lun 12 jan 2009
D’habitude, je n’utilise pas ces colonnes pour y débattre de sujets politiques, ni belges, ni internationaux. Les seules exceptions que je m’octroie ont trait à des circonstances particulières, lorsque notre université est , d’une certaine manière, liée aux événements ou lorsqu’elle ne peut rester sans réaction devant des questions universelles. Aujourd’hui, nous faisons clairement face à une situation qui combine ces deux aspects.
A titre individuel, comme citoyen du monde, comment peut-on rester sans rien faire face à ce qui se passe en Israël du Sud et dans la Bande de Gaza ? Chacun choisira ce qu’il veut faire. Mais en tant qu’université, pouvons-nous en rester là ? Beaucoup d’universitaires se sont mobilisés lorsque les universités palestiniennes ont dû être fermées il y a quelques mois à cause du blocus, mais aujourd’hui, une étape bien pire encore est franchie et dépasse de loin le sort des universités.
La situation est particulièrement inextricable. La presse internationale en parle tous les jours, les universités locales lancent des appels au boycott des universités du camp adverse. Des universitaires diffusent des pétitions. L’éditorial du Vif cette semaine est une fort bonne analyse de cette situation « loose-loose »: quoi qu’il arrive, tout le monde a perdu. L’éditorial de Jean Daniel, dans le Nouvel Observateur est également remarquable d’objectivité quand il écrit: « je m’alarme à l’idée que l’on puisse justifier et, en somme, banaliser le risque de «bavures» et de «dommages collatéraux» dans des opérations où chacun sait qu’il va tuer les enfants de l’autre. Cette banalisation de la sanction aveugle, au nom d’une conception de la responsabilité collective, me paraît une honteuse régression ». Si la violence finit par mettre fin à cet épisode dramatique, chacun sait que le problème ne sera pas résolu. chaque jour de violence garantit des années de haine.
Prendre parti est hors de question, en tout cas en tant qu’institution publique. Seul l’appel au calme et à la paix aurait du sens. Mais comment diable pourrions-nous être entendus le moins du monde par ces gens qui sont désespérés soit par soixante ans de domination injuste, soit par soixante ans d’insécurité permanente…?
Je trouve lamentable que, dans un tel marasme humain, nous soyons, en tant qu’universitaires, tellement impuissants et que nous choisissions de rester silencieux — hormis l’initiative que nous avons prise conjointement avec le CHU d’accueillir des enfants victimes des combats et auxquels la Belgique a décidé de porter secours. Je me dis qu’un vibrant appel au calme et au respect des populations civiles de part et d’autre pourrait quand même émaner de nos universités. Difficile toutefois de ne pas paraître ridicule.
Il me semble cependant qu’on ne peut intervenir que si on dispose d’un lien particulier, ce qui est le cas pour nous avec Shimon Peres, docteur honoris causa de l’ULg en 1998, mais Yasser Arafat qui fut reçu en même temps, n’est plus en face pour maintenir l’équilibre. Ils furent honorés pour la chance qu’ils représentaient, de voir se dessiner une solution, improbable certes, mais pas complètement impossible, pensait-on à l’époque. On en est loin. Rappeler à Shimon Peres, aujourd’hui Président de l’Etat d’Israël — un rôle purement protocolaire — les paroles prononcées à notre tribune il y a dix ans, n’aurait guère de sens et serait fort présomptueux.
Ou alors, l’on doit disposer d’un argument particulier, typiquement universitaire, un argument original, une idée qui justifie une sortie du bois et de l’atonie, en entraînant avec soi les autres universités, et cet argument-là, je ne le trouve pas…
A défaut d’argument, on peut au moins proposer des actions. La plus évidente pour nous est sûrement celle qui, en interuniversitaire, organiserait une offre de formation aux étudiants qui, dans ce conflit, se voient privés d’université. Ceci demande un accord entre les universités belges et un soutien gouvernemental tant au niveau communautaire que fédéral, ainsi que des interlocuteurs sur place, à commencer par les universités avec lesquelles nous sommes en relation depuis longtemps déjà. Et ainsi nous dépasserions les vaines déclarations qui peuvent nous donner bonne conscience mais ne font rien avancer, en posant un acte universitaire et de portée universelle.
Nous serons nombreux à nous réjouir de cette réaction officielle. Merci !
Commentaire de Christine Pagnoulle, le 12 jan 2009 à 19:38Monsieur le Recteur,
Ayant été cinq fois en mission en Palestine avant et après 1993, j’ai visité pas mal d’écoles et quelques universités dont celle de Gaza. Naïvement après le 13 septembre 1993, je croyais vraiment que la paix allait s’installer et j’ai vite pu constater que rien dans la vie de tous les jours n’avait changé en Palestine… on connait la suite.
Lors de la venue de Yasser Arafat et de Shimon Peres à l’ULg en 1998, une phrase du discours de Shimon Peres m’avait frappée : » … we have agreed to desagree in a peacefull way … « . Elle figure sur le site du LEM dans le
florilège. Que d’espoir de nouveau à ce moment là !
En visitant les écoles, parfois ouvertes, parfois fermées, j’ai vraiment admiré l’énergie développée pour aider les jeunes à continuer à étudier malgré les difficultés multiples ; car le grand danger dans un conflit aussi long est de créer une génération d’ »analphabètes magré eux » et ils en étaient conscients.
J’espère de tout coeur que l’ULg trouvera le moyen d’aider cette population dont la situation actuelle fait honte au reste de l’humanité.
Bien à vous,
Brigitte Monfort, par courriel
LEM (Laboratoire d’Enseignement Multimedia)
Commentaire de Bernard Rentier, le 13 jan 2009 à 9:42Monsieur le Recteur,
J’apprécie votre idée d’une action pour offrir une formation aux
étudiants éprouvés par le conflit israélo-palestinien.
Elle m’a fait penser à l’initiative de Daniel Barenboim qui avait créé un « West-Eastern Divan Orchestra » regroupant des musiciens juifs, palestiniens et libanais, puisque lui aussi cherchait un moyen d’action dans son domaine.
Comme votre proposition le sous entend certainement, une formation qui réussirait à attirer à la fois des étudiants israéliens et palestiniens serait alors une opportunité formidable pour que les étudiants d’aujourd’hui et décideurs potentiels de demain se rencontrent et apprennent à se connaître.
Espérons que nos tutelles trouvent les moyens pour soutenir votre proposition.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Recteur, l’expression de mes
sentiments les plus distingués
Jean-Marie Beckers, par courriel
Commentaire de Bernard Rentier, le 14 jan 2009 à 8:49Letter by prominent British Jews on Israel’s war on Gaza
The Guardian, Saturday 10 January 2009
We the undersigned are all of Jewish origin. When we see the dead and bloodied bodies of young children, the cutting off of water, electricity and food, we are reminded of the siege of the Warsaw Ghetto. When Dov Weisglass, an adviser to the Israeli prime minister, Ehud Olmert, talked of putting Gazans « on a diet » and the deputy defence minister, Matan Vilnai, talked about the Palestinians experiencing « a bigger shoah » (holocaust), this reminds us of Governor General Hans Frank in Nazi-occupied Poland, who spoke of « death by hunger ».
The real reason for the attack on Gaza is that Israel is only willing to deal with Palestinian quislings. The main crime of Hamas is not terrorism but its refusal to accept becoming a pawn in the hands of the Israeli occupation regime in Palestine.
The decision last month by the EU council to upgrade relations with Israel, without any specific conditions on human rights, has encouraged further Israeli aggression. The time for appeasing Israel is long past. As a first step, Britain must withdraw the British ambassador to Israel and, as with apartheid South Africa, embark on a programme of boycott, divestment and sanctions.
Ben Birnberg, Prof Haim Bresheeth, Deborah Fink, Bella Freud, Tony Greenstein, Abe Hayeem, Prof Adah Kay, Yehudit Keshet, Dr Les Levidow, Prof Yosefa Loshitzky, Prof Moshe Machover, Miriam Margolyes, Prof Jonathan Rosenhead, Seymour Alexander, Ben Birnberg, Martin Birnstingl, Prof. Haim Bresheeth, Ruth Clark, Judith Cravitz, Mike Cushman, Angela Dale, Merav Devere, Greg Dropkin, Angela Eden, Sarah Ferner, Alf Filer, Mark Findlay, Sylvia Finzi, Bella Freud, Tessa van Gelderen, Claire Glasman, Ruth Hall, Adrian Hart, Alain Hertzmann, Abe Hayeem, Rosamene Hayeem, Anna Hellmann, Selma James, Riva Joffe, Yael Kahn, Michael Kalmanovitz, Ros Kane, Prof. Adah Kay, Yehudit Keshet, Mark Krantz, Bernice Laschinger, Pam Laurance, Dr Les Levidow, Prof. Yosefa Loshitzky, Prof. Moshe Machover, Beryl Maizels, Miriam Margolyes, Helen Marks, Martine Miel, Diana Neslen, O Neumann, Susan Pashkoff, Hon. Juliet Peston, Renate Prince, Roland Rance, Sheila Robin, Ossi Ron, Manfred Ropschitz, John Rose, Prof. Jonathan Rosenhead, Leon Rosselson, Michael Sackin, Ian Saville, Amanda Sebestyen, Sam Semoff, Prof. Ludi Simpson, Viv Stein, Inbar Tamari, Ruth Tenne, Norman Traub, Eve Turner, Tirza Waisel, Karl Walinets, Renee Walinets, Stanley Walinets, Philip Ward, Naomi Wimborne-Idrissi, Ruth Williams, Jay Woolrich, Ben Young, Myk Zeitlin, Androulla Zucker, John Zucker
Commentaire de Bernard Rentier, le 15 jan 2009 à 8:16C’est très amusant de lire ça maintenant. Il semble que vous n’ayez toujours rien écrit à propos de la Syrie… Pourquoi considérez-vous qu’une poignée de morts dans la région de Palestine valent un article et des actions, et pas les vrais carnages qui se passent en Syrie?
Commentaire de Florimond, le 15 jan 2014 à 21:59