Dimanche 23 octobre 2005


L’excellent commentaire de Rudi Cloots à mon affichage précédent, Partir…, m’amène à m’expliquer avec un peu plus de précision sur ce que j’attends d’un séjour de longue durée à l’étranger. En effet, cela ne peut se résumer à chercher un dépaysement.

Il s’agit en fait:

- d’exercer son métier dans un autre environnement, de cesser de ronronner dans les mêmes idées, de discuter autrement de son travail, de ses recherches;

- de changer éventuellement d’axe de recherche, d’aborder les problèmes autrement, voire de changer de sujet et de réaliser qu’il y a éventuellement mieux à faire que ce qu’on fait;

- de bénéficier d’autres approches méthodologiques ou techniques, de discuter au quotidien avec d’autres chercheurs que ceux de son environnement d’origine;

- de vivre ailleurs, d’être confronté aux difficultés que rencontrent nos visiteurs lorqu’ils viennent chez nous (visas, problèmes de langue, logement, etc…);

- d’améliorer sa connaissance des langues étrangères pour autant que le séjour ne se fasse pas en francophonie;

- de créer des liens souvent très solides avec des chercheurs étrangers, infiniment mieux que dans des colloques et congrès, ou même lors de courts séjours, forcément trop brefs, d’entrer ainsi dans la grande famille des chercheurs migrateurs au sein de laquelle existe une solidarité et une reconnaissance mutuelle inimitables;

- de se grandir et retrouver éventuellement son université avec un regard différent et pouvoir ainsi contribuer utilement à son évolution, en connaissance de cause;

- de transmettre, après son retour s’il a lieu, à ses étudiants, le sens du voyage et de la mobilité, en ayant montré l’exemple.

Certes, je ne prétends pas qu’on ne peut être un bon universitaire sans cela, mais je prétends qu’une université comme la nôtre se doit de vérifier l’acquis de cette expérience chez toute personne qui va faire partie de la Maison pour longtemps et donner l’exemple aux jeunes. C’est un critère, sinon obligatoire, en tout cas prépondérant parmi ceux qui prévalent lors du choix d’un membre définitif de l’Institution.

Le sage est bel et bien revenu !

Très ému de se retrouver dans la Salle Académique où il a enseigné longtemps aux étudiants en droit, et devant une salle archi-comble (toutes nos excuses aux personnes auxquelles on a dû, pour des raisons de sécurité, refuser l’accès), Pierre Harmel nous a donné une triple leçon de rhétorique, de sagesse et de jeunesse de pensée absolument bouleversante. Il nous a rappelé combien il est agréable et raffraîchissant de rencontrer un homme au dessus de la mêlée, un homme qui pense sans relâche, qui, à 95 ans, reste quotidiennement en contact avec la réalité du monde. Avec un dynamisme époustouflant, il a su nous communiquer son enthousiasme, ses inquiétudes et ses espoirs pour la jeunesse qui nous suit. Un moment exceptionnel comme on n’en vit pas beaucoup.

J’épinglerai en particulier son plaidoyer pour le dialogue entre les peuples, entre les gens et sa proposition que chacun d’entre nous accueuille dans sa famille un jeune étranger car c’est comme cela que la compréhension et l’estime mutuelle peuvent naître et durer.

Une grande leçon, un grand homme, un grand moment.