janvier 2008


En lançant la pétition pour le sauvetage de la recherche belge, je pensais que nous aurions le soutien d’une proportion raisonnable de chercheurs dont la plupart auraient fait partie de groupes de recherches ayant bénéficié des moyens accordés par l’Etat Fédéral belge dans le cadre des Pôles d’Attraction Interuniversitaires, ainsi que de chercheurs des Etablissements Scientifiques Fédéraux. J’espérais ainsi pouvoir récolter un bon millier de signatures, ce qui aurait été un message significatif à transmettre au Premier Ministre afin d’attirer son attention sur le danger de mettre à mal la politique scientifique fédérale. Je savais également que je risquais de ne susciter que l’émotion des francophones, plusieurs responsables politiques flamands s’étant clairement prononcés à plusieurs reprises pour un transfert de la compétence de recherche vers les Communautés et Régions.

Aussi est-ce avec étonnement que je constate aujourd’hui que plus de 7.000 signatures ont été déposées sur la liste. La majorité d’entre elles émanent d’universitaires belges (70%) et parmi elles, 80% sont francophones. Toutefois, on constate une montée en puissance des signataires flamands: 3% vendredi, 8% lundi, 14% mardi et 20% aujourd’hui. Mon inquiétude de voir les chercheurs belges se cliver en francophones favorables et néerlandophones défavorables à notre action s’estompe donc, la participation flamande ayant pris du retard mais progressant fort rapidement maintenant. Certes, mon collègue président du VLIR et moi-même avons reçu des messages très hostiles, voire même très rudes, de la part de personnalités académiques et scientifiques flamandes, mais ceci reste anecdotique, même si le calibre de ces personnalités est parfois fort impressionnant. Mais il est soulageant de voir que la croissance des adhésions flamandes ressemble fort à la première vague, avec une semaine d’écart. L’intérêt d’une recherche conjointe prend le pas sur la tentation égoïste (et peu scientifique) de faire régionaliser les fonds sur base d’une clé de répartition plus déséquilibrée en raison de critères discutables.

Autre nouveauté cette semaine: l’afflux des signatures venant de l’étranger, souvent de chercheurs qui ont activement participé en tant qu’experts internationaux à la sélection des projets de PAI. Voici un extrait significatif, parmi bien d’autres: « As an external reviewer, I have been able to appreciate the extremely high quality of the research carried out under one of the IAP programmes. The programme brought together several laboratories from all Belgian regions and attracted several international partners, resulting in important results that would not have been achieved by any single partner. Losing this type of collaborative grant would be a terrible loss for Belgium ».
Merci à nos collègues de tous les pays du monde d’exhorter nos dirigeants à reprendre leurs sens. Leur témoignage et leurs encouragements sont notre argument le plus solide.

La pétition restera active jusqu’au début de la semaine prochaine, puis elle sera remise au Premier Ministre. Elle est ouverte à tous ceux qui pensent que tout programme qui encourage une recherche collaborative entre équipes performantes et compétentes doit être maintenu, voire amplifié, et à tous ceux qui comprennent que ce n’est pas parce qu’il existe des incitants européens à la collaboration internationale et à la création de réseaux qu’un effort comparable ne doit pas être maintenu dans notre pays.

En recherche, la rétraction sur soi est une mauvaise politique.

Ce vendredi, au Conseil de l’European University Association (EUA), nous avons adopté à l’unanimité le rapport d’une commission sur la publication en accès libre et, tout particulièrement, la recommandation de créer des dépôts institutionnels dans chaque université.

Le but et de donner ainsi à chaque université européenne la pleine possession du résultat des recherches effectuées en son sein et la possibilité de constituer une archive complète de tous les écrits produits chez elle, voire même de toutes les données.
C’est un premier point essentiel, il est suivi d’un deuxième: placer ces publications en accès libre dès que c’est légalement possible et, en attendant, rendre accessible sur demande la copie pdf du dernier manuscrit d’auteur.

Vous aurez reconnu la politique que défend EurOpenScolar (EOS) qui tente de rassembler toutes les universités européennes sur ces objectifs.

Nous sommes ravis d’avoir pu soutenir à l’EUA ces propositions et d’avoir contribué à leur adoption unanime.
Après le progrès considérable des NIH au Sénat américain, voici que, malgré les atermoiements du Parlement Européen, les universités européennes se concertent et trouvent le consensus. On avance !

Les principales propositions sont les suivantes:

A. Recommendations for University Leadership

The basic approach… should be the creation of an institutional
repository. These repositories should be established and managed
according to current best practices (following recommendations
and guidelines from DRIVER and similar projects) complying with the
OAI-PMH protocol and allowing inter-operability and future networking
for wider usage….

University institutional policies should require that their
researchers deposit (self-archive) their scientific publications
in their institutional repository upon acceptance for publication.
Permissible embargoes should apply only to the date of open access
provision and not the date of deposit. Such policies would be in
compliance with evolving policies of research funding agencies at
the national and European level such as the ERC.

B. Recommendations for National Rectors’ Conferences

All National Rectors’ Conferences should work with national research
funding agencies and governments in their countries to implement
the requirement for self-archiving of research publications
in institutional repositories and other appropriate open access
repositories according to best practice models of the ERC and existing
national research funding agencies operating open access mandates…

C. Recommendations for the European University Association

EUA should continue to contribute actively to the policy dialogue on
Open Access at the European level with a view to a self-archiving
mandate for all research results arising from EU research
programme/project funding, hence in support of and building upon
the ERC position and other international initiatives such as that
of the US National Institutes of Health (NIH).

Le site de la pétition pour les PAI dont je vous parlais dans le billet précédent est ouvert.
Merci de signer et d’alerter tous vos collègues et connaissances.
Voir aussi le site des services de la Politique Fédérale belge.

Le 21 janvier 2008.

Monsieur Guy Verhofstadt,
Premier Ministre de Belgique

Monsieur le Premier Ministre,

Dans la note sur la réforme des institutions que vous avez récemment proposée au Roi, on peut lire que vous vous interrogez sur le transfert aux régions et/ou communautés de certains leviers socio-économiques, dont, en particulier, la politique scientifique. Vous évoquez également la suppression graduelle du financement fédéral des domaines qui relèvent, sur le fond, des compétences des communautés et des régions et, à cet égard, vous pensez aux pôles d’attraction interuniversitaires (PAI).

S’il est bien une mesure à laquelle tous les chercheurs belges, néerlandophones comme francophones, sont profondément attachés, ce sont les PAI. En effet, ces programmes apportent à la recherche belge un véritable ballon d’oxygène sur le plan financier, mais, mieux encore, ils incitent à la collaboration entre les équipes de recherche du nord et du sud du pays. En effet, à une époque où chacun réalise l’importance des programmes collaboratifs de recherche, à une époque où se développent les programmes interuniversitaires transfrontaliers eurégionaux et les grands programmes européens, la collaboration entre les chercheurs belges eux-mêmes, par-delà la frontière linguistique, apparaît comme une évidence. Enfin, notre pays profite beaucoup de ces collaborations en termes d’image internationale, en particulier dans les domaines où la masse critique se montre essentielle.

C’est à vous que ces éloges rendent hommage, Monsieur le Premier Ministre, puisque c’est vous-même qui fûtes à l’origine des PAI il y a vingt ans, vous les avez personnellement conçus, défendus et mis en application. Une cérémonie prestigieuse à laquelle de très nombreux chercheurs belges ont participé rappelait, il y a quelques semaines, l’importance de cette initiative et de sa pérennité. Venant de quiconque d’autre que vous, la proposition de sa suppression aurait bien moins de crédibilité et donc de poids.

Notre souci s’étend aux établissements scientifiques fédéraux dont la crédibilité internationale est directement proportionnelle à leur ampleur. L’idée de les diviser en deux rappelle désagréablement les aberrations commises par les actions simplistes et néfastes perpétrées à la fin des années soixante au nom d’un séparatisme aveugle. Si la recherche n’a pas de frontières nationales ou continentales, elle en a encore moins de linguistiques.

Nous tenons à vous exprimer l’inquiétude du monde de la recherche en Belgique et vous demandons instamment de revoir votre position sur ce sujet, avant que votre gouvernement — ou celui qui le suivra — ne mette la mesure de suppression à exécution.

Avec l’espoir que cette requête trouvera toute votre attention, recevez, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de nos sentiments les meilleurs.

Les membres de la communauté scientifique belge

Cette lettre constitue le texte de la pétition qui pourra très prochainement être signée électroniquement sur un nouveau site créé à cet effet et dont je communiquerai très largement l’adresse dès qu’elle sera opérationnelle. Merci d’avance de vous joindre à moi pour la signer.

Nouveaux commentaires à propos du billet sur les méthodes d’enseignement.

Les Etats-Unis viennent de franchir un pas important avec la signature présidentielle de l’Omnibus Appropriations Bill, une loi qui comprend une obligation de rendre publics et en accès libre les résultats des recherches financées en tout ou en partie par les National Institutes of Health (NIH).
Ceci modifie la politique en vigueur aux NIH depuis 2005 en rendant obligatoire une mesure jusqu’ici optionnelle.
Le dépôt obligatoire se fera dans les archives en ligne de la National Library of Medicine: PubMed Central et les articles seront accessibles dans leur intégralité, au plus tard 12 mois après la publication dans un journal.

Pour plus d’informations et commentaires:
SPARC Open Access Newsletter
American Scientist Open Access Forum
taxpayeraccess.org

C’est un progrès majeur qui ne doit pas faire oublier le but essentiel de l’action des défenseurs du principe de l’Open Access: la création, dans chaque université, d’un dépôt institutionnel obligatoire. En effet, seule une petite proportion des recherches universitaires aux USA sont financées par les NIH et cette proportion est infime dans les autres pays.
C’est aussi un progrès qui doit inspirer tous les bailleurs de fonds publics pour la recherche. Sans créer leur propre dépôt, ils doivent exiger des chercheurs qui reçoivent des fonds publics le placement de leurs articles en dépôt institutionnel consultable.

On ne peut qu’espérer que l’Europe se joigne à ce mouvement. Ce n’est malheureusement pas avec des prises de position aussi timorées que celle du Conseil de l’Europe. En février dernier, la Commission Européenne, alertée par de nombreux promoteurs de l’idée de l’accès libre, a publié un document intitulé COM(2007)0056 « Communication on Scientific Information in the Digital Age: Access, Dissemination and Preservation » et l’a communiqué au Conseil de l’Europe et au Parlement Européen.
Le Conseil a débattu du sujet. Le Parlement a entendu un exposé de la Commission sur la question et décidé de ne pas décider.
Ceci a mis fin à l’initiative.
Dommage.
Mais ceci ne doit pas nous décourager. Il est essentiel d’arriver à bien faire comprendre les véritables enjeux de cette action pour la recherche européenne. La Commission a bien compris. Il va falloir reprendre les étapes ultimes.
A lire: les commentaires d’Alma Swan sur le sujet.

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Pour information, les présentations des intervenants de l’Universities UK Research Information and Management Workshop qui s’est tenu à Londres le 5 décembre dernier sont à présent disponibles.

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Pour le plaisir et à l’occasion de la nouvelle année, une petite fable savoureuse et particulièrement didactique sur les dépôts institutionnels.

Meilleurs vœux à tous mes lecteurs !

J’ai profité de la trêve des confiseurs pour relooker ma rubrique « Photographismes » et en faire un vrai site web