Au moment précis où chacun appelle l’innovation et la créativité au secours de l’économie et de la vie sociale, le FNRS voit son financement réduit par le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). La saignée se monte à 12 millions d’€, soit près de 10% des moyens du fonds. Il s’agit là d’une catastrophe sans précédent en 84 ans d’activité du Fonds, témoignant d’une profonde incompréhension du principe qui veut que la recherche soit le dernier domaine auquel il faut appliquer de l’austérité en période de crise. Certes, il est normal qu’une politique gouvernementale veille à appliquer l’austérité à tous, de manière équitable. Mais là n’est pas la question. Plus encore que le souci des chercheurs pour leur emploi, pour leur avenir, le cri que pousse aujourd’hui le FNRS n’a rien a voir avec un réflexe corporatiste que ferait des chercheurs des citoyens à part. Il rappelle en réalité ce que chacun devrait savoir: la recherche scientifique, et en particulier la recherche fondamentale, dans quelque domaine que ce soit, est le socle sur lequel la relance repose entièrement.

Face à cette amputation, plus importante que la récolte de fonds du Télévie, le Conseil d’Administration du FRS-FNRS a choisi de ne pas privilégier la voie pourtant prudente qui consisterait, pour la première fois de son histoire, à n’accorder aucun mandat de chercheur cette année (ce qui compenserait 11 des 12 millions de reduction) mais plutôt de répartir le choc sur l’ensemble des mesures dont il a la charge. Moins douloureuse mais plus risquée, cette solution va certainement estomper le caractère dévastateur de la mesure. Néanmoins, elle fera mal un peu partout, au niveau des mandats, qu’il faudra bien réduire d’une trentaine d’unités, des crédits de fonctionnement, des bourses de recherche, du soutien au retour de nos chercheurs actuellement à l’étranger, des fonds d’équipement…

L’avenir et la qualité de la recherche fondamentale belge francophone sont plus sérieusement menacés qu’ils ne l’ont jamais été. Il est devenu indispensable que les citoyens de la FWB en prennent conscience et réalisent que l’émotion ne concerne pas que les chercheurs, mais qu’elle doit être partagée par tous ceux qui comprennent que c’est l’avenir de notre société en ce qu’elle a de meilleur qui risque d’être compromis.

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Le communiqué du C.A. du FRS-FNRS:

Un Conseil d’Administration de crise au F.R.S.-FNRS ce vendredi 27 avril 2012

Chaque année, le Conseil d’Administration du F.R.S.-FNRS détermine, dans le courant du mois d’avril, les montants qu’il pourra consacrer au financement de chacun des instruments (mandats, fonctionnement, projets, équipements, etc.) qui financent une large part de la recherche fondamentale en Fédération Wallonie-Bruxelles.
Ce financement tient compte des engagements pris antérieurement (notamment en raison d’engagements pluriannuels qui caractérisent la plupart des mandats et projets octroyés), mais aussi des prévisions que l’on peut raisonnablement faire quant à un financement stable de la recherche en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Or, cette année, la situation s’est vue compliquée par deux décisions récentes du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, l’une d’ordre structurel, l’autre d’ordre budgétaire.

D’une part, la création d’un « Fonds » distinct et destiné à la recherche en Sciences humaines et sociales — demande répétée du FNRS depuis plusieurs années — s’est opérée, non pas par accroissement du budget de la recherche, mais par transfert interne au sein même du budget du FNRS. Cette décision a eu pour effet de réduire le volume du financement disponible pour les instruments « traditionnels » du FNRS. Cette diminution n’a pu être entièrement compensée par un apport nouveau du Fonds de la recherche de la Région wallonne et plus de 5,2 millions d’euros restent à trouver, à la fois pour les dépenses engagées sur le budget 2012 et pour les nouveaux projets.

D’autre part, en prévision d’une croissance inférieure à 0.10%, le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a souhaité constituer une « réserve » en réduisant de 3.8% les crédits facultatifs qui, dans le cas du FNRS et de ses fonds associés, s’élèvent à quelque 60 M€ par an. Cette réduction est d’autant plus difficile à rencontrer qu’elle impacte le financement de nombreux mandats pluriannuels, voire à durée indéterminée, et vient s’ajouter à une autre difficulté, que le FNRS connaît depuis plusieurs années déjà. Ces mandats connaissent en effet une indexation salariale qui n’est pas entièrement compensée par l’accroissement de la subvention des pouvoirs publics.

Alors que la Communauté française avait entamé un refinancement substantiel du FNRS et de ses fonds associés à partir de 2003, cet écart entre l’indexation des salaires et celle de la subvention est tel que l’on enregistre une baisse de presque 10% de la subvention à euro constant sur les dernières années.

Aussi, si la situation s’avère délicate en temps normal, elle devient catastrophique dès lors que cette subvention, en plus de ne pas suivre l’évolution des salaires, est de surcroît réduite du fait d’une décision gouvernementale.

Si l’on cumule ainsi la réduction des sommes disponibles pour le financement des instruments traditionnels (suite à la diminution de certaines lignes budgétaires du FNRS pour la création d’un nouveau Fonds) et une diminution d’une part significative de la subvention du FNRS, c’est alors une coupe de 12 millions d’euros que le Conseil d’Administration a dû se résigner à faire subir au volume du financement de ses appels à crédits, projets et mandats en 2012, par rapport à ceux lancés en 2011.

Le Conseil d’Administration n’a pas souhaité suivre l’option la plus prudente, qui aurait consisté à ne pas octroyer de nouveaux mandats de chercheurs en 2012. Une telle décision aurait atteint au cœur le dynamisme de la recherche en Fédération Wallonie-Bruxelles. Ce sont les crédits et projets qui subiront le plus grand choc (38% de la réduction) en voyant la libération des sommes octroyées en 2012 reportée de 6 mois pour les projets, de manière à maintenir approximativement le même niveau de fonctionnement cette année. Mais tous les autres instruments subiront également une diminution de leur volume de financement, y compris les mandats de chercheurs (8,5% de la réduction, ce qui correspond au même pourcentage de réduction de la masse financière disponible). Concrètement, c’est une petite trentaine de mandats en moins pour l’appel 2012.

Le financement de la recherche en physique des particules, l’un des fleurons de la Fédération Wallonie-Bruxelles, se voit réduit, quant à lui, de 50% par rapport à 2011 (ceci correspondant à environ 8,5% de l’effort de réduction du financement global).

Cette situation doit attirer l’attention de la communauté des chercheurs, tout comme de l’ensemble de la population, sur le danger qu’encourt notre recherche fondamentale si l’on ne veille pas à restaurer au plus vite deux conditions essentielles au maintien de sa qualité : un niveau de financement réel au moins stable et la plus grande souplesse de décision pour le Conseil d’Administration. La recherche fondamentale constitue, en temps de crise, un élément de relance indispensable sur le long terme. Réduire son financement, c’est compromettre son avenir. Un avenir dont la gestion doit être la plus souple et la plus autonome possible, car qui mieux que le monde scientifique lui-même peut tenter de répondre aux besoins essentiels de la recherche fondamentale, surtout quand on lui impose des réductions budgétaires qui en compromettent le bon fonctionnement ?