Open Access


Pour ceux qui souhaient être convaincus, voici l’évolution des prix des périodiques ces dernières années :

En 14 ans, pour une augmentation de l’index de 30 %, les coûts des revues scientifiques ont augmenté de 257,8 % !
Cette augmentation de x 2,5 a été atteinte en 2005 déjà pour les revues de Sciences et de Médecine, elle est plus lente en Sciences humaines, mais reste non négligeable dans ces matières.
Ces chiffres sont calculés en tenant compte de tous les éditeurs, y compris ceux qui n’ont pas opté pour une exploitation éhontée de la recherche. Les grands exploiteurs pratiquent donc des augmentations de prix encore plus spectaculaires.
Devant une telle absence de vergogne, seul un combat organisé peut sauver la diffusion du savoir.

Ce mardi les universités belges signeront la Déclaration de Berlin sur le Libre Accès (Open Access, OA) aux résultats de la recherche publique.
Pourquoi un tel engagement ?
Parce que les universités souhaitent assurer à la recherche faite par leurs membres une diffusion et un impact aussi larges que possible.
Et c’est maintenant dans l’air du temps.

Des organismes finançants et des universités adhèrent

Aux Etats-Unis, les National Institutes of Health ont annoncé leur politique en la matière (Public Access Policy) en mai 2005. La faiblesse de leur proposition est toutefois qu’ils n’en font pas une véritable obligation et qu’en outre ils autorisent une année d’embargo protégeant les éditeurs avant que l’accès aux articles soit libéré. Par ailleurs, ils recommandent l’archivage dans PubMed Central, qu’ils ont contribué à fonder, et non dans des archives de l’Institution où le chercheur travaille (l’un n’empêche pas l’autre, en fait). L’avenir dira s’il s’agit là d’une force ou d’une faiblesse.
Au Royaume-Uni, le Wellcome Trust a émis un « Position Statement in Support of Open and Unrestricted Access to Published Research » en octobre 2005, qui recommande également la publication des recherches qu’il finance en OA et requiert leur archivage en OA dès 6 mois après la publication.
Le Research Council UK essaie de mettre en œuvre une politique d’OA (Policy on Access to Research Outputs) exigeant l’auto-archivage immédiat. S’il y arrive, la moitié des recherches produites dans les universités du Royaume-Uni deviendra accessible librement grâce aux dépôts institutionnels. Contrairement aux deux organismes précédents qui se consacrent à la recherche biomédicale, il s’agit ici de l’ensemble des disciplines de recherche.
Le Canadian Social Sciences and Humanities Research Council s’est engagé dès 2004 à promouvoir l’OA auprès des chercheurs canadiens, mais les résultats sont encore partiels et il publie en 2006 une étude de faisabilité (en PDF).
En avril 2006, la Commission Européenne publiait son étude « Study on the Economic and Technical Evolution of the Scientific Publication Markets in Europe » (en PDF) dans laquelle elle se prononçait clairement: « Research funding agencies should establish a European policy mandating published articles arising from EC-funded research to be available after a given time period in open access archives »
• En mai 2006 paraît l’US Federal Research Public Access Act (FRPAA) qui rend obligatoire aux USA l’auto-archivage des résultats des recherches effectuées avec des fonds publics, j’en ai parlé dans ce blog à l’époque. Il réduit à 6 mois le délai d’accès public dans tous les cas et s’étend à tous les domaines de la recherche. Enfin, l’auto-archivage est décentralisé et peut résider dans l’Institution de l’auteur.
En 2005, seize universités hollandaises on lancé DAREnet, les Digital Academic Repositories qui comptent aujourd’hui plus de 69 000 articles

Comment une telle action se justifie-t-elle ?

Les recherches ayant été effectuées avec des fonds publics, les contribuables peuvent attendre un accès à leurs résultats.
D’autre part, même ceux qui ne lisent pas d’articles scientifiques peuvent exiger que leur argent contribue directement et sûrement à la formation des spécialistes dont ils attendent la compétence.

Pourquoi les universités signent-elles la Déclaration de Berlin ?

Afin d’affirmer leur volonté de gérer la communication scientifique (publications et auto-archivage) d’une « autre façon »: plus largement, plus démocratiquement, plus rapidement et plus efficacement. Aujourd’hui, 90 pourcents des journaux qui font appel à la revue par des pairs ont approuvé l’auto-archivage sous une forme ou sous une autre. Dix pourcents de ces journaux sont aujourd’hui en OA.
Afin d’exprimer leur détermination dans leur combat contre ceux qui, parmi les éditeurs, privilégient le profit à la diffusion du savoir (pour une analyse détaillée de la valse échevelée des prix des périodiques, rendez-vous sur Library Journal).
Afin de donner un signal fort aux universitaires et les emmener dans un mouvement de dimension mondiale en faveur de l’OA.
Afin d’atteindre un consensus entre les universités, les organisations finançantes et les personnalités politiques pour développer des solutions de remplacement et une nouvelle organisation efficace de diffusion de la science.
Afin de rappeler aux chercheurs les voies de publication en OA.
Afin de soutenir la création de nouveaux journaux en OA ou le passage en OA des journaux existants.
Afin de promouvoir les répertoires institutionnels thématiques des publications en OA.
Afin de soutenir les bibliothécaires dans leurs actions en faveur de l’OA.
Afin, en Belgique de convaincre les membres des commissions du FNRS et du FWO de reconnaître les publications en OA comme références valides dans les curricula vitæ et en outre comme gage de citoyenneté.
Afin de contribuer utilement à la diffusion du savoir généré par la recherche dans les pays en développement.
Afin d’apporter aux chercheurs de partout un accès large aux résultats de la recherche publiés dans des journaux auxquels leurs universités ne sont pas abonnées car elles ne peuvent s’abonner à tout, surtout quand les revues les plus prestigieuses font exploser les prix.
Afin d’apporter au grand public des informations scientifiques contrôlées et sérieuses permettant de contrer au mieux la masse d’informations fantaisistes accessibles aujourd’hui sur la « toile ». Les informations rigoureuses doivent pouvoir apparaître rapidement lors de recherches sur des « moteurs » généralistes (Google, Yahoo, Altavista, etc), mais aussi plus spécifiquement et à coup sûr grâce à des moteurs spécialisés (Directory of Open Access Journals, OAIster, Citebase, Citeseer, Scirus, Scientific Commons, Google Scholar, par exemple).

Y a-t-il un risque à signer la déclaration de Berlin ?

« Publier en OA va m’empêcher ou empêcher mon université de valoriser ma recherche »
– Non, évidemment. En matière de valorisation, tout se passe AVANT la publication. C’est elle qui marque la fin de la confidentialité. Qu’elle soit en OA ou non ne change strictement rien à l’affaire.

« Publier en OA risque de me priver de mes droits d’auteur »
– Non, évidemment. C’est dans le mode d’édition classique (non-OA) que les droits d’auteurs sont pratiquement toujours cédés par l’(les) auteur(s), pratique contre laquelle nous nous battons d’ailleurs, même si sa raison d’être est compréhensible: elle empêche l’auteur de republier les mêmes informations ailleurs ou de les réutiliser ultérieurement dans des revues générales, par exemple. Rien dans la procédure de l’OA ne prive l’auteur de ses droits. Et si c’était le cas exceptionnellement, cela ne serait en rien différent de ce qui se passe aujourd’hui et qui semble accepté par la grande majorité des chercheurs.

« Auto-archiver mes publications en OA risque de me priver de mes droits d’auteur ou de la valorisation de ma recherche »
– En aucun cas. L’auto-archivage en OA est une forme de publication et doit être considéré comme tel. Les questions d’antériorité sont identiques à celle de la publication. Il importe que les auteurs se mettent d’accord sur le cours des évènements et ne compromettent pas par une mise en réseau trop précoce leur potentiel de valorisation.

« Qui décide de l’option OA ? »
– Les universités, centres de recherches, bibliothèques et organismes finançants ont leurs propres raisons de favoriser l’option OA mais seuls les auteurs peuvent faire le choix de soumettre leurs publications aux journaux OA, de les déposer en auto-archivage, de transférer éventuellement leurs droits, en accord avec la politique de leur institution. Il est important qu’ils comprennent bien l’enjeu collectif et les bénéfices qu’eux-mêmes peuvent tirer de l’OA, en quoi il améliore l’impact de leur recherche. De même, ils doivent bien comprendre la compatibilité entre l’auto-archivage en OA et la publication dans des journaux non-OA.

C’est pleinement conscients de ces enjeux et de ces implications que les recteurs des universités belges rejoindront les signataires de la Déclaration de Berlin ce mardi.

Comme on pouvait s’y attendre, les grandes maisons d’éditions scientifiques ont senti le vent du boulet de l’Open Access et elles construisent leur contre-offensive.

Le monde de l’édition scientifique (au sens large) se compose de quelques grands éditeurs mondiaux et d’une constellation de maisons plus petites, voire très petites. Je m’en voudrais de les mettre tous dans le même sac. La guerre entre les chercheurs et les éditeurs implique les grandes maisons, beaucoup moins les moyennes et généralement pas les petites. Malheureusement, depuis quelques années, les grands poissons mangent les petits et deviennent de plus en plus gros. Ceci a pour conséquence que les intérêts financiers grandissent démesurément en regard des moyens dont disposent les chercheurs pour publier. Deux mondes fondamentalement différents s’affrontent: celui de la recherche globalement sous-financée et celui du grand profit.

Impact

Les « facteurs d’impact » ont permis longtemps de faire croire à l’existence d’une méthode pratique de mesure de la qualité d’un article scientifique (alors qu’ils indiquent en réalité l’impact du journal !). On a même étendu leurs vertus à la mesure de la qualité d’un chercheur ! Leur invention et leur diffusion ont offert aux éditeurs peu scrupuleux, avec la complicité naïve des chercheurs eux-mêmes, un moyen de les « fidéliser », en fait de les rendre parfaitement captifs.
Le prestige de publier dans un journal bien coté est indéniable, mais l’intérêt principal est d’être lu et d’ainsi contribuer activement à la progression du savoir. Dès que chacun aura compris que ses chances d’être lu sont plus grandes s’il publie dans des revues à accès électronique et qu’elles deviennent infiniment plus grandes encore si la publication est en accès libre, la perception sera toute différente.

Le bout du tunnel ?

Pour ceux d’entre nous qui se sont engagés résolument dans ce combat, les choses ont bien changé et nous voyons notre cause gagner du terrain tous les jours. Nous ne sommes pas opposés à l’existence de maisons d’éditions, elles sont fort utiles, nous sommes opposés au racket qui, hélas, lorsqu’il est question de gros sous, se met en place en situation de monopole.

La preuve du succès de la campagne de l’Open Access est double: d’une part la croissance exponentielle des journaux électroniques en accès libre et d’autre part la montée en puissance de la réplique des éditeurs.

Le Pit Bull

La dernière indication claire de la mise en place d’une contre-offensive organisée nous est révélée par la revue anglaise Nature qui annonce que les principaux grands éditeurs scientifiques se sont groupés pour charger une « boîte de com » d’assurer leur campagne contre le mouvement pour l’information libre. Ils en ont choisi une, tristement célèbre pour sa consultance auprès d’Enron ou d’Exxon au secours de causes peu recommandables à défendre par tous les moyens contre l’opinion publique. Le directeur de cette firme est connu sous le sobriquet du « Pit Bull », ce qui en dit long sur ses méthodes.

Sa stratégie est simple. Elle repose sur un adage que j’ai déjà cité dans un autre contexte: « Dites un mensonge, il en restera toujours quelque chose ». On peut en effet faire passer dix grosses contrevérités plus rapidement et plus efficacement qu’une seule idée vraie, scientifiquement démontrée et présentée avec toutes les nuances que l’honnêteté nous impose. Comme le dit avec beaucoup de cynisme la porte-parole de l’éditeur Wiley: « Un message médiatique n’est pas un débat intellectuel ».

Le Pit Bull a immédiatement identifié le problème: jusqu’ici la stratégie des grands éditeurs contre le mouvement de l’Open Access est simplement trop défensive et trop attachée à ne reposer que sur des déclarations précises et exactes, par peur que les scientifiques, que l’on sait rigoureux, ne démontent les arguments. Or, selon lui, peu importe qu’on démonte ses arguments, c’est leur effet premier qui compte. On doit donc être approximatif, voire inexact ou grossièrement mensonger, et percutant. Ca marche sur le grand public, même éduqué, pourquoi cela ne marcherait-il pas sur les scientifiques? Personne ne lira les réfutations ennuyeuses. Tout le monde aura compris le message immédiat et le retiendra.

Selon Nature, la stratégie du Pit Bull pour la campagne des éditeurs sera basée sur les idées-forces suivantes: « L’accès public, c’est la porte ouverte à la censure gouvernementale ». On joue là sur le légitime désir de liberté d’expression du chercheur en lui faisant croire que ce système permet la censure alors que c’est indéniablement le contraire qui se produit. Un autre argument consiste à dire « l’accès libre, c’est la mort du peer review, imaginez le monde de la Science sans peer review! ». Scandaleux mensonge donc, puisque l’accès libre repose précisément sur la revue par les pairs. Mais on joue ici habilement sur la confusion qu’a créé le fait que le libre accès n’est imaginable que pour une diffusion électronique par internet et que l’internet a la réputation — méritée — de véhiculer des milliards d’informations totalement incontrôlées et dépourvues de la moindre rigueur. C’est méconnaître le fait que si l’internet est vaste et incontrôlable, il peut parfaitement contenir des sites bien contrôlés et dignes de confiance, où les chercheurs eux-mêmes assurent la qualité de ce qui est publié par leurs pairs.

Attendons-nous donc au pire lors de cette contre-offensive. Nous allons lire et entendre beaucoup d’énormités et il faudra y faire face. Je reste convaincu que tout cela ne pourra que retarder l’échéance, à condition que nous n’abaissions pas notre garde et surtout que, tous ensemble, nous assurions l’installation pour toujours d’un autre principe de diffusion des informations scientifiques, moins cher, plus juste, plus efficace, plus ouvert, bref, plus généreux.

Le combat sera dur, inégal, sans concessions. Mais ce sera vérité contre mensonge, connaissance collective contre profits particuliers. Voilà au moins une guerre nécessaire, pour une fois, un vrai défi à relever. Le monde de la recherche en a la capacité, mieux que quiconque. Il doit aussi en avoir la clairvoyance et la volonté.

(Pour rappel, signez la pétition pour l’accès libre aux résultats des recherches effectuées avec des fonds publics européens)

J’ai signé aujourd’hui, au nom de l’ULg, la pétition en faveur d’un accès public garanti (dès après leur publication) pour les résultats des recherches réalisées avec l’aide de fonds publics.

Cette pétition soutient l’accès libre et gratuit à la recherche européenne et suit les recommandations proposées dans l’étude « Study on the Economic and Technical Evolution of the Scientific Publication Markets of Europe ».
C’est un moyen efficace de disséminer la connaissance et de la rendre largement accessible à la société.
La pétition est conforme à la déclaration d’octobre 2003 dite de Berlin sur le libre accès à la documentation scientifique.

Je vous encourage à la signer également, sur base individuelle, si vous partagez cette conviction largement répandue aujourd’hui quant au droit à l’accès libre, tout spécialement dans le cas des recherches subventionnées par les pouvoirs publics en général et européens en particulier.

C’est très facile, on y accède d’un simple clic.

Meilleurs vœux pour 2007 à tous mes lecteurs !

Voici un nouveau commentaire concernant mon article du 20 mai dernier (Accès libre):

“Bravo pour cette mise au point et au clair, argumentée, mesurée et efficace. Je souhaite que les autorités (présidents et recteurs) des universités francophones suivent pleinement leur collègue le Recteur de l’Université de Liège.
Pour ce qui la concerne, et reprenant les injonctions de Steve Harnad pour la mise à disposition rapide et libre des résultats de la recherche publique, l’Université Lyon 2, à travers son service éditorial, les Presses universitaires de Lyon, met en ligne la totalité de ses thèses soutenues et exige maintenant un dépôt électronique de la thèse, et a entamé une mise en ligne d’une importante partie de son catalogue de monographies nouvelles ou épuisées. Elle offre enfin un dépôt d’archives institutionnel plus classique et d’un site de publication destiné aux colloques (le tout bien sûr OAI-PMH).

Jean Kempf
Professeur des Universités
Directeur
Presses universitaires de Lyon
86, rue Pasteur
F-69365 Lyon Cedex 07
France

http://presses.univ-lyon2.fr/

L’Université Lumière Lyon 2 est signataire de la Déclaration de Berlin sur l’accès ouvert

Dans le cadre de son engagement dans la politique d’ouverture du Libre Accès, notre université a pris ou s’apprête à prendre, dans les semaines qui viennent, une série de décisions importantes :

1. La mise en ligne sur Internet des thèses de doctorat défendues à l’ULg pour les rendre librement consultables. Cette initiative s’harmonisera avec les autres universités de la Communauté française de Belgique (BICTEL/e).

2. Le dépôt, sous forme électronique, de publications scientifiques des membres de l’ULg afin d’en permettre la diffusion libre par Internet. A l’heure actuelle, plusieurs centaines de documents scientifiques de membres de l’ULg sont déjà repris sur cet outil qui devrait être mis en production début 2007. Bien évidemment, certaines contraintes en matière de droits d’auteurs ou de renoncement à la propriété intellectuelle persistent, mais ce grand mouvement mondial auquel nous adhérons pleinement devrait bientôt envoyer les anomalies du passé au rayon des mauvais souvenirs.

3. La création d’un portail de publication de périodiques scientifiques de l’ULg qui permettra de mettre en ligne, en texte intégral et librement accessible, certains des périodiques édités en son sein (« PoPuPS ULg »).

Je tiens à féliciter notre Réseau des Bibliothèques pour ces initiatives parfaitement en phase avec notre combat pour l’accès libre à la documentation scientifique universelle et qui offrent à ce combat les armes nécessaires.

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Commentaire de Jan Haspeslagh, le 3 juin 2006 :

Je suis très content de voir que le support pour l’Open Access en Belgique évolue dans la bonne direction. En effet, ce n’est qu’au moment où les responsables des universités commencent à regarder dans la même direction qu’on peut penser à discuter et organiser les moyens pour aboutir au but essentiel: libre accès à la production scientifique complète de la Belgique. Même si la situation dans notre pays ne favorise pas réellement la coopération entre les régions, je crois que le temps est venu pour les recteurs de se contacter et de s’organiser ensemble. J’espère que l’Open Access en Belgique sera un projet commun des universités et institutions scientifiques flamandes, wallonnes et bruxelloises.

Cordialement,

Jan Haspeslagh
Bibliothécaire
Vlaams Instituut voor de Zee
Flanders Marine Institute
Wandelaarkaai 7
Oostende, Belgium
http://www.vliz.be/
Nos archives libre-accès: http://www.vliz.be/EN/Marine_Library/Library_OMA/

D’autres avis ou liens utiles :

http://newsletters.afnet.fr/LLA/20060522932/1148286012713
http://www.pps.jussieu.fr/~dicosmo/MyOpinions/atom.php?type=co
http://civicaccess.ca/pipermail/civicaccess-discuss_civicaccess.ca/2006-May/000614.html
http://www.domainepublic.net/sommaire.php3
http://openaccess.inist.fr/

Sites généraux d’information sur l’Open Access Initiative et l’Open Archives Initiative :

http://www.soros.org/openaccess/
http://www.biomedcentral.com/openaccess/www/?issue=4
http://www.earlham.edu/~peters/fos/boaifaq.htm
http://www.openarchives.org/
http://www.eprints.org/openaccess/self-faq/

L’article précédent « Accès libre » a suscité plusieurs réflexions (voir commentaires de l’article) et j’en remercie les auteurs.
Pour ne pas ajouter à la confusion en répondant à la suite de ces commentaires, je reprends ici les questions posées par certains pour tenter d’y répondre.

François Schreuer relève deux points faibles de mon argumentation :

« Un premier point, que vous n’abordez pas directement, est celui du financement des revues en accès libre. Sans doute des solutions pratiques sont envisageables (subventions publiques, prise en charge directement par les universités) sans trop de difficultés, mais je serais heureux de connaître celle que vous privilégiez. Ce point reste d’ailleurs un des arguments saillants des défenseurs du modèle propriétaire. D’autant qu’il me semble avoir lu à plusieurs reprises que le ‘peer reviewing’ est, dans un certain nombre de cas, rémunéré par les revues. »

En effet, ce problème n’est pas sans intérêt: on ne peut remplacer une solution coûteuse par une solution gratuite !

Il est clair que le principe de l’Open Access (OA) implique le transfert du paiement du lecteur à l’auteur. Et que, vu le nombre de lecteurs par rapport au nombre d’auteurs, on doit s’attendre à un flux financier bien moindre au total. Cependant, il ne faut pas négliger le fait que les lecteurs sont des auteurs, très généralement, et que cet effet est sans doute moins énorme qu’il n’y paraît à première vue.

Les responsables des revues actuellement disponibles en OA ont trouvé la parade en demandant aux auteurs de contribuer au coûts et en offrant aux universités la possibilité de prendre ces frais en charge pour leurs chercheurs, en pratiquant des prix réduits. C’est l’option que je préfère, dans la mesure où le passage à l’OA réduira les coûts de la documentation largement prise en charge aujourd’hui par les universités. Mais que les celles-ci participent ou non, il est simple de prévoir, dans les frais de recherche, des frais de publication. Cette nouvelle pratique doit être rapidement admise et encouragée par les bailleurs de fonds de recherche, au même titre que de l’argent de fonctionnement ou d’équipement. Elle contribuera d’ailleurs, on peut l’espérer, à une certaine responsabilisation du chercheur et à une diminution de la pléthore actuelle d’articles scientifiques inutiles ou redondants. Cette pléthore s’explique d’une part par la spirale infernale du « publish or perish » qui pousse les chercheurs, surtout les jeunes, à tenter de publier n’importe quoi, ce qui submerge les ‘reviewers’ et noie l’information importante, et d’autre part par la voracité de certaines maisons d’édition qui multiplient à l’infini les revues en raison de leur rentabilité démesurée.

Il va de soi que les versions ‘papier’ (pour ceux qui souhaitent encore, et c’est bien compréhensible, feuilleter réellement et non virtuellement les revues, les lire dans leur fauteuil chez eux ou, en tout cas, garder un rapport physique au texte écrit) doivent rester payantes par le lecteur.

Enfin, le ‘peer reviewing’ rémunéré reste une pratique rare et c’est heureux: le désintéressement est un des piliers de l’objectivité en matière de contrôle de qualité. Il n’est donc nullement souhaitable de voir cette pratique se généraliser et les chercheurs eux-mêmes doivent s’en défendre.

« Un second point est celui de l’impact des grandes revues qui ne va pas s’effondrer tout seul, loin s’en faut. Tant au niveau belge (là, des solutions sont sans doute possible à moyen terme si l’on y met une énergie conséquente) qu’au niveau international, la carrière des chercheurs et la réputation des universités dépendent largement des publications dans ces “grandes” revues. Si demain, tous les chercheurs de l’ULg cessent de publier dans ces revues, certes l’ULg remplira sans doute mieux son rôle de service public, contribuera au développement du sud et participera à la promotion d’un modèle alternatif,… mais verra en même temps sa cote internationale baisser. Et tout arbitraire et injuste que cela soit, ça ne sera pas sans conséquences très pratiques et très lourdes. »

Effectivement, c’est là un souci souvent mis en avant par les chercheurs eux-mêmes.
En fait, ce n’est qu’un mauvais moment à passer ! Plusieurs stratégies mutuellement compatibles sont en train de se mettre en place et la victoire est inéluctable. Elle n’est retardée que par un snobisme savamment entretenu qui repose sur des décennies de tradition dans le domaine de la publication scientifique. La difficulté, dans l’être pré-électronique, de mesurer l’impact réel d’un article de recherche sur la communauté scientifique a obligé les évaluateurs à emprunter un raccourci plein d’effets pervers: mesurer l’impact de la revue qui publie l’article (indice d’impact = nombre de fois que la revue est citée/nombre d’articles dans la revue). Cet indice a été inventé au départ pour permettre l’évaluation des revues et constituent toujours un outil utile pour les éditeurs. Etendre cet indice d’impact-là à un article en particulier est forcément fallacieux et ce l’est encore plus d’étendre cette évaluation à celle de l’auteur !
Une meilleure appréciation de l’impact d’un article est d’en mesurer le nombre de citations (élogieuses ou dénigrantes, peu importe, on parle ici d’impact sur la communauté scientifique). Très malaisée au début, et terriblement biaisée, comme les indices d’impact des revues d’ailleurs, par le monde anglo-saxon, cette évaluation des citations s’est vue grandement facilitée ces derniers temps par l’avènement de l’électronique. On voit donc aujourd’hui pourquoi on peut mesurer approximativement, mais de manière plus fiable néanmoins, le nombre de citations d’un article dans la littérature scientifique.
Et l’on voit aussi immédiatement pourquoi les articles publiés en OA sur internet permettent une consultation immédiate du contexte où l’article original est cité. On peut donc aujourd’hui suivre la « carrière » d’un article qu’on a publié et son influence sur la pensée scientifique, au jour le jour.
Juger l’importance de la contribution d’un chercheur est également grandement facilité par ces techniques modernes.

Un phénomène nouveau se dessine. Qu’on aime ou non, les chercheurs aujourd’hui consultent plus volontiers la littérature qui les concerne sur l’internet que dans les bibliothèques. C’est un fait de plus en plus souvent remarqué. (Et je reste, bien sûr, conscient que ce phénomène s’observe surtout dans des domaines qui concernent les sciences dites exactes et les sciences de la vie, encore qu’on commence à me le signaler en sciences humaines également, seules les Lettres étant encore ‘épargnées’). Les articles cités commencent donc à être préférentiellement ceux qui sont publiés en OA et sur le Net. Cet effet ne va faire que progresser, par un phénomène d’auto-amplification simple à comprendre. Et c’est déjà une constatation: plusieurs journaux électroniques et plus particulièrement ceux qui publient en OA apparaissent aujourd’hui dans les tables d’indices d’impact et atteignent déjà des sommets inégalés. Alors, de deux choses l’une: soit les journaux électroniques en OA vont supplanter tout le reste en atteignant des valeurs astronomiques, soit le système de mesure de l’indice d’impact va disparaître, victime de son absurdité. Il a eu son temps et son intérêt, à condition d’être pris avec beaucoup de circonspection, il va devenir aujourd’hui obsolète et ne servira plus qu’à ce pourquoi il a été conçu: la mesure de l’impact des journaux, non des articles qu’ils contiennent et encore moins des auteurs.
Cet effet est spontané, lié à une plus grande facilité qu’ont les chercheurs de se référer à des sources facilement accessibles: la paresse naturelle prévaut toujours ! Mais il peut être également volontairement induit. J’en prends pour exemple la note de Jacques Dumont que j’ai reprise parmi les commentaires de mon article précédent, « Accès Libre »: les chercheurs commencent à réagir en citant préférentiellement les articles publiés en OA, afin d’accélérer délibérément le processus de promotion de ce moyen de communication scientifique largement ouvert.

« Alors, comme vous le dites, bien sûr, un rapport de force est à construire, mais cela suffira-t-il ? Des mesures législatives ne sont-elles pas nécessaires, de façon globale, notamment pour limiter l’inflation démesurée de la propriété intellectuelle, la dérive de modèle du droit d’auteur vers une conception strictement patrimoniale des droits sur les contenus, promouvoir des exceptions pédagogiques et scientifiques, etc. »

Tout-à-fait d’accord, bien que je ne sois pas un grand adepte du « tout légiférer ». Mais on assiste aujourd’hui à un grand éveil à la notion de propriété intellectuelle au sein des universités et l’ULg s’en préoccupe beaucoup. Peut-être est-ce la raison pour laquelle elle est en queue de peloton dans la problématique de la mise sur internet des thèses et mémoires, tant que la sécurité n’est pas assurée en matière de propriété intellectuelle, précisément. Mais il est incontestable que les exceptions pédagogiques et scientifiques doivent prévaloir.

Par ailleurs, dans le même esprit — celui qui consiste pour l’université à (re)gagner son indépendance vis-à-vis des pouvoirs économiques extérieurs –, ne serait-il pas souhaitable d’envisager de migrer l’informatique des universités vers des solutions libres ?

Très juste ! Et c’est bien ce qui est en train de se produire. Nous avançons dans cette voie, avec, bien sûr, la réticence compréhensible de nos chercheurs et de tout notre personnel. Mais il est clair que les logiciels libres font de plus en plus leur chemin dans nos ordinateurs et dans nos serveurs.

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Roberto Di Cosmo signale « qu’il ne faut pas sous-estimer l’énorme problème légal qui est constitué par la cession des droits d’auteur pour les publications en cours »

Effectivement, cette cession contrainte par les éditeurs n’existe encore qu’à cause d’une vieille tradition qui remonte à l’époque où les chercheurs ont confié à des professionnels, tout d’abord au sein des sociétés savantes, ensuite aux édteurs privés, la fonction d’éditer, de publier et de vendre leurs articles scientifiques. Le nouveau paradigme de l’OA fait disparaître cette nécessité et la rend même inacceptable dorénavant.

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Stevan Harnad, dont je salue au passage le travail considérable et mondialement connu en tant que spécialiste de la documentation, me reproche de faire la part trop belle « au chemin « doré » envers le libre accès (LA) qu’est la publication dans les revues LA. Selon lui, « le chemin le plus rapide et le plus sûr envers le LA à 100% c’est le chemin « vert » — l’autoarchivage par l’auteur, dans son dépôt institutionel — de 100% des articles [2,5 millions par année] publiés dans toutes les revues [24000] (qu’elles soient LA [10%] ou non-LA [90%]). »

Voilà une proposition forte, à laquelle on ne peut qu’adhérer. Pour le moment, il me semble que nous ayions encore des contraintes en termes de droits d’auteurs auxquels nous avons explicitement renoncé, mais si la recommandation A1 de la Commission européenne est d’application, alors nous aurons un nouveau moyen de rendre l’accès à l’ensemble de la production scientifique tout à fait ouvert. C’est évidemment un « forcing » bien nécessaire si on ne veut pas attendre la conversion des 90% des revues qui ne sont pas encore en OA, ce qui pourrait encore prendre des décennies. Ceci demande de la part des universités et centres de recherche, un effort particulier, mais pourquoi pas ?

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Simon Daron rompt lui aussi une lance en faveur des logiciels libres et il se demande pourquoi « vous ne parlez pas par exemple des licences “publiques” (open content, creative commons, gpl, …).

Tout simplement parce que je ne puis ici couvrir l’entièreté de la question…!
Je vous reporte pour cela au près des spécialistes ! Mon intention n’était que d’attirer l’attention, en particulier de mon université, sur la problématique du coût des publications et de la voie de l’OA.

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Nicolas Pettiaux plaide « pour que ceci soit aussi développé plus largement dans le cadre de l’enseignement, pour développer des contenus libres de qualité (sous licences libres) » et je ne puis qu’être bien d’accord avec lui.

Le paradoxe

L’accès libre à l’information scientifique est l’un des enjeux les plus fondamentaux de la société de l’information telle que la façonnent les progrès de la science et des technologies, ainsi que de la communauté scientifique globale.

Toutefois, aujourd’hui, le monde de la recherche se trouve dans une situation pour le moins paradoxale:
- La plus grande partie de la recherche scientifique de haut niveau est financée par des établissements publics ou philanthropiques.
- Les chercheurs rendent compte de leurs résultats dans des articles qu’ils offrent gratuitement aux journaux scientifiques afin de faire connaître leurs travaux, de se faire connaître eux-mêmes et de parfaire leur curriculum vitæ. Pour ce faire, ils renoncent explicitement à leurs droits d’auteurs et donc à la propriété intellectuelle qui est la leur et celle de l’institution où ils travaillent.
- Ces mêmes auteurs assurent également la qualité des articles publiés par d’autres dans ces journaux en lisant et critiquant les articles soumis par leurs pairs.
- Ils achètent, quelquefois à prix d’or, les journaux en question pour y lire les articles de leurs pairs.
- Malgré ce travail énorme de production et d’assurance de qualité, les chercheurs ont perdu tout contrôle sur ce processus pourtant si intimement lié à leurs intérêts primordiaux, un processus qui ne pourrait exister sans eux à aucun niveau (production, contrôle de qualité, lecture). Le prix de vente des abonnements à la plupart des journaux scientifiques est extrêmement élevé, et ne cesse de grimper toujours plus haut, les rendant petit à petit inaccessibles aux scientifiques du monde entier.

L’information scientifique se trouve donc devant un fossé financier irrationnel, artificiel et de plus en plus infranchissable et devant cet extraordinaire paradoxe qui est qu’ils font tout, de la production à la consommation, et qu’ils paient à tous les niveaux. Et ils tirent de cette arnaque une telle fierté, une telle satisfaction d’ego, qu’ils se font piéger avec consentement, paient leurs frais de recherche, paient leur frais de publication de plus en plus souvent et de plus en plus cher, font le reviewing gratuitement et achètent les revues. En outre, de nos jours, on exige d’eux de fournir leurs manuscrits « camera ready », dégageant les éditeurs du travail typographique. Les efforts que font les institution de recherche pour acheter les revues (2,5 millions d’euro dans une université comme la nôtre) escamotent aux yeux des chercheurs une partie du coût réel de ce paradoxe et contribuent sans doute ainsi à la soumission générale, mais le paradoxe est quand même bien réel.

Le paradigme

Sans prétendre être la panacée, et sans vouloir nuire aux éditeurs honnêtes — ceux qui n’ont pas perdu le sens moral et savent se contenter d’un profit légitime et raisonnable — le mouvement pour les journaux en libre accès et les archives libres offre des approches pratiques qui permettent à l’information scientifique d’être librement accessible dans le monde entier, en accord avec les conceptions les plus nobles des scientifiques.
Le Libre Accès conduit, dans les pays industrialisés, à des économies considérables dont on a un besoin urgent pour maintenir un niveau raisonnable au financement de la recherche.
Le Libre Accès accorde aux pays en voie de développement et en transition un accès gratuit à la connaissance scientifique, ce qui constitue une condition absolue et fondamentale pour l’établissement d’un système éducatif efficace, et pour fournir la base d’un développement intellectuel et économique durable. Il aiderait également les pays émergents à constituer leurs propres journaux scientifiques. Seule l’inertie historique maintient la situation actuelle.

La guerre est déclarée

La «Déclaration de Berlin sur le Libre Accès à la Connaissance en Sciences exactes, Sciences de la vie, Sciences humaines et sociales», signée le 22 Octobre 2003 par les agences allemandes et françaises de recherche est vraiment une étape majeure en faveur du Libre Accès qui a véritablement déclenché un changement de paradigme partout dans le monde, en ce qui concerne l’édition scientifique. De nombreuses agences de recherches dans divers autres pays ont, depuis, signé cette déclaration. Il se dessine donc une nouvelle dynamique vers le Libre Accès, reconnue dans la déclaration de principe qui dit ceci:
«Nous nous efforçons de promouvoir un accès universel, avec égalité des chances pour tous aux connaissances scientifiques ainsi que la création et la vulgarisation des informations scientifiques et techniques, y compris les initiatives favorisant l’accès libre aux publications scientifiques».
En fait, il s’agit bien, pour les chercheurs et quel que soit leur domaine de recherche, de reprendre en mains un processus qui leur a malencontreusement échappé.

Il faut que chacun comprenne bien la lutte sans merci que nous avons décidé de mener contre des procédés commerciaux inacceptables qui se pratiquent à nos dépens et que nous ne pouvons plus tolérer.
En allant aussi loin, les « éditeurs prédateurs » ont poussé à bout les responsables des bibliothèques et de tous les outils de documentation, leur ont donné la rage de réagir violemment et de combattre. Cette colère atteint aujourd’hui les chercheurs qui, bien qu’au centre du débat, l’ignoraient jusqu’ici largement, puisque rarement au courant de la réalité de la flambée des prix par ce processus insidieux de dissociation des tâches que je mentionnais plus haut.
En outre, ils ont permis la démonstration que, plus qu’une solution de défense, la publication en accès libre est un véritable progrès technique et fonctionnel et qu’il n’y aura pas de retour en arrière.

La guerre est déclarée. Elle se combattra par beaucoup de moyens, mais puisqu’il s’agit d’un Goliath contre une multitude de petits David, ceux-ci doivent s’unir et utiliser les avancées technologiques à leur disposition pour se battre.
De toute évidence, la guerre implique un blocus, un boycott complet des éditeurs sans scrupules, tant à l’achat, donc la lecture, qu’à la production, donc la publication, en passant par l’assurance de qualité du produit, donc le reviewing. Il faut que les chercheurs comprennent bien cela: ce sont eux qui sont pris au piège, pas les bibliothécaires. Et ce sont justement eux qui ont les armes, mais il faut qu’ils s’en servent !

Alors, commençons aujourd’hui, en bons scientifiques, par analyser froidement la situation et examinons les pistes qui s’offrent à nous.

Qu’est-ce qui importe ?

L’objectif de la publication est que le chercheur puisse relater ses travaux de telle manière que le plus grand nombre possible d’autres chercheurs puissent en prendre connaissance. Si l’accès à cette publication est peu coûteux, rapide et si la diffusion en est large, le chercheur a atteint son véritable but. L’Internet permet un accès gratuit, immédiat et universel, il constitue donc le moyen idéal de diffuser les informations scientifiques.

Dans la déclaration de l’IFLA (International Federation of Library Associations and Institutions; http://www.ifla.org/) sur l’Accès libre à la littérature scientifique et à la documentation de recherche, on trouve : L’accès libre garantit l’intégrité du système de communication scientifique en assurant que toute recherche et connaissance est disponible à perpétuité pour un examen illimité et, si nécessaire, pour un développement ou une réfutation.

On peut penser qu’un tel mode de diffusion a déclenché aussitôt un grand enthousiasme dans le monde scientifique, mais ce n’est pas encore vraiment le cas, bien que les choses évoluent vite.

Quels sont les freins à la généralisation de ce système ?

1. La pérennité de mes publications est-elle assurée ?
2. Trouverai-je un journal électronique dans lequel cadreront mes recherches ?
3. Comment la qualité scientifique du contenu de mes publications sera-t-elle contrôlée ?
4. Comment assurerai-je un bon niveau de facteur d’impact si je ne publie plus dans des revues cotées ?

Les réponses à ces inquiétudes sont simples:

1. Techniquement, la stabilité des contenus n’est pas plus précaire parce qu’elle est électronique. Il ne s’agit que de reproduire suffisamment de versions de l’original pour éviter toute perte définitive, de transposer les contenus sur de nouveaux supports lorsque les standards évoluent et de conserver des tirages papier dans des bibliothèques, si l’on croit plus à la pérennité du papier qu’à celle des supports électroniques. Beaucoup d’universités, comme la nôtre, envisagent d’entreposer une version électronique et une version papier des toutes les publications de ses chercheurs.

2. Les « journaux » électroniques sont aujourd’hui toujours plus nombreux. Dans le Directory of Open Access Journals, 2235 journaux sont répertoriés (une soixantaine il y a quatre ans) et leur table des matières et souvent les résumés d’articles sont accessibles. Parmi eux, 638 journaux permettent la lecture complète des articles, actuellement, 97.820 articles sont disponibles (http://www.doaj.org/)

3. Le peer reviewing est lié à la volonté des chercheurs de garantir la qualité de leurs publications. On peut aussi bien soumettre à l’avis des pairs une publication électronique qu’une publication traditionnelle.

4. La mesure de l’impact d’un article électronique est bien plus précise (l’impact peut être celui de l’article lui-même et non celui de la revue qui le publie) et plus immédiate que la mesure d’impact devenue classique. Par ailleurs, l’impact véritable, c’est-à-dire le nombre de ses lecteurs, est bien plus grand avec ce type de diffusion par internet et, partant, les opportunités d’être cité par ses pairs sont beaucoup plus grandes. Ainsi, un article publié cette semaine (électroniquement!) par Gunther Eysenbach (« Citation Advantage of Open Access Articles ») expose clairement les atouts de la publication électronique en accès libre : http://biology.plosjournals.org/perlserv/?request=get-document&doi=10%2E1371%2Fjournal%2Epbio%2E0040157#AFF1/. La revue édite par ailleurs un commentaire sur cet article : http://biology.plosjournals.org/perlserv/?request=get-document&doi=10.1371/journal.pbio.0040157/ Il en ressort que les articles en accès libre sont plus rapidement lus et cités, démontrant bien la thèse que nous défendons depuis plusieurs années et qui affirme que la publication en libre accès favorise et accélère la diffusion des connaissances, le dialogue entre les chercheurs et qu’elle devrait donc se généraliser le plus rapidement possible.

Pour cela, il importe que les jurys et commissions qui sont appelés à juger de la qualité scientifique d’un chercheur ou d’une équipe de chercheurs accordent tout le crédit qu’elles méritent à ces publications.

La recherche universitaire, service public

Un dernier élément entre en compte : les recherches réalisées avec des deniers publics ne doivent-elles pas être rendues accessibles à tous ?

Les Etats Unis d’Amérique viennent de franchir ce pas, par l’adoption du Federal Research Public Access Act qui exige de toute agence fédérale dont le budget dépasse 100 millions de dollars qu’elle mette en œuvre une politique d’accès libre assurant la mise sur Internet de tout article résultant d’une recherche subventionnée par cette agence au plus tard six mois après sa publication. L’agence doit obtenir de chaque chercheur qu’il dépose une version électronique de son article accepté pour publication dans un journal revu par des pairs. Elle doit assurer la préservation durable du manuscrit sous forme électronique et son accès permanent, libre et gratuit pour tous.
http://cornyn.senate.gov/index.asp?f=record&lid=1&rid=237171/.

La Communauté européenne se penche actuellement sur l’identification d’un moyen d’arriver au même objectif : rendre au public ce qui a été obtenu avec des deniers publics.
http://europa.eu.int/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/06/414/.

Enfin, quand on considère bien tous les éléments positifs de la publication en libre accès (rapidité, efficacité, universalité du lectorat potentiel, référence rapide par lien électronique, utilisation de techniques inapplicables à la publication sur papier telles que les animations, les films, etc; connaissance permanente des documents où nos propres travaux sont cités), on comprend que la voie est tracée, que le mouvement est irréversible et que désormais, les scientifiques vont se tourner vers ce nouveau mode de publication. Un nouveau paradigme est né, et avec lui une nouvelle ère de la recherche scientifique.

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