lun 29 sept 2008
Trans-, inter- ou pluri- ?
Posté par Bernard Rentier dans Enseignement/Formation , Recherche1 Commentaire
Dans son blog toujours très intéressant, Enro « scientifique et citoyen » évoque le croisement des disciplines et cite le philosophe Paul Boghossian.
Il aborde le problème sémantique de l’utilisation des termes trans-, inter- ou pluri-disciplinarité que nous utilisons, il faut le reconnaître, à tort et à travers.
« Pour Boghossian, cela ne fait aucun doute : nous sommes à l’ère de la pluri-disciplinarité, c’est-à-dire de l’échange entre disciplines qui ont des choses à se dire, plutôt que dans celle de la trans-disciplinarité qui cherche à abattre les murs des disciplines ou celle de l’inter-disciplinarité qui suppose quelques électrons libres naviguant à leur gré entre plusieurs champs auxquels ils n’appartiennent pas vraiment ».
Incontestablement les trois approches sont souhaitables à l’université. Mais il importe de savoir ce qu’on fait et ce qu’on encourage. On peut imaginer que l’on doive tendre vers la trans-disciplinarité, celle qui favorise au mieux la fertilisation croisée des disciplines, celle qui doit en principe générer le plus d’innovation (j’entends ici innovation dans tous les domaines, pas seulement dans celui de l’applicabilité industrielle des recherches) donc de créativité. On n’accède à la trans-disciplinarité que par la pluri-disciplinarité préalable. La seconde peut se suffire à elle-même mais elle est le passage obligé vers la première. L’inter-disciplinarité, souhaitable également, reste anecdotique, même si elle est probablement très fertile.
Mais il ne faut pas ériger les croisements de disciplines en principe absolu tel qu’il envahisse les enseignements de base. Car pour faire de la bonne pluri- ou trans-disciplinarité, il est essentiel d’être devenu expert dans une discipline, puis de s’ouvrir aux autres. Il m’arrive souvent de vanter les mérites incomparables de la trans-disciplinarité, mais il ne faudrait pas comprendre que je tienne à rompre toutes les cloisons disciplinaires dès le premier cycle universitaire. La vraie fertilisation croisée vient d’individus bien formés à leur discipline qui sortent progressivement de leur champ pour l’enrichir et non de touche-à-tout superficiels.
En résumé, et de manière caricaturale, on pourrait dire idéalement: 1er cycle disciplinaire (bacheliers), 2è cycle pluri-disciplinaire (masters), 3è cycle transdisciplinaire (doctorats et recherche).
On remarquera cependant que dans la pratique, c’est plutôt l’inverse du schéma « idéal » qui se produit.
En effet, lors du premier cycle et surtout lors de la première année du baccalauréat, le cursus est très pluri (ou multi) disciplinaire, tant il semble nécessaire de connaître ne serait-ce qu’un rudiment des autres disciplines pour avoir les outils indispensables à son (futur) domaine de travail.
Cela se vérifie tant dans les sciences exactes que les sciences humaines.
Un étudiant de ière bac médecine étudiera de la chimie, des mathématiques, de la physique, de la biologie, de l’anatomie.
Un étudiant en sociologie aura de l’histoire, des statistique, de l’informatique, de l’économie, du droit, entre autres choses.
Et ainsi de suite.
Par contre, lors du deuxième cycle (master), on commence à restreindre le champ d’étude et à réelemant aborder avec précision une discipline en particulier. Le troisième cycle (doctorat) présente quant à lui un visage plus polymporphe, avec des configurations soit de type plutôt hyper-spécialisée au sein d’une seule discipline, soit trans-disciplinare, voire « a-disciplinaire ».
Alors, à quand les cursus basés non plus sur une (ou plusieurs) discipline(s) mais sur un domaine de recherche defini, et ce dès le baccalauréat?
Commentaire de Thomas Vangeebergen, le 11 oct 2008 à 17:04