Ce jeudi 28 septembre, une conférence-débat sera organisée à la Salle Académique de l’Université de Liège, à l’initiative du Centre Jean Gol et du CReF (Conférence des Recteurs francophones) sur le sujet préoccupant du financement des universités.
On ne trouvera personne, dans les universités, dans la presse, dans les cabinets ministériels ou dans les quartiers généraux des partis politiques pour nier que la dernière et désormais la seule véritable ressource de notre pays, de notre Communauté, est la matière grise, celle-là même qui nous permet de rester « dans le coup » de la compétition internationale, de la mondialisation des biens et des produits. Il ne se trouvera personne non plus pour nier que la vraie ressource n’est pas la matière grise brute, mais que celle-ci nécessite un raffinage, un processing qui la transforme en matière grise élaborée, capable de se hisser sur les épaules des fabricants du savoir qui nous ont précédé et de jouer un rôle réellement créatif, réellement innovant, réellement original. Chacun s’accordera également pour dire qu’il faut veiller à conserver ces innovations chez nous et les exploiter nous-mêmes et on admettra qu’il faut élaborer des systèmes de valorisation efficaces et parfaitement sécurisés.
Néanmoins, toute notre attention doit se porter sur l’étape de raffinage et de finition de la matière grise et ces procédés sont le fait de l’enseignement supérieur et, par excellence, de l’Université.

Le financement des universités, c’est donc exactement comme l’arrosage et l’épandage d’engrais sur des cultures précieuses : il doit être abondant et régulier. Et ces soins doivent être prodigués dans l’intérêt de tous. Croire qu’il s’agit là d’un luxe onéreux est tout simplement de la mauvaise gestion.

Pour accomplir leurs missions d’enseignement et de recherche (on ajoute souvent « de service à la communauté » mais l’enseignement et la recherche SONT des services à la communauté ! Ce sont les meilleurs services que nous puissions rendre, d’ailleurs !) les universités ont besoin d’un financement adéquat. Tous les spécialistes sont d’accord pour dire que le financement est insuffisant. Et il ne s’agit pas là de ma part d’un discours corporatiste primaire, mais de l’expression de l’intérêt général.

Au moindre souci budgétaire, au moindre frémissement financier, c’est immédiatement l’Université, la Recherche et la Culture qui sont en point de mire des réductions de budget. Or ce sont là les vraies originalités, les vraies spécificités d’une nation telle que la nôtre. Dans la plupart des autres domaines, nous faisons « comme tout le monde » et, en général, pour plus cher, ce qui nous met en position concurrentielle difficile. C’est donc la spécificité qu’il faut cultiver, la spécificité de recherche et d’innovation de même que la spécificité culturelle.

Et pourtant, l’article publié dans la Libre Belgique d’hier, mardi 26 septembre 2006 (p.20), confirme mon diagnostic en annonçant que la sixième phase des Pôles d’Attraction Interuniversitaires (PAI) qui est actuellement en discussion est dangereusement menacée, le Gouvernement fédéral, qui connaît à l’heure actuelle des difficultés de nature politique et budgétaire, envisageant de réduire, voire de supprimer le financement des PAI. Une telle décision, s’il ne s’agissait pas d’une simple rumeur, porterait un coup fatal à la recherche scientifique fondamentale dans nos universités.

Lancé en 1987 par Guy Verhofstadt, alors Ministre de la Politique scientifique fédérale, ce programme de recherche ambitieux était conçu pour édifier des réseaux de recherche interuniversitaires au sein desquels travailleraient, en parfaite collaboration, les meilleurs chercheurs des Communautés francophone et néerlandophone sur des thématiques innovantes et extrêmement compétitives, et cela en bénéficiant de moyens comparables aux meilleures équipes mondiales.

Rapidement, le programme PAI prit son essor et remplit parfaitement son rôle, finançant les recherches de plus de 500 spécialistes au sein de 36 réseaux inter-universitaires, sévèrement triés sur le volet et leur permettant de dégager une production scientifique abondante et de grande qualité dans tous les domaines du savoir. Ces réseaux d’excellence sont pour beaucoup dans la réputation internationale de la recherche belge.

Cinq phases successives ont été accomplies de 1987 à 2006. En principe, la sixième phase devrait être lancée en janvier 2007. Plus de 80 projets ont été sélectionnés par des experts étrangers et on attend 143 millions d’€ à répartir sur une période de cinq ans (les recteurs des deux communautés ont demandé qu’on monte à 200 millions, en raison du nombre et de la qualité des projets).

L’article de la Libre laisse penser que certains envisageraient de retarder, ou même d’abandonner ce programme d’excellence, en contradiction avec le bon sens élémentaire d’un soutien aux efforts de recherche en Belgique et avec les déclarations et engagements du Comité Interministériel de la Recherche Scientifique et du Gouvernement fédéral.

Les recteurs, stupéfaits, se sont immédiatement concertés et ont pris contact avec l’ensemble des forces politiques fédérales, régionales et communautaires. En effet, une telle mesure menacerait la survie de nombreux laboratoires et groupes de recherche, beaucoup de chercheurs se retrouveraient rapidement sans emploi, et seraient ainsi amenés à chercher des opportunités à l’étranger, forts de la formation de qualité qu’ils ont acquise chez nous grâce à un investissement important des deniers publics.

Selon des informations obtenues ce matin, le Cabinet du Premier Ministre confirmerait le maintien du budget de la sixième phase des PAI et celle-ci prendrait bien cours le premier janvier prochain. On s’en doute, l’augmentation de 57 millions d’€ que le CReF et le VLIR (Conférence des recteurs néerlandophones) avaient demandée et que nous avions de bonnes raisons d’espérer, ne pourra hélas pas être honorée. Quoi qu’il en soit, c’est là quand même une excellente nouvelle qui ne manquera pas de rassurer tous ceux qui se sont émus à la lecture de cet article de presse alarmant.

Nous pouvons nous féliciter de la solidarité de tous les recteurs tant francophones que néerlandophones, ainsi que de la promptitude et de l’efficacité de leur réaction à une information déroutante qui, nous le savons maintenant, était fondée. Nous devons aussi remercier les services du CReF et du FNRS pour leur soutien dans le dénouement heureux de cet épisode.