mars 2008


Cette semaine, lors de la réunion de l’EUA à Barcelone où étaient rassemblés 350 recteurs d’universités, les étudiants catalans se sont manifestés et nous ont octroyé deux heures de palabres dignes de la meilleure époque de la contestation universitaire de ’68, et une séquestration dans les bâtiments universitaires.
Si l’ambiance et le ton y étaient, si on se croyait, qu’on le veuille ou non, revenus à l’époque tout à la fois bruyante, brûlante et joyeuse d’il y a (déjà!) quarante ans, le sujet était moins glorieux. En effet, la revendication ici portait sur l’abolition du processus de Bologne, non seulement symbole, mais mise en œuvre à leur yeux de la décadence universitaire par la marchandisation et la mondialisation de l’enseignement.
Il n’est pas toujours facile — sans doute pas plus qu’il y a quarante ans pour les recteurs de l’époque — de suivre la rhétorique des représentants étudiants qui semblent débobiner par cœur leurs slogans bien plus qu’ils ne donnent réellement l’impression d’y croire.
Evidemment, il n’est pas simple de suivre les propos énoncés par des étudiants dont l’idéal est de n’apprendre ni l’anglais, ni le français, ni aucune autre langue, et qui portent sur la gratuité des études, le droit universel à la réussite et le refus systématique de la mobilité et de l’internationalisation, symbole selon eux de la globalisation perverse des universités et de l’élitisme financier.
Si on pouvait se retrouver dans l’atmosphère (qui m’a paru cependant plus grave et désabusée mais peut-être n’est-ce qu’un effet d’optique dû au temps qui passe), on ne pouvait se reconnaître dans les idéaux ni dans la nature même du combat et de la revendication.
Sommes-nous devenus comme les bourgeois de Brel, ou les enjeux ont-ils réellement changé ?

Dans la communauté universitaire internationale, la manière traditionnelle d’honorer des hommes et des femmes qui ont rendu d’éminents services à la Société ainsi qu’au développement de la Science consiste à leur conférer le titre de Docteur honoris causa.
C’est ainsi qu’aujourd’hui, nous recevons dix personnalités remarquables et que nous sommes heureux et fiers de leur présence parmi nous.
Tous sont des savants reconnus dans leur domaine et l’un d’entre eux, en particulier, a su mettre son intelligence au service de la mise en place d’un processus de démocratisation dans son pays. De tout temps, les intellectuels, et les universités en particulier, ont contribué à l’évolution positive des systèmes politiques vers un plus grand respect des droits fondamentaux de chacun. Notre institution est fière d’avoir pu contribuer, par l’implication de certains de ses membres et leur collaboration avec l’homme que nous honorons aujourd’hui, à la réflexion et à l’action dans ce processus.

Dans le monde universitaire, en recherche comme en enseignement, chacun d’entre nous se doit de se mesurer à ses pairs, non seulement au sein de sa propre institution, mais également et surtout dans le monde entier.
La caractéristique des universitaires, quel que soit leur rang et le corps auquel ils appartiennent, c’est de contribuer, chacun selon ses moyens, à la recherche, donc à l’avancement du savoir et au progrès de l’humanité. La caractéristique d’une bonne recherche, c’est qu’elle ne peut se restreindre à un seul individu. Elle doit être partagée, parfois lors de son accomplissement même, toujours en vue de sa diffusion et de sa mise à la disposition de tous. C’est pour cette raison que l’Université de Liège s’est jointe au mouvement du libre accès aux résultats de la recherche menée au moyen de financements publics, et qu’elle a pris un rôle de leader mondial dans la constitution par les universités de bibliothèques virtuelles où sont systématiquement déposées les publications des chercheurs qui sont alors mises à disposition de la communauté scientifique.

Une bonne recherche doit aussi se confronter aux idées et aux découvertes des autres, où qu’ils soient sur la planète. Les rencontres entre chercheurs sont importantes, l’échange des points de vue est essentiel, la rencontre d’autres modes de pensée est indispensable. C’est pour cela que, quelle que soit leur qualité, les chercheurs doivent être mobiles et, par dessus tout, outre cette mobilité tout au long de leur carrière, ils doivent avoir travaillé dans des endroits différents et affûté leurs talents ailleurs. C’est une pratique très ancienne dans tous les métiers d’artisanat, c’est une tradition de toujours dans le monde des universités, aussi loin qu’on remonte dans le temps.

Dans notre université, nous tenons depuis longtemps à ce que nos chercheurs fassent l’expérience de cet exil volontaire et formateur et qu’ils en reviennent enrichis dans leur capacité à envisager les questions, dans leur manière d’affronter les difficultés, et particulièrement dans leur aptitude à relativiser l’importance des problèmes qui se posent à eux.
Récemment, notre Conseil d’Administration a décidé de suivre ma proposition et d’imposer un séjour de longue durée comme préalable à toute nomination à un poste permanent en tant que scientifique ou qu’académique à l’Université de Liège. C’est une exigence parfois difficile à remplir, et elle devient objectivement de plus en plus difficile plus on prend de l’âge et plus, pour de nombreuses raisons, on s’enracine.

C’est pourquoi nous encourageons tous les jeunes qui envisagent une carrière de chercheur à partir dans de bonnes universités, dans de bons centres de recherche, ailleurs dans le monde, et pas nécessairement très loin. Le Conseil d’administration a dû prendre et notifier cette décision car, même si une certaine pression était exercée en vertu d’un principe non écrit, les exceptions restaient plus nombreuses que la conformation à la règle. Il est important aujourd’hui de le faire clairement savoir aux jeunes, sans ambiguïté. Il est important que les règles soient claires dès le départ et que nul n’aborde la carrière de recherche en ignorant ou feignant d’ignorer cette exigence.
Il est aussi important que, si nos chercheurs assument ce départ du nid, ils puissent aussi y revenir. Leur formation, de leur enfance à l’âge adulte, s’est faite ici, grâce aux deniers publics. S’il est normal — et favorable à notre rayonnement — que tous ne reviennent pas, beaucoup doivent cependant pouvoir le faire et il faut pour cela que nous soyons suffisamment attractifs pour rester compétitifs sur le marché de l’emploi en recherche. Il faut pour cela que rentrer au bercail ne signifie pas un renoncement mais une opportunité réelle.

Heureusement, aujourd’hui, si le financement de la recherche n’en est pas encore au niveau où il devrait être (on est encore loin des 3 % du PIB exigés par les accords de Lisbonne), les choses s’améliorent néanmoins très sensiblement et il nous est maintenant enfin possible de réserver sur nos budgets des fonds de retour et des fonds d’installation pour les chercheurs venus de l’étranger ou revenus de l’étranger. Ces incitants sont un instrument précieux dans la lutte contre le brain drain et en faveur du brain gain.
Nos invités d’aujourd’hui sont tous ici en raison de ce principe de mobilité et d’internationalisation. Tous ont eu des contacts, des relations, des collaborations actives avec notre université à un moment ou un autre. La cérémonie à laquelle vous allez assister symbolise cette internationale de la recherche, cette universalité des chercheurs.

Honorer ses pairs, ce n’est pas se glorifier soi-même ni s’enorgueillir de ses relations, c’est en réalité se donner des défis à soi-même par l’exemple de ceux qu’on honore, c’est regarder attentivement ce que font les autres et se donner des impératifs de qualité à atteindre dans son propre métier.
C’est aussi savoir reconnaître la valeur des plus grands et la faire connaître à chacun autour de soi, à ceux qu’il est convenu d’appeler « le grand public ». Dans une université complète, chaque chercheur est, pour les autres chercheurs et comme tout un chacun, le grand public. La révélation de ce qu’ont accompli des personnalités d’envergure dans d’autres domaines que le sien est pour chaque universitaire, comme pour le grand public, une découverte nouvelle et passionnante.

Cette découverte, pour brève qu’elle soit, est le plaisir que je vous souhaite à tous, ici dans cette salle, où je vous remercie d’être venus pour partager avec nous ce moment privilégié.

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L’Université de Liège a décerné, le jeudi 20 mars 2008, sa plus haute distinction honorifique, les insignes de docteur honoris causa, à:

Sur proposition de la faculté de Droit
M. l’Abbé Apollinaire Muholongu MALU MALU, ancien président de la Commission électorale indépendante de la RD du Congo, président de la Conférence de Goma

Sur proposition de la faculté des Sciences
M. Jean-Pierre HANSEN, University of Cambridge
Mme Suying LIU, Changchun Institute of Applied Chemistry

Sur proposition de la faculté de Médecine
M. John Douglas PICKARD, University of Cambridge
M. Magdi YACOUB, Imperial College London

Sur proposition de la faculté des Sciences appliqués
M. Dan FRANGOPOL, Lehigh University
M. Noboru KIKUCHI, University of Michigan

Sur proposition de la faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education
M. Martin CONWAY
Conjointement avec l’Ecole de Criminologie Jean Constant,
M. Marc LE BLANC, Université de Montréal

Sur proposition de HEC-Ecole de Gestion
M. Egon BALAS, Carnegie Mellon University
M. Geert HOFSTEDE, Maastricht University

Un nouveau site institutionnel
Lundi dernier, nous « basculions » le site internet de l’ULg dans sa nouvelle configuration.
C’était enfin l’arrivée d’un nouveau design plus moderne et plus professionnel, d’une nouvelle structure pensée en fonction de l’utilisateur et non plus en fonction de l’organisation interne de l’Institution.
Ne jetons la pierre à personne. L’ancienne structure était le reflet de la manière dont les choses se sont mises en place dès la naissance de l’Internet, chaque entité se présentant dès qu’elle en a eu la possibilité.
Aujourd’hui, lorsqu’on arrive sur le site, il existe deux principales possibilités d’aller plus loin: par thèmes ou en fonction du profil du visiteur. On bénéficie donc d’une double navigation.
L’élaboration du nouveau site a nécessité un effort considérable: 2.000 nouvelles pages, 6.000 nouveaux documents. Que toutes les équipes qui ont mis les bouchées doubles pour respecter les délais soient remerciées, le travail est impressionnant, le résultat est formidable.

Une extraordinaire ressource pour les étudiants
Le principe déjà en fonction de « myULg » trouve dans ce nouveau site un épanouissement et des fonctionnalités sans précédent. Il est très utile pour le personnel de l’université mais surtout pour les étudiants, qui bénéficieront du système le plus avancé et le plus complet en Communauté Française et parmi les plus performants d’Europe. Je sais, ça fait très « cocorico » mais c’est néanmoins la réalité. On nous reproche souvent d’être tellement modestes qu’on finit par laisser passer inaperçues nos spécificités: je romprai cette fois avec cette habitude.
Le système permet à la fois une gestion, par l’Administration et les Facultés, du parcours de chaque étudiant mais également une communication permanente entre tous les acteurs de la formation: étudiants, administration et encadrants.
En fait, myULg offre la possibilité d’une gestion de toute la “vie universitaire” de l’étudiant, de l’admission au diplôme. Hormis sa première inscription, toutes les formalités administratives peuvent se faire en self-service via le portail myULg

myULg est une « e-administration » en self-service
L’étudiant peut effectuer des formalités administratives anticipées (pré-inscriptions, admissions) et ceci est particulièrement utile pour les étudiants étrangers qui s’apprêtent à venir chez nous en séjour Erasmus.
Il peut choisir, « en ligne », des cours et des options pour l’année entière.
Il peut prendre connaissance de ses résultats à tout moment en cours d’année, choisir les examens qu’il souhaite présenter à nouveau, consulter son bulletin de notes, s’inscrire pour l’année suivante s’il a réussi ou à la seconde session s’il a échoué, effectuer le paiement en ligne via le service Ogone (VISA, online banking, …)

Fort bien, mais les étudiants utilisent-ils myULg?
En 2007, 61.317.673 pages de myULg ont été vues, soit 168.000 pages par jour. myULg a reçu 3.868.344 visites, soit 10.600 visites par jour. myULg a eu 16.232 visiteurs distincts, 5 terabytes ont été téléchargés, une énorme augmentation par rapport à l’année précédente, ce qui indique que de plus en plus de matériel y est consultable. Les étudiants adoptent le système (90% l’utilisent régulièrement), les encadrants aussi.
Et on peut rétorquer à ceux qui nous reprocheraient d’entrer résolument dans l’ère de l’électronique sans nous soucier des moyens financiers que cela implique pour l’étudiant, que 47 salles et 650 ordinateurs sont mis gracieusement à leur disposition.

Podcast et Streaming
Dans le même esprit, nous nous préparons activement à la mise en œuvre de deux technologies relativement récentes: le podcast et le streaming.
Certains cours vont pouvoir être enregistrés en audio, voire en audio & vidéo pour être ensuite diffusés aux étudiants inscrits à ces cours. Ils les trouveront sur leur myULg personnel et pourront le décharger sur leur ordinateur et éventuellement, s’ils en ont un, sur leur iPod ou autre baladeur MPEG4, ou sur baladeurs MPEG3 pour le son seul.
Plutôt qu’un incitant à l’absentéisme, il s’agit d’un véritable outil de remédiation (comme l’expérience américaine le démontre) : l’étudiant pourra revoir un passage mal compris autant de fois qu’il le souhaite, mais également des animations, des films projetés par le professeur au cours ainsi que les expériences et démonstrations effectuées au cours.
Cet outil sera entièrement automatisé et intégré aux systèmes de gestion des cours et des étudiants, sous contrôle simple par l’enseignant. Les premiers tests sont en cours actuellement et la mise en production est prévue pour 2008-2009.
Bien évidemment, cet outil sera à la disposition des enseignants qui désireront l’utiliser, mais on peut prévoir une certaine pression bottom-up de la part des étudiants…!

Contrôle anti-plagiat
Nous allons prochainement mettre en service un système de recherche de plagiat de sources disponibles sur Internet qui s’appliquera aux thèses de doctorat, aux travaux de fin d’études, aux rapports d’études, etc. Ce système sera bientôt disponible (juin 2008, après la période de test en cours) au travers de myULg pour l’ensemble des enseignants. Je me suis expliqué précédemment sur cette nécessité de plus en plus inévitable de décourager le plagiat et la fraude en général, mais aussi de veiller à prévenir ce fléau par l’éducation.

Une infrastructure d’avant-garde
L’ULg s’est dotée d’une infrastructure informatique exceptionnelle qui la place en tête des universités européennes: un backbone (ossature) en fibres optiques permettant un débit de 10 Gbps (gigabits par seconde) couvrant le Sart Tilman et le bâtiment central, des liaisons à très haute vitesse avec notre campus d’Arlon, le campus Saint Gilles de HEC-Ecole de Gestion de l’ULg, et un relais performant via Belnet avec notre partenaire de l’Académie Wallonie-Europe: la Faculté d’Agronomie de Gembloux.
Nous disposons de 20.000 points de connexion, de 800 bornes WiFi couvrant 100% des surfaces universitaires avec des doses d’émissions inférieures , même à proximité, à 1/60è des valeurs minimum recommandées par les normes européennes et belges.

Enfin, nous sommes la première université en Communauté française à avoir réalisé la transition complète de notre téléphonie sur IP il y a un an déjà, ce qui nous ouvre l’accès aux nouveaux canaux de communication : Skype, visiophonie, etc.

Ceci représente l’effort intensif de très nombreuses personnes dans les diverses administrations, AEE, ARI, ARH, ARF, ARD, Relations extérieures et, last but not least, le SEGI qui s’est réellement surpassé !
Que chacun trouve ici les remerciements qu’il mérite et un encouragement à toujours améliorer et perfectionner les services offerts par l’ULg à son personnel et à ses étudiants.