« Monsieur le Recteur,
J’ai terminé mes études de Médecin vétérinaire en 2004. J’ai ensuite réalisé une thèse de doctorat dans le laboratoire des Professeurs Lekeux et Bureau, thèse que j’ai défendue l’année passée. J’effectue actuellement un post-doctorat à la Harvard Medical School, d’où je peux continuer à suivre ce qui se passe dans mon Institution d’origine, notamment grâce à votre blog.
J’ai eu le bonheur d’être porte-drapeau (2002), trésorier (2003) et président (2004) de la Société Générale des Etudiants en Médecine Vétérinaire et je ne peux donc pas vous cacher que je suis profondément scandalisé par certains commentaires écrits sur votre blog. J’ai tenté d’y publier une réponse mais je n’y suis pas parvenu, peut-être est-elle trop longue? Je vous l’envoie donc, légèrement modifiée, par courrier électronique (ainsi qu’en copie à Monsieur le Doyen de la Faculté de Médecine vétérinaire). En guise de préambule, je tiens à préciser que ma réaction n’a pas pour but d’attaquer quelqu’un en particulier mais juste d’apporter une réponse à des commentaires et des sous-entendus maintes fois évoqués lorsqu’est initié un débat sur les baptêmes, particulièrement le nôtre. Il s’avère également que certains représentants de l’AGEL n’hésitent pas à utiliser la calomnie. Je constate d’ailleurs que l’attitude de ceux-ci n’a guère évolué depuis que j’ai terminé mes études, mais cela ne me surprend pas… Veuillez donc avoir l’obligeance d’excuser le ton un peu provocateur qui ne vous est évidemment pas destiné. »
« A tous,
Personnellement, j’ai un peu de mal à comprendre comment un tragique accident survenu au cours d’une soirée organisée par l’AGEL (c’est-à-dire l’organisation encadrant les activités des comités de baptême de Liège, à l’exception des vétérinaires) peut dévier aussi rapidement sur le « fameux » baptême vété. Une diversion? Un exutoire? Certains imaginent peut-être échapper à leur propre autocritique en cherchant un bouc-émissaire facile (juste une hypothèse formelle, bien entendu)? « Quoi un problème de sécurité dans nos activités? mais mon bon monsieur, tout cela est évidemment de la faute de ces abominables baptisés de Cureghem! »
Et bien soit, parlons un peu de ce baptême alors. La sécurité, d’abord. Qui peut nier que depuis de nombreuses années, les responsables étudiants vétérinaires prennent des initiatives significatives afin d’améliorer celle-ci. Entre autres, et à titre d’exemples, les forfaits « bob » (avec contrôle associé), les nombreux lifts gratuits mis à disposition, et plus récemment encore, les contrôles d’alcoolémie obligatoires lors des activités de baptême afin d’être autorisé reprendre sa voiture… A moins que les choses aient bien changé depuis que j’ai terminé mes études, quelle autre comité, à Liège ou ailleurs, peut en dire autant?
Quant au baptême en lui-même, je ne chercherai pas en brosser un portrait idyllique mais simplement à rétablir certaines vérités. Les baptisés non vétérinaires se délectent à mettre en avant le caractère exigeant du « baptême Cureghem ». En interne, nous sommes plutôt fiers d’autres caractéristiques. Une structure hiérarchisée et organisée avec un règlement strict, accompagné de sanctions sévères en cas d’éventuels dérapages… Un accès au parrainage qui, lui, est particulièrement exigeant : l’obligation d’être en dernière année, une sélection organisée par les comités pour écarter les individus potentiellement dangereux et enfin un investissement humain et financier considérable pendant les 3 semaines d’activités de bleusaille. Je rappelle que les bleus vétés ne paient ni les activités (folkloriques mais aussi bien souvent bowlings, cinémas ou encore week-end aventure) ni leur nourriture ni leurs boissons pendant cette période. Il est tellement plus facile de faire boire quelqu’un qui doit payer lui même ses consommations… Aucune activité pouvant être, à tort, assimilée à une humiliation n’est organisée en public. Et enfin, contrairement à de nombreux baptêmes liégeois ou autres (à moins, encore une fois, que ceux-ci n’aient fortement évolué), aucune, absolument aucune activité à connotation sexuelle n’est tolérée à « »Cureghem »! Quant aux activités pouvant être cataloguées de « dégoûtantes », croyez-moi, celles-ci sont très vite relativisées quand vous êtes amenés à autopsier un animal mort depuis plusieurs jours ou à réaliser une embryotomie sur un veau putréfié…
Je crois qu’il est bon également de rappeler ici le but ultime d’un baptême étudiant. Il ne s’agit ni d’ingurgiter le plus de bières possibles, ni d’avoir un nouveau couvre-chef pour parer aux mauvaises conditions climatiques ou encore moins d’acquérir le droit de hurler sur de pauvres victimes l’année suivante. Il existe bien sûr un aspect initiatique à un réel folklore dans le baptême étudiant, mais il s’agit surtout de rencontrer et d’apprendre à connaître un maximum de personnes. A mes yeux, le baptême doit donc être organisé afin de faciliter cet objectif (pas inutile dans des amphis de parfois plusieurs centaines d’étudiants). Il s’agit donc d’atteindre un pourcentage d’intégration suffisamment élevé pour être efficace. Ceci est particulièrement vrai chez nous. J’en profite pour récuser l’accusation selon laquelle nos bleus seraient particulièrement martyrisés. J’ai eu l’opportunité, pendant mes études, de participer à diverses activités folkloriques, que ce soit dans d’autres facultés à Liège, Bruxelles, Louvain-la-Neuve, Mons, Huy, Gembloux ou Gand et, bien qu’il soit difficile, même pour un baptisé, de juger le degré de difficulté d’un baptême que l’on ne connait pas entièrement, je n’ai jamais eu l’impression que nos activités étaient particulièrement éprouvantes. Pensez-vous que ce baptême soit si inhumain alors qu’il intègre (et je pense de loin) le plus grand nombre et le plus grand pourcentage d’étudiants en Belgique? Mais j’entends déjà certains jaloux avancer leurs arguments nauséeux alors je souhaite insister sur un point crucial: les étudiants vétérinaires ayant choisi de ne pas faire leur baptême n’ont absolument pas moins de droit que tout autre étudiant de l’ULg. L’accès aux activités organisées par l’Université, aux TPs, aux TDs, aux cours, aux élections à des conseils représentatifs au sein de l’Institution, aux syllabi (imprimés bénévolement par des étudiants baptisés, ce qui leur demande un investissement en temps considérable) est évidemment un droit pour tout étudiant et est clairement garanti pour tous. Comment peut-on, ne fut-ce qu’un instant, réellement imaginer qu’il en soit autrement? Dès lors, il n’existe aucun inconvénient pour ses études à choisir de ne pas faire son baptême à la FMV. Par contre, il est évident, que les étudiants ayant choisi de s’intégrer via le baptême vont bénéficier de certains avantages… Mais est-il illégitime, lorsque l’on organise, parfois plusieurs mois à l’avance, une activité privée de choisir qui sera invité? Est-il illégitime, lorsque l’on passe de nombreuses soirées à rédiger une version personnelle d’un syllabus ou à collecter certains « tuyaux », de choisir qui peut bénéficier du fruit de son travail? Si c’est le cas, alors je crois que nous vivons tout simplement dans des mondes différents et nous ne pourrons jamais nous comprendre. Il me paraît donc clair que les non baptisés ne souffrent d’aucune discrimination dans le cadre de leurs études… Néanmoins, je n’ai aucun tabou vis-à-vis des mots de la langue française, alors si vous souhaitez, à tout prix, continuer à associer le mot discrimination au baptême vété, il est plus correct de parler de discriminations positives à l’égard de ceux qui ont choisi de faire leur baptême mais en aucun cas d’évoquer des discriminations négatives envers ceux qui ont fait le choix contraire car ceux-ci, j’enfonce le clou, bénéficient des mêmes droits que tout autre étudiants à l’ULg! A titre personnel, je trouve qu’il est d’ailleurs bien symptomatique de notre société actuelle de consommation, que certains estiment avoir le droit de tout recevoir sans jamais faire d’efforts ou investir un peu de temps et d’énergie pour les autres…
Enfin, n’étant plus membre du personnel scientifique de l’ULg, je me sens moins tenu par un devoir de réserve vis-à-vis des étudiants de l’Institution, et je terminerai donc en émettant une opinion certainement plus polémique. Il nous a été (et est toujours je crois) souvent reproché que les représentants étudiants vétérinaires aux différents conseils de l’Université sont très majoritairement baptisés. Je pense qu’il s’agit d’une approche erronée du problème… J’ai, moi, toujours été étonné que les candidats à des élections, ouvertes à tous et annoncées en amphi, soient presque exclusivement constitués d’étudiants baptisés. Quelqu’un aurait-il un début de piste? Je peux même ajouter qu’il est régulièrement arrivé que les responsables baptisés prennent l’initiative de contacter des étudiants non baptisés afin de les sensibiliser à la problématique de la représentation étudiante et de les persuader de se porter candidat pour que tout le monde se sente vraiment représenté au sein des différents conseils et, par la même occasion, éviter de subir un reproche facile mais surtout faux…
Voilà, je suis bien conscient d’avoir été particulièrement long mais ce sujet me tenait à cœur. Je vous remercie de m’avoir lu et vous prie de pardonner un ton peut-être parfois un peu agressif assez difficile à éviter lorsque l’on débat d’un sujet passionnel.
Denis Bedoret.
Ancien président, trésorier et porte-drapeau de la Société Générale des Etudiants en Médecine Vétérinaire. »
« Persuadé que vous saurez restaurer la vérité dans ce débat, je vous prie d’agréer, Monsieur le Recteur, l’expression des mes salutations distinguées.
Denis Bedoret »