mai 2008


Mardi dernier s’est tenue à Gembloux une journée d’étude organisée conjointement par commission « Bibliothèques » du CIUF et le groupe « EduDOC ». Journée très intéressante à bien des égards et en particulier parce qu’y étaient présentés les résultats d’une vaste enquête sur les capacités informationnelles des étudiants qui accèdent à l’enseignement supérieur en Communauté française de Belgique.
Ce sujet a toute son importance en matière de soutien à la réussite puisqu’il est prouvé depuis longtemps que ces compétences — encore jamais évaluées chez nous! — sont en lien direct avec le niveau de succès lors des études supérieures.

L’enquête mesure le niveau de performance (NP) en matière d’accès à la documentation et de l’utilisation qui en est faite. Elle est inspirée de celle qui a été réalisée au Québec il y a 5 ans, adaptée au contexte belge francophone. Elle compile 1.865 questionnaires remplis par des étudiants tirés au sort dans les listes d’inscription de 35 établissements d’enseignement supérieur (Enseignement artistique, Hautes écoles et Universités). Elle sera bientôt disponible dans tous ses détails sur le site Internet du CIUF. En attendant, en voici les points saillants.

• Le NP moyen est faible (7,67/20) et légèrement inférieur à celui du Québec il y a 5 ans (8,97/20), plus faible chez ceux qui s’orientent vers le supérieur non-universitaire (7,26) que vers l’université (8,12) et surtout plus faible chez ceux qui se destinent à devenir enseignants dans le primaire ou le secondaire inférieur (6,90). Cette faiblesse se manifeste en particulier dans la capacité d’utilisation. Curieusement, elle n’a rien à voir avec le niveau socio-culturel familial, ni avec l’accès à l’Internet à domicile.
• Le NP est d’autant meilleur qu’on arrive jeune à l’enseignement supérieur, mais également si on a choisi des options fortes dans le secondaire (une et mieux encore, deux).
• Le NP est d’autant meilleur qu’on a acquis une bonne pratique des bibliothèques dans les études antérieures (mieux s’il y a une bibliothèque dans l’établissement et mieux encore si on l’a utilisée souvent).

On voit clairement que seul le dernier point permet une action précise de la société et non de l’élève: veiller à ce que les établissements d’enseignement primaire et secondaire disposent d’une bibliothèque, ou d’un accès pratique à de l’information référencée.

Or il se trouve que, dans notre Communauté, ce n’est pas la tradition. Certains y sont même très opposés. Certes, il existe des prêts de livres, parfois une petite (voire une grande) bibliothèque de prêt d’ouvrages littéraires, mais très rarement une bibliothèque de référence dans de nombreux domaines, au sein de laquelle il est donné à l’élève une certaine autonomie de recherche de documentation, d’organisation personnelle, d’apprentissage de respect des délais, etc.

Aujourd’hui, la pensée unique en matière d’aide à la réussite dans l’enseignement supérieur préconise une action au sein même de cet enseignement, quand il est déjà très tard, avec la mise en œuvre coûteuse de mesures d’encadrement rapproché, voire de coaching personnalisé. C’est indiscutablement une voie à suivre mais elle nécessite des moyens considérables, il faut le savoir, moyens qui sont difficilement à la portée des universités et hautes écoles , vu le niveau de financement que la sagesse publique leur accorde. De plus, elle instaure une véritable période transitoire au début du supérieur alors que la transition pourrait, comme dans la plupart des pays, s’effectuer en fin de secondaire. Tous les encadrants universitaires savent et répètent que ce qui manque le plus, c’est un apprentissage préalable d’une certaine autonomie de gestion du temps et de l’apprentissage à apprendre.

Qu’attend-on pour revoir dans nos enseignements primaire et secondaire cette politique archaïque qui continue à négliger, et même souvent, semble-t-il, à réprouver l’accès autonome à la documentation? Et celui-ci ne doit pas nécessairement impliquer l’investissement de la mise sur pied d’une bibliothèque importante, il existe des bases de données électroniques, et même l’Internet, pourquoi pas, à condition d’en faire l’usage dans un contexte contrôlé où on apprend non seulement à rechercher l’information, mais aussi à l’utiliser de manière critique et sélective.

Je lance un appel pour que cette excellente enquête, réalisée dans des conditions parfaitement rigoureuses et professionnelles et qui peut être élargie (il sera possible aux établissements eux-mêmes de s’en inspirer pour tester leurs propres élèves), constitue l’électrochoc salutaire qui fasse évoluer rapidement une composante actuellement embryonnaire ou liée au hasard, et pourtant essentielle, de la formation des jeunes en Communauté française de Belgique.

Pour moi, pendant de longues années, n’étant pas un habitué du Bazar de l’Hôtel de Ville, BHV a signifié Bovine Herpesvirus, une famille de virus affectant les bovidés, cousine de nos virus de l’herpès, de la varicelle et du zona ou de la mononucléose infectieuse. Un objet de frayeur, à combattre et détruire.
Aujourd’hui, les nouvelles quotidiennes belges lui ont donné une tout autre signification. Celle d’une autre forme d’objet. Un objet à détruire, aux yeux de certains, ou tout au moins à scinder, ce qui revient au même. Mais ceux-là donnent à leur obsession une importance disproportionnée qui paralyse l’essentiel de la vie politique du pays.

Le virus BHV rend les bovins malades, le hérisson BHV affecte le fonctionnement, l’économie, la crédibilité internationale de la Belgique.

Ces querelles n’ont jamais affecté les relations entre universitaires des deux communautés, particulièrement pas au niveau des relations individuelles qu’on peut avoir. Mais aujourd’hui, on ressent de plus en plus souvent un malaise, on entend des réflexions, des commentaires qui trahissent le plus souvent une méconnaissance de l’autre, des a priori erronés, indiscutablement dérivés d’une propagande démagogique qui finit par faire mouche. Malaise très perceptible au moment où tournait la pétition Savebelgiumresearch en faveur de la recherche collective belge, quand, hormis l’Université de Gand qui signait massivement, exhortée par son recteur Paul Van Cauwenberghe, on sentit très clairement une frilosité dans les autres institutions. Je reçus plusieurs messages de chercheurs soutenant le principe mais n’osant pas signer et un bon nombre d’autres chercheurs qui disaient en substance: on préfèrerait avoir plus d’argent et travailler de nôtre côté plutôt qu’un peu moins et travailler ensemble. Décidément, la solidarité, certains n’en ont rien à faire, même si elle peut apporter un « plus » évident en matière de qualité de recherche. Absurde et simpliste.

Je me suis promis de ne pas entamer de débats politiques dans ce blog, mais il est des moments où on est écœuré de n’entendre, dans quelque pays qu’on visite, que des questions sur les incertitudes de la vie politique belge et sur les outrances de certains partis, incompréhensibles pour la plupart des gens dans le monde.
Quel gâchis.

Peut-on rester indifférent lorsqu’on réalise la stupeur que les revendications extrémistes flamandes, qui déteignent de plus en plus sur une partie de la population, déclenchent dans le monde universitaire mais aussi partout dans le monde ?
Peut-on, en particulier, ignorer un article récent du New York Times sur lequel le journaliste indépendant Charles Bricman attire notre attention dans son blog et qui dévoile un constat d’une implacable clairvoyance: « That combination of national pride, rightist politics, language purity and racially tinged opposition to immigration is a classic formula these days in modern Europe, what critics call a kind of nonviolent fascism ».

Glaçant, non ? Nos collègues flamands qui pensent autrement — et il y en a, beaucoup même, je pense — vont-ils longtemps supporter cet amalgame ?

Social Networks
Internet crée de nouvelles opportunités et de nouvelles habitudes. Celles-ci sont rapidement saisies, exploitées et intégrées, en particulier par les jeunes. C’est ainsi qu’on voit se développer les « Social Networks » ou « réseaux sociaux » du Net. Ils reposent sur le principe du référencement d’amis et de connaissances en cascade, avec les possibilités de contacts nouveaux que cela implique. Beaucoup d’adolescents se lancent sur cette piste qui, plus que toute autre opportunité de rencontre, permet de contourner les difficultés sociales de la rencontre réelle, de dépasser la timidité et les inhibitions du vrai face-à-face. Le succès actuel des réseaux sociaux est le meilleur signe de leur efficacité. C’est ainsi que Facebook, LinkedIn, MySpace, Friendster, Netlog ou le très critiqué Tagged, ont rallié des dizaines de milliers de membres.

On pourra disserter longtemps sur le point de savoir si ces réseaux sont une bonne chose ou non. Selon certains, ils apportent des opportunités inégalées d’établissement de contacts et permettent de nouer des camaraderies ou des amitiés, et le nombre quasi illimité de contacts augmente statistiquement les chances de trouver la relation idéale. Pour d’autres, la dissimulation derrière la barrière protectrice de l’écran d’ordinateur augmente les risques de réclusion volontaire et offre aux adolescents le leurre de la prise de contact facile, voire inoffensive.

Ce qui est sûr, c’est que ces réseaux ne sont pas sans danger, comme le rappelait encore récemment Eric Nunès dans Le Monde, pas moins que les rencontres véritables, de nombreux requins rôdant dans le cyber-océan…

Les réseaux sont nés aux USA, l’un des plus célèbres étant Facebook, inventé par des étudiants de l’Université Harvard et leur servant de « trombinoscope » virtuel. Très vite, cet outil interne a connu une très grande popularité et est devenu leur meilleur moyen de rencontre, chacun y notant ses goûts, ses intérêts et ses hobbies, y insérant sa ou ses photos, et s’accordant de la sorte des possibilités de faire connaissance et de bavarder avec des inconnus, avant d’en venir à des rencontres réelles. Rapidement, l’outil est sorti du campus universitaire pour se répandre dans le monde entier (un site Facebook francophone existe) et devenir une grande aventure commerciale extrêmement lucrative grâce, précisément, aux informations sur les goûts et les intérêts des membres. En effet, ces informations qui ne concernent, en principe, que les autres membres ou futurs membres du réseau, sont captées par les robots de recherche et servent à orienter l’avalanche de publicités qui va déferler ensuite sur eux, parfaitement ciblée.

Pourquoi pas chez nous ?
Une université qui se veut à la pointe de l’informatique en tant qu’outil de communication ne peut ignorer ces pratiques nouvelles. Elle se doit même de les utiliser, non pas pour les « récupérer », encore moins pour les contrôler, ces deux objectifs n’étant pas acceptables, mais s’il s’agit d’un outil fréquemment utilisé par beaucoup d’étudiants, l’Institution doit pouvoir adopter ce nouveau concept et en faire elle-même un usage « sympathique » et perçu comme positif par tout le monde. Nous développons actuellement un outil de ce genre, sur la base du « trombinoscope » que nous avons lancé avec le nouveau site web. La technologie est au point, il ne manque que l’ajout de fonctionnalités usuelles dans ce genre d’outils que nous pourrions élaborer en collaboration étroite avec les étudiants eux-mêmes avant de la mettre complètement à leur disposition.

Pourquoi recréer un réseau pour nos étudiants alors que Facebook et d’autres existent ? Comme mentionné préalablement, les outils publics sont une mine d’informations pour des exploitations commerciales, voire même potentiellement pour des usages nettement moins avouables. D’autant que les jeunes utilisateurs de ces produits n’ont que très rarement une attitude prudente dans la divulgation d’informations qui les concernent. Il est de notre devoir de protéger la vie privée de nos étudiants. Tous les développements réalisés sur myULg respectent ce leitmotiv.

Mais le besoin existe-t-il ? Les étudiants de l’ULg participent-ils à ces réseaux ?
Une enquête réalisée tout récemment par le SEGI nous indique que, pour ce qu’on peut en savoir, on trouve sur Facebook un groupe « ULg » qui compte 1.058 membres, ce qui est beaucoup. On en trouve également d’autres: « HEC-ULg » (732 membres), « Faculté de Droit « (214), « Ingénieurs civils » (195), « HEC Alumni » (187), « Faculté de Médecine » (122) et « Etudiants vétérinaires » (113). On y trouve aussi beaucoup de groupes relatifs aux principaux établissements d’enseignement de Liège, des groupes Erasmus, etc.

Le pli est donc largement pris et on comprend d’emblée le mécanisme d’appartenance à un réseau large, mondial, mais aussi à des sous-groupes plus restreints. Si ces sous-groupes peuvent définir une catégorie particulière de gens qui ont (ou pensent avoir) un point commun (par exemple: les joueurs d’échecs ou les philatélistes), il est intéressant de remarquer que se constituent, dans Facebook, des sous-groupes « ULg » ou « Etudiants vétérinaires à l’ULg ». Ceci indique donc qu’il existe un usage potentiel pour un réseau organisé dans la Maison.

L’existence d’un réseau propre à l’ULg ne remplacerait certes pas l’usage d’un système plus vaste, mais pour autant qu’on laisse aux étudiants le loisir de le gérer et de le modérer eux-mêmes (afin d’éviter à la fois les dérapages ou un sentiment de « Big Brother is watching you! » qui constituerait un frein à l’adoption des réseaux maison), il pourrait trouver une utilité et concourir à une meilleure solidarité étudiante, une meilleure mobilisation dans leurs rangs pour une implication dans des responsabilités de politique étudiante au sein de l’ULg. Il pourrait aussi servir d’organe de diffusion à la disposition des étudiants pour une plus grande liberté d’expression et une plus grande participation à la vie de l’Institution. On imagine également l’efficacité d’un tel outil pour la simple diffusion d’informations en matière de culture, de divertissements et d’organisations diverses ou tout simplement pour des contacts rapides liés aux cours, aux horaires, etc. Enfin, en tant que facilitateur potentiel de la socialisation de certains étudiants peu enclins aux contacts sociaux directs, un tel outil représente un facteur supplémentaire de réussite.
Et il n’est nullement besoin de réinventer la roue, notre système très avancé et déjà bien en place, myULg, peut être la base d’un développement de cette nature.

Pas que pour les étudiants
Enfin, on réalise aisément l’intérêt d’un tel système pour les diplômés, les anciens qui pourraient ainsi rester en contact, reprendre contact, s’aider dans leur recherche d’emplois et garder avec l’institution elle-même, et sa toute nouvelle cellule de suivi des diplômés en particulier, un lien fort utile. L’Association des Amis de l’ULg, récemment renommée « RéseaULg » (tiens donc!) devrait également y trouver un intérêt car le principe étant basé sur les réseaux de réseaux et leur imbrication en poupées russes, les associations disciplinaires ou thématiques pourraient également profiter de ce système.

Le projet, à l’étude au SEGI, devrait être disponible dans quelques mois et confirmer, s’il en était encore besoin, le profil de notre Institution en tant qu’Université numérique…

Voici un nouveau concept qui a l’avantage de mettre en mots et phrases des idées qui circulent de plus en plus quant à l’évolution drastique que s’apprête à subir la publication scientifique dans un avenir plus ou moins proche.
Il repose sur le principe audacieux de « liquid publication ».
En deux mots: les publications liquides sont « des objets évolutifs, collaboratifs et multiformes pouvant être composés et consommés à différents niveaux de détail, remplaçant les journaux et conférences classiques par des collections ».
Pour plus d’informations, il faut se rendre sur le site de LiquidPub qui développe ce concept et constate qu’en raison des nouvelles possibilités, la publication traditionnelle sera bientôt obsolète, tant dans sa forme électronique que dans sa forme traditionnelle, d’ailleurs. En effet, le principe même de la publication liquide est qu’elle n’est jamais solidifiée. Elle est modifiable à tout moment et peut ainsi évoluer. Par là, elle se rapproche du langage, notre système le plus naturel – mais aussi le plus volatil – de communication et s’éloigne de l’écrit qui, par nature, est solide, c’est-à-dire invariable après publication, donc non évolutif.

Quel pourrait être l’avantage d’un tel système ? Un gain de temps énorme par rapport à la rédaction des articles scientifiques comme on les conçoit aujourd’hui, dans lesquels tout est toujours à recommencer et qui contiennent un bagage terriblement redondant, bagage que chacun s’efforce de rendre original, alors qu’il n’est, hormis les résultats propres, qu’une éternelle resucée des mêmes introductions et accompagnements.
Certes, ceci implique qu’on admette le caractère évolutif de l’écrit, son instabilité dans le temps en fonction de l’évolution du savoir, son caractère collaboratif, chacun pouvant apporter sa contribution personnelle, et son caractère multiforme, incluant tous les modes d’expression modernes actuels et à venir. Ceci demande également une révision profonde et une adaptation des méthodes de jugement, préalables à la publication (le peer review) qui devient plus difficile à maintenir en place, et a posteriori, lors de l’évaluation des programmes, des équipes et des individus.

Cette évolution n’est donc pas simple, mais elle va probablement s’imposer un jour. Autant s’y préparer.