

Le Pit Bull

La dernière indication claire de la mise en place d’une contre-offensive organisée nous est révélée par la revue anglaise Nature qui annonce que les principaux grands éditeurs scientifiques se sont groupés pour charger une « boîte de com » d’assurer leur campagne contre le mouvement pour l’information libre. Ils en ont choisi une, tristement célèbre pour sa consultance auprès d’Enron ou d’Exxon au secours de causes peu recommandables à défendre par tous les moyens contre l’opinion publique. Le directeur de cette firme est connu sous le sobriquet du « Pit Bull », ce qui en dit long sur ses méthodes.

Sa stratégie est simple. Elle repose sur un adage que j’ai déjà cité dans un autre contexte: « Dites un mensonge, il en restera toujours quelque chose ». On peut en effet faire passer dix grosses contrevérités plus rapidement et plus efficacement qu’une seule idée vraie, scientifiquement démontrée et présentée avec toutes les nuances que l’honnêteté nous impose. Comme le dit avec beaucoup de cynisme la porte-parole de l’éditeur Wiley: « Un message médiatique n’est pas un débat intellectuel ».

Le Pit Bull a immédiatement identifié le problème: jusqu’ici la stratégie des grands éditeurs contre le mouvement de l’Open Access est simplement trop défensive et trop attachée à ne reposer que sur des déclarations précises et exactes, par peur que les scientifiques, que l’on sait rigoureux, ne démontent les arguments. Or, selon lui, peu importe qu’on démonte ses arguments, c’est leur effet premier qui compte. On doit donc être approximatif, voire inexact ou grossièrement mensonger, et percutant. Ca marche sur le grand public, même éduqué, pourquoi cela ne marcherait-il pas sur les scientifiques? Personne ne lira les réfutations ennuyeuses. Tout le monde aura compris le message immédiat et le retiendra.

Selon Nature, la stratégie du Pit Bull pour la campagne des éditeurs sera basée sur les idées-forces suivantes: « L’accès public, c’est la porte ouverte à la censure gouvernementale ». On joue là sur le légitime désir de liberté d’expression du chercheur en lui faisant croire que ce système permet la censure alors que c’est indéniablement le contraire qui se produit. Un autre argument consiste à dire « l’accès libre, c’est la mort du peer review, imaginez le monde de la Science sans peer review! ». Scandaleux mensonge donc, puisque l’accès libre repose précisément sur la revue par les pairs. Mais on joue ici habilement sur la confusion qu’a créé le fait que le libre accès n’est imaginable que pour une diffusion électronique par internet et que l’internet a la réputation — méritée — de véhiculer des milliards d’informations totalement incontrôlées et dépourvues de la moindre rigueur. C’est méconnaître le fait que si l’internet est vaste et incontrôlable, il peut parfaitement contenir des sites bien contrôlés et dignes de confiance, où les chercheurs eux-mêmes assurent la qualité de ce qui est publié par leurs pairs.

Attendons-nous donc au pire lors de cette contre-offensive. Nous allons lire et entendre beaucoup d’énormités et il faudra y faire face. Je reste convaincu que tout cela ne pourra que retarder l’échéance, à condition que nous n’abaissions pas notre garde et surtout que, tous ensemble, nous assurions l’installation pour toujours d’un autre principe de diffusion des informations scientifiques, moins cher, plus juste, plus efficace, plus ouvert, bref, plus généreux.

Le combat sera dur, inégal, sans concessions. Mais ce sera vérité contre mensonge, connaissance collective contre profits particuliers. Voilà au moins une guerre nécessaire, pour une fois, un vrai défi à relever. Le monde de la recherche en a la capacité, mieux que quiconque. Il doit aussi en avoir la clairvoyance et la volonté.

(Pour rappel, signez la pétition pour l’accès libre aux résultats des recherches effectuées avec des fonds publics européens)

J’ai signé aujourd’hui, au nom de l’ULg, la pétition en faveur d’un accès public garanti (dès après leur publication) pour les résultats des recherches réalisées avec l’aide de fonds publics.

Cette pétition soutient l’accès libre et gratuit à la recherche européenne et suit les recommandations proposées dans l’étude « Study on the Economic and Technical Evolution of the Scientific Publication Markets of Europe ».
C’est un moyen efficace de disséminer la connaissance et de la rendre largement accessible à la société.
La pétition est conforme à la déclaration d’octobre 2003 dite de Berlin sur le libre accès à la documentation scientifique.

Je vous encourage à la signer également, sur base individuelle, si vous partagez cette conviction largement répandue aujourd’hui quant au droit à l’accès libre, tout spécialement dans le cas des recherches subventionnées par les pouvoirs publics en général et européens en particulier.

C’est très facile, on y accède d’un simple clic.

Meilleurs vœux pour 2007 à tous mes lecteurs !

Voici un nouveau commentaire concernant mon article du 20 mai dernier (Accès libre):

“Bravo pour cette mise au point et au clair, argumentée, mesurée et efficace. Je souhaite que les autorités (présidents et recteurs) des universités francophones suivent pleinement leur collègue le Recteur de l’Université de Liège.
Pour ce qui la concerne, et reprenant les injonctions de Steve Harnad pour la mise à disposition rapide et libre des résultats de la recherche publique, l’Université Lyon 2, à travers son service éditorial, les Presses universitaires de Lyon, met en ligne la totalité de ses thèses soutenues et exige maintenant un dépôt électronique de la thèse, et a entamé une mise en ligne d’une importante partie de son catalogue de monographies nouvelles ou épuisées. Elle offre enfin un dépôt d’archives institutionnel plus classique et d’un site de publication destiné aux colloques (le tout bien sûr OAI-PMH).

Jean Kempf
Professeur des Universités
Directeur
Presses universitaires de Lyon
86, rue Pasteur
F-69365 Lyon Cedex 07
France

http://presses.univ-lyon2.fr/

L’Université Lumière Lyon 2 est signataire de la Déclaration de Berlin sur l’accès ouvert

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