L’inconvénient du blog, c’est que des commentaires peuvent venir s’ajouter à des articles déjà anciens et passer inaperçus.

La discussion sur « Par le gros bout de la lorgnette » se développe, se complète, se précise, et vaut bien qu’on y retourne.

C’est aussi le cas d’une réaction à mon article du 24 mars dernier, »Prosélytisme » à propos de l’offensive créationniste.

Un jeune chercheur de l’ULg, pourtant actif dans une branche scientifique, y dévoile ses doutes et questionnements quant à ce qu’il considère comme le dogmatisme de la science qui, selon lui, n’est finalement qu’un ensemble de croyances. Il y dénonce le fait que la science, telle qu’il la voit, donc sans doute telle qu’on la lui a enseignée, est constituée de dogmes difficilement vérifiables et il s’interroge ainsi sur la nature des étoiles, sur la structure de la double hélice d’ADN ou celle de l’atome, et aussi sur l’évolution des espèces.
Il fait remarquer que, statistiquement, plus d’êtres humains dans l’histoire de notre espèce, ont cru que c’était le soleil qui tournait autour de la terre que l’inverse. Mais cela a-t-il pour autant valeur de referendum? Les conceptions de la majorité l’emporteraient-elles aujourd’hui, à l’échelle de l’histoire de l’humanité? Voilà comment on en arrive à nier tout avancement du savoir.

Si c’est là le fruit des formations que nous donnons, alors, c’est nous qui devons nous remettre en question.
Le seul fait que ce jeune chercheur s’interroge aussi fondamentalement sur ce qui constitue son métier de scientifique donne froid dans le dos, et doit nous interpeller.

N’est-il pas temps que nous nous interrogions sur notre manière d’enseigner, si vraiment elle laisse la place à de tels doutes ou les crée?
Le malaise de ce chercheur n’est-il pas révélateur du fait que nous avons trop tendance à enseigner ex cathedra et à asséner à nos étudiants des affirmations qui, pour eux, équivalent à des vérités révélées, au point qu’ils les considèrent comme des dogmes?
Ne nous éloignons-nous pas trop de la démonstration rigoureuse assortie d’une approche pratique, d’une familiarisation sensorielle avec le réel?
N’utilisons-nous pas trop souvent des raccourcis qui nous font dire que « c’est comme ça »?
N’énonçons-nous pas trop les choses sous forme assertive, sans démonstration, par souci excessif de rapidité et de concision, parce que nous voulons donner à nos étudiants trop de matière et pas assez de temps pour comprendre comment on a accumulé ces connaissances, comment on peut les acquérir?
Sous prétexte de la quantité croissante de connaissances à transmettre, ne sacrifions-nous pas le raisonnement ainsi que le cheminement historique de la pensée?
Une telle distanciation par rapport au concret est-elle compatible avec l’apprentissage de la science moderne et ne s’aggrave-t-elle pas de génération en génération?

J’ignore si la vision de ce jeune homme est exceptionnelle, mais le seul fait qu’elle existe mérite qu’on s’y penche sérieusement, sous peine de former de plus en plus de jeunes qui seront incapables de faire la part des choses entre la science, les mythes et les dogmes. Au lieu de leur apprendre à apprendre, nous en aurons fait des machines à emmagasiner des informations, entraînées à gober n’importe quoi, venant de n’importe qui. Un bon public pour les Harun Yahya.