mar 24 fév 2009
J’ai souvent fustigé sur ce blog la voracité des grands éditeurs de revues scientifiques qui s’exerce aux dépens de la recherche. C’est le caractère déraisonnable et très largement exagéré de cette rapacité qui a déclenché le vaste mouvement de l’Open Access dont les dépôts institutionnels sont à la fois un élément constitutif et une étape obligée.
On constate aujourd’hui le progrès des éditions en accès libre de type « BMC », BioMed Central, dont la série grandissante des revues « en ligne » devient très populaire dans le monde des sciences du vivant. D’autre part une large majorité des éditeurs admet aujourd’hui que les articles publiés soient rendus accessibles librement dans les dépôts électroniques thématiques, nationaux, régionaux et/ou institutionnels.
Il reste néanmoins des récalcitrants intraitables. Le champion toutes catégories, Elsevier, qui pratique l’exploitation la plus scandaleuse et la plus intransigeante, continue à bien se porter malgré la crise, merci pour lui.
Pour plus d’informations, lisez les résultats financiers préliminaires de Reed Elsevier pour 2008. La seule division Elsevier du consortium a ainsi vu ses rentrées croître de près de 12% de 2007 à 2008 pour atteindre 1,7 milliard de £ (1,9 milliard d’€) avec un bénéfice net en augmentation de 16% et se montant à 568 millions de £ (645 millions d’€). Tout cela grâce à une clientèle captive. Comme le suggère le célèbre blog « The Imaginary Journal of Poetic Economy », l’éditeur, en se contentant d’un confortable profit net de 13%, pourrait alléger ses prix de 20%. Mais nous ne sommes ni dans l’imaginaire, ni dans l’économie poétique…
Evidemment, il n’y a rien d’illégal dans ces pratiques: tout est basé sur l’acceptation volontaire des chercheurs qui n’ont jamais entrepris de boycotter la maison d’édition ni pour leurs publications ni pour leurs lectures, en raison du prestige des périodiques qu’elle édite. En effet, personne ne vous oblige à fréquenter un restaurant hors de prix, c’est votre choix. Là où les choses se gâtent, c’est si ce n’est pas vous qui payez, mais l’Institution où vous travaillez. Et c’est ce qui se passe dans les universités. Les chercheurs attendent de leur Institution qu’elle prenne en charge l’achat de la plupart des revues.
C’est sur ce principe que j’ai pris l’initiative, il y a quelques années, de faire prendre en charge par l’Université les frais de publication dans les revues en Open Access. Hormis le fait que BMC commence à pratiquer une politique des prix de publication exponentielle et inquiétante (on dépasse aujourd’hui les 1.000 € par article, l’appât du gain se retrouve partout!), il est évident que cette politique ne tient la route que si elle s’accompagne d’un renoncement aux revues coûteuses. Rassurez-vous, il en existe beaucoup qui restent très abordables.
En clair, comme nous voulons continuer à prendre en charge la publication dans des revues en accès libre et que de plus en plus de nos chercheurs y publient, nous allons mettre fin à l’achat institutionnel des revues les plus hors de prix, c’est d’une parfaite logique. Une consultation large va devoir être mise en œuvre afin que cette mesure soit largement comprise et consentie au sein de l’Institution.
[Merci à DigitalKoans]
Evidemment, en réponse à de nombreuses questions, nous sommes liés par des contrats d’abonnement que nous ne pouvons rompre immédiatement. Le processus dont je parle ici devra devenir une réalité au cours des prochaines années, mais il est temps qu’on commence à le prévoir.
Par ailleurs, ma préoccupation est partagée par de nombreuses universités et non des moindres comme, par exemple, l’ensemble des universités de l’University of California.
Commentaire de Bernard Rentier, le 1 mar 2009 à 9:29[...] La crise n’a rien de poétique (source: B. Rentier, [...]
Commentaire de Sur le front du libre (02/03/09) « pintiniblog, le 2 jan 2010 à 23:20