sam 13 juil 2013
Le test d’entrée en médecine: un outil pédagogique de plus pour les futurs étudiants
Posté par Bernard Rentier dans Enseignement/Formation1 Commentaire
Ce 3 juillet 2013, pour la première fois, un test d’orientation en médecine a été mis en place dans les cinq universités de la Communauté française qui organisent des études en médecine.
Le test était obligatoire mais non contraignant. Autrement dit, il faut l’avoir présenté pour pouvoir s’inscrire, mais il ne faut pas l’avoir réussi.
On comprendra donc aisément qu’il s’agit bien d’un test que le futur étudiant peut effectuer pour vérifier ses connaissances préalables et sa capacité d’en faire usage. Il ne s’agit ainsi nullement d’un examen et encore moins d’un concours, comme cela se pratique à l’entrée en médecine dans la plupart des autres pays. L’enjeu est donc bien et seulement l’inscription en première année de médecine pour laquelle avoir présenté le test est obligatoire. Un deuxième test sera organisé le 2 septembre (inscriptions jusqu’au 23 août à 23h59) pour ceux qui n’ont pas présenté le premier. Il sera aussi immensément utile pour ceux qui ont échoué lors du premier et qui auront consacré une partie au moins de leur été à tenter de se mettre à niveau. Pour ceux-là, le test de septembre sera très informatif quant à leur capacité de progresser.
1065 candidats se sont inscrits et 92% d’entre eux sont effectivement venus. Dans chacune des universités où le test était pratiqué, on a pu constater un réel engagement des candidats qui ont pris cela très sérieusement et avec application. Les « touristes » dont certains annonçaient déjà la présence insouciante ne se sont pas montrés.
Certes, un millier de candidats représente assez peu par rapport au nombre total d’inscrits en 1ère médecine les années précédentes. On doit s’attendre à un afflux plus important au test de septembre, à moins qu’on ne constate un effet dissuasif. Ce n’était pas l’intention, mais si c’est le cas, on pourra se rassurer en mesurant ainsi le faible degré de motivation de ceux qui auront renoncé face à un test sans réelle conséquence.
Le taux global de réussite (>10/20) est de 21%. On ne manquera sûrement pas de crier à l’hécatombe mais il faut savoir que ce taux correspond au taux de réussite des examens réalisés à la fin du premier quadrimestre de 1ère médecine.
Contrairement à ce que d’aucuns prédisaient, la maîtrise du français n’est pas mauvaise (14,6/20 en moyenne) dans cette première cohorte. L’anglais laisse plus à désirer (7,7/20) et, tout particulièrement, la physique s’avère catastrophique (3,9/20). Moins gravissime mais très insuffisant quand même, en moyenne, la biologie (6,6/20). la chimie est à 8,5, les mathématiques à 8,7, ce qui amène la moyenne générale du test à 7,8/20.
C’est donc vers la physique et la biologie qu’il faut se tourner en premier lieu pour réduire les lacunes et combler l’immense fossé entre secondaire et supérieur.
Chaque candidat(e) ayant présenté le test a reçu par mail le détail des points qu’il (elle) a obtenus.
Les résultats du test pourront, dans un an, être comparés aux résultats du Bac1, ce qui apportera des éléments utiles pour l’ajustement du test lui-même et instructifs quant à sa valeur prédictive.
L’attitude des candidats, certes observée superficiellement, laisse penser qu’ils auront à cœur de l’utiliser comme un outil pédagogique de plus à leur disposition. C’est dans cette optique que, sous l’égide du CIUF, de nombreuses personnes se sont fortement impliquées dans la mise sur pied de ce test, que ce soit pour assurer sa validité et sa « relevance », son traitement informatique, son unicité pour l’ensemble des institutions, etc. Une belle et considérable performance dont il fait féliciter tous les acteurs et un effort général à ajouter aux très nombreux autres consentis en faveur de la lutte contre l’échec.
Renseignements : http://www.facmed.ulg.ac.be/cms/c_338212/fr/le-test-d-orientation
Cher Prof. Rentier,
La question qui se pose est sans doute aussi de savoir ce que feront les étudiants qui ont échoué : s’inscriront-ils à l’université ? abandonneront-ils le projet de suivre des études universitaires ?
Il serait absolument effrayant que ce test serve à convaincre des étudiants qu’ils n’ont pas les « aptitudes » pour suivre des études universitaires, alors que ce qu’il révèle essentiellement, c’est bien le niveau catastrophique de préparation des élèves du secondaire aux matières scientifiques en Fédération Wallonie-Bruxelles (effet bien connu, relevé maintes fois par les études PISA – on ne peut donc pas dire que le résultat soit surprenant). À ce niveau, je pense qu’envisager qu’en 2 mois un étudiant particulièrement « en retard » (par rapport à l’ambitieux programme officiel) puisse « progresser » de manière significative dans la connaissance de ces matières est en partie un leurre, qui pourrait s’avérer dangereux pour ces étudiants : pour ceux-là, vu l’écart de niveau entre certains établissements secondaires et le niveau d’exigence du test, les questions de motivation/de volonté/de « capacités à apprendre » seront juste inopérantes. Ce qui jouera, c’est un effet tout à fait terre-à-terre : développer une « culture scientifique », ça nécessite du temps, ça nécessite de se familiariser progressivement avec le langage scientifique – et en particulier mathématique – et s’ils n’ont pu bénéficier du cadre adéquat (notez qu’à ce niveau, je ne blâme pas du tout les enseignants du secondaire, qui vivent des doubles contraintes institutionnelles qui les empêchent souvent de faire leur métier dans des conditions correctes, le problème est pour moi plutôt structurel) pour « prendre le temps » d’un apprentissage scientifique, il est impossible de le « rattraper » en quelques semaines.
Vu qu’hélas, l’inscription dans un établissement de l’enseignement secondaire qui organise un enseignement scientifique de qualité est fortement corrélé avec le « capital culturel familial » (essentiellement, le niveau de diplôme des parents, comme l’a bien montré Maud Van Campenhoudt dans sa thèse – UCL, 2012), tout test d’orientation préalable aux études supérieures risque, en Fédération Wallonie-Bruxelles, de renforcer encore la « barrière culturelle aux études supérieures » (pour reprendre l’expression de Martin Casier, vice-président du CA de l’ULB).
Je pense que les résultats de ce test – dont je regrette profondément la mise en place pour les raisons évoquées ci-dessus – devraient servir AVANT TOUT à mettre autour de la place les responsables universitaires, les autorités politiques, les chefs d’établissements secondaires, les responsables de programme, etc. pour réévaluer sérieusement quelles sont les mesures à mettre en place structurellement et rapidement pour mieux préparer TOUS les élèves au supérieur (comprenez-moi bien : il s’agit de partir du principe que le supérieur universitaire doit être une option pour tous… sans que pour autant tous optent pour cette option) – en fait, de penser enfin un continuum pédagogique « de la maternelle au doctorat ». Par ailleurs, il me semble également crucial d’accompagner les « candidats malchanceux » dans le décryptage de ce résultat en mettant sur pied des mécanismes correctement financés (ce qui implique aussi de penser à la « condition » de ces étudiants) pour leur permettre soit de se « réorienter » soit de persister dans leur projet, mais avec tous les « atouts » nécessaires.
Sans cela, nous observerons encore une aggravation du phénomène (mis en évidence notamment par Catherine Vermandele et Vincent Dupriez) de fermeture de l’enseignement universitaire aux enfants des milieux moins favorisés (économiquement et surtout, culturellement) et un renforcement de la dualisation des filières universitaires (entre filières de ‘masse’ et filières ‘d’élite). Il me semble qu’il s’agit là d’un enjeu pour l’université bien sûr, mais pour la société en général : une société où la mobilité sociale diminue est condamnée à connaître des tensions croissantes (l’exemple britannique devrait largement nous inciter à la réflexion).
PS : Je voudrais par ailleurs souligner que je trouve vraiment salutaire qu’un recteur fasse encore référence à la « lutte contre l’échec » au lieu de la « promotion de la réussite », dénomination qui contribue à fonder l’illusion du caractère inéluctable de l’échec à l’université.
Commentaire de Renaud Maes, le 28 juil 2013 à 12:38