juillet 2006


Pour la première fois, les étudiants de 1er « bac » en Médecine et en Dentisterie ont eu à franchir, en Communauté Française de Belgique, une « année-concours ». Celle-ci remplace la sélection du numerus clausus qui était effectuée en fin de troisième année.

Certes, cette méthode-là était la pire qu’on puisse imaginer. Elle coupait l’élan d’étudiants après trois années réussies et les obligeait à se réorienter sans que rien ne soit prévu pour eux. Aucune expérience n’est jamais inutile, mais celle-ci ressemblait fort, pour l’étudiant malheureux qu’on empêchait ainsi de continuer son parcours pourtant honorable, à trois années perdues, tout simplement. Qu’on soit débarrassé de ce système inepte est évidemment une bonne chose.

Malheureusement, le nouveau système n’est qu’à peine plus sympathique. Il amène à une sélection en fin de première année (on en gagne déjà deux!) mais laisse sur le carreau des étudiants de qualité, qui ont réussi leur année mais pas leur année-concours car ils sont classés au delà du quota autorisé par université. On suggère aimablement à ceux-ci de recommencer leur 1er bac sans pouvoir faire valoir le moindre crédit pourtant parfaitement régulièrement obtenu ou on leur présente une liste d’autres filières d’études dans lesquelles ils peuvent valoriser les soixante crédits qu’ils ont obtenus. Les crédits ont donc une valeur différente (en fait, tout ou rien) selon l’usage qu’on veut en faire… Qui donc peut adhérer à un tel concept ? La preuve est claire que le problème n’est pas la mesure des compétences, rôle de l’Université, mais le contrôle de l’accès à une profession. Je n’arrive pas à me résoudre à abdiquer ainsi de nos prérogatives légitimes pour nous en voir imposer d’autres, qui n’ont rien à voir avec nous, ni avec notre fonction. Par ailleurs, tous les régimes planificateurs ont toujours montré leurs limites.

On me rétorquera que je suis contre la sélection pour les médecins alors que je suis pour une limitation des vétérinaires…
En fait, les choses sont très différentes: la limitation du nombre d’étudiants en Médecine vise à contingenter la profession. Elle est et devrait rester extra-universitaire. Celle des étudiants en Médecine vétérinaire vise à freiner une réelle pléthore d’étudiants, non de professionnels, par rapport à la capacité de formation de qualité dans les universités, en particulier au niveau des cliniques. Il n’y a pas de pléthore d’étudiants dans les cliniques de Médecine humaine, bien au contraire.
Mon propos n’est pas de rejeter toute sélection, loin s’en faut, mais d’attirer l’attention sur le caractère étriqué de celle-ci, en l’occurence.

A L’ULg, nous avons mis en place un dispositif renforcé d’aide aux étudiants de 1er bac en Médecine et Dentisterie, comprenant :
- un encadrement significativement augmenté grâce à la création de postes de didacticiens spécifiques;
- un soutien logistique et pédagogique accru avec intégration de cours préparatoires à la gestion des examens;
- un effort tout particulier de la part de l’ensemble du personnel encadrant pour renforcer la motivation des étudiants;
- la création d’un module interdisciplinaire transversal éveillant l’intérêt des étudiants pour leur futur métier.

Grâce à cet ensemble de mesures, on a pu maintenir le niveau de qualité de cette formation et atteindre un niveau remarquable de réussite dès la première session (34,4 % en Médecine, 24,3 % en Dentisterie). Ce succès dépasse de loin les résultats des autres universités (Médecine, ULB: 12,8 %; UCL: 11,4 %; FUNDP: 15,9 %; UMH: 20,8 % – Dentisterie, ULB: 5,0 %; UCL: 6,9 %).
Nous en sommes fiers. C’est davantage le rôle des universités d’entraîner les étudiants plutôt que de les éliminer ou de les décourager.

Malheureusement, ce succès est dévasté par la limitation : alors que les autres institutions, en raison du faible taux de réussite, ne remplissent guère leur quota, à l’ULg, 26 étudiants en médecine et 3 en dentisterie se voient cette année privés de l’accès en 2ème bac (116 réussites sur 337 en médecine, le quota étant fixé à 90; 20 réussites sur 70 en dentisterie, le quota étant à 17). Ce sont les « reçus-collés », pour reprendre l’expression utilisée en France, où l’on connaît ce système et ses défauts. Et aux autres, la seconde session ne pourra apporter que des crédits transférables à valoriser dans une autre section…

Mais à quoi diable cette sélection peut-elle servir ?
A limiter l’offre médicale dans notre pays. Tout le monde comprend la nature corporatiste de cette mesure mais le monde politique y adhère en prétextant le déficit de la sécurité sociale, faisant implicitement le lien entre le nombre de médecins prescripteurs et la consommation médicale, ce qui mérite discussion.

Cependant, il n’existe pas que des médecins prescripteurs. Beaucoup d’activités médicales n’ont aucun impact sur l’INAMI, sans compter les débouchés innombrables dans le monde où la pénurie médicale est immense. L’absurde atteint son comble lorsque, comme le dénonçait dans sa carte blanche au Soir le 7 juillet dernier Jean-Jacques Rombouts, doyen de la Faculté de Médecine de l’UCL, on réalise l’attrait que représente notre Communauté pour les médecins du tiers-monde, vidant ainsi celui-ci de ses propres ressources médicales !

Combien de temps continuerons-nous à nous priver de nos propres ressources en cassant les vocations de nos jeunes, en créant une pénurie criante de médecins chez nous et en contribuant, en pays nanti, à la pénurie médicale dans le monde ?
Et tout cela en acceptant procéder à des sélections injustifiées et forcément injustes?

Le décret « Résidents-Non résidents » de la Communauté Française a été finalement publié ce vendredi.
Il abroge tout examen d’entrée en Médecine vétérinaire et contingente les étudiants non résidents à 30 % du nombre total d’étudiants présents au 1er bac cette année écoulée et cette limitation se fera par un tirage au sort…

La question ne concerne pas que les vétérinaires, elle s’adresse aussi aux futurs étudiants en kinésithérapie ainsi qu’à des formations en Hautes Ecoles.

On peut le retourner dans tous les sens, il est difficile d’imaginer qu’il n’y aura pas d’effet de vague et que la population résidente désireuse de faire des études (de vétérinaire en particulier) ne va pas croître de manière incontrôlable. Si l’on ajoute à l’engouement des vocations les déçus des années précédentes — surtout de l’an dernier — qui avaient échoué à l’examen d’entrée, les déçus de Médecine qui ont réussi leur année sans obtenir l’autorisation de passer en deuxième, on imagine le flot…
L’année prochaine, à ce même effet, on devra ajouter les « faux résidents » qui auront pris leurs précautions (on en connaît déjà) et le fait que les 30 % seront calculés sur l’effectif grandement accru de 2006-2007, sans compter la véritable rupture de digue que représenterait un rejet de ces dispositions par la Cour européenne…

Ces périls qui menacent à nouveau la qualité de l’enseignement de la Médecine vétérinaire, après le raz de marée dont on connaît actuellement les effets dans les années terminales (plus de 360 diplômés cette année !), émeuvent terriblement notre Faculté, font l’objet de nombreuses discussions au CReF et entre les 4 recteurs dont les institutions forment de futurs vétérinaires (seule l’ULg dispense le second cycle) et ont suscité, à deux reprises, des débats animés au Conseil d’Administration.

Ce mercredi, connaissant la sortie imminente du décret, le CA a adopté une motion qu’il communique à la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche de la CFB, dans laquelle il fait part de son inquiétude et de son souhait de voir s’établir des mesures de sécurité. L’ULg est prête à collaborer activement par toutes ses compétences à la recherche d’une solution durable et satisfaisante.

« Le Conseil d’administration de l’Université de Liège est préoccupé par les effets potentiels de la mise en œuvre du nouveau décret de la Communauté française de Belgique sur la qualité de la formation des futurs vétérinaires et sur la reconnaissance européenne de leur diplôme.

Le Conseil partage unanimement la position de sa Faculté de Médecine vétérinaire, à savoir que la seule solution susceptible de garantir la qualité de la formation des étudiants consiste en l’instauration, de toute urgence, de modifications légales permettant d’ajuster directement ou indirectement aux capacités de formation clinique le nombre d’étudiants inscrits au 2ème cycle en médecine vétérinaire (compte tenu des contraintes de l’accréditation européenne, cette capacité maximale est actuellement estimée par la Faculté de Médecine vétérinaire à 200 étudiants par année d’étude).

Le Conseil d’administration fait sienne la détermination de la Faculté de Médecine vétérinaire à éviter par tous les moyens légaux que n’apparaisse à nouveau une pléthore étudiante nuisible à la formation des médecins vétérinaires. »

Les inscriptions sont maintenant ouvertes. Chacun retient son souffle…

Les évaluateurs de l’European University Association (EUA) sont revenus à l’ULg, du 25 au 28 juin derniers.

Il s’agit des personnalités suivantes :
- le professeur Luc Weber (Economiste, ancien recteur de l’Université de Genève, président);
- le professeur Lluis Ferrer (Vétérinaire, actuel recteur de l’Université Autonome de Barcelone);
- le professeur Eric Froment (Economiste, ancien président de l’Université de Lyon 2, ancien président de l’EUA);
- le docteur Andrée Sursock (Anthropologue, secrétaire exécutive de l’EUA, Secrétaire).

Après un premier passage en février, ils ont travaillé sur les dossiers que nous leur avions communiqués et sur les compléments d’information qu’ils nous ont demandés alors et depuis lors. Ils ont poursuivi leurs investigations par un nombre important d’entrevues durant ces trois jours. Enfin, ils ont rendu leur avis oral, à la salle académique, en face des Autorités universitaires, des doyens, des conseillers, des membres du Conseil d’Administration, des présidents de départements, des membres du comité d’autoévaluation EvalULg, des directeurs d’administration ainsi que de toutes les autres personnes qui ont été consultées à un moment ou à un autre.

Le rapport oral est très encourageant. Sans grande surprise, il entérine la politique suivie par l’ULg depuis un an et nous encourage à continuer dans le même sens. Il réclame quelques précisions et clarifications en matière d’organisation de la gouvernance et fait remarquer que ma tendance à consulter avant de décider à propos d’un certain nombre de matières stratégiques (on ne parle pas de décisions au quotidien, ici) ne peut avoir qu’un temps et doit faire place, une fois défini le Projet de l’ULg, à une mise en application énergique des grandes tendances qui se dégageront.

L’ouverture à l’international, la maîtrise des langues, les accords interuniversitaires au sein de la CFWB doivent être poursuivis. Le questionnement sur les rôles relatifs des Facultés, des Départements, des Conseils d’études doit être poursuivi également et rapidement mené à terme.

Le rapport écrit suivra, nous devrions l’obtenir fin-août et il sera rendu public, comme annoncé.

« L’Ulg a présenté son examen de passage et elle l’a réussi ». J’entends déjà les commentaires. Mais il n’en est rien. Il ne s’agit pas d’un examen de passage ni d’aptitude. Il s’agit d’une évaluation externe, un des nombreux éléments que l’Université doit accumuler dans le regard qu’elle porte sur elle-même. Le rapport final sera étudié avec soin, comme l’ensemble des informations récoltées tout au long de cette année : la visite dans les Facultés, l’autoévaluation, l’enquête qui va circuler dans les prochains jours, les tables rondes thématiques.

C’est cet ensemble d’informations qui va nous amener à définir ou probablement à valider une stratégie et de la rendre publique. Mais ceci, c’est pour l’automne 2006.

Un nouveau commentaire est arrivé pour l’article “Nancy-Université” du 18 juin dernier.