C’est aujourd’hui et demain qu’aura lieu à Berlin le lancement officiel en grandes pompes du Conseil Européen de la Recherche.
Il est intéressant de noter que l’optique dans laquelle ce Conseil a été créé est de financer la meilleure science, indépendamment des agendas régionaux et politiques !
Et ça commence fort: le premier appel aux candidatures pour des bourses sera consacré à de jeunes chercheurs dans le métier depuis deux ans au moins et neuf au plus. Et on nous laisse entendre qu’ils devront être très prometteurs, le but recherché étant ni plus ni moins de faire revenir les prix Nobel en Europe !

L’annonce n’est guère loquace en ce qui concerne les qualités véritables des candidats éventuels mais elle consacre plus de la moitié du texte à des précisions sur le fait qu’il sera autorisé des extensions à cette fourchette à condition qu’elles soient dûment justifiées en raison, par exemple, de maternités (la comptabilité du système prévoit généreusement un an par enfant né après l’obtention du doctorat), de paternités (congé moins bien précisé), de maladies de longue durée ou de service militaire ou civil. On ne manque pas de préciser que des congés pris pour des raisons liées à des obligations inévitables (celles-là !) comme l’acquisition de certifications cliniques pourront également être prises. Néanmoins, « la période cumulative d’éligibilité ne pourra en aucun cas excéder 12 années après la délivrance du diplôme de docteur ». Cerise sur le gâteau: aucune exception ne sera faite pour le travail éventuel à temps partiel, deux années à mi-temps comptant pour deux ans pleins !
On a beau dire, ça casse un peu le lyrisme de l’envolée initiale sur les nobélisables…

Plus sérieusement, les bourses, qui pourront avoir une durée de 5 ans, seront très généreuses: de 100,000 € à 400,000 € par an ! On pourra en faire seulement un millier au départ, mais on parle de cinq fois plus en 2013. Les experts opéreront la sélection sur la base du mérite, sans aucune référence à la nationalité du candidat. Ils évalueront la capacité de l’institution d’offrir un environnement idéal aux chercheurs: une bonne infrastructure et un entourage intellectuel stimulant.

Ce qui est particulièrement interpellant, comme le relève la revue Nature (445, 795-796, 2007) dans un article du 22 février dernier, c’est que les candidats sont encouragés à choisir leur institution d’accueil. Si leur université ne leur offre pas ce qu’ils attendent, ils sont invités à s’en choisir une autre ou un centre de recherche de leur choix. Nature rappelle que tous les pays n’ont pas la même souplesse quant aux conditions qu’ils autorisent leurs universités à concéder aux chercheurs qu’elles souhaitent attirer. On comprend donc que certaines universités seront plus attractives en raison de leur réputation préétablie, mais aussi de leur degré d’autonomie, des choix qu’elles pourront ou voudront faire et des priorités qu’elles vont se définir. Et comme l’accueil de ces boursiers de l’ERC deviendront rapidement un motif de fierté et, à plus long terme, un réel renforcement de la qualité scientifique, on imagine que la compétition va d’emblée se développer entre toutes les institutions.
Voici que revient déjà la hantise des effets que, malgré d’excellentes intentions, les initiatives européennes ne manquent pas de produire.

Mais voyons les choses du bon côté: les universités les plus adaptables recevront le plus de boursiers et verront le moins partir les leurs. C’est donc une véritable prime à la souplesse et c’est, quelque part, une excellente nouvelle, pour autant que les universités soient largement autonomes (qualificatif à acquérir, pour ce qui nous concerne…). Nature va au bout du raisonnement: « L’appel de l’ERC est en fait une sonnette d’alarme qui devra pousser les universités à se dégager de leurs chaînes et à devenir compétitives internationalement ». Et de fustiger l’Allemagne, l’Italie et la France, de même que les pays d’Europe de l’Est, qui ont une longue histoire de « paralysie académique institutionnalisée » et d’anti-élitisme mais tentent d’évoluer. Nature termine en rappelant que l’Initiative d’Excellence allemande, qui a pourvu une sélection d’universités de fonds de recherche extrêmement importants, a eu pour conséquence de stimuler par ricochet l’ensemble des universités allemandes. De là à penser que l’initiative de l’ERC aura le même effet sur l’ensemble des universités qui sauront se montrer à la hauteur, il n’y a qu’un pas.

Acceptons-en l’augure.