lun 14 oct 2013
En cette année académique qui vient de commencer sous le signe de la liberté d’expression et suite aux événements tourmentés que nous venons de vivre avec les accidents de « baptême », à propos desquels je me suis déjà expliqué dans le billet précédent, il me semble important de clarifier une fois encore ma position.
Je respecte le folklore. Je respecte le folklore estudiantin tout autant. Le « baptême » fait partie du folklore estudiantin belge. Il s’agit, selon les connaisseurs, d’une épreuve initiatique parfaitement codifiée.
Si l’on s’en réfère aux mêmes spécialistes, il faut préserver le « baptême » en tant qu’élément du folklore et de la tradition.
Je ne peux que partager ce point de vue. Mais alors le « baptême » doit rester dans les limites de sa tradition, respecter ses codes et ses rituels avec précision.
Si c’est bien le cas, le rituel du « baptême », reflet d’une très ancienne tradition, ne pose aucun problème. Seuls les dérives, écarts et dérapages sont préoccupants.
Comment fixer les normes, les principes? Peuvent-ils être résumés en un seul ? Certainement. Le respect du libre arbitre.
Respecter le libre arbitre de chacun constitue, en réalité, le principe nécessaire et suffisant pour baliser l’ensemble des activités folkloriques estudiantines.
- Personne ne peut être obligé de participer à des épreuves folkloriques.
- Personne ne peut être obligé d’aller jusqu’au bout de telles épreuves s’il souhaite s’y soustraire et quand il en émet le souhait.
- Il ne peut être tenu rigueur à personne de n’avoir pas participé à des épreuves folkloriques ou d’y avoir renoncé, personne ne peut en subir des conséquences répressives de quelque nature que ce soit.
- Personne ne peut perdre ses droits ou certains droits en raison de sa non-participation à des épreuves folkloriques.
- Aucune épreuve ne peut être ajoutée aux épreuves académiques officielles en vue de l’obtention d’un diplôme universitaire.
Tout manquement avéré à ces principes sera sévèrement sanctionné par des peines académiques et, le cas échéant, son auteur pourra être poursuivi en justice.
En se focalisant sur la notion de libre arbitre, on peut élaborer toute la prévention nécessaire pour éviter tant les excès que les discriminations.
Ne serait ce pas là une bien jolie formule pour enrobé un déni complet des phénomènes de pression sociale?
Commentaire de Marie, le 15 oct 2013 à 13:03Qui sera le plus fort entre la maturité naissante d’un jeune étudiant et le sacro-saint « folklore » étudiant, dont on entend parlé depuis qu’il est question de s’inscrire dans une université?
Il est bien facile, une fois sagesse acquise, de brandir le libre arbitre comme grand décideur de nos vies. Pour avoir un libre arbitre, il faut se sentir arbitre de sa propre vie. Le pourcentage d’étudiants fraîchement débarqués sur les campus ayant déjà un parcours de vie suffisant pour résister aux pressions sociales ne doit pas être si éloigné que ça, finalement, du pourcentage d’étudiants qui ne se font pas baptisé.
Soit, cacher son impuissance face à la horde d’étudiants alcoolisés derrière le terme « libre arbitre », cela me semble très être un joli petit tour de passe passe. A quand donc l’ouverture d’un cursus « magie » a l’ULG?
Cher Recteur, Chère Marie,
Je vous ai bien lus et ai suivi les différents articles médiatisés ces derniers temps.
Pour ma part, je suis d’accord avec les arguments du Recteur par rapport à l’avis de Mme Royale.
Cela dit, j’aimerais juste avoir la position du recteur sur le commentaire de Marie qui me semble tout aussi pertinent.
Certes le libre arbitre est une base, mais doit-il être la seule base de ce code ? Et surtout, si oui, quel moyen de contrôle pour être sur qu’il soit appliqué ?? La confiance aux jeunes « présidents »… sans aucun engagement formel ??!!
Ce code qui, d’ailleurs, me semble assez difficile à faire respecter dans les faits…
Prenez ces 3 points :
- Personne ne peut être obligé d’aller jusqu’au bout de telles épreuves s’il souhaite s’y soustraire et quand il en émet le souhait.
- Il ne peut être tenu rigueur à personne de n’avoir pas participé à des épreuves folkloriques ou d’y avoir renoncé, personne ne peut en subir des conséquences répressives de quelque nature que ce soit.
- Personne ne peut perdre ses droits ou certains droits en raison de sa non-participation à des épreuves folkloriques.
Et ce dernier :
Tout manquement avéré à ces principes sera sévèrement sanctionné par des peines académiques et, le cas échéant, son auteur pourra être poursuivi en justice.
Regardez ce qu’il se passe dans vos cercles et régionales et vous constaterez qu’il n’est tout simplement pas appliqué ! Donc votre sanction n’est que virtuelle, à part éventuellement dans des cas extrêmes comme ceux qui causent les débats actuels.
Le baptême est sans conteste un folklore à conserver mais dans sa forme originelle, celle que ce fameux code rend possible, mais certainement pas dans sa forme actuelle ! Où les « dérives » (au code) sont devenues naturelles et sont même la base à certains endroits…
Quid ??
Bien que plus étudiant et pas encore parents, cela m’interpelle beaucoup et votre avis m’intéresse.
Merci beaucoup pour votre réponse.
Bien à vous,
Commentaire de David, le 15 oct 2013 à 17:02David Marini
Il ne s’agit ni d’une formule magique, ni d’un déni des pressions sociales et de leur efficacité. Là n’est pas mon propos. Je sais qu’un jeune de 18 ans est assez souvent peu assuré face à des aînés qui peuvent se montrer très intimidants.
Ce que je veux dire, c’est que tout acte (il faut évidemment qu’on en soit informé) portant atteinte au libre arbitre d’un étudiant sera sanctionné. Le Conseil d’administration de l’ULg en a pris la détermination en sa séance du 30 septembre 2013. Où est le changement ? Dans la détermination, justement.
De même, le Procureur Général de Liège a annoncé ce matin sa volonté, à lui aussi, de poursuivre, avec des sanctions pénales à la clé.
Nous avons tous deux, lui sur le plan judiciaire, moi sur le plan académique, un ensemble de moyens de faire respecter les lois d’une part, les règlements, chartes, accords et engagements divers.
Nous ne nous attaquerons pas au folklore, ni aux baptêmes, mais à ceux qui transgressent les principes qui les accompagnent.
Bien évidemment, le libre arbitre n’est pas le seul code. Il y a des dizaines d’articles très précis parfois, ou très généraux, dans la charte des baptêmes. Mais un moyen simple de se remémorer ce qu’on peut faire et ne pas faire, c’est de penser au libre arbitre, qui doit rester inviolé. Quand quelqu’un dit non, c’est non.
Le sauvetage du folklore estudiantin est à ce prix. Si nos ne nous accordons pas tous sur ce point, ce sera la philosophie de Mme Royal qui prévaudra. La fin des baptêmes et, dans la foulée, du folklore (St Nicolas, St Torè et, au passage, les autres Saints, Verhaegen etc.). On verra, comme dans le pays de Mme Royal, si fière de son action éradicatrice, s’organiser des sorties de weekend bien plus dévastatrices, comme nous en avons connu aussi à Marche. Ce n’est pas ça que je veux…
Commentaire de Bernard Rentier, le 15 oct 2013 à 18:14Monsieur le Recteur,
J’approuve tout à fait l’idée de saisir l’opportunité qu’offre cette crise pour apprendre (enfin) aux étudiants ce qu’est le libre arbitre et pour valoriser les refus de soumission à l’autorité. J’ai d’ailleurs parfois l’impression que pour certains universitaires, le libre arbitre consiste à « se bourrer la gueule » en critiquant l’Eglise. Or, il me semble qu’appliquer le libre arbitre c’est refuser de se soumettre à l’autorité et donc en pratique ça consiste surtout à ne pas accéder aux demandes de ses supérieurs lorsqu’on n’en voit pas le bien fondé.
Cependant, à côté de ceci, ma vision des mesures à prendre pour éviter les débordements liés aux baptêmes est la suivante :
soit on interdit le baptême, soit on informe les jeunes. En effet, soit les limites doivent être externes aux comitards de baptêmes (interdictions), soit elles doivent être internes (conscience). S’il n’y a pas de limite externe ni de limite interne, alors il y aura forcément encore des débordements. Les jeunes ont des comportements stupides et mortels par manque d’expérience. C’est le rôle des adultes d’informer les jeunes (de diminuer leur ignorance).
En outre, à côté du problème des baptêmes, il y a le problème de l’alcool. Il semble qu’à 18-20 ans les jeunes n’ont pas encore appris à s’amuser sans alcool. Là encore je crois que l’éducation est le rôle des aînés et l’éducation ne se fait pas que par l’information, elle se fait aussi par l’exemple. Si nous voulons que les jeunes soient capables de s’amuser sans boire d’alcool, il faut que nous-mêmes apprenions à le faire. On ne doit pas blâmer les jeunes; ils sortent de l’oeuf. Les adultes ne doivent pas avoir des attentes vis-à-vis des jeunes mais ils ont des responsabilités vis-à-vis d’eux.
Avec mes salutations respectueuses,
Aurélie Larcy
Commentaire de Aurélie Larcy, le 15 oct 2013 à 21:20Je tiens à préciser que par « adultes », dans ce contexte-ci, j’entends surtout les professeurs d’université puisqu’il s’agit de problèmes propres à l’université et récurrents. Les professeurs ont vu passer des générations d’étudiants en baptêmes et en tant qu’adultes ils doivent, je crois, se préoccuper des jeunes et se charger de les informer correctement et suffisamment (les éclairer).
Commentaire de Aurélie Larcy, le 15 oct 2013 à 22:06Merci pour votre réponse.
Commentaire de Marie, le 16 oct 2013 à 13:29Je suis tout à fait d’accord avec l’idée qu’une interdiction pure et simple des activités de baptême revient à encourager la clandestinité de telles activités. De plus, l’université devrait, à mon avis, être un lieu de dialogue et de discussion, bien plus qu’un lieu qui fonctionne sur l’idée basique que la répression et l’interdiction éduquent…
Toutefois, c’est bien parce que l’université devrait être un lieu de dialogue que j’encourage fortement l’idée que le débat soit ouvert sur le fond même du sujet des baptêmes. Il ne suffit pas de dire que tout débordement ou accidents seront punis. Il est à mon avis grand temps de questionner l’idée même du baptême et de ce que celui ci peut apporter.
Vous dites « le sauvetage du folklore étudiant », je pense pour ma part que cette partie a déjà coulé.
J’ai du mal à concevoir que l’on veuille sauver un baptême sans pour autant lui insuffler un air nouveau. Il est grand temps, à mon avis, d’ouvrir le dialogue sur les activités de baptême afin de tirer celles-ci vers le haut… Plutôt que de continuer à se convaincre que le baptême tel qu’il est doit être sauvé….
La sur-valorisation de l’alcool, les activités qui ridiculisent et sont basées sur une absence complète de dialogue entre les anciens et les nouveaux,… En quoi cela apporte-t-il aux étudiants une quelconque plus-value à leur cursus?
Et c’est finalement généralement là, que le libre arbitre intervient: ils ont choisi de participer à ces activités. Ah oui? Vraiment???…
N’y a t’il vraiment que deux options? Autoriser l’absurde ou interdire absurdement? La troisième voie est sans doute celle d’une entrée en dialogue sur ce que le baptême pourrait être si il surpassait l’affreuse représentation de ce qu’est une personne soumise face à un modèle encore dominant dans les esprits.
Merci beaucoup pour votre réponse que je partagerai car je trouve que vous avez tout à fait raison. (J’ai aussi vu les déclarations du procureur qui s’est parfaitement exprimé sur le sujet je trouve). Liège a de la chance de vous avoir tous 2.
Commentaire de David, le 16 oct 2013 à 14:16Un dernier commentaire. Les dérives sont, selon moi, essentiellement causées par le fait qu’à part les personnes qui sont vraiment attachées au folklore (pcq ils ont fait partie de mouvements de jeunesse par exemple), il y a toutes une série de jeunes gens frustrés d’avoir vécu des moments difficiles en rénové, de n’avoir jamais eu bcp de camarades, … qui font leur baptême pour être intégré à un groupe. Ce qui est positif en soi. Mais le fait est que cette frustration qui s’accentue souvent lors des bleusailles et du baptême pour ces jeunes, s’extériorise finalement en la rejetant sur les autres après avoir été baptisé. Je sais que cela a l’air simpliste mais je pense sincèrement, au vu de mon expérience pas si lointaine d’étudiant et de représentant des étudiants, que ce cercle vicieux a perduré pendant longtemps et est devenu partie intégrante du milieu du baptême, malheureusement pour le folklore. De là, on arrive parfois à des dérives bcp plus graves. Car il est certain, sans que cela soit une règle devenue absolue, que dire « non » lors d’une bleusaille, quand on se trouve devant certains baptisés, veut dire se faire virer purement et simplement, ou se faire encore plus humilier par la suite.
En espérant que vous trouverez des solutions pour éduquer vos jeunes à mieux respecter les codes, chartes… et à en intégrer la substance, je vous prie de recevoir mes salutations distinguées.
David Marini