Un étrange et regrettable dérapage s’est produit cette semaine avec une partie de la représentation étudiante au C.A.

Dans un commentaire récent sur le « blog Projet », j’ai malencontreusement (!) utilisé le terme « représentativité » dans le sens de « reflet objectif de l’ensemble des opinions » des personnes dont on est le délégué, alors que pour certains, il signifie « légitimité électorale ». Lorsque j’ai voulu mettre en garde certains représentants étudiants contre une dérive qui risquait de leur faire perdre leur représentativité au sens où je l’entends, ils ont cru que je remettais en cause leur légitimité. Il n’y avait là, somme toute, rien qu’un léger malentendu sur lequel il eût été facile de s’expliquer. Je suis même arrivé à décoder cela tout seul.

Mais voilà que l’incident a pris des proportions démesurées et a suscité l’ahurissante décision de ces représentants de quitter en bloc le C.A. après lecture d’une déclaration dénonçant mon rejet de leur « légitimité d’expression », comme s’il s’agissait d’une goutte qui aurait fait déborder le vase… J’ai même été accusé, sur le blog d’un de ces étudiants, de vouloir « lancer une entreprise de démolition des représentants démocratiquement élus par les étudiants ».

Et pourtant, je n’avais pas perçu de signe avant-coureur. Ma rencontre avec ces mêmes représentants le 25 février avait duré plus de deux heures et s’était déroulée dans un excellent climat, courtois et même cordial. Cette rencontre s’était également révélée très constructive, me conduisant à amender mon Projet sur plusieurs points ayant trait à la représentation étudiante dans divers organes, au timing de l’adoption de la réforme universitaire que je propose par rapport à la prochaine élection rectorale, etc.

Une telle hypersensibilité est donc pour le moins surprenante. Elle m’inquiète quant aux possibilités de dialogue pourtant indispensable entre étudiants et autorités. Si, face aux invectives et aux propos insultants, un simple mot mal interprété peut déclencher un tel blocage, on ne voit pas bien comment on pourrait échanger des idées, se comprendre, se convaincre mutuellement, bref, mettre à profit tout ce qui constitue le dialogue constructif entre les différents corps qui partagent la gouvernance de l’Institution.

Dans un message déposé sur le blog Projet, un étudiant du même groupe « souhaite très sincèrement que cet épisode ne soit pas l’occasion d’une rupture de dialogue »! Cette candeur est presque touchante, je le dis sans aucune ironie. Comment peut-on quitter le Conseil d’administration en refusant ne fut-ce que l’écoute de la réponse à une déclaration à laquelle on s’associe, et tout à la fois espérer que cette rupture ne rompe rien ? Sauf à ne pas mesurer la portée exacte de ses actes.

Je voudrais ici réaffirmer mon rôle de recteur, qui n’est pas tant de dicter la conduite des choses que de veiller au fonctionnement harmonieux de l’Institution, en restant à l’écoute de chacun. Je tiens à assumer cette mission au mieux en clamant, une fois encore, que je ne me situe pas à une extrémité du monde universitaire ni à son sommet, les étudiants étant à l’autre extrémité ou tout en bas. Au contraire, je dois rester au centre d’un vaste ensemble et garder le contact avec chacun. Aucun membre de la communauté universitaire n’a intérêt à une perte de contact, nous sommes tous dans le même bateau et il est des enjeux importants et urgents à régler. On peut diverger sur l’urgence relative et même sur le bien-fondé des enjeux, mais on doit aussi apprendre à composer avec les autres passagers du bateau pour trouver un cap commun. Certes, je ne puis promettre à chacun que ses désirs seront exaucés, mais je dois pouvoir sentir la température de l’Université et de ses différents corps à tout moment et veiller à maintenir, pour cela, un dialogue ouvert avec tous.

C’est pourquoi je ne puis admettre l’affirmation que mon projet de réforme institutionnelle a été élaboré en cercle restreint, lors de rencontres entre privilégiés, ni qu’il aurait été vendu clé sur porte aux différents membres de la communauté universitaire, à la faveur de négociations obscures, maquillé en consultation démocratique. Il m’est difficile d’imaginer une plus vaste consultation que celle qui a conduit au Projet. Ce blog, tout comme celui du Projet, en est la preuve évidente s’il en était encore besoin.

Tout dialogue peut se trouver rapidement bloqué, non seulement par la désertion des lieux réservés à la discussion, mais aussi et surtout par l’agression verbale ou écrite, les affirmations et les accusations péremptoires, le mépris de l’autre.

Ce qui paralyse le dialogue, ce sont les préjugés. Mais le meilleur remède contre les préjugés, c’est le dialogue.

Préservons-le, il est le prérequis de la compréhension mutuelle et du progrès collectif.