Discours prononcé lors du colloque « La coopération universitaire avec le sud. Pour quoi faire ? » qui s’est tenu à la salle académique de l’ULg le 14 mars 2006.

Pour quoi faire ?

Face aux risques de la mondialisation, de la dominance d’un marché mondial, qui profite aux pays du nord et marginalise les pays du Sud, dont la compétitivité est moindre, il est clair aujourd’hui que l’ordre économique doit se baser sur une plus grande équité et sur une véritable démocratie économique mondiale.

Consciente de la nécessité de sa participation, même modeste, à ce processus, notre Université tient à mettre l’accent sur sa coopération nord-sud.
Les étudiants venus du sud qui repartent après avoir acquis chez nous une formation de qualité qui leur donne accès dans leur pays à des postes convoités. C’est ainsi qu’ils deviennent chez eux et partout dans le monde d’excellents ambassadeurs de l’ULg.
Par ailleurs, ces échanges exposent nos étudiants belges aux cultures étrangères, leur donnent le sens de l’accueil.
Toute université moderne, bien dans son siècle, se doit de contribuer au développement durable.

Pour un partenariat contractuel

Notre vision des relations nord-sud implique l’établissement de contrats dont les objectifs sont clairs et bien définis. Il s’agit en effet de tirer les leçons d’une utilisation inefficace, voire un détournement systématique de l’aide, notamment financière, des pays du nord à ceux du sud. Le contrat est un véritable outil d’appui au développement de régions vulnérables. L’évolution des relations universitaires nord-sud est aujourd’hui telle qu’au lieu d’une aide à proprement parler, nous devons cherche à procurer un accompagnement aux régions en difficulté. C’est pourquoi nous devons envisager le processus de développement au cas par cas et faire participer activement les population à ce processus.

Pour une décentralisation de l’aide

Nous ne pouvons établir de coopération utile et durable que si l’intervention de l’état, dans le pays où nous intervenons, demeure discrète. Elle est, bien sûr, nécessaire mais elle ne doit pas être omniprésente ni directive. Le domaine d’intervention de l’Etat doit rester limité et permettre l’émergence d’initiatives locales. La participation de la population, voire même son implication, reste une condition essentielle d’un développement harmonieux. Il faut donc décentraliser la coopération. Mais pour que notre aide soit efficace, la démocratie doit être en place dans les pays concernés. Il est indispensable que les populations locales puissent s’adapter aux situations nouvelles, tant en milieu urbain que dans les zones rurales, afin de permettre leur auto-développement.

Pour un respect des traditions socio-culturelles

Notre attitude face aux pays du sud en termes de coopération institutionnelle doit donc rester essentiellement variable et adaptée à chaque situation.
Nous devons chercher une harmonie entre la modernité, au sens où nous, pays du nord, l’entendons, et les traditions, pilier de la culture dans le sud, en gérant au mieux le choc des cultures que cela engendre.
Il faut également réintégrer dans la pratique du développement et de la coopération les dimensions non marchandes, c’est-à-dire sociales et culturelles. L’économie est essentiellement informelle dans le sud, où l’on observe des formes spécifiques d’échange basées sur la solidarité. C’est cette économie-là que nous devons privilégier avant tout. Il est essentiel que nous observions attentivement comment les populations développent de nouveaux réseaux, de nouvelles pratiques, à l’échelle locale, pour se financer, telles que des caisses de solidarité, des coopératives d’épargne, etc.). Notre action doit viser à resserrer les liens entre les paysans au savoir-faire ancestral et les chercheurs, experts en techniques innovatrices.

En clair, notre objectif doit rester celui du développement local. Il ne doit pas viser à identifier les obstacles au développement, ni à tenter de les lever. Il doit nous interpeller quant aux voies de l’émergence et au renforcement des initiatives lancées par les populations elles-mêmes. Nous nous devons d’intégrer les dimensions sociales à nos projets d’aide dans les pays du sud.

Pour une coopération coopérative

Mais il est bien certain que nous ne pouvons, en tant qu’université soucieuse de son action dans le sud, nous attaquer à tous les problèmes dans toutes les régions. Nous devons avoir une stratégie ciblée. En outre, nous ne pouvons qu’occasionnellement arriver seuls à des résultats probants. Une approche en réseau de la coopération me semble devoir émerger de plus en plus.
Dans ce contexte, un exemple intéressant est celui que nous vivons aujourd’hui dans notre effort d’aide au redressement de l’Université de Lubumbashi en République Démocratique du Congo. Nous avons entrepris une action synergique avec nos partenaires de l’Université du Kwazulu Natal, en Afrique du Sud, avec lesquels nous avons un accord formel de collaboration depuis près de deux ans. C’est ensemble que nous allons nous préoccuper des actions à mener à Lubumbashi, dans le cadre d’une convention que le vice-recteur Albert Corhay a signée la semaine dernière à Durban lors d’une mission à laquelle participait également notre conseiller aux relations internationales, le professeur Jean Marchal.
Ainsi apparaît donc ce concept de la coopération en réseau, une coopération conjointe, synergique et complémentaire.

Pour une motivation de chacun

Si nous plaçons la coopération avec le sud parmi nos priorités stratégiques institutionnelles, nous devons trouver les incitant qui encourageront nos collègues à s’impliquer plus encore dans cette voie. En effet, malgré une action précoce de l’ULg (le CEDEV fut créé en 1964 et est devenu depuis le CECODEL) soutenue aujourd’hui par l’existence active d’une ONG qui nous est propre, il nous reste à combler un retard par rapport à bien des institutions voisines. Et je pense que ce retard s’est accumulé en raison du fait que nos collègues n’ont plus ressenti, depuis longtemps, les initiatives en faveur d’une coopération nord-sud, comme une réelle volonté institutionnelle.

Pour restaurer cet esprit, il nous faut donner un signal fort. Tout d’abord un encouragement officiel des autorités de l’ULg, afin de donner une plus grande légitimité à cette activité dans l’Institution. Mais cela ne suffit pas. Il faut proposer également des incitants concrets, tels que la prise en compte des activités de coopération de manière claire dans les curricula vitæ en vue de nominations ou de promotions. Je vais faire une proposition en ce sens dans une version révisée des CV-types que nous demandons à chacun de rédiger.
Il faut également veiller çà ce que des moyens soient dégagés pour encourager ces activités, aux côtés des aides à la recherche et à l’enseignement au sein de l’ULg.

Pour une formation réaliste, contemporaine, ouverte et généreuse

Ces initiatives nouvelles contribueront à augmenter l’aura de notre université dans le monde. Elles, apporteront à nos étudiants des contacts inestimables, permettront de créer un réseau international d’anciens et feront comprendre que nous ne pouvons évoluer sur notre petit bout de planète privilégié et à l’abri de tout, qu’il est temps de relativiser nos problèmes et nos questionnements, et d’apprendre enfin à nos étudiants à vivre dans et avec le vrai monde tel qu’il est.