Ça y est. J’ai franchi le gué, comme le dit LeVif-L’Express (vendredi 18.05.12, p. 50). Après m’être promis, ainsi qu’à mon entourage professionnel, de ne jamais le faire, je me suis inscrit sur Facebook. Honte sur moi!
Et Le Vif ajoute: « A pas mesurés, avec des semelles de plomb. « Je voulais surtout accéder à des informations réservées aux membres », explique le seul recteur francophone présent sur le réseau. Malgré ses 64 ans, on ne peut pourtant reprocher à ce biologiste un manque d’intérêt pour les nouveaux médias. Blogueur depuis sept ans, il « tweete » avec assiduité depuis un an, s’est inscrit sur LinkedIn et débute sur la plate-forme de micro-blogging Tumblr. Mais Facebook, décidément, peine à l’enthousiasmer. « C’est vrai que cela permet de rester en contact avec ses proches. J’échange pas mal avec mon fils là-dessus. Mon problème, c’est d’éviter de me faire intoxiquer par les élucubrations des uns et des autres. »
Sans doute le monde académique, voire l’enseignement en général, a-t-il raison de se montrer prudent envers ces réseaux où se mélangent étudiants et professeurs. »

Sans doute l’ai-je fait pour plusieurs raisons.

Ne pas se sentir exclu

La première est que, dans ce réseau, comme dans les autres, il est impossible d’accéder aux contenus (quel que soit leur intérêt, et là, le meilleur et le pire se croisent…) si l’on n’est pas inscrit. Et il s’avère que certains contenus sont parfois très intéressants à consulter. Or l’inscription amène automatiquement l’information très large, par une sorte de réaction en chaîne dont j’avais jusque là une frayeur atomique, sur le fait que, oui, vous êtes membre… Ce qui suscite l’attention d’innombrables « amis d’amis » qui veulent inévitablement devenir le vôtre. Délicate situation. Il est vrai que j’ai beaucoup de sympathie pour beaucoup de monde, je suis comme ça, c’est presqu’un défaut. Mais de là à être l’ami de tout le monde et que chacun soit mon ami, il y a une marge…
J’aurais pu, me dit-on, utiliser un nom d’emprunt, mais voilà, je ne dois pas encore être mûr pour l’hypocrisie du pseudonymat…!

Sans doute faut-il relativiser le vocabulaire, c’est évident. Quand Facebook utilise le mot « friend », ce n’est pas d’amitié au sens que lui donnait jadis mon professeur de morale qu’il s’agit. Sinon tous les utilisateurs de Facebook auraient un, deux ou peut-être trois « amis sur Facebook« . Le terme « copain » (pal) n’eût pas été plus approprié, dans beaucoup de cas… « Correspondant » fait sans doute mieux l’affaire mais reste imparfait. Toutefois, on se comprend, les « amis sur Facebook » sont, si on les choisit judicieusement, des personnes auxquelles on doit pouvoir faire confiance et auxquelles on peut avoir envie de communiquer des informations. 

Le type d’informations que je communique peut évidemment être lu par tout le monde. Le problème avec Facebook, c’est que l’on est abreuvé des faits et gestes et états d’âmes de tous ses « amis », qu’on le veuille ou non… On peut trier, mais c’est comme l’e-mail: intrusif. Ce n’est pas le cas sur Twitter. Des gens vous « suivent » sans que vous leur donniez l’autorisation et sans que vous puissiez la leur refuser non plus, mais aussi sans que vous soyez obligé d’accueillir leur production. Vous savez qui vous suit, et ça en reste là. C’est pourquoi je reste malgré tout nettement plus amateur de Twitter que de Facebook.

Elargir l’audience

La deuxième raison est que Facebook reste le réseau le plus fréquenté. Or rien n’est plus décevant que la communication. « Communiquer » n’est malheureusement (ou peut-être heureusement!) pas l’équivalent de « transmettre l’information ». Un très petit pourcentage des destinataires d’une communication la reçoit et l’enregistre « 5 sur 5″. Les spécialistes nous disent qu’il faut diversifier ses modes de communication pour être quelque peu entendu. C’est pourquoi j’utilise, dans des registres divers, je le reconnais, Facebook (accès réservé), Twitter, LinkedIn, Google+ et Tumblr. Sans oublier Instagram ou 500px pour la photo. Ni, bien sûr, WordPress pour le blog que vous lisez actuellement. En outre, chacun de ces instruments permet un mode d’expression différent. Aux extrêmes, le blog et Twitter.

Véritable journal sur Internet, le blog, que je pratique depuis 2005, offre des possibilités très vastes mais n’est lu que par ceux qui en connaissent l’existence et qui viennent voir.

Twitter par contre, que j’exploite depuis un an et dont je découvre encore les ressources et dont la rédaction tient de la séance de masochisme créatif japonais, genre haïku, et contraint à une extrême concision: 140 signes maximum, lien internet compris. Les tweets sont forcément plus lus (plus c’est court, plus c’est lu), ils s’imposent aux abonnés mais ne permettent que des déclarations tellement courtes que l’échange d’idées est raboté à l’extrême et les nuances évacuées, même si certains champions du genre parviennent à réussir ce difficile exercice. Dans leur immense majorité, les tweets sont donc des relais d’information et ne permettent qu’un très laconique commentaire.

Facebook, LinkedIn, Google+ et Tumblr, que je ne pratique que depuis peu (je suis « sur » LinkedIn depuis une dizaine d’années, mais je l’ai peu utilisé jusqu’il y à peu, j’y relaie à présent la plupart de mes tweets, sauf les « retweets » stricts) ne présentent pas cette contrainte de concision, mais la rapidité de la vie actuelle et le caractère éphémère de l’attention portée font que les longs textes ont peu de succès sur ces plateformes. Leur choix se justifie plutôt par la catégorie des interlocuteurs auxquels elles s’adressent préférentiellement.

C’est pour cela que, si l’on s’aventure sur Facebook, il faut cibler son public (les précautions de sécurité le permettent) et sélectionner ses « amis ». Il faut aussi espérer que le refus de nouer une « amitié » sur Facebook ne soit pas mal interprété par le demandeur ainsi éconduit et ne soit pas compris comme une attitude dédaigneuse. Terrain délicat! Que mes évincés me pardonnent !

Un objectif institutionnel ?

Tous ces « réseaux sociaux » sont bien présents et de nombreuses personnes les utilisent. Ce phénomène suffit à m’inciter à m’en servir. Mais au-delà de cette utilisation personnelle comme voie de communication institutionnelle quelque peu parallèle, je prends de plus en plus conscience de la nécessité d’y recourir de façon systématique à l’échelle de l’Institution. En effet aujourd’hui, si l’on veut toucher tout le monde, ou même un public ciblé, il est impératif d’utiliser les moyens les plus modernes et exploiter l’ensemble de leurs ressources souvent mal connues. Le courriel, en tant que diffuseur d’informations et non pas seulement en tant que facteur de courrier entre individus, a marqué ses limites. L’efficacité des systèmes apparentés que nous utilisons pour une diffusion systématique à l’ULg (Pubdoc ou MyULg) n’est plus tout à fait satisfaisante, de plus en plus de destinataires ne prenant même plus la peine de les lire. Ce phénomène est particulièrement sensible chez les étudiants, qui sont par contre de grands utilisateurs de Facebook et/ou de Twitter. Il y a quelques années, j’avais annoncé sur ce même blog le développement d’un système similaire à Facebook qui serait propre à l’ULg. Je souhaitais ce développement pour toute une série de raisons que j’avais exposées à l’époque, et tout particulièrement en raison des dangers concernant la vie privée. La complexité technique d’une part, le grand nombre d’autres développements informatiques d’autre part, et la généralisation de l’utilisation de Facebook par dessus tout, ont eu raison de ce projet. Mais ceci ne doit pas nous faire renoncer à l’utilisation de ce type de plate-forme comme vecteur de communication. L’ULg a d’ailleurs sa page Facebook, comme son adresse Twitter.

Facebook et consorts sont aujourd’hui entrés dans les mœurs. Il serait donc absurde de ne pas les utiliser. Mais il faut appréhender cette modernité de manière plus complète, plus prospective, observer attentivement les nouveaux développements, comme ceux qui font appel à la « réalité augmentée » entre autres, et imaginer l’utilisation qui pourra en être faite, soit sur le plan de la communication, soit sur celui de la pédagogie. Les progrès en ce domaine apparaissent de plus en plus rapidement et une université contemporaine se doit de se maintenir à niveau, d’accompagner ce progrès, voire de participer à son développement.