La semaine dernière, j’ai eu l’occasion de découvrir deux instruments de grande dimension que l’ULg utilise et dans lesquels elle pourrait s’impliquer plus encore.

Le premier est la station scientifique et l’observatoire du Jungfraujoch, dans les Alpes suisses bernoises. Depuis bientôt soixante ans, à l’instigation du professeur Migeotte, visionnaire de l’astronomie, l’Université de Liège y réalise des observations solaires passionnantes. Depuis une vingtaine d’années, le soleil s’y est également transformé en source lumineuse permettant d’observer la composition des couches élevées de l’atmosphère: la haute troposphère au dessus de 4.000 m et la stratosphère. Dans ces couches s’accumulent des gaz à effet de serre et des produits de dégradation de substances générées par l’activité humaine dont les effets peuvent s’avérer délétères pour le climat global. Les appareillages et méthodes développés par le GIRPAS (Groupe Infrarouge de Physique Atmosphérique et Solaire) de l’ULg sont en constante évolution et permettent des observations qui sont considérées comme la référence en matière d’observation atmosphérique, ce qui donne aux résultats et à leur évolution inquiétante au cours des deux dernières décennies, un relief tout particulier. Il est clair que ces mesures de plus en plus fines, combinée à des données satellitaires moins précises mais extra-stratosphériques, y compris sur des observations rétrospectives portant sur de nombreuses années de présence constante sur le site, doivent être poursuivies, dans l’intérêt de la planète tout entière et de la vie à sa surface.

Le Jungfraujoch (Col de la Jungfrau) est situé entre les sommets de la Jungfrau et du Mönch dans un massif qui comprend aussi l’Eiger (la légende veut que le ‘moine’ protège la ‘jeune fille’ de l’ ‘ogre’ !). La station y fut créée en 1931 et le FNRS y participe depuis lors. La dernière coupole d’observation fut installée en 1966 avec un télescope de 76 cm. En altitude (3.580 m) et proche d’un glacier, l’observatoire est idéalement situé en atmosphère sèche, sans pollution locale.

L’aide précieuse de la Politique Scientifique Fédérale (ex-Services fédéraux des affaires scientifiques, techniques et culturelles, SSTC) et du Fonds National de la Recherche Scientifique (FNRS) ainsi que de nombreuses collaborations à des programmes belges, européens et internationaux assurent la durabilité de ce programme d’observation. L’ULg, et en particulier son département AGO (Astrophysique-Geophysique-Océanographie), doit réserver à cette activité des moyens humains et matériels dignes de l’intérêt qu’elle y porte, pour autant que l’intérêt académique et scientifique qu’y porte le département se concrétise dans un avenir proche.

http://sunset.astro.ulg.ac.be/girpas/gir4proe.htm


La Jungfrau (à gauche) vue de Wengen. L’observatoire situé au col est masqué par le contrefort montagneux à l’extrême gauche.

Le second instrument est le Synchrotron Européen de Grenoble, grand accélérateur de particules de l’ESRF (European Synchrotron Research Facility) flanqué du réacteur nucléaire de l’ILL (Institut Laue-Langevin), outils de très grande qualité fournissant aux chercheurs de toute l’Europe des flux de neutrons ou de rayons X d’une finesse et d’une intensité considérables. Ceux-ci permettent des observations microscopiques irréalisables sans eux, la recherche d’éléments très dilués, l’analyse médicale d’organes sous doses rayonnement moindres mais qualitativement et quantitativement plus précises ou encore le suivi de réactions chimiques ou biologiques de durée extrêment brève, sans compter les applications déjà connues en physique ou en géologie. C’est ainsi que les neutrons se révèlent extrêmement utiles pour les études de structure de la matière, y compris la matière organique: la cellulose des végétaux, les complexes protéo-lipidiques du sang, les enzymes et leur fonctionnement, les membranes cellulaires, les molécules responsables de la captation lumineuse chez les plantes, les nanoparticules du lait ou les microfibrilles musculaires lors de leur contraction, pour ne citer que celles-là.

L’Ulg est bien présente sur ce site, mais pourrait l’utiliser encore mieux, d’autant que l’accès y est gratuit (la Belgique participe financièrement), voyage et hébergement compris, et la sélection s’opère sur la qualité des projets. Le développement récent dans le domaine des « objets mous » et de la biologie étend encore les domaines d’application de ces faisceaux qui ne demandent qu’à être utilisés au mieux par nos chercheurs, probablement encore trop peu conscients aujourd’hui de l’usage qu’ils peuvent faire de ce mode d’expérimentation.

http://www.esrf.fr
et
http://www.ill.fr


Le site de l’ESRF (anneau) et de l’ILL (dôme) et les infrastructures conjointes entre Isère et Drac, vus de la colline de la Bastille.