« Au bout de leur chemin, Isabelle Thomas et Jacques Thisse plaident dans un premier temps pour « un grand pôle scientifique au niveau wallon », qui regrouperait l’ULB, l’UCL, les Facultés agronomiques de Gembloux et les Facultés Notre-Dame de la Paix à Namur. «
— Le Soir, le 16 avril 2007 —
Loin de moi le désir de monter au créneau chaque fois que des universitaires font part à la presse du résultat de leurs études. En particulier, je ne me permettrais pas de remettre en question les données brutes d’une étude réalisée dans un domaine dont je ne suis pas un spécialiste. Mais je ne peux m’empêcher de réagir lorsque, forts de leurs résultats, les chercheurs franchissent un pas de trop et se permettent de tirer des conclusions qui n’ont, en fait, rien à voir avec la stricte interprétation scientifique de leurs données.
Je suis toujours sidéré par l’arrogance de certains chercheurs de talent (Jacques Thisse est lauréat d’un des prix quinquennaux 2006 du FNRS) qui, forts de leur science, dérapent et outrepassent, avec une naïveté désarmante, leur champ de compétence.
Je suis toujours navré de voir la presse se précipiter sur des affirmations simplistes et donner un retentissement indu à des conclusions manifestement abusives.
Bruxelles et Luxembourg sont des villes d’importance européenne: aucune surprise.
Bruxelles et Luxembourg sont des villes où les loyers sont chers, où les propriétés sont chères, où les salaires sont élevés, où le taux de chômage est moindre, etc.: aucune surprise.
Tracer une ligne droite entre ces deux cités et déclarer l’utilité exclusive d’un axe qui les rejoint et où se dessinerait la prospérité future est d’un simplisme désarmant.
Exclure tout ce qui n’est pas dans cet axe n’a aucun sens.
Ne voir d’avenir que dans ces deux métropoles, telles des étoiles sœurs (qu’elles ne sont pas d’ailleurs, elles sont trop dissemblables), sur le seul critère de la prospérité du moment témoigne d’une incroyable étroitesse de vue.
Etendre le raisonnement aux universités est extraordinairement abusif. Il faut vraiment vivre dans sa petite tour d’ivoire au milieu d’un environnement nanti et confortable pour imaginer que les seuls pôles scientifiques qui méritent de subsister sont ceux qui se trouvent dans des zones économiquement prospères.
Déclarer que « le seul pôle scientifique d’avenir au niveau wallon regrouperait l’ULB, l’UCL, les Facultés agronomiques de Gembloux et les Facultés Notre-Dame de la Paix à Namur » est tout simplement consternant. C’est méconnaître gravement toutes les universités de la Communauté française de Belgique, assimiler leur valeur à leur position géographique et au contexte économique local dans lequel elles se développent et c’est donc tout confondre.
Quelle énormité absurde et péremptoire ! Quel dommage pour la crédibilité de ces chercheurs en particulier et de la recherche en général !
On dira sûrement que je suis indisposé par cette analyse parce que je suis liégeois et que je défends mon université. Certes. Mais franchement, de quel aveuglement faut-il être frappé pour faire tout bonnement disparaître du paysage wallon sa seule université publique complète, une université qui n’a rien à envier à personne en matière de recherche, d’enseignement et de contribution au développement régional ?
Par le gros bout de la lorgnette, on n’y voit guère plus loin que le bout de son nez.