Le « classement 2007 des 200 meilleures universités du monde » publié par le supplément “Higher Education” du Times, le THES World Universty Rankings est paru ce vendredi*.
C’est un peu comme le Beaujolais. Tout le monde l’attend, à la date annoncée, le suspense savamment entretenu est intenable. Tout le monde sait que, en termes œnologiques, ce ne sera pas bon, que ce sera bien évidemment contraire à toutes les règles de qualité, aucun vin ne se buvant décemment dans l’année, mais la fièvre monte quand même jusqu’au dernier jour de l’attente. Et les ventes sont proportionnelles à la fébrilité astucieusement provoquée.
Pour le ranking du THES, il en va de même. On sait d’avance que ce sera truffé d’erreurs matérielles, parfois énormes, on sait d’avance que ce sera marqué par un gigantesque biais anglophone, on sait d’avance que ce sera largement subjectif et aléatoire, on sait d’avance que cela résumera chaque université par un seul chiffre, mais néanmoins l’engouement persiste et chaque université dans le monde attend le verdict avec anxiété.
Cette année, on ne sera pas déçu : on n’en aura toujours pas plus pour son argent, ni pour son stress. Harvard, Cambridge, Oxford et Yale restent en tête comme il se doit, et on n’aura aucune surprise dans les vingt-et-quelques premiers. Par contre, grand désordre au sein des universités belges. La KUL passe devant les autres et fait un bond de 35 places, de la 96ème à la 61è. L’UCL, qui était en 76è position l’an dernier, se retrouve 123è après une chute de 47 places, juste devant Gand, 124è, qui avance de 17 cases. L’ULB grimpe de 11 places (de 165è à 154è) et Anvers apparaît pour la première fois dans le top 200 à la 187è place. Selon nos informations, obtenues auprès des responsables de ce travail de classement, l’ULg, tout juste hors-classement l’an dernier, se retrouve 262è cette fois ci, après une dégringolade de 61 places.
Mais autant je ne m’étais pas, au nom de mon université, enorgueilli de notre progression d’une centaine de places en 2006, autant je ne m’affole pas du recul de cette année, ces montagnes russes n’ayant guère de sens ni de vraisemblance.
Un tel classement pourrait présenter un intérêt s’il permettait à chaque institution de mesurer exactement ses faiblesses et ainsi de redresser la barre, mais des flottements aussi erratiques ne permettent de rien conclure et, hélas, en disent long sur le manque de sérieux d’une compétition beaucoup trop prise au sérieux.
Les auteurs du classement ne sont pas avares de renseignements lorsqu’on les leur demande, ce qui est fort sympathique au demeurant. C’est comme cela que nous avons repéré qu’apparemment, pour l’évaluation de la production scientifique, le classement aurait tout simplement omis le fait que l’ULg possède une Faculté de Sciences, une Faculté de Médecine et une Faculté de Médecine vétérinaire, soit plus de 60% de notre production de recherche dans des revues internationales cotées. Et qui sait si la chute tout aussi inexplicable de l’UCL n’est pas liée à un “oubli” de ce genre…
Il y a quelques mois, j’écrivais dans ces lignes: “Oublions les rankings”. C’est en effet ce qu’ils méritent.
Malheureusement, nous serions les seuls à les oublier.
J’ignore l’impact réel de ces classements, mais j’ai eu vent du caractère déterminant qu’ils peuvent avoir sur le choix d’une université pour les étudiants étrangers. Que ce le soit chez peu ou beaucoup d’entre eux est difficilement évaluable.
Alors, il est plus que temps que l’Union européenne, les universités européennes hors Royaume-Uni étant assez mal positionnées dans les tout premiers de ce classement, se ressaisisse et propose elle-même une solution plus rigoureuse. On entend dire que cela pourrait être bientôt le cas. Nous espérons en tout cas y contribuer pour le volet “production scientifique” en élaborant des instruments de mesure plus appropriés dans le cadre d’EurOpenScholar dont je vous parlais dans mon avant-dernier billet.
Et maintenant, pour s’amuser, une petite analyse superficielle qui est peut-être plus indicative des biais de la méthode que de la qualité réelle des universités et qui mettra un peu de baume sur les cœurs européens…
On voit, dans le graphique suivant, en subdivisant les 200 en tranches de 50, que si les USA-Canada « trustent » confortablement les 50 premières places (46%), ils sont rapidement dépassés par les européens qui, eux, occupent 44% du « top 200″.
* http://www.thes.co.uk/worldrankings/. Mais pour lire, il faut soit être abonné, soit demander un essai gratuit de 14 jours.