février 2007


C’est aujourd’hui et demain qu’aura lieu à Berlin le lancement officiel en grandes pompes du Conseil Européen de la Recherche.
Il est intéressant de noter que l’optique dans laquelle ce Conseil a été créé est de financer la meilleure science, indépendamment des agendas régionaux et politiques !
Et ça commence fort: le premier appel aux candidatures pour des bourses sera consacré à de jeunes chercheurs dans le métier depuis deux ans au moins et neuf au plus. Et on nous laisse entendre qu’ils devront être très prometteurs, le but recherché étant ni plus ni moins de faire revenir les prix Nobel en Europe !

L’annonce n’est guère loquace en ce qui concerne les qualités véritables des candidats éventuels mais elle consacre plus de la moitié du texte à des précisions sur le fait qu’il sera autorisé des extensions à cette fourchette à condition qu’elles soient dûment justifiées en raison, par exemple, de maternités (la comptabilité du système prévoit généreusement un an par enfant né après l’obtention du doctorat), de paternités (congé moins bien précisé), de maladies de longue durée ou de service militaire ou civil. On ne manque pas de préciser que des congés pris pour des raisons liées à des obligations inévitables (celles-là !) comme l’acquisition de certifications cliniques pourront également être prises. Néanmoins, « la période cumulative d’éligibilité ne pourra en aucun cas excéder 12 années après la délivrance du diplôme de docteur ». Cerise sur le gâteau: aucune exception ne sera faite pour le travail éventuel à temps partiel, deux années à mi-temps comptant pour deux ans pleins !
On a beau dire, ça casse un peu le lyrisme de l’envolée initiale sur les nobélisables…

Plus sérieusement, les bourses, qui pourront avoir une durée de 5 ans, seront très généreuses: de 100,000 € à 400,000 € par an ! On pourra en faire seulement un millier au départ, mais on parle de cinq fois plus en 2013. Les experts opéreront la sélection sur la base du mérite, sans aucune référence à la nationalité du candidat. Ils évalueront la capacité de l’institution d’offrir un environnement idéal aux chercheurs: une bonne infrastructure et un entourage intellectuel stimulant.

Ce qui est particulièrement interpellant, comme le relève la revue Nature (445, 795-796, 2007) dans un article du 22 février dernier, c’est que les candidats sont encouragés à choisir leur institution d’accueil. Si leur université ne leur offre pas ce qu’ils attendent, ils sont invités à s’en choisir une autre ou un centre de recherche de leur choix. Nature rappelle que tous les pays n’ont pas la même souplesse quant aux conditions qu’ils autorisent leurs universités à concéder aux chercheurs qu’elles souhaitent attirer. On comprend donc que certaines universités seront plus attractives en raison de leur réputation préétablie, mais aussi de leur degré d’autonomie, des choix qu’elles pourront ou voudront faire et des priorités qu’elles vont se définir. Et comme l’accueil de ces boursiers de l’ERC deviendront rapidement un motif de fierté et, à plus long terme, un réel renforcement de la qualité scientifique, on imagine que la compétition va d’emblée se développer entre toutes les institutions.
Voici que revient déjà la hantise des effets que, malgré d’excellentes intentions, les initiatives européennes ne manquent pas de produire.

Mais voyons les choses du bon côté: les universités les plus adaptables recevront le plus de boursiers et verront le moins partir les leurs. C’est donc une véritable prime à la souplesse et c’est, quelque part, une excellente nouvelle, pour autant que les universités soient largement autonomes (qualificatif à acquérir, pour ce qui nous concerne…). Nature va au bout du raisonnement: « L’appel de l’ERC est en fait une sonnette d’alarme qui devra pousser les universités à se dégager de leurs chaînes et à devenir compétitives internationalement ». Et de fustiger l’Allemagne, l’Italie et la France, de même que les pays d’Europe de l’Est, qui ont une longue histoire de « paralysie académique institutionnalisée » et d’anti-élitisme mais tentent d’évoluer. Nature termine en rappelant que l’Initiative d’Excellence allemande, qui a pourvu une sélection d’universités de fonds de recherche extrêmement importants, a eu pour conséquence de stimuler par ricochet l’ensemble des universités allemandes. De là à penser que l’initiative de l’ERC aura le même effet sur l’ensemble des universités qui sauront se montrer à la hauteur, il n’y a qu’un pas.

Acceptons-en l’augure.

En signant la Déclaration de Berlin ainsi que la pétition pour l’accès libre aux résultats des recherches effectuées avec des fonds publics européens, notre université s’est en même temps résolument engagée dans la voie de l’auto-archivage de ses publications.
Il faut en effet aller jusqu’au bout de la logique de l’accès libre et jouer le jeu de la mise en ligne des publications universitaires. De nombreuses institutions dans le monde (des consortiums d’universités comme celles de Californie et leur eScholarship Repository ou un seul département comme celui des Sciences informatiques de l’Université de Southampton par exemple) s’y sont lancées avec succès et cette initiative leur apporte un surplus de notoriété incontestable.

Entendons-nous bien: quand on parle d’archivage, il ne s’agit pas de remiser dans un grenier l’ensemble de nos publications, mais au contraire de les rendre librement accessibles sous forme électronique à tout le monde.
La constitution de ce répertoire institutionnel qui placera en OA (Open Access) le plus grand nombre possible de publications réalisées par des membres de l’ULg aura plusieurs effets complémentaires:
- elle assurera aux publications électroniques de l’ULg (éditées ou non par l’ULg) une pérennité qui ne nous rendra dépendants de personne;
- elle impliquera une négociation entre les auteurs et leurs éditeurs quant au délai minimal de mise en ligne d’un article publié;
- elle contribuera au rayonnement de l’Institution en permettant l’accès libre au fruit de ses recherches et en élaborant ainsi une vitrine exaustive et consultable par tous de la recherche à l’ULg.

Par ailleurs, elle permettra d’élaborer conjointement un instrument objectif d’évaluation de la production scientifique des chercheurs de l’ULg par l’élaboration d’une véritable bibliographie institutionnelle reprenant la liste complète des publications des membres de l’ULg.

Une telle décision, si elle doit avoir du sens, impliquera nécessairement le caractère obligatoire de la contribution de chacun à la Bibliographie Institutionnelle.

Comment cette obligation sera-t-elle respectée ? Très facilement: à partir de l’année académique 2007-2008, les seules listes de publications des membres de l’ULg prises en compte officiellement dans tout processus d’évaluation interne, quel que soit son but, seront celles que générera la Bibliographie Institutionnelle.
Et c’est ici que s’ajoute un effet positif supplémentaire: les listes de publications seront normalisées et rendues comparables, enfin structurées et classées de manière logique, débarrassées de tout effet « gonflant » dû au mélange des genres qui rend souvent très indigeste et fastidieuse l’analyse comparative des CV…

Avant l’été, le Réseau des Bibliothèques de l’ULg organisera une grande séance d’information ouverte à tous sur les nouveautés liées à l’OA et en particulier:
- l’auto-archivage recommandé des publications au sein du Répertoire Institutionnel (le projet pilote est déjà lancé depuis un an et demi et comporte déjà 500 dépôts, nos partenaires de la FUSAGx nous y ont rejoint, donnant au projet une dimension qui est celle de l’Académie);
- la mise en ligne des CV grâce à la Bibliographie Institutionnelle;
- PoPuPS : le nouveau Portail de Publication de Périodiques Scientifiques de l’ULg;
- BICTEL/e, le programme de mise en ligne en OA des thèses (15 déjà accessibles et 15 autres en cours d’incorporation).

A propos de l’intérêt de l’initiative de la Bibliographie Institutionnelle en relation avec le Répertoire Institutionnel, je vous recommande vivement la lecture d’un remarquable article (de 2003!) en OA par Stevan Harnad, Les Carr, Tim Brody et Charles Oppenheim publié dans le magazine électronique Ariadne sur les mesures à prendre pour l’amélioration de l’impact et de l’évaluation de la recherche au Royaume-Uni par la mise en ligne obligatoire des curricula vitæ en lien avec les archives électroniques des universités.
A méditer et, surtout, à appliquer chez nous rapidement.

Un nouveau venu est arrivé dans le monde des « rankings » universitaires: University Metrics.
Il risque de faire un malheur car il joue sur des principes qui font l’immense succès du moteur de recherche Google et de son algorithme original: il est basé sur le nombre de liens vers l’université en question trouvés sur les sites d’autres universités sélectionnées comme les meilleures du monde… Les auteurs en vantent la puissance en lui attribuant des vertus de peer review puisque, disent-ils, les universités ont toutes beaucoup de réticence à indiquer, sur leur propre site, une référence à une autre université !

C’est donc avec fierté que je vous annonce la présence de l’ULg dans le top 300, en 249è position derrière l’ULB (226è) et la KUL (140è) et devant Gand (260è), Anvers (262è) et l’UCL qui ferme la marche (300è, son récent changement d’adresse web de UCL à UCLouvain n’est sûrement pas sans conséquence), seuls représentants de la Belgique universitaire.

Bien sûr, c’est avec un grand clin d’œil qu’il faut prendre cette nouvelle ! Elle n’a de valeur que pour ce qu’elle mesure et il serait ridicule d’en tirer des leçons qui iraient au delà du strict dénombrement des liens sur des sites web !

Mais elle attire notre attention sur la facilité du dérapage que les soi-disant mesures objectives du rang occupé par les universités peut entraîner si on n’y prend garde. Le mythe de l’évaluation rapide et chiffrée d’entités aussi complexes que des universités subsiste et ne fait que croître et embellir, mais il faut impérativement s’en méfier et veiller à n’en tirer que les conclusions très fragmentaires et très limitées qu’on est en droit d’en tirer.

En période de carnaval, on peut se permettre le clin d’œil !

Pour ceux qui souhaient être convaincus, voici l’évolution des prix des périodiques ces dernières années :

En 14 ans, pour une augmentation de l’index de 30 %, les coûts des revues scientifiques ont augmenté de 257,8 % !
Cette augmentation de x 2,5 a été atteinte en 2005 déjà pour les revues de Sciences et de Médecine, elle est plus lente en Sciences humaines, mais reste non négligeable dans ces matières.
Ces chiffres sont calculés en tenant compte de tous les éditeurs, y compris ceux qui n’ont pas opté pour une exploitation éhontée de la recherche. Les grands exploiteurs pratiquent donc des augmentations de prix encore plus spectaculaires.
Devant une telle absence de vergogne, seul un combat organisé peut sauver la diffusion du savoir.

Ce mardi les universités belges signeront la Déclaration de Berlin sur le Libre Accès (Open Access, OA) aux résultats de la recherche publique.
Pourquoi un tel engagement ?
Parce que les universités souhaitent assurer à la recherche faite par leurs membres une diffusion et un impact aussi larges que possible.
Et c’est maintenant dans l’air du temps.

Des organismes finançants et des universités adhèrent

Aux Etats-Unis, les National Institutes of Health ont annoncé leur politique en la matière (Public Access Policy) en mai 2005. La faiblesse de leur proposition est toutefois qu’ils n’en font pas une véritable obligation et qu’en outre ils autorisent une année d’embargo protégeant les éditeurs avant que l’accès aux articles soit libéré. Par ailleurs, ils recommandent l’archivage dans PubMed Central, qu’ils ont contribué à fonder, et non dans des archives de l’Institution où le chercheur travaille (l’un n’empêche pas l’autre, en fait). L’avenir dira s’il s’agit là d’une force ou d’une faiblesse.
Au Royaume-Uni, le Wellcome Trust a émis un « Position Statement in Support of Open and Unrestricted Access to Published Research » en octobre 2005, qui recommande également la publication des recherches qu’il finance en OA et requiert leur archivage en OA dès 6 mois après la publication.
Le Research Council UK essaie de mettre en œuvre une politique d’OA (Policy on Access to Research Outputs) exigeant l’auto-archivage immédiat. S’il y arrive, la moitié des recherches produites dans les universités du Royaume-Uni deviendra accessible librement grâce aux dépôts institutionnels. Contrairement aux deux organismes précédents qui se consacrent à la recherche biomédicale, il s’agit ici de l’ensemble des disciplines de recherche.
Le Canadian Social Sciences and Humanities Research Council s’est engagé dès 2004 à promouvoir l’OA auprès des chercheurs canadiens, mais les résultats sont encore partiels et il publie en 2006 une étude de faisabilité (en PDF).
En avril 2006, la Commission Européenne publiait son étude « Study on the Economic and Technical Evolution of the Scientific Publication Markets in Europe » (en PDF) dans laquelle elle se prononçait clairement: « Research funding agencies should establish a European policy mandating published articles arising from EC-funded research to be available after a given time period in open access archives »
• En mai 2006 paraît l’US Federal Research Public Access Act (FRPAA) qui rend obligatoire aux USA l’auto-archivage des résultats des recherches effectuées avec des fonds publics, j’en ai parlé dans ce blog à l’époque. Il réduit à 6 mois le délai d’accès public dans tous les cas et s’étend à tous les domaines de la recherche. Enfin, l’auto-archivage est décentralisé et peut résider dans l’Institution de l’auteur.
En 2005, seize universités hollandaises on lancé DAREnet, les Digital Academic Repositories qui comptent aujourd’hui plus de 69 000 articles

Comment une telle action se justifie-t-elle ?

Les recherches ayant été effectuées avec des fonds publics, les contribuables peuvent attendre un accès à leurs résultats.
D’autre part, même ceux qui ne lisent pas d’articles scientifiques peuvent exiger que leur argent contribue directement et sûrement à la formation des spécialistes dont ils attendent la compétence.

Pourquoi les universités signent-elles la Déclaration de Berlin ?

Afin d’affirmer leur volonté de gérer la communication scientifique (publications et auto-archivage) d’une « autre façon »: plus largement, plus démocratiquement, plus rapidement et plus efficacement. Aujourd’hui, 90 pourcents des journaux qui font appel à la revue par des pairs ont approuvé l’auto-archivage sous une forme ou sous une autre. Dix pourcents de ces journaux sont aujourd’hui en OA.
Afin d’exprimer leur détermination dans leur combat contre ceux qui, parmi les éditeurs, privilégient le profit à la diffusion du savoir (pour une analyse détaillée de la valse échevelée des prix des périodiques, rendez-vous sur Library Journal).
Afin de donner un signal fort aux universitaires et les emmener dans un mouvement de dimension mondiale en faveur de l’OA.
Afin d’atteindre un consensus entre les universités, les organisations finançantes et les personnalités politiques pour développer des solutions de remplacement et une nouvelle organisation efficace de diffusion de la science.
Afin de rappeler aux chercheurs les voies de publication en OA.
Afin de soutenir la création de nouveaux journaux en OA ou le passage en OA des journaux existants.
Afin de promouvoir les répertoires institutionnels thématiques des publications en OA.
Afin de soutenir les bibliothécaires dans leurs actions en faveur de l’OA.
Afin, en Belgique de convaincre les membres des commissions du FNRS et du FWO de reconnaître les publications en OA comme références valides dans les curricula vitæ et en outre comme gage de citoyenneté.
Afin de contribuer utilement à la diffusion du savoir généré par la recherche dans les pays en développement.
Afin d’apporter aux chercheurs de partout un accès large aux résultats de la recherche publiés dans des journaux auxquels leurs universités ne sont pas abonnées car elles ne peuvent s’abonner à tout, surtout quand les revues les plus prestigieuses font exploser les prix.
Afin d’apporter au grand public des informations scientifiques contrôlées et sérieuses permettant de contrer au mieux la masse d’informations fantaisistes accessibles aujourd’hui sur la « toile ». Les informations rigoureuses doivent pouvoir apparaître rapidement lors de recherches sur des « moteurs » généralistes (Google, Yahoo, Altavista, etc), mais aussi plus spécifiquement et à coup sûr grâce à des moteurs spécialisés (Directory of Open Access Journals, OAIster, Citebase, Citeseer, Scirus, Scientific Commons, Google Scholar, par exemple).

Y a-t-il un risque à signer la déclaration de Berlin ?

« Publier en OA va m’empêcher ou empêcher mon université de valoriser ma recherche »
– Non, évidemment. En matière de valorisation, tout se passe AVANT la publication. C’est elle qui marque la fin de la confidentialité. Qu’elle soit en OA ou non ne change strictement rien à l’affaire.

« Publier en OA risque de me priver de mes droits d’auteur »
– Non, évidemment. C’est dans le mode d’édition classique (non-OA) que les droits d’auteurs sont pratiquement toujours cédés par l’(les) auteur(s), pratique contre laquelle nous nous battons d’ailleurs, même si sa raison d’être est compréhensible: elle empêche l’auteur de republier les mêmes informations ailleurs ou de les réutiliser ultérieurement dans des revues générales, par exemple. Rien dans la procédure de l’OA ne prive l’auteur de ses droits. Et si c’était le cas exceptionnellement, cela ne serait en rien différent de ce qui se passe aujourd’hui et qui semble accepté par la grande majorité des chercheurs.

« Auto-archiver mes publications en OA risque de me priver de mes droits d’auteur ou de la valorisation de ma recherche »
– En aucun cas. L’auto-archivage en OA est une forme de publication et doit être considéré comme tel. Les questions d’antériorité sont identiques à celle de la publication. Il importe que les auteurs se mettent d’accord sur le cours des évènements et ne compromettent pas par une mise en réseau trop précoce leur potentiel de valorisation.

« Qui décide de l’option OA ? »
– Les universités, centres de recherches, bibliothèques et organismes finançants ont leurs propres raisons de favoriser l’option OA mais seuls les auteurs peuvent faire le choix de soumettre leurs publications aux journaux OA, de les déposer en auto-archivage, de transférer éventuellement leurs droits, en accord avec la politique de leur institution. Il est important qu’ils comprennent bien l’enjeu collectif et les bénéfices qu’eux-mêmes peuvent tirer de l’OA, en quoi il améliore l’impact de leur recherche. De même, ils doivent bien comprendre la compatibilité entre l’auto-archivage en OA et la publication dans des journaux non-OA.

C’est pleinement conscients de ces enjeux et de ces implications que les recteurs des universités belges rejoindront les signataires de la Déclaration de Berlin ce mardi.

Que d’effervescence autour des fusions d’universités !
Nous en avons eu notre lot, depuis une semaine !

Reprenons rapidement.

Premier épisode.
• 25 janvier, « Le Soir » : L’UCL examinerait un projet de fusion avec les FUNDP, les FUSL et la FUCaM.
• 27 janvier, « Le Soir » : Le projet de fusion des quatre universités catholiques belges francophones pourrait voir le jour d’ici à 2015.
• 29 janvier : même sujet dans « Le Jour-Verviers », « Le Soir » et « La Meuse ».
• 31 janvier : « La Libre Belgique », « Le Soir » et « L’Écho » : Bernard Coulie, recteur de l’UCL, a confirmé la possibilité d’une fusion entre les universités de l’Académie Louvain d’ici à 2015 lors d’une rencontre avec la presse consacrée à la présentation de l’offre de masters à la prochaine rentrée académique.

Deuxième épisode.
• 1er février, « Le Soir » : Un avant-projet de décret sur une fusion de la Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux avec l’ULg est à l’étude au cabinet de la ministre de l’enseignement supérieur.

Décodons.

Premier épisode. Une « fuite » a dévoilé à la presse namuroise l’existence de négociations « secrètes » entre les quatre institutions de l’Académie Louvain : l’Université Catholique de Louvain, les Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix de Namur, la Faculté Universitaire Catholique de Mons et les Facultés Universitaires Saint-Louis de Bruxelles. Cette nouvelle a ensuite fait traînée de poudre dans la presse francophone du pays.
Quoi de plus naturel pourtant si les membres d’une Académie entament des discussions exploratoires dans l’optique d’une éventuelle fusion ? Ce n’est tout de même pas extravagant lorsqu’on se reporte au décret du 31 mars 2004 qui ouvre la possibilité pour les universités de la Communauté Française de Belgique de s’associer, dans le respect de l’identité de chacune d’elles, en Académies. Il y est explicitement prévu que cette mesure portera jusqu’en 2015. N’est-il pas sage, dès lors, de réfléchir à ce que pourrait devenir le paysage universitaire à partir de cette date ?
Beaucoup de gens s’agitent à ce sujet autour de moi et m’interrogent sur mon calme face à cette (r)évolution.
A ceux-là, je réponds : certes, la constitution d’un bloc homogène d’universités catholiques risque fort de cliver la Belgique francophone en deux, surtout si cette alliance à quatre appelle la formation d’une autre alliance à cinq, à savoir l’ULg, l’ULB, l’UMH, la FPMs et la FUSAGx, les institutions non confessionnelles, soit les deux autres Académies. Laïcité contre catholicisme, nous voilà revenus aux tristes jours de la guerre scolaire et dans un contexte fâcheux de fracture nette de l’enseignement universitaire.
On me rétorquera, au sein de l’Académie Louvain, que ses universités membres n’ont plus rien de catholique si ce n’est leur nom et qu’il est loin le temps où elles se revendiquaient d’une mission confessionnelle. A cela, je rétorque que les quatre membres de l’Académie Louvain ne peuvent avoir le point commun d’être catholiques que par pur hasard.
Mais là n’est pas le débat, à mon avis — même si c’est bien là qu’il est encore, pour beaucoup de monde !—. Le débat est réellement de savoir si notre enseignement universitaire est destiné à se cliver ou à s’unir.

Deuxième épisode. La fusion Liège-Gembloux apparaît en fait sous deux petites lignes d’un avant-projet de décret portant sur tout autre chose, une restructuration spécifiquement montoise et correspond également à une « fuite ». On se demande ce que cette fusion vient faire là. Ce n’est en tout cas pas une manœuvre du Recteur de l’ULg, contrairement à ce que d’aucuns peuvent penser. L’Académie Wallonie-Europe (ULg-FUSAGx) se porte bien, merci. Elle a d’emblée fonctionné parfaitement bien et une fusion entre ces deux institutions n’apporterait, à première vue, d’avantage à personne. Mais ceci n’exclut pas l’intérêt éventuel qu’il pourrait y avoir à trouver des avantages à une fusion, on y reviendra sûrement dans les mois qui viennent.
Il y a donc une similitude dans ces deux cas : la transformation des Académies en universités agrandies et multi-sites. On peut en attendre deux effets : une perte d’autonomie relative et une certaine rationalisation, donc une diminution de coût. A quel prix…?
La question d’une fusion au sein de notre Académie n’était pas à l’ordre du jour. Le décret de 2004 prévoyait explicitement que les fusions d’institutions au sein des Académies devraient être l’aboutissement de négociations entre elles et ne pourraient se faire que sur une base d’accord solide entre les parties. C’est évidemment dans ces conditions que nous l’envisagerons. Le mérite de cet incident est de poser clairement la question.

Réfléchissons.

L’union au sein des académies est normale mais est-ce là l’ultime phase ? Est si c’est le cas, est-ce l’idéal ?
L’enseignement universitaire francophone en Belgique compte moins de 70.000 étudiants, soit le nombre qu’on trouve dans bien des universités de taille moyenne à grande.
Ne pourrait-on se pencher utilement, plutôt que sur l’éventualité d’une « guerre » des réseaux, sur celle d’une fédération de l’existant ? Au moment où nous sommes tous d’accord pour dire que le mal des universités francophones belges vient de l’âpre compétition que la législation a créée entre elles depuis 35 ans, n’essaierions-nous pas d’au moins atténuer celle-ci et de la remplacer par une saine émulation, toujours salutaire ? Bâtir la coopération pour réduire la compétition et préserver l’identité pour stimuler l’émulation, n’est-ce pas là l’autre choix ?
Je l’avais déjà suggéré lors de ma première Rentrée Académique en tant que Recteur, en septembre 2005 : « Si l’on veut bien ouvrir les yeux, on ne peut manquer de s’apercevoir que notre paysage universitaire francophone en Belgique manque de rationalité, de logique et partant, d’efficacité. Un gaspillage considérable de forces vient tout simplement d’impératifs politiques et régionaux ou plus exactement sous-régionaux. Et pourtant, on peut également voir qu’il n’est nul besoin de fermer des institutions pour résoudre ce problème et que l’efficacité ne naît pas nécessairement de la centralisation à outrance —ce ne sont pas nos amis français qui me démentiront ! —. Certaines institutions sont petites, mais toutes sont de qualité, avec leurs spécificités propres. Je prétends qu’il est possible de maintenir les universités et les centres universitaires ou les facultés isolées dans leur situation géographique et leur proximité locale, dont on comprend l’importance, tout en réexaminant leurs statuts et en organisant leur fédération. Ouvrons les yeux : A neuf, nous représentons un potentiel universitaire tout à fait remarquable.
[Je plaide] donc pour une Université francophone de Belgique unie et solidaire, dans le respect de son incomparable diversité de pouvoirs organisateurs, de réseaux, de tendances, de valeurs et d’implantations géographiques, une Université qui apparaîtra à la face du monde comme une grande Fédération, diversifiée mais homogène, parlant d’une même voix, fière de la position à laquelle ses synergies la feront immanquablement accéder parmi les meilleures institutions de la planète dans les classements internationaux désormais incontournables, fière d’apporter à sa communauté, à ses régions et à son pays un label de qualité et de prestige international. »

Je n’ai pas changé d’un iota sur ce plaidoyer.

Une solution définitive ?

Nous en revenons ainsi au concept d’une « Confédération des Universités Francophones de Belgique » dans laquelle tous les sites actuels seraient préservés, dans neuf campus répartis sur le territoire, dix avec celui d’Arlon. Les formations dites « de proximité », à savoir celles des bacheliers, seraient maintenues en place et les maîtrises et doctorats se répartiraient en fonction des compétences spécifiques. La duplication des formations de maîtrise ne serait pas interdite, mais mûrement réfléchie et une distribution rationnelle des compétences se mettrait assez naturellement en place.
Une gouvernance générale serait nécessaire. La transversalité inter réseaux briserait un véritable tabou belge alors qu’elle semble représenter, aujourd’hui encore, un obstacle insurmontable.

Une confédération dont l’objectif serait l’excellence par la coopération des compétences, l’optimalisation des moyens et l’émulation réciproque, n’est-ce pas là le vrai défi collectif que devraient s’imposer des universités qui visent à apparaître comme un point fort aux yeux du monde ?