Suite à la « votation » helvétique du 9 février dernier « contre l’immigration de masse » qui a fait grand bruit, et pour cause, la Commission Européenne a, le 26 février, en guise de représailles, purement et simplement exclu la Suisse des programmes de recherche « Horizon 2020″ et des échanges d’étudiants « Erasmus+ ». Elle a également fermé immédiatement l’accès des chercheurs suisses aux prestigieuses bourses de démarrage de l’ERC (European Research Council).
Si on doit bien reconnaître que la Suisse a, dans le cadre de sa démocratie directe, commis une erreur d’une extrême gravité qui ne peut que susciter la colère, si on peut comprendre que l’Europe veuille exercer des représailles, il est absolument aberrant que celles-ci portent sur les programmes d’échange et sur les programmes de recherche. Ceci équivaut, pour les pays membres de la Communauté européenne, à se tirer un balle dans le pied, en se coupant de collaborations importantes. En effet, nos universités collaborent avec les suisses dans de nombreux programmes d’excellence européens et ces collaborations renforcent nos candidatures. Une telle mesure risque aussi d’amener les suisses, dont les universités et la recherche sont de très grande qualité, à se tourner vers d’autres pays du monde pour leurs collaborations et même de provoquer une ‘fuite des cerveaux’ internationaux actuellement attirés vers le continent européen par les institutions suisses.
Jamais, dans l’histoire des relations politiques de la Communauté européenne, de telles représailles, portant spécifiquement sur la science et l’éducation, n’ont été mises en œuvre, même pas vis-à-vis de pays qui ont fait l’objet de sanctions économiques, un outil souvent employé par l’Europe lorsqu’elle est mécontente… Le recours à des sanctions visant spécifiquement les étudiants et les chercheurs est donc complètement disproportionné et contre-productif.
Plus encore que pour trouver des financements, c’est pour la qualité des collaborations et pour le prestige que leur confère la participation aux programmes européens que les équipes de recherche suisses sont candidates. Nos collègues suisses nous disent qu’on peut s’accorder, dans le cadre de sanctions, sur la prise en charge par la Suisse de la totalité de sa quote part financière des bourses ERC mais qu’il serait absurde de les empêcher de faire partie de la compétition, et plus encore lorsque c’est en collaboration avec nous. Si la Suisse mérite des sanctions, ses étudiants et ses chercheurs, non, pas plus que les nôtres.
En conséquence, et en se concentrant sur l’urgence la plus pressante, puisque les demandes de bourses d’amorçage ERC (« Starting Grants ») doivent être rentrées pour le 25 mars 2014 et que les chercheurs suisses qui travaillent depuis plusieurs mois sur de tels projets ont vu se fermer pour eux l’accès au dépôt ‘en ligne’ des candidatures, il est essentiel que la communauté scientifique européenne se mobilise pour demander à la Commission que soit levée cette sanction avant le 25 mars, même si elle est maintenue sur le plan budgétaire.