dim 22 fév 2009
Vote stalinien
Posté par Bernard Rentier dans Culture , Enseignement/Formation , Généralités4 Commentaires
Les élections au Conseil d’administration de l’ULg approchent à grands pas.
Comme tous les corps, les étudiants vont voter et il est important qu’ils le fassent. Et qu’ils présentent en nombre leur candidature également.
Persuader les étudiants de participer aux élections en votant ou, mieux encore, en étant candidat, n’est généralement pas chose facile. Les exhortations des autorités académiques n’ont que peu d’effet. La « Fédé » a plus de chance de convaincre et elle s’y emploie. En particulier, elle y a consacré la plus grande partie du dernier numéro de son journal, le P’tit Torè.
Comment ne pas être désarçonné , dès lors, par le choix de l’illustration en couverture ?
• Première hypothèse: les étudiants responsables n’ont jamais entendu parler du personnage, ils ont juste sélectionné la photo d’un brave citoyen (en képi, il est vrai) en train de voter. Cela m’étonnerait, connaissant leur érudition politique.
• Deuxième hypothèse: ils ignorent tout du bilan de l’homme, la dictature totalitaire, le Goulag, la Sibérie, les déportations massives des coréens, des polonais, des allemands de la Volga, des baltes, des tchétchènes, des tatars de Crimée, des kalmouks, des ukrainiens, entre autres. Il n’ont pas eu vent des séquestrations arbitraires, du placement forcé de centaines de milliers d’enfants en orphelinat, du Politburo, des purges systématiques, des rafles quotidiennes et de la terreur permanente. Cela m’étonnerait tout autant, pour la même raison. Ils devraient également ignorer les pratiques électorales connues du monde entier sous le nom de « vote stalinien » et ce serait encore plus surprenant.
• Troisième hypothèse: tout ceci n’est qu’un énorme clin d’œil, certes de mauvais goût, mais relevant d’un humour au second degré. Dans ce cas, on devrait en trouver la clé quelque part dans ce même numéro du journal. J’en ai nourri l’espoir mais il n’en est rien, j’ai bien cherché…
• Quatrième hypothèse: l’allusion est intentionnelle. Le sympathique « petit père des peuples » est bien une référence honorable pour l’éditeur responsable du P’tit Torè (la Fédé), il est une icone montrant à tous le chemin à suivre et les méchancetés que l’on raconte sur son compte ne sont que malveillance. J’espère de tout cœur qu’un tel révisionnisme n’a pas cours dans notre université.
•Une cinquième hypothèse m’échappe? Dites-moi que oui!
On me dira que je m’inquiète pour quelque chose de bien anodin mais, sans rire, ce n’est pas mon avis. Et si j’étais étudiant à l’ULg en 2009, je me poserais quand même sérieusement la question de savoir qui me demande d’adhérer et à quoi…
Monsieur le Recteur,
Je suis intimement persuadé que vous n’avez pas le moindre doute sur l’intention qui m’a poussé à faire ce choix de couverture.
Comme vous le dites vous-même, intéresser les étudiants aux élections de leur conseil tient de la gageure, et pourtant c’est un sujet d’une importance capitale. La Fédé fait de l’affichage massif, de l’information par E-mail, des descentes d’amphithéâtre, des émissions de radio, organise un débat sur le sujet et j’en passe. Tout cela prend énormément de temps et d’énergie pour un résultat souvent décevant.
Le P’tit Torê, sous ma responsabilité, fait de même, et s’efforce de fournir aux étudiants un maximum d’informations. Mais une fois les informations disponibles, encore faut-il pousser les gens vers elles ! C’est bien dans ce but que, comme vous l’avez parfaitement compris, nous avons utilisé le second degré, une image choc en couverture que nous souhaitions décalée et interpellante.
Ce fut sans doute un choix peu judicieux, je suis bien obligé de l’admettre a posteriori. Entre les gens ne reconnaissant pas Staline, ceux ne voyant pas pourquoi il est absurde d’utiliser son image dans cette situation, les représentants étudiants le prenant (à tort !) personnellement et tous ceux qui, par pur principe, considèrent que l’évocation de l’homme (Docteur Honoris Causa de l’ULg) est scandaleuse, peu sont les gens à avoir souri du clin d’œil. Et vous avez raison, monsieur le Recteur, de dire qu’une explication aurait dû se trouver à l’intérieur de nos pages. C’est là qu’est mon erreur.
Mais puisque c’est un procès d’intention qui est ici fait, je me vois mal plaider coupable. C’était, tout au plus, une faute de goût. J’ose espérer que, au sein de cette institution universitaire, le jugement de notre journal se fera en fonction de son contenu. Si un étudiant se demande à quoi on lui demande d’adhérer, je l’invite à faire le geste surhumain d’ouvrir le numéro et de le lire. Je le défie également d’y trouver quelques mots qui ne reflèteraient pas l’exact opposé du désir d’un vote stalinien !
Respectueusement,
Hugues Renard,
Commentaire de Hugues Renard, le 22 fév 2009 à 16:40Rédacteur en chef du P’tit Torê et unique responsable du choix de cette couverture
Monsieur le Recteur, déjà avant de lire la réaction d’Hugues Renard, j’avais réagi à cette couverture provocante précisément comme à une provocation en allusion désolée à l’absence de candidats en nombre suffisants pour qu’aient lieu de véritables élections. Staline comme symbole de la démocratie ne peut qu’être du second degré.
Commentaire de Christine Pagnoulle, le 22 fév 2009 à 17:29Avec mon amitié respectueuse,
Christine Pagnoulle
Merci pour ces précisions. Cela me rassure, incontestablement.
Commentaire de Bernard Rentier, le 22 fév 2009 à 20:41Mais je pense que cette mise au point était utile: dans ce cas, même le second degré est très limite… Je ne suis pas, a priori, contre un peu de provoc, mais il serait dommage que des interprétations douteuses ternissent l’image des étudiants de l’ULg et de leur journal.
Je forme des vœux pour que l’exhortation à la participation soit efficace. Il est essentiel que les étudiants s’impliquent dans la vie de leur Institution.
Monsieur le recteur,
Commentaire de Bosquart, le 12 déc 2009 à 0:41En voyant le titre de cette rubrique, j’ai aussitot pensé à la situation de la faculté vétérinaire de Liège, qui dépends de votre Université. Il s’y passe en effet des faits très graves, dont je crois savoir que vous avez déjà été alertés sans donner suite à ce sujet pourtant grave. En effet, les étudiants en médecine vétérinaire sont « représentés » par la SGEMV (Société Générale des Etudiants en Medecine Veterinaire), organisation qui vient de faire parler d’elle puisque son président s’est rendu coupable la semaine dernière d’un fait divers qui a fait couler beaucoup d’encre dans la presse locale, et qui ternit malheureusement la réputation de l’ensemble des étudiants en médecine vétérinaire. Ce fait divers pourrait, à tort, être considéré comme anecdotique. Mais il faut bien réaliser qu’il est au contraire symptomatique de l’état d’esprit des responsables de la SGEMV. Le sentiment de supériorité qu’ils cultivent patiemment, principalement basé sur le rejet et l’exclusion de ceux qui ne partagent pas leurs idées et leur religion (comprenez le bapteme cureghemois), est responsable de nombreux excès, coupablement défendus et « étouffés » par les responsables de la faculté vétérinaire. Cette ségrégation au sein de la faculté vétérinaire est très grave. Les responsables de cette faculté n’ayant aucune envie de changer cette situation, qui est pourtant désastreuse pour tous ceux qui en sont la victime, et tout simplement honteuse dans une Université qui devrait défendre des valeurs d’ouverture aux autres, de tolérance et de respect, il me semble que vous devriez vous interesser à ce qui se passe dans la faculté de médecine vétérinaire, et que vous seriez en mesure de faire pression sur ses responsables pour réformer au plus vite la SGEMV. La question est en effet importante: l’université de Liège veut-elle former des praticiens et des scientifiques réputés, ou veut-elle former les futurs leaders de l’extrême droite populiste la plus abjecte, qui cultive avec soin la haine de l’autre?
La situation actuelle ne pourra pas perdurer éternellement. Toute tradition a du bon et du mauvais, il est plus que temps de faire le tri dans l’héritage du folklore cureghémois…Il semble que tous les responsables de votre université préferent fermer les yeux devant cette situation intolérable, en minimisant son impact. Je pense qu’il en va de votre responsabilité de recteur de rapeler à tous, et de manière publique, les valeurs que doit défendre l’Université de Liège.
Avec tous mes respects, et en esperant une réponse de votre part,
Rémi Bosquart