Comme je le mentionnais dans le billet précédent, le FNRS, que j’ai l’honneur de présider, revoit complètement ses méthodes d’évaluation. Signe des temps, dira-t-on. Peut-être, mais en tout cas, signe d’une volonté de s’inscrire dans la modernité et de se plier aux règles internationalement admises aujourd’hui en matière de transparence et d’éthique.

Sans critiquer le passé (souvenons-nous que longtemps, le FNRS est resté un modèle d’efficacité et de sélection de l’excellence en recherche scientifique, il a été — et reste encore — une référence pour tous les chercheurs de la Communauté française de Belgique) il est normal de s’interroger sur l’adéquation des méthodes aux contraintes actuelles.

Ceci n’empêche pas qu’une telle institution, pour excellente qu’elle soit, n’est pas pour autant parfaite, surtout si l’on considère que, dans le monde entier, le principe de l’évaluation et ses règles ont considérablement évolué. Lorsque nous devons nous intégrer dans des programmes de recherche internationaux de grande envergure, il importe que nous puissions montrer que nos méthodes de sélection sont compatibles avec celles des autres.

Enfin, personne n’a été choqué, pendant des décennies, par le statut mixte de « juge et partie » des membres des commissions scientifiques, ni par l’absence de communication aux intéressés des motivations de leur succès ou de leur échec, cette discrétion conduisant inévitablement à des indiscrétions dont la conformité aux motivations vraies de la commission correspondante n’était pas vérifiable, ni garantie. De nos jours, motiver une décision est considéré comme une garantie de transparence et d’objectivité. Remettre en question des pratiques anciennes et acceptées relève de l’adaptation à l’évolution des mœurs, non pas du rejet du passé. Trop de gens font cet amalgame et nous accusent aujourd’hui de profaner l’Histoire.

Au début de mon premier mandat de recteur, en 2005, je fus interpellé par les mandataires du FNRS à l’ULg et je les ai rencontrés dès 2006. Ils s’étaient livrés à une analyse minutieuse du fonctionnement du FNRS en matière d’octroi de mandats et de crédits. Ce débat fut très intéressant et je pris note de leurs requêtes. Toutes celles-ci, dont on a pu retrouver une bonne partie dans les demandes des corps scientifiques des universités en 2008, trouvent une réponse dans la nouvelle réforme.

Il est étonnant que ceci n’ait pas été remarqué par tout le monde et, malheureusement, les informations données à la presse ont été, ces derniers temps, variées et contradictoires. On peut le comprendre quand on sait que, si le C.A. du FNRS a pris position sur le principe de la réforme en matière de composition des commissions, de méthodologie et de motivation des décisions dès le 20 octobre 2009, perturbé par d’autres soucis, il n’a pu se prononcer sur les détails de procédure que le 21 décembre dernier, ce qui peut paraître tardif par rapport à la date limite pour le dépôts des candidatures.

1. Conscient de cette difficulté, le C.A. a reporté les échéances de janvier à mars et les a étalées selon les types de mandats et les demandes de crédits. Les nouvelles procédures sont disponibles en pdf sur le site web du FNRS à la page « financer les chercheurs ». Il n’est pas sans intérêt de préciser que si la réforme vise les procédures d’évaluation, le contenu des dossiers que les candidats doivent remplir n’est guère différent de ce qu’il était auparavant, et il a été communiqué fin novembre. Un nouvel outil informatique plus convivial et permettant notamment une meilleure traçabilité des dossiers a été développé pour cet appel. Dorénavant, les critères d’évaluation seront explicités, ce qui constitue un grand progrès. Enfin, les raisons du choix ou du rejet de chaque dossier seront motivées et ensuite adressées à chaque postulant.

2. Deuxième difficulté: les décisions du C.A. du 21 décembre suscitent une certaine contestation. En effet, il est difficilement imaginable, face à une réforme de cette ampleur, que tout le monde soit du même avis et on peut comprendre que certains soient frustrés de ne pas voir leur avis prévaloir. Il est clair aujourd’hui qu’un supplément de rigueur dans la procédure de décision eût été le bienvenu, mea culpa. En particulier, il apparaît nettement qu’un vote en bonne et due forme est nécessaire pour chaque point décisionnel dans ce conseil aujourd’hui, alors que, par le passé (j’en fais partie depuis 1997), il a toujours fonctionné par consensus, mais il est vrai qu’on ne lui a jamais soumis une réforme aussi fondamentale.

3. Pire, les décisions du C.A. du 21 décembre sont remises en question par le délégué du Ministre de la Recherche en CfB faisant fonction de commissaire du Gouvernement qui a déposé un recours auprès du Ministre. Le fait est suffisamment exceptionnel pour être relevé. Il était d’ailleurs étalé dans la presse dans les heures qui ont suivi, annulant ainsi toute la confidentialité qu’on pouvait attendre à propos d’une telle action, alors que le C.A. dispose de 30 jours pour déposer ses objections…

Il ne m’appartient pas ici de décortiquer le recours et encore moins d’y répondre, c’est le rôle du C.A. Mais dans un souci d’information, puisque c’est essentiellement à ce niveau que le bât blesse, je me permets quand même de préciser que le recours, longuement analysé dans le journal Le Soir, porte sur deux éléments très distincts.
• Le premier a trait à la procédure de notification des décisions du C.A. aux autorités de tutelle. Le C.A. s’expliquera là-dessus auprès du Ministre. L’essentiel a cependant été préservé puisque les dates-limite ont été reportées.
• Le second porte sur un élément nouveau qui n’a jamais été pris en compte au FNRS. Il s’agit du fait que les mandataires FNRS pourraient être considérés comme des employés du Fonds et devraient alors être représentés dans un Conseil d’entreprise. Le sujet est certes intéressant et mérite un examen attentif dans le courant de cette année.

Je tiens à rassurer les nombreux chercheurs favorables à la réforme (il s’agit en fait d’une très vaste majorité, même si certains regrettent vivement de ne pas avoir été suffisamment consultés: on a tenu compte de tous les desiderata qu’ils ont exprimés en décembre 2008, mais on n’a pas organisé de re-consultation depuis lors) qui nous ont contacté pour exprimer leur inquiétude: le recours est effectivement suspensif, mais uniquement en 2011, ce qui autorise parfaitement la mise en œuvre de la réforme dès 2010 et laisse le temps au FNRS pour répondre à ces critiques.

On le comprend: l’année qui vient verra d’une part le test du nouveau système d’évaluation plus largement externe à la CfB, et d’autre part l’examen d’une forme de participation des chercheurs du FNRS à la gouvernance de leur Institution. Il est envisagé de créer un comité, comportant des mandataires, et habilité à se pencher sur les aspects sociaux. En particulier, la représentativité des mandataires au sein du Fonds ET/OU au sein des universités qui les hébergent constituera un dilemme qu’il ne sera pas facile de régler. Tout ceci devra se faire dans les conditions prescrites par la loi et en veillant à sauvegarder le caractère d’excellence du Fonds, un objectif avec lequel chacun sera d’accord, je pense.

Je souhaite à tous une excellente année 2010, pleine de renouveau !