décembre 2007


La Cité des Sciences et de l’Industrie, à Paris, est une initiative merveilleuse et une réussite incontestable. Elle a lancé un blog des enseignants, idée fort intéressante, ce blog étant essentiellement un forum de discussion sur des sujets variés.

Hélas, il arrive que la réalité soit consternante, et c’est le cas, entre autres, d’une discussion sur les hommes primitifs à ne conseiller à personne, si ce n’est à titre d’information sur les dangers que cela représente!
Du risque des forums ouverts, la pseudo-science pouvant même envahir les sites web apparaissant comme les plus sérieux…

L’expression libre de chacun est dans l’air du temps. Ce blog-ci n’échappe pas à cette mode, je le reconnais volontiers.
Mais il reste important que chacun — en particulier de jeunes étudiants — puisse savoir dans quelle pièce il joue. Sommes-nous sur un « blog des enseignants » ou sur un forum libre accueillant l’expression de n’importe qui?
Si les auteurs de ces petites perles sont des enseignants, la France va mal, son orthographe, sa grammaire et la rigueur de ses idées sont en voie de disparition.
S’ils ne sont pas des enseignants, alors le titre du blog est incorrect et prête dangereusement à confusion. Il laisse entendre à de jeunes lecteurs inexpérimentés mais avides d’informations que les idées exposées le sont par des enseignants et qu’elles sont aussi recevables que celles qu’on leur enseigne officiellement.

Je suis pour une expression libre, mais clairement identifiée, replacée dans son contexte. Chacun pourra ainsi juger de l’intérêt de prendre connaissance de l’avis de M. Tout-le-Monde sur la coexistence de l’Homme de Cro-Magnon et de celui de Néanderthal.

Qu’on ne se trompe pas: l’accès libre (Open Access) que je réclame n’a rien a voir avec l’expression libre des forums d’Internet. Il utilise le même outil, mais il doit garantir la qualité et le professionnalisme de ce qu’il offre au lecteur.
Nuance!

Curieux pays que la France, dont le Président mélange si étonnamment (certains diront: si astucieusement) gauche et droite, progrès et conservatisme, vie privée et vie publique… Maintenant, Eglise et Etat! Oubliant qu’il est le représentant officiel d’une République laïque par excellence, qui a établi clairement la séparation des Eglises et de l’Etat en 1905, il déclare cette semaine, en acceptant d’être fait « chanoine d’honneur » par le Pape au Vatican, que la République a besoin de croyants… On s’interroge sur les mesures qu’il compte prendre pour atteindre cet objectif!
Et dire que nous prenions la France en exemple chaque fois que nous déplorions une telle confusion en Belgique…

Je suis un fervent défenseur de la laïcité des Institutions publiques ainsi que du pluralisme, particulièrement en tant que recteur d’une université qui en fait sa marque et sa fierté. Mais si le pluralisme est bien l’acceptation des opinions de chacun et le respect du droit de chacun à les exprimer librement, il exige aussi de chacun de faire la distinction claire entre ses idées personnelles et les principes de l’Institution qu’il représente et au nom de laquelle il s’exprime.

Je suis de plus en plus sollicité par des professeurs qui désirent que je sanctionne des étudiants responsables de plagiat lors de la rédaction de travaux écrits personnels. Difficile de dire si la croissance de ce fléau est liée à la facilité du « copier-coller » informatique ou si c’est la détection qui bénéficie, elle, d’avances technologiques et des nouveaux logiciels de détection de copies. Il est d’ailleurs ironique que les deux phénomènes, attaque et contre-attaque, se développent simultanément.

On peut classer les différents cas en quatre catégories:
1. des idées originales sont reprises et énoncées comme provenant directement de l’imagination et/ou de la réflexion personnelle de l’étudiant;
2. des paragraphes entiers sont recopiés, sans citation;
3. des phrases isolées sont recopiées textuellement, en général dans les introductions, sans être attribuées à leur auteur, par ailleurs parfois cité;
4. des listes de références sont reprises sans citation de celui qui en avait préalablement publié la compilation.
Certes, tous ces cas sont répréhensibles, mais incontestablement à des degrés divers, et je les ai mentionnés par ordre décroissant de gravité, me semble-t-il.

Si je condamne sévèrement ceux qui se placent dans une des deux premières catégories (et qui plaident généralement coupable), je suis habituellement plus souple avec les deux dernières. Je ne vais évidemment pas prendre la défense des plagiaires, mais je m’interroge sur l’avertissement qui a été donné préalablement aux intéressés. Il me semble clair que cette problématique du plagiat ne leur a pas été exposée dans les moindres détails et qu’ils ne sont généralement pas de mauvaise foi lorsqu’ils prétendent n’avoir pas commis de faute volontaire. Ils pensaient « que cela pouvait se faire »…

Je me demande donc si une information sur la nature même du plagiat ainsi que sur ses tenants et aboutissants ne devraient pas être exposés à nos étudiants aussi tôt que possible. Il existe d’excellentes sources à ce sujet, qui font clairement la part des choses. Je recommande particulièrement la lecture approfondie d’un site internet remarquable à cet égard: www.plagiarism.org, riche en explications claires et en conseils intelligents destinés aux enseignants et leur permettant de minimiser les chances de voir se développer le plagiat dans les travaux de leurs étudiants. J’en recommande vivement la lecture à chacun, étudiant ou enseignant.
Une étude réalisée par une équipe croate montre que si les étudiants sont prévenus de l’application d’un logiciel de détection à leurs rédactions, le plagiat diminue significativement.
On pourrait espérer que, mieux encore qu’une mesure répressive (sans nécessairement que l’une remplace l’autre), une mesure préventive sous la forme d’une véritable éducation à la propriété intellectuelle puisse venir naturellement à bout de ces problèmes croissants.

La semaine a été très chargée avec, entre autres:
- la finalisation difficile du budget 2008,
- une réunion-fleuve de la commission des bâtiments,
- le C.A. du FRIA avec un beau résultat des candidats de l’ULg (25 % alors que notre « quota » de financement au nombre d’étudiant n’est que de 21 %),
- la première réunion de l’étrange (mais intéressant) « Groupe Wallonie-Bruxelles », très hétéroclite, étonné d’être là (on a été avertis par la lecture de la presse!), mais peut-être doté d’une chance unique de s’exprimer quant aux handicaps que notre système institutionnel francophone belge nous impose,
- une conférence de presse (n’intéressant guère celle-ci!) sur les investissements de la Communauté Française en recherche,
- la séance d’hommage à nos professeurs émérites et honoraires, longue car ils étaient 19 à nous quitter,
- un saut à Londres (magie de l’Eurostar) pour y introduire la journée d’étude des universités du Royaume-Uni sur les dépôts bibliographiques institutionnels en accès libre par une conférence sur EurOpenScholar,
- une réflexion approfondie sur l’avenir des écoles d’architecture dans le cadre de leur éventuel rattachement universitaire,
- un Conseil des Doyens sur l’évolution du personnel académique et scientifique des facultés en 2008
- et un colloque à présider dans ma spécialité scientifique.

Mais tout ceci est bien dérisoire face à la tragique réalité du décès d’une jeune fille de 20 ans qui était notre invitée dans le cadre des échanges européens Erasmus-Socrates.

Sofia avait quitté momentanément le soleil de Sienne pour les brumes du Nord. Pour venir suivre chez nous les cours de Philologie romane. Pour venir connaître et apprécier Liège et sa vie estudiantine. Pour se perfectionner, apprendre le français et aider à construire une Europe plus ouverte, plus libre et merveilleusement multiculturelle. Certainement pas pour y finir sa jeune vie sous l’étouffoir sournois du monoxyde de carbone, du « tueur silencieux » que nous redoutons tant pour nos étudiants en « kot » et qui fauche encore trop de monde à l’entrée de l’hiver. Et ceci malgré les appels à la vigilance et le souci constant que nous avons, depuis plusieurs années, avec la Directrice générale à l’Enseignement et à la Formation, Monique Marcourt et son équipe ainsi que mon Conseiller à la Santé, le Professeur Jean-Olivier Defraigne, d’avertir les jeunes ainsi que les propriétaires de l’immense danger que ce fléau représente et de la stupidité révoltante des accidents de ce genre.

J’ai écrit mon désarroi et ma tristesse aux parents de Sofia et au recteur de l’Università per Stranieri di Siena. Selon le Consul général d’Italie, nos services administratifs qui ont les étudiants d’échange en charge ont été parfaits, dignes et remarquablement efficaces vis-à-vis de la famille dans les moments tragiques qui ont suivi et je les en félicite. Mais à quoi sert-il d’être bouleversé lorsque l’irréparable s’est produit? Quels mots peuvent atténuer la douleur d’une famille face à une tragédie aussi insoutenable? Comment expliquer à ceux qui nous rendent visite que de tels accidents, dont les causes sont archi-connues, peuvent encore se produire chez nous? Que « ce sont des choses qui arrivent »?

J’ignore les circonstances précises de la mort de Sofia. Je n’accuse donc personne. Mais quoi qu’il en soit, ce n’est pas le premier drame de cette nature qui frappe nos étudiants, ni même nos étudiants étrangers. J’appelle donc la communauté universitaire tout entière, qui partage assurément ma profonde émotion, à participer à cet effort constant de vigilance, à diffuser les informations élémentaires aux nouveaux venus et à créer une prise de conscience collective de ce danger évitable. Je l’appelle aussi à manifester son indignation face aux négligences criminelles encore trop souvent tolérées, comme s’il était normal de faire de l’argent en louant à des étudiants des logements dont les installations de chauffage sont inadéquates ou facilement dérèglables. Il faut que cela cesse. Chacun de nous porte une petite parcelle de responsabilité dans le succès ou l’échec de cette mobilisation pour que toutes les Sofia d’Europe et d’ailleurs puissent désormais venir chez nous, apprendre à connaître et apprécier notre université, notre ville et notre pays, élargir leurs horizons et repartir bien vivantes, en ambassadrices dynamiques de notre Alma Mater, sans courir le risque stupide d’une mort absurde et intolérable.

Discours prononcé lors de la célébration du 20è anniversaire du CHU de Liège

Dans le discours qu’il prononça lors de l’inauguration de la première partie de l’Hôpital en 1985, le recteur Arthur Bodson exprimait son souhait de voir le CHU acquérir au autre nom, « Céhachu » n’étant guère joli — « Chu » (de « choir »!) comme le prononcent certains, encore moins — et CHU étant une appellation répandue dans les villes universitaires de la francophonie. Il lançait alors un appel aux suggestions, en demandant d’éviter « du Sart Tilman », qui eût accordé beaucoup d’honneur à ce Monsieur Tilman, « courageux défricheur de quelques arpents » disait-il, auquel est déjà dédié un village et puis, surtout, une université ! Je ne sais si personne n’a proposé d’idée intéressante, toujours est-il que le nom est resté et que, 20 ans plus tard, la question ne se pose même plus. Le CHU est, dans notre région et pour tout le monde, l’Hôpital universitaire et quand, de plus de 100 km à la ronde, on amène un malade ou un accidenté au CHU, chacun comprend clairement de quoi il s’agit.

Le U de CHU, c’est évidemment « universitaire ». Ce U a toute son importance pour le prestige de l’Hôpital. C’est ce qui le différencie de tous les autres hôpitaux, en ceci qu’il sert, non seulement d’institution de soins, mais également d’école de formation professionnelle des médecins qui font leurs études à l’Université de Liège, d’école d’application pour tous ses spécialistes en devenir. Pour le public en général, l’appellation « universitaire » suffit à garantir la qualité des soins et la certitude de se voir appliquer la médecine la plus avancée, la plus performante, la plus sûre.

Réciproquement, il n’est point d’université complète sans une faculté de Médecine, ni de faculté de Médecine sans hôpital. C’est d’ailleurs la question que me posent toujours mes interlocuteurs lorsqu’ils ne sont pas familiers avec notre université : « avez-vous un hôpital universitaire ? ». Le prestige d’une université est donc lié, en bonne partie, à l’existence d’une faculté de Médecine et donc d’un CHU.

Ainsi donc, si d’aucuns regrettent le manque de poésie de l’appellation, nul ne disconviendra que le U rappelle en permanence cette filiation. Filiation sûrement, car en effet, le CHU est enfant de l’Université. Et si, pour ceux qui s’en souviennent, l’accouchement ne se fit pas sans douleur, il donna naissance à un bébé qui ne tarda guère à faire ses preuves, certes en exigeant beaucoup de ses membres, car à ses débuts, le CHU se construisit sur de nombreux sacrifices, de nombreuses restrictions. Une logique d’entreprise dut immédiatement lui être appliquée, rupture douloureuse avec les habitudes acquises de longue date au sein de l’Université. L’application de cette logique était indispensable car il s’agissait de s’adapter à des conditions nouvelles, celles qui ont prévalu après la fin des golden sixties, après la crise dite « du pétrole » du début des années septante. Les responsables d’alors comprirent que cette adaptation drastique mais nécessaire ne pourrait s’accomplir qu’en dehors du giron de l’Université et c’est ce qui fit du CHU, la plus grande spin-off de l’Université de Liège.

Aujourd’hui, l’enfant a grandi, il a vingt ans. Les sacrifices ont porté leurs fruits et chacun peut maintenant en constater les effets avec satisfaction. Après les crises de croissance, l’enfance agitée, l’adolescence turbulente, l’enfant est devenu aujourd’hui adulte et sage. La sérénité acquise lui permet de réexaminer ses relations avec sa mère, son Alma Mater, et tous deux comprennent à quel point leurs sorts sont liés. Ils comprennent ce que synergie veut dire et combien ils seraient dramatiquement amoindris, l’un sans l’autre.

L’Université et le CHU sont, depuis 20 ans, des entités juridiques distinctes et indépendantes. Le cordon n’a cependant jamais été rompu. Le recteur et l’administrateur, ainsi que le doyen de la Faculté de Médecine, font ex officio partie du Conseil d’Administration du CHU. Le président et l’administrateur délégué du CHU sont invités permanents du Conseil d’administration de l’Université. Mais au delà de ces liens largement symboliques, une prise de conscience de plus en plus forte se fait jour : celle de la nécessité de resserrer les liens plus étroitement encore. C’est dans l’intérêt de tous. Nous vivons dans le même domaine, nous connaissons les mêmes problèmes et difficultés et nous gagnons à les résoudre ensemble.
C’est ensemble que nous voulons aborder la délicate question de la mobilité vers le domaine universitaire et au sein de celui-ci, avec ses corollaires en termes de trafic et de parcage (à l’exception de vous, Madame, tous ceux qui ont atteint cette salle aujourd’hui peuvent comprendre de quoi je parle !). C’est ensemble que nous voulons examiner l’harmonie entre enseignement et prestation de soins de qualité, avec les difficultés et contraintes que cela implique.

L’Université de Liège vient de mettre sur pied un des plus grands centres de biologie cellulaire et moléculaire à finalité biomédicale d’Europe : le GIGA. Près de 300 chercheurs et un incubateur d’entreprises y sont regroupés. Si quatre facultés y participent activement, c’est au CHU (entendu cette fois dans son acception originale, celle d’un centre qui regroupe à la fois l’Université et l’Hôpital) que nous avons décidé de l’installer, ce qui a permis de remplir la dernière des tours, restée vide suite aux péripéties des restrictions de la politique hospitalière fédérale qui n’ont cessé de compliquer à outrance l’évolution de cet hôpital, d’être amenée à la vie, améliorant ainsi grandement l’environnement immédiat. Mais cette proximité porte ses fruits dans les deux sens. Voici aujourd’hui le CHU flanqué d’un centre de recherche dont l’excellence est reconnue, appelé à se développer plus encore puisqu’il sera rejoint par d’autres centres de recherche qui vont s’y intégrer, en commençant par le centre de recherches en cancérologie expérimentale, qui deviendra « GIGA Cancer », et puis d’autres, je l’espère. Cette proximité est une aubaine pour le CHU. C’est aussi une aubaine pour le GIGA, pour deux raisons : la première est qu’elle permet et assure le contact permanent entre les chercheurs et la clinique, parachevant ainsi le processus de regroupement des différentes équipes auparavant dispersées sur le campus et dans la ville. La seconde est qu’une partie de l’originalité du concept du GIGA repose sur l’intégration d’entreprises en son sein même, valorisant ainsi au mieux les recherches qui y sont accomplies, et que ces entreprises trouvent une motivation immense à se développer dans le GIGA, d’une part en raison de la proximité avec les chercheurs fondamentaux, mais aussi en raison de la proximité de la clinique. Le Doyen et moi-même avons d’ailleurs des plans pour le développement d’un volet clinique au GIGA, ce qui complèterait magnifiquement et comme nulle part ailleurs, la fonctionnalité exceptionnelle de ce centre de recherches hors-normes.

Il s’agit ici, bien sûr, d’un exemple, mais il est tout à fait représentatif de cette relation qui, sans qu’il y ait la moindre raison pour un retour en arrière, doit redevenir de plus en plus étroite entre l’Université et « son » CHU. Nous sommes déterminés à continuer de nous y consacrer, nous sommes déterminés à faire de cette alliance une force considérable pour Liège et sa région.

Il a aujourd’hui 20 ans.
Longue vie au CHU !
Longue vie au couple indissoluble Université de Liège – CHU de Liège !

Visite de la Princesse Astrid au CHU de Liège. La presse opère…