Etant donné l’état d’ignorance dans lequel nous sommes quant à l’évolution future du paysage universitaire francophone belge d’une part, du paysage universitaire européen, voire mondial, d’autre part, il est essentiel, pour une institution universitaire comme la nôtre, de déterminer ses forces réelles ou potentielles et de leur donner tout son soutien, afin de lui permettre de se démarquer. Nous devons rechercher nos éléments d’attractivité, et ceux-ci résident inévitablement dans les domaines où nous faisons preuve d’originalité.

En termes de recherche, il nous est facile de repérer nos points forts et d’ensuite les encourager et les soutenir efficacement. Nous mettons d’ailleurs actuellement au point les incitants aux regroupements en centres de recherche à masse critique significative, tout en veillant à ne pas négliger les domaines émergents et prometteurs.

Mais si les axes de recherche les plus puissants contribuent fortement à notre spécificité et à notre attractivité, cette dernière se restreint à des domaines particuliers et ne s’étend pas à l’ensemble de l’Institution. Elle concerne plus particulièrement les chercheurs et professeurs, moins les étudiants, en particulier ceux du premier cycle.

Pour ces derniers, où se situe notre attractivité ?
1. dans le type de formation qu’ils vont recevoir,
2. dans les atouts complémentaires que nous allons leur offrir.

D’autres institutions universitaires, mieux que la nôtre, peuvent mettre en avant la qualité des logements, le cadre de vie intégré, l’encadrement de type familial, la vie dans une grande ville cosmopolite ou alors dans une ville presqu’exclusivement estudiantine, etc. Ce sont des atouts importants mais que nous ne maîtrisons que très partiellement ou de manière hybride pour la plupart, essentiellement pour des raisons historiques sur lesquelles je ne reviens pas ici.
Mais j’en tire les leçons pour déterminer quels sont les axes d’attractivité que nous pouvons réellement et réalistement développer.

Quelle formation nos étudiants vont-ils recevoir ?
Je préfère l’appellation « formation » à « enseignement » car c’est bien de la formation des jeunes que nous sommes chargés. Celle-ci m’a toujours paru plus importante que le remplissage des crânes.

Dès 2010, l’ULg sera une université dont on ne sort pas seulement instruit, mais formé, prêt à affronter la vraie vie, les vrais problèmes.

Apprendre à apprendre, disait-on déjà lorsque j’étais étudiant, mais rares (et précieux !) étaient ceux qui, parmi nos professeurs, adoptaient cette ligne de conduite dans leur mission académique. Depuis lors, les choses ont trop peu changé. Certes on me trouvera des exemples du contraire, on me citera celui de la faculté de Médecine et de son apprentissage par problèmes, celui de la faculté de Psychologie et des sciences de l’Education et son apprentissage par projets, les expériences de l’école de Gestion, ou des tentatives éparses qui dénotent bien la prise de conscience de cette nécessité de moderniser l’enseignement. Il est aujourd’hui indispensable que les jeunes accèdent le plus possible à la connaissance par leurs propres moyens, qu’ils soient mis en situation concrète, face à des problèmes à résoudre, activement.
Je sais que ces techniques pédagogiques ne sont pas la panacée. Mais je souhaite qu’on y fasse appel chaque fois que cela s’indique. Aucun enseignant ne peut faire l’économie d’une réflexion sur ce type d’approche (il en existe de nombreuses variantes).
J’encourage tous mes collègues à s’interroger à ce sujet et à recourir aux services de l’IFRES qui est à leur disposition à cet égard. Une formation appropriée sera désormais organisée systématiquement pour nos nouveaux chargés de cours.
Enfin, l’évaluation des enseignements et l’évaluation des enseignants seront désormais généralisées dans toutes les filières, dans le seul but de produire une information utile aux responsables de filières pour la première et à l’enseignant lui-même pour la seconde.

Quels atouts complémentaires allons-nous offrir à nos étudiants ?
Les enquêtes interne et externe que nous avons menées en 2006 nous indiquent clairement qu’un des points faibles de l’ULg, et des liégeois en général, est la connaissance des langues.
Il me semble aujourd’hui inadmissible qu’on puisse sortir diplômé d’une université sans connaître au moins une langue de plus que sa langue maternelle. Et il me semble impensable qu’une université tolère une telle carence.

Dès 2010, l’ULg sera donc une université dont on sort non seulement avec un diplôme, mais avec la maîtrise usuelle d’une langue étrangère.

Il s’agira sans doute pour la majorité de l’anglais, langue internationale véhiculaire par excellence, ouvrant par définition les portes de la communication partout dans le monde. Qu’on le veuille ou non, qu’on aime ou qu’on regrette, qui peut encore se passer de l’anglais aujourd’hui ? On trouvera aussi de la demande pour le néerlandais bien sûr, mais également l’allemand, l’espagnol et pourquoi pas le chinois…
Certes, mon engagement est audacieux. Il sera coûteux, surtout par sa mise en application généralisée à toutes les filières de l’Institution. Mais il est nécessaire. Il donnera à nos étudiants un « plus » incontestable.
Il nécessitera la mise en place, dès 2007 et dans toutes les filières, de 5 ECTS obligatoires d’une autre langue que le français (il pourra s’agir du français pour les étudiants étrangers dont ce n’est pas la langue maternelle). Cette matière aura la même importance que les autres lors des délibérations de jurys.

Plus audacieux encore : Dès 2010, l’ULg sera une université dont on sort, non seulement avec un diplôme et la maîtrise d’une langue étrangère, mais après avoir effectué un séjour d’au moins un quadrimestre dans une université flamande ou étrangère.

Comme pour la formation en langues, la généralisation de ce séjour extérieur à tous nos étudiants régulièrement inscrits à partir du 3e bac requiert un travail d’accompagnement énorme, j’en suis conscient, mais c’est aussi indispensable. Il est nécessaire, pour relever ce défi, d’accroître également la mobilité des encadrants car il n’est pas souhaitable d’envoyer nos étudiants dans des universités où nous n’avons pas un contact personnel et dont nous ne connaissons qu’indirectement la valeur des formations.

La formation en langues et la mobilité sont complémentaires. Toutes deux contribueront considérablement à l’objectif de formation et d’ouverture que nous nous sommes fixé pour nos étudiants. Elles constitueront désormais un « plus », un « bonus » pour tous ceux qui s’inscriront à l’ULg.

Voilà donc les défis que je nous lance, en pleine connaissance de leurs implications quant aux difficultés qu’il y aura à les relever. La charge de travail sera énorme et pèsera lourdement sur chacun d’entre nous. La charge financière sera également énorme et pèsera lourdement sur notre budget et sur le reste de nos initiatives, en particulier si nous voulons assurer le caractère démocratique de cette mobilité. En effet, ces défis ne doivent pas accroître les différences de moyens familiaux mais, outre leur rôle formateur pour tous, ils doivent constituer en eux-mêmes, pour nos étudiants les plus défavorisés, un véritable ascenseur social.

C’est ainsi que je conçois notre mission d’université publique.