Ce mardi les universités belges signeront la Déclaration de Berlin sur le Libre Accès (Open Access, OA) aux résultats de la recherche publique.
Pourquoi un tel engagement ?
Parce que les universités souhaitent assurer à la recherche faite par leurs membres une diffusion et un impact aussi larges que possible.
Et c’est maintenant dans l’air du temps.

Des organismes finançants et des universités adhèrent

Aux Etats-Unis, les National Institutes of Health ont annoncé leur politique en la matière (Public Access Policy) en mai 2005. La faiblesse de leur proposition est toutefois qu’ils n’en font pas une véritable obligation et qu’en outre ils autorisent une année d’embargo protégeant les éditeurs avant que l’accès aux articles soit libéré. Par ailleurs, ils recommandent l’archivage dans PubMed Central, qu’ils ont contribué à fonder, et non dans des archives de l’Institution où le chercheur travaille (l’un n’empêche pas l’autre, en fait). L’avenir dira s’il s’agit là d’une force ou d’une faiblesse.
Au Royaume-Uni, le Wellcome Trust a émis un « Position Statement in Support of Open and Unrestricted Access to Published Research » en octobre 2005, qui recommande également la publication des recherches qu’il finance en OA et requiert leur archivage en OA dès 6 mois après la publication.
Le Research Council UK essaie de mettre en œuvre une politique d’OA (Policy on Access to Research Outputs) exigeant l’auto-archivage immédiat. S’il y arrive, la moitié des recherches produites dans les universités du Royaume-Uni deviendra accessible librement grâce aux dépôts institutionnels. Contrairement aux deux organismes précédents qui se consacrent à la recherche biomédicale, il s’agit ici de l’ensemble des disciplines de recherche.
Le Canadian Social Sciences and Humanities Research Council s’est engagé dès 2004 à promouvoir l’OA auprès des chercheurs canadiens, mais les résultats sont encore partiels et il publie en 2006 une étude de faisabilité (en PDF).
En avril 2006, la Commission Européenne publiait son étude « Study on the Economic and Technical Evolution of the Scientific Publication Markets in Europe » (en PDF) dans laquelle elle se prononçait clairement: « Research funding agencies should establish a European policy mandating published articles arising from EC-funded research to be available after a given time period in open access archives »
• En mai 2006 paraît l’US Federal Research Public Access Act (FRPAA) qui rend obligatoire aux USA l’auto-archivage des résultats des recherches effectuées avec des fonds publics, j’en ai parlé dans ce blog à l’époque. Il réduit à 6 mois le délai d’accès public dans tous les cas et s’étend à tous les domaines de la recherche. Enfin, l’auto-archivage est décentralisé et peut résider dans l’Institution de l’auteur.
En 2005, seize universités hollandaises on lancé DAREnet, les Digital Academic Repositories qui comptent aujourd’hui plus de 69 000 articles

Comment une telle action se justifie-t-elle ?

Les recherches ayant été effectuées avec des fonds publics, les contribuables peuvent attendre un accès à leurs résultats.
D’autre part, même ceux qui ne lisent pas d’articles scientifiques peuvent exiger que leur argent contribue directement et sûrement à la formation des spécialistes dont ils attendent la compétence.

Pourquoi les universités signent-elles la Déclaration de Berlin ?

Afin d’affirmer leur volonté de gérer la communication scientifique (publications et auto-archivage) d’une « autre façon »: plus largement, plus démocratiquement, plus rapidement et plus efficacement. Aujourd’hui, 90 pourcents des journaux qui font appel à la revue par des pairs ont approuvé l’auto-archivage sous une forme ou sous une autre. Dix pourcents de ces journaux sont aujourd’hui en OA.
Afin d’exprimer leur détermination dans leur combat contre ceux qui, parmi les éditeurs, privilégient le profit à la diffusion du savoir (pour une analyse détaillée de la valse échevelée des prix des périodiques, rendez-vous sur Library Journal).
Afin de donner un signal fort aux universitaires et les emmener dans un mouvement de dimension mondiale en faveur de l’OA.
Afin d’atteindre un consensus entre les universités, les organisations finançantes et les personnalités politiques pour développer des solutions de remplacement et une nouvelle organisation efficace de diffusion de la science.
Afin de rappeler aux chercheurs les voies de publication en OA.
Afin de soutenir la création de nouveaux journaux en OA ou le passage en OA des journaux existants.
Afin de promouvoir les répertoires institutionnels thématiques des publications en OA.
Afin de soutenir les bibliothécaires dans leurs actions en faveur de l’OA.
Afin, en Belgique de convaincre les membres des commissions du FNRS et du FWO de reconnaître les publications en OA comme références valides dans les curricula vitæ et en outre comme gage de citoyenneté.
Afin de contribuer utilement à la diffusion du savoir généré par la recherche dans les pays en développement.
Afin d’apporter aux chercheurs de partout un accès large aux résultats de la recherche publiés dans des journaux auxquels leurs universités ne sont pas abonnées car elles ne peuvent s’abonner à tout, surtout quand les revues les plus prestigieuses font exploser les prix.
Afin d’apporter au grand public des informations scientifiques contrôlées et sérieuses permettant de contrer au mieux la masse d’informations fantaisistes accessibles aujourd’hui sur la « toile ». Les informations rigoureuses doivent pouvoir apparaître rapidement lors de recherches sur des « moteurs » généralistes (Google, Yahoo, Altavista, etc), mais aussi plus spécifiquement et à coup sûr grâce à des moteurs spécialisés (Directory of Open Access Journals, OAIster, Citebase, Citeseer, Scirus, Scientific Commons, Google Scholar, par exemple).

Y a-t-il un risque à signer la déclaration de Berlin ?

« Publier en OA va m’empêcher ou empêcher mon université de valoriser ma recherche »
– Non, évidemment. En matière de valorisation, tout se passe AVANT la publication. C’est elle qui marque la fin de la confidentialité. Qu’elle soit en OA ou non ne change strictement rien à l’affaire.

« Publier en OA risque de me priver de mes droits d’auteur »
– Non, évidemment. C’est dans le mode d’édition classique (non-OA) que les droits d’auteurs sont pratiquement toujours cédés par l’(les) auteur(s), pratique contre laquelle nous nous battons d’ailleurs, même si sa raison d’être est compréhensible: elle empêche l’auteur de republier les mêmes informations ailleurs ou de les réutiliser ultérieurement dans des revues générales, par exemple. Rien dans la procédure de l’OA ne prive l’auteur de ses droits. Et si c’était le cas exceptionnellement, cela ne serait en rien différent de ce qui se passe aujourd’hui et qui semble accepté par la grande majorité des chercheurs.

« Auto-archiver mes publications en OA risque de me priver de mes droits d’auteur ou de la valorisation de ma recherche »
– En aucun cas. L’auto-archivage en OA est une forme de publication et doit être considéré comme tel. Les questions d’antériorité sont identiques à celle de la publication. Il importe que les auteurs se mettent d’accord sur le cours des évènements et ne compromettent pas par une mise en réseau trop précoce leur potentiel de valorisation.

« Qui décide de l’option OA ? »
– Les universités, centres de recherches, bibliothèques et organismes finançants ont leurs propres raisons de favoriser l’option OA mais seuls les auteurs peuvent faire le choix de soumettre leurs publications aux journaux OA, de les déposer en auto-archivage, de transférer éventuellement leurs droits, en accord avec la politique de leur institution. Il est important qu’ils comprennent bien l’enjeu collectif et les bénéfices qu’eux-mêmes peuvent tirer de l’OA, en quoi il améliore l’impact de leur recherche. De même, ils doivent bien comprendre la compatibilité entre l’auto-archivage en OA et la publication dans des journaux non-OA.

C’est pleinement conscients de ces enjeux et de ces implications que les recteurs des universités belges rejoindront les signataires de la Déclaration de Berlin ce mardi.