avril 2006


A côté de la recherche et de l’enseignement qui sont les deux missions également importantes de l’universitaire, une notion souvent mal comprise est celle de « service à la communauté », la troisième mission.
En effet, nombreux sont ceux qui, au sein-même de l’Institution, pensent que les activités de prestation rémunérées pour tiers, travaux commandités, expertises et consultance, font partie de cette catégorie.
Pour moi, il n’en est rien. Ces activités sont une conséquence directe de la compétence du chercheur et constituent une application de son savoir ou de son savoir-faire. Elles peuvent plus rarement — mais parfois — découler de la mise en application de son expérience pédagogique. Quoi qu’il en soit, elles se rapportent à l’une des deux premières missions.

Qu’appelle-t-on alors « service à la communauté »?
Toute activité qui consiste à rendre un service désintéressé aux autres membres de la communauté, universitaire ou extra-universitaire, entre dans cette catégorie. C’est ainsi qu’exercer une fonction de doyen ou de président de département, de président de jury ou de commission, comité ou conseil dans l’université participe des services à la communauté (notez qu’être membre d’un jury relève strictement de la fonction d’enseignant). Etre membre de commission au FNRS, exercer une quelconque fonction dans une société savante ou une association à but scientifique ou culturel, faire partie de jurys appelés à juger de programmes de recherche régionaux, communautaires, fédéraux ou internationaux, tout celà constitue du service à la communauté.

Il est cependant évident que, dans de nombreux cas, la pratique d’une activité rétribuée pour des tiers, lorsqu’elle procède d’une expertise particulière et spécifique et ne peut donc être réalisée que par un expert universitaire chevronné, et lorsqu’elle est réalisée avec excellence, fait rejaillir sur l’Université le prestige de son auteur et, à ce titre, contribue indirectement à l’aura universitaire. On peut alors considérer qu’il s’agit d’un service à la communauté. Toutefois, dans un curriculum vitæ, je placerais cette activité dans la catégorie « Recherche » (ou « Enseignement » le cas échéant).

La troisième mission est donc une activité de service bénévole rendu pour le bon fonctionnement de la vie collective au sein de l’Université, au sein de la communauté scientifique au sens large ou dans le monde dans lequel nous vivons, pour autant qu’elle relève de nos compétences universitaires.

Quand une université peut s’enorgueillir d’avoir en ses murs une chorale de la qualité de la nôtre, c’est pour elle une très grande chance. Et sans doute, n’est-ce pas que de la chance.
Le grand concert donné hier soir par le Chœur Universitaire de Liège fut une preuve incontestable, s’il en était encore besoin, de l’excellence de cette formation. Le talent du chef, Patrick Wilwertz, n’y est pas étranger. Et il faut étendre les félicitations à l’ensemble Tempus Musicale constitué pour accompagner le Chœur.
Avec le Cercle Interfacultaire de Musique Instrumentale (CIMI) et le Théâtre Universitaire (TULg), notre institution est magnifiquement lotie en arts du spectacle. Et elle doit le rester.
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Il est essentiel que les enseignants, à l’Université, soient des chercheurs de grande qualité. Il est donc normal que les aptitudes à la recherche, facilement évaluables, soient bien documentées dans les arguments en faveur d’une nomination au rang de chargé de cours à l’ULg. On ne saurait transiger avec cette nécessité.

Mais par ailleurs, nous voulons que nos enseignants soient irréprochables quant à leurs aptitudes pédagogiques. Et là, l’évaluation est plus difficile. Certes, l’évaluation par les étudiants est extrêmement indicative. En aucun cas, nous ne pouvons poursuivre une procédure de nomination d’un candidat dans le corps académique, aussi bonchercheur soit-il, qui contreviendrait de manière flagrante aux exigences que nous avons (et elles sont nombreuses!) en termes de respect de l’étudiant qui, lui, peut attendre un service de formation de qualité. Ce n’est qu’en remplissant ces conditions que nous serons en mesure d’exiger des étudiants le respect de leurs propres obligations. Mais il est clair qu’au delà de cette évaluation essentielle, il devrait y en avoir une autre, réalisée par des spécialistes. Une réflexion s’impose en cette matière.

Afin de veiller à assurer cette qualité, une période « probatoire » de 3 ans est prévue avant une nomination définitive. Cette période est ramenée à 2 ans pour les mandataires permanents du FNRS qui ne peuvent bénéficier que d’un congé de cette durée sans perdre leur mandat. Elle peut être annulée pour les premiers assistants ou chefs de travaux de l’Institution qui ont une expérience avérée de l’enseignement et ont, à ce titre, été évalués. Il serait logique de faire bénéficier de cette réduction les mandataires permanents du FNRS qui ont consacré une part significative de leur temps à des missions d’enseignement.

L’expérience nous montre aujourd’hui que, s’il est le plus souvent largement suffisant d’attendre 3 ans pour prendre une décision définitive, c’est parfois un peu tôt, en raison de divers problèmes et que l’on peut souhaiter voir prolonger cette période pour « en avoir le cœur net ». Par décret, la période « probatoire » est prévue pour une durée maximale de 5 ans. A l’ULg, on a choisi de la limiter à 3 ans. Pour éviter des éliminations dans le doute, je ferai la proposition d’allonger cette période à 5 ans, avec la possibilité (sans aucun doute, dans la majorité des cas) de statuer après 3 ans, tout en maintenant les exceptions précitées. Il est important que l’on comprenne qu’il ne s’agit nullement ici de retarder la décision. A mon sens, la période de 3 ans est déjà fort longue. Cette mesure ne visera qu’à éviter de nous séparer de personnalités qui n’ont pas réellement pu faire leurs preuves, pour quelque raison que ce soit. En effet, l’annonce officielle d’une nomination pour 3 ans ne nous laisse aucunement la latitude d’augmenter, fut-ce exceptionnellement, cette durée en cas de doute.

Notre seul guide doit être notre désir d’exceller dans toutes nos missions. L’excellence en recherche est indispensable à la réputation de qualité de notre Maison, elle doit nourrir la qualité de la formation que nous donnons à nos étudiants. On ne peut espérer que tous les chercheurs de haut niveau soient également des pédagogues accomplis. A tout le moins peut-on prétendre qu »ils aient le respect de leurs étudiants et qu’ils fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour transmettre leur savoir, leur rigueur et leur excellence aux nouvelles générations dans les meilleures conditions. Le chercheur qui considère que son excellence scientifique suffit et justifie tout, en particulier une négligence de ses tâches de formation, à tous les niveaux d’études, n’a pas sa place chez nous.

Mais soyons bien clair : rares sont ceux qui peuvent exceller tout à la fois en recherche, en enseignement et dans les services qu’ils rendent à la communauté. Tant mieux si c’est le cas. Mais on peut aussi comprendre que chacun veuille consacrer des périodes successives de sa carrière à chacun de ces aspects ou à deux des trois, faute de pouvoir assurer les trois de front. L’important est de pouvoir démontrer que chaque membre du corps académique de l’Institution possède les aptitudes nécessaires à chacune des missions universitaires. A un moment donné, ce n’est qu’une question de choix et non d’aptitude. C’est dans cet esprit que je soutiens le choix de chacun.

« Universities are no longer capable of producing valuable innovations. The specialists inside their field patiently toil ahead, but create little innovation. New ideas arise where different disciplines touch each other, and innovation is created across traditional institutional boundaries. Specialization is standing in the way of creativity and progress. We need to integrate knowledge domains across disciplines, open communication channels between experts, and rid ourselves of institutional and conceptual boundaries. »

Richard Hawkins, senior strategist at TNO, The Netherlands.

L’ULg se veut une université ouverte à toutes les idées et à tous les débats. On peut y parler de tout, y discuter de tout et aucun sujet n’y est inintéressant.
A aucun moment, je ne souhaiterais avoir à intervenir pour « censurer » quoi que ce soit (encore que je m’engage formellement à contrevenir à ce principe si une association, groupe ou parti antidémocratique ou violant les bonnes mœurs venait à vouloir s’exprimer dans nos murs, bien entendu).

Ce qu’il est important de bien comprendre, c’est que cette grande liberté, cette ouverture large ne doivent pas être perçues comme une caution accordée par l’Institution à tous les débats qui y sont organisés.

C’est ainsi qu’apprenant par un message intranet que le « Groupe Biblique Universitaire » organise à l’ULg un débat sur « Big Bang, Création, Evolution : Mythes ou réalités ? », je ne peux m’empêcher de réagir. Je ne connais ni les objectifs, ni le contenu du débat, et je ne fais de procès d’intention à personne. J’espère seulement que ce thème ne donnera pas à penser qu’en 2006, à l’ULg, on se pose encore la question de savoir si l’évolution est un mythe ou même une théorie !

L’ULg ne peut apparaître comme un refuge de l’obscurantisme. Nous vivons dans une université moderne et attachée aux valeurs de la science et du savoir, de la recherche rigoureuse et de l’objectivité. Bien sûr, on peut tout y débattre et je ne doute pas que le professeur à l’Université Pontificale de la Sainte-Croix (http://www.initiatives-sociales.org/usc.html ; http://www.dptn.org/universite.php), dont la présence est annoncée, soit aussi respectueux que nous de la séparation fondamentale entre Science et Religion…

Et s’il se trouve que les participants à cette séance reçoivent la révélation quant à l’issue de ce débat impossible, j’espère qu’ils nous en feront part !

J’écris ceci de Chicago, où je serais moins étonné de voir aborder ce genre de question qu’à Liège, je vous l’avoue !

A l’occasion de la signature d’un accord entre l’AWEX (Agence Wallonne à l’Exportation) et la TAMU (Texas A&M University) à Houston hier, j’ai eu la chance, en tant que représentant des universités wallonnes, de rencontrer nos homologues et d’établir de nombreux contacts avec eux, avec divers départements de recherche de cette université sur ses campus de Houston et de College Station ainsi qu’avec des entreprises spin-off de cette institution.

Il m’arrive souvent d’établir ce genre de contact, mais ici, la similitude entre nos institutions est frappante.
Bien que quatrième ville des USA en nombre d’habitants, Houston est marquée par une spécialisation obsessionnelle dans une seule industrie (chez eux, le pétrole, chez nous, devinez…) mais cherche à se diversifier. Depuis pas mal d’années, elle s’est également spécialisée dans les recherches spatiales et l’industrie correspondante (le centre de contrôle des missions habitées de la NASA est installé ici ainsi qu’un centre de développement technologique de l’Agence auquel la TAMU collabore très activement) et elle se lance maintenant résolument dans le domaine des biotechnologies.

La TAMU est une université complète, qui comprend comme l’ULg, une Ecole de Médecine vétérinaire réputée. Son implication dans les mécanismes de valorisation de la recherche est grande et les systèmes mis en place à cet effet ne manquent pas de ressemblances avec les nôtres. De nombreuses possibilités de collaboration sont envisageables et nous veillerons à donner à leurs suggestions de collaboration la meilleure suite possible.

Discours prononcé le 30 mars 2006, lors de la séance solennelle de remise des insignes de docteur honoris causa à l’Université de Liège.

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