mar 11 nov 2008
Attention: nos ingénieurs seront indiens !
Posté par Bernard Rentier dans Enseignement/Formation , International4 Commentaires
Il est toujours impressionnant de constater, dans les pays émergents, le contraste entre les conditions dramatiques de financement des universités et la qualité de l’enseignement qui y est dispensé. Cette observation est vraie pour la Chine, la Corée du Sud ou le Mexique, par exemple, et tout particulièrement pour le Vietnam. L’expérience de l’Inde tient de la même observation, mais avec ses caractéristiques propres.
En arrivant dans ce pays gigantesque d’un milliard deux cent millions d’habitants — près d’un cinquième de l’humanité — au moment même où il envoie avec succès un engin sur la lune, où les immenses complexes ultramodernes hébergeant des géants de l’informatique mondiale ou des sociétés de consultance multimilliardaires côtoient les villages de huttes ou les bidonvilles crasseux, il faut un moment pour comprendre où on est et ce qui s’y passe. Soixante pourcents de la population ont moins de 25 ans et le défi est, bien sûr, la formation. Six cent mille ingénieurs sont formés chaque année: une seule promotion suffirait à combler l’immense retard de l’Europe dans ce domaine car c’est exactement le nombre qui nous manque… On comprend donc pourquoi on ne peut qu’être rempli d’effroi, ici peut-être plus encore que dans les autres pays émergents, en se disant que s’il ne se passe pas très vite quelque chose qui ramène nos jeunes en grand nombre vers des études scientifico-techniques, ce n’est plus chez nous qu’on assurera le progrès technologique global, mais ailleurs. Tout particulièrement en Inde.
Si j’ai bien compris vous écrivez que moins on finance les universités meilleure est la qualité de l’enseignement ? C’est vrai que quand on n’a pas beaucoup de ressources on est obligé d’être créatif !
Sur l’Inde voici mon témoignage :
L’Inde n’a pas l’infrastructure de base pour être compétitive avec les entreprises européennes (télecommunications,réseau électrique, voies de communication,douanes entre états indiens,fournisseurs distants, formation des ouvriers). A noter que chez celles qui sont parties là bas avant 2000 une partie en sont déjà revenues pour ces raisons.
La politique Indienne est d’abord de subvenir aux besoins fondamentaux de sa population sans dépendre d’un grande puissance étrangère avant de
vouloir inonder le marché mondial de produits soi disant moins chers.
Il très valorisant pour un ingénieur européen de travailler en Inde car on
ressent un réel besoin de base, à comparer à l’europe ou les besoins sont saturés.
Les ingénieurs européens polyvalents sont très appréciés en Inde par rapport au profil hyperspécialiste indien.
Pour ces raisons, je n’ai pas « peur » des Indiens.
Commentaire de Pierre Franco, le 21 nov 2008 à 15:39Nos mineurs de fonds d’hier étaient polonais italiens ou turcs, et cela n’inquiétait pas grand monde.
Commentaire de Thomas Vangeebergen, le 23 nov 2008 à 21:24Alors pourquoi pas des ingénieurs indiens demain?
Je ne suggérais nullement qu’on ait peur des indiens !!!
Commentaire de Bernard Rentier, le 23 nov 2008 à 23:44Je voulais juste dire que notre société écarte de plus en plus les jeunes des études qu’ils considèrent comme difficiles (sauf vocation, comme en Médecine).
Les chiffres indiquent clairement que de moins en moins d’étudiants s’inscrivent en Sciences et Techniques, et de plus en plus en Sciences humaines. Je n’ai évidemment rien contre les Sciences humaines, bien au contraire, mais le constat est là. Notre pénurie d’ingénieurs est abyssale et rien n’annonce un vrai redressement. Et pourtant, chacun d’entre nous attend de plus en plus de la technologie et en est de plus en plus demandeur et dépendant.
Je m’inquiète donc de ce que les jeunes belges s’éloignent à vue d’œil des métiers directement producteurs de ressources économiques pour se diriger massivement vers des métiers de service. Individuellement, cela ne pose pas de problème, mais sociétalement oui.
« L’Inde n’a pas l’infrastructure de base pour être compétitive avec les entreprises européennes », ça c’est ce qu’on se dit, les chevilles toutes enflées, pour se rassurer et se valoriser, mais la réalité est bien différente… Les entreprises européennes ont déjà un gros pied dans ces pays émergents et même si actuellement leur niveau n’égale pas encore le nôtre, cela n’empêche pas de faire des choses, et voyant ce qu’ils ont acquis en si peu de temps, ça ne saurait tarder. Aujourd’hui il est valorisant pour un ingénieur européen de travailler en Inde, demain il sera au rebus, de retour en Europe pour grignoter sa cravate.
Commentaire de Emilie, le 27 sept 2016 à 23:04Personnellement je fais du développement d’application, et même si l’afrique du nord, l’europe de l’est et l’asie n’ont pas notre niveau, on ne peut que constater que toutes les entreprises, même les startup, ont des employés là-bas au travers de filiales. Et pourquoi ? Parce qu’un européen coûte cinq tunisiens ! Et nous on passe derrière eux pour corriger leurs bugs, sur le papier on est des Leaders Techniques, dans la réalité on trie les déchets (je schématise). Par contre les RH qui ne servent à rien, on est number one et bizarrement, on les délocalise pas (en même temps elles tiennent le chéquier…).
Je rejoins l’auteur sur le besoin de gens des sciences techniques et pas des sciences humaines ou sociales qui ne sont qu’une conséquence néfaste de notre système extrêmement lourd administrativement.
Autre point, ce ne sont pas « nos indiens » comme c’était « nos mineurs », là il s’agit de concurrence, et s’ils peuvent nous écraser, ça m’étonnerait qu’ils s’en privent… A moins qu’on soit tous très heureux à l’idée de retourner habiter un jour dans des bidonvilles. Nous avons des étudiants tout à fait capables, formons-les au lieu de contempler les autres comme des benets ébahis.