jeu 13 sept 2007
Certains me reprochent gentiment de défendre mon université comme un tigre ses petits. Sans doute n’ont-ils pas tort. Il serait bien dommage qu’il n’en fût point ainsi.
Mais si je suis prompt à embrocher l’un ou l’autre chercheur d’une autre université qui tire de ses travaux des conclusions hâtives ou excessives, ou l’un ou l’autre journaliste qui fait écho à de telles études sans grand discernement — ça m’est arrivé quelques fois ces derniers temps, je le reconnais ! — je dois aussi savoir réagir lorsque des énormités émanent de ma propre Institution.
Ce vendredi, annonce-t-on, le Vif/L’Express sortira un article basé sur les calculs d’un chercheur de l’ULg qui a passé son temps à évaluer la quantité de CO2 qui sera émise dans l’atmosphère lors du Grand Prix de Formule 1 à Francorchamps ce week-end : 8.500 tonnes selon lui.
On aime ou on n’aime pas la F1, peu importe. Mais ici encore, que penser de la rigueur scientifique d’une étude qui jette en pâture au public des données qui mélangent allègrement les émissions de gaz par les bolides en course et celle des spectateurs venus sur le site en voiture. Ceux-ci produiraient à eux seuls 82 % de ce montant…
Si l’on enlève de ce qui reste les émissions de la presse et ses 500 journalistes (7,4 % du total) et les équipes techniques (5,9 %), la course de F1 proprement dite ne rejettera que… 0,64 %. Dérisoire.
Soyons clair : je ne remets pas en question la rigueur éventuelle du calcul, mais comme chaque fois, l’usage qui en est fait et le propos qu’on lui fait servir. Je me réjouis de lire l’article. Ou je me trompe fort, ou il fustigera les nuisances de la F1. Car exprimé en tonnes, moins de 1 % peut faire grosse impression.
Mais peut-être au contraire posera-t-il judicieusement la question de savoir quelles sont, par comparaison, les émissions lors du passage d’une étape du tour de France ou lors d’un match Standard-Anderlecht ou d’un concert des Rolling Stones… Ou sur l’autoroute de la mer par un beau week-end ensoleillé.
Tout problème mal posé génère des réponses inutiles. La vraie question est celle de l’automobile de chacun, la course elle-même ne polluant même pas 100 fois moins que le public qui vient la voir !
Et pour être complet, notre chercheur a-t-il compté l’électricité dépensée par le demi milliard de téléviseurs qui vont être allumés à cette occasion et diffuser dans le monde entier une image positive de la Wallonie ?
Et ce matin, la RTBF tombe dans le panneau, bien sûr. L’interview du chercheur montre clairement qu’il abonde dans le sens que je craignais: le sensationalisme. Dommage.
Commentaire de Bernard Rentier, le 14 sept 2007 à 7:46Tout compte fait, l’article du Vif est bien plus mesuré que ce que je craignais, mettant en particulier en évidence que la question de la pollution par les émissions de CO2 existe, mais qu’elle est la même, quelle que soit la raison de prendre sa voiture et que la nature de l’évènement n’a aucune importance dans le calcul. Seul compte l’existence d’un évènement, et encore.
Commentaire de Bernard Rentier, le 15 sept 2007 à 17:14Comme le dit Louis Maraite ce matin dans La Meuse (Sudpresse): « A ce rythme, on prône le chacun chez soi, couché sous ses couvertures et plus personne n’organise plus rien ».
Les articles que j’ai lus sur cette étude (en particulier dans La Libre) indiquent bien que d’autres manifestations (par exemple le Tour de France) sont responsables de davantage d’émissions.
Cette étude est intéressante car elle rappelle, chiffres à l’appui, que le principal responsable des émissions de gaz à effet de serre, ce n’est pas toujours l’autre(course de F1, industrie) mais c’est bien souvent nous et nos modes de déplacements inefficaces. Pierre Ozer (pour ne pas le nommer) montre bien que la voiture individuelle pose problème. Sa conclusion ne s’attaque pas à la F1 mais à nos modes de transport individualistes qui ne sont pas gérables pour la planète. Alors oui on peut faire l’autruche et rester enfermé chez soi sous sa couverture comme certains éditorialistes populistes le proposent pour caricaturer des écologistes dépeints en « empêcheur de tourner en rond » alors qu’ils proposent simplement des alternatives à un mode de vie à l’issue de mieux en mieux connue et de plus en plus inquiétante (voir les rapports du GIEC).
Plus positivement on peut peut-être agir pour que les pouvoirs publics prévoient une desserte par transports en commun lors de manifestations de masse ou ajoutent des trains supplémentaires à prix attractifs vers la côte durant les week-ends estivaux?
Quant au sensationnalisme prétendument recherché par le chercheur ne vient-il pas aussi de la sélection de l’information journalistique? (Je ne connais pas l’auteur mais peut-être aurait-il fallu l’interroger sur ses motivations avant d’insulter son travail considéré comme « des énormités ».) Quand on sait qu’au Royaume-Uni le Parlement étudie l’idée d’un quota de CO2 pour individus et propose des réductions des émissions de 60% pour 2050 je me dis que la Belgique a encore du chemin à parcourir. Ici des pressions hiérarchiques s’exercent sur des chercheurs qui essaient simplement de chiffrer l’impact de nos loisirs sur la composition de notre atmosphère.
Arnaud Brohé
Commentaire de arnaud brohé, le 17 sept 2007 à 9:57Réponse à Arnaud Brohé.
Nous sommes parfaitement d’accord. Je me suis donc mal exprimé.
Commentaire de Bernard Rentier, le 17 sept 2007 à 13:42Jamais je n’ai eu, ni n’aurai, j’espère, l’idée de censurer une recherche de mon institution ni d’aucune autre. Jamais je n’exercerai de pression sur un chercheur pour publier ou non un article scientifique.
Ce que je déplore, c’est le sensationnalisme qui pousse le chercheur à ameuter la presse sur les résulatts de ses réflexions en sachant très bien que le moment est choisi idéalement pour que cela porte. J’ai dit: « Soyons clair : je ne remets pas en question la rigueur éventuelle du calcul, mais comme chaque fois, l’usage qui en est fait et le propos qu’on lui fait servir. »
La seule chose que je regrette, c’est cette intervention tonitruante au moment-même où, deux jours plus tard, l’évènement se déroule en Belgique, soumis à des critiques acerbes sur sa rentabilité par des gens qui n’ont pas la vision de ce qu’est la promotion d’une région au plan international et que ceci risque (sauf dans certains organes de presse, je le reconnais) d’amener une confusion.
Les témoignages d’accord avec ma réaction sont nombreux, je ne les publie pas ici, c’est inutile, mais je réponds à cette unique critique car, hormis tout surf indécent sur la vague, je suis pleinement d’accord avec l’analyse d’Arnaud Brohé.
Monsieur le Professeur Bernard Rentier, Recteur de l’Université de Liège.
Je lis souvent les articles que vous publiez sur votre blog. Il est déjà arrivé que je réagisse. Cette plate-forme d’expression est très intéressante et permet au personnel de notre Institution et aux extérieurs de réagir sur des thèmes très diversifiés liés à la recherche, l’enseignement, la culture, ou encore au classement international des universités.
Mais votre article intitulé « fumeux » est dur, très dur. Je le prends bien sûr pour moi puisque je suis « le chercheur de l’ULg qui a passé son temps à évaluer la quantité de CO2 qui a été émise dans l’atmosphère lors du Grand Prix de Formule 1 à Francorchamps le week-end dernier : 8500 tonnes ». « Une énormité ».
Tout d’abord, je souhaiterais signaler ici que cette étude a été « peer reviewed » par cinq personnes qui ont relu et revu/commenté/modifié/corrigé cette étude avant sa présentation à Philippe Lamotte du Vif/L’Express. Ces personnes sont spécialisées dans divers domaines comme le climat, l’ingénierie, la gestion des déchets, etc. Ces relecteurs sont reconnus dans leurs domaines respectifs et proviennent de notre Institution, d’autres universités, et du secteur privé.
Ensuite, comme je l’indique dans le préambule de mon étude, l’analyse reste totalement factuelle et ne souhaite pas polémiquer quant au bien fondé de l’organisation du Grand Prix. D’autres études similaires ont été réalisées pour diverses manifestations (sportives ou autres) : l’actuelle Coupe du monde de rugby qui se tient en France, les Jeux olympiques d’hiver de Turin, la Coupe du monde de football qui s’est tenue en Allemagne, mais également le « Live Earth » (concert planétaire organisé par Al Gore en juillet dernier) ou encore le sommet du G8 qui s’est déroulé à Heiligendamm en juin dernier. Or, il se fait que, jusqu’à présent, jamais une étude n’avait été réalisée par rapport à l’organisation d’un GP de F1. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de faire cela. Et mes conclusions sont similaires à l’étude la plus récente disponible relative à un événement sportif de grande envergure (Coupe du monde de rugby) : l’essentiel de ces émissions sont dues au déplacement des spectateurs. Je l’indique clairement dans ma conclusion.
Autre point qui me tient à cœur, la transparence. Contrairement à la plupart des études environnementales qui ressemblent à des boîtes noires, j’ai pleinement joué la transparence. Ainsi, toutes les sources utilisées sont indiquées, de même que toutes les hypothèses de travail, ainsi que tous les détails de mes calculs.
Le lecteur de votre blog peut d’ailleurs trouver l’étude « in extenso » à l’adresse suivante : http://pierreozer.blog4ever.com/blog/lirarticle-45705-451001.html.
L’article dans le Vif/L’Express est, selon moi, très nuancé et près de 25% du contenu (page 30) compare les émissions de CO2 du GP de F1 de Francorchamps à d’autres compétitions sportives (Tour de France, Coupe du monde de football et de rugby, J.O., etc.). Malheureusement, faute de place je suppose, cette partie ne figure pas dans la revue de la presse de l’ULg.
Quant au sujet passé sur La Première à 7h00 le vendredi 14 septembre, je vous en conjure, réécoutez-le sur le site de la RTBF, vous pourrez discerner que mon intervention est une juxtaposition de six séquences différentes découpées au montage. L’interview s’est déroulée le jeudi matin depuis mon gsm. Le réseau n’était pas optimal (loin de là), ce qui permet très facilement de distinguer des ‘sauts’ entre les séquences. Une séquence d’une vingtaine de secondes extraite d’un entretien téléphonique d’une dizaine de minutes… J’ai dit que ces importantes émissions de CO2 étaient caractéristiques des grands événements internationaux, j’ai refait la comparaison avec le nombre de tonnes largement supérieur de la Coupe du monde de rugby, etc., mais ce n’est pas passé… Ceci étant dit, tous les chiffres sont corrects et sont issus de mon étude. Quant aux 100 000 litres de carburant sur une saison par F1, ces chiffres ne sont pas inventés, ils viennent en direct du site de la FIA. Heureusement, et je remercie infiniment Claire Pécheux qui est une journaliste que j’apprécie énormément, car elle a gardé au montage « Mon analyse se voulait totalement factuelle… ».
Finalement, tout comme La Libre Belgique fait logiquement une semaine sur le réchauffement climatique pendant la grande réunion du GIEC à Bruxelles en janvier dernier, tout comme vous êtes très logiquement interrogé ce jour dans le quotidien Le Soir à l’occasion de la rentrée académique, [etc.], il ne me semble pas totalement illogique de parler du GP de F1 lors du GP de F1…
Pour terminer, sachez, Monsieur le Recteur, que je suis viscéralement attaché à mon Institution : l’Université de Liège. Depuis début 2007, j’ai accepté de donner plus de quarante conférences en soirée ou en WE (touchant de la sorte plus de 6000 personnes ‘en direct’) et je me suis exposé dans des débats d’idées dans la presse écrite avec des retombées non négligeables sur notre société. Je dis toujours oui par passion d’exposer, de partager et de discuter. Je dis toujours oui aussi car je pense contribuer de la sorte au rayonnement de l’Université de Liège. Aussi, je ne suis pas embarrassé par cette situation, mais bien détruit, anéanti.
Je vous prie de recevoir, Monsieur le Professeur Bernard Rentier, l’expression de mes sentiments les plus respectueux.
PS : J’ai reçu plusieurs appels téléphoniques de fanatiques de F1 me remerciant d’avoir contribué à remettre les choses à leur place. A la lecture de l’article du Vif/L’Express, où après le sujet passé au JT sur RTL-TVI, ces passionnés sont soulagés de savoir que le Tour de France pollue plus que la F1…
Commentaire de Ozer Pierre, le 17 sept 2007 sur le blog interne.
Commentaire de Bernard Rentier, le 17 sept 2007 à 21:38Merci pour cette explication claire.
Je précise à nouveau que je n’ai aucun jugement de fond sur le travail scientifique, auquel je fais a priori confiance.
Ma réaction portait sur l’opportunité de décocher une flêche supplémentaire contre une activité déjà largement décriée pour des raisons politico-économiques discutables. Et elle visait à dégager d’emblée l’Université de tout engagement dans une critique qui pourrait être mal interprétée… et qui n’a d’ailleurs pas manqué de l’être: tant l’Administrateur que moi-même avons été interpellés par des personnes avec lesquelles nous entretenons les meilleures relations et souhaitons les conserver et qui considèrent que ces déclarations “intempestives” émanent de l’ULg et l’engagent en tant que prise de position officielle.
En bref, toute vérité scientifique est bonne à dire, il faut seulement choisir judicieusement son moment afin d’éviter les amalgames qui déforment les propos du chercheur et lui font dire plus, voire autre chose, que ce qu’il voulait exprimer. Un beau cas ici, il me semble.
Commentaire de Bernard Rentier, le 17 sept 2007 à 21:39Monsieur le recteur,
« la vision de ce qu’est la promotion d’une région au plan international »
Faut-il être (re)connu internationalement pour soutenir un projet financièrement déficient et du passé qui entretient de facto un des plus gros scandales de position dominante de la planète ou
être reconnu comme étant la région leader dans le monde des technologies nouvelles en matière d’énergie propre, par exemple?
Francorchamps semble être devenu un fer de lance de l’ULG; qui ne se souvient pas de l’étude sur les retombées économiques du circuit de Spa-Francorchamps, par le Centre international de recherche et d’information sur l’économie publique, sociale et coopérative de l’ULg (Ciriec) ?
Monsieur Marcourt chantait les louanges de Francorchamps et parlait dimanche de grande réussite du gouvernement wallon, alors que le déficit (officieux et avoué) frise les 4 millions d’Euros !
Un recteur, défenseur en principe plutôt de la recherche que de la promotion pseudo-touristique ignore-t-il que c’est environ ce qui manque au projet de recherche polaire d’Alain Hubert pour une station de recherche propre ?
Francorchamps est une décision politique; une mauvaise décision politique, donc.
Commentaire de himself, le 18 sept 2007 à 15:04Panem et circenses, symbole de la décadence romaine.
Que de polémique ! Je me réjouis de voir que vous défendez votre université bec et ongle parce qu’à vous lire tant dans l’article initial que dans vos commentaires, on se demande un peu si c’est bien le cas. Défendre son institution, c’est d’abord et avant tout quand on en a la direction de s’informer, de confronter les points de vue en interne, de blamer si nécessaire (et je ne parle pas du contenu, il s’agirait de censure, mais de sa médiatisation, que vous critiquez avec force) et ensuite de montrer une certaine unité face à l’extérieur. C’est pourtant probablement un des premiers principes de management qu’on doit apprendre dans les écoles, y compris en gestion à l’ULG.
A se demander si il n’y a pas du règlement de compte la dessous, en tout cas ca fait pas tres serieux.
En attendant, 8500 tonnes de CO2 en un jour ca represente tout de même l’équivalent d’émission de 200.000 ménages (ou la ville de Liège) sur la meme periode. Faut il pour autant banir toute manifestation qui draine du public, la question vous la posez, non bien sur.
Alors la vraie question est : faut il souligner cette problématique à l’occasion d’un grand prix de F1 pour encourager la mise en place de transports en commun adhoc pour ces événements ou le faire à l’occasion d’une marche blanche (300.000 personnes), de Journées du Patrimoine (1.500.000 visiteurs dans les 3 regions) ou de la brocante de Temploux (2000 exposants, 200.000 visiteurs). Il me semble personnellement qu’il y a des bonnes occasions … et des mauvaises.
Quand on fait l’apologie de la bagnole qui arrache le tarmac devant 80000 spectateurs et d’autres telespectateurs qui au retour du circuit reveront de grosse cylindrees et de carburateurs avec en tete la perspective du salon de l’auto. Est ce une mauvaise occasion ?
Les forces vives de Wallonie se mobilisent, politiciens, recteurs d’unif, lobby divers, horeca etc, on finira par croire que le redressement de la Wallonie passe par Francorchamps. Qui peut vraiment affirmer que si ces 45 millions investis a Francorchamps l’avaient été ailleurs ils n’auraient pas été plus profitables (voire encore plus profitable si on pense que les avoir investi a Francorchamps l’est, ce qui reste à prouver) ?
Est ce vraiment le role des institutions de defendre le sport-pognon, un pseudo sport qui n’est, a y bien reflechir, qu un support publicitaire ?
Quand on se felicite ouvertement devant des milliers de telespectateurs d’avoir perdu 4 millions (les 25 millions pour la renovation a rajouter bien sur et les prochains deficits), en disant qu on est super heureux de les avoir perdus, je me demande si on est vraiment sérieux et même si il y a des retombées économiques (qu’on est par ailleurs infoutus de quantifier, facile), ca fait quand meme tâche et question crédibilité, on se demande bien si c’est tres porteur …
Commentaire de Kermit, le 18 sept 2007 à 17:40Monsieur le Recteur,
l’étude de Pierre Ozer met très bien en évidence cette dérive énergivore de notre société qui doit d’aileurs, comme indiqué ci-dessus, s’appliquer à toute activité humaine “moderne”, même la plus anodine.
Je comprends aussi le point de vue des Autorités qui défendent l’ULg et sa position (position géographique par exemple: la présence d’un grand prix à SPA contribue certainement à décloisonner Liège par rapport à une certaine “dorsale wallonne”…).
J’espère néanmoins que l’avis des Autorités n’est pas coercitif vis-à-vis de l’auteur de l’étude.
Je ne crois pas me tromper en écrivant qu’un contenu scientifique, un production intellectuelle, n’engagent en principe que leurs auteurs et non l’institution (ou les institutions) à laquelle ils appartiennent. Peut-être faudrait-il systématiquement le rappeler afin d’éviter des conflits d’intérêt.
Commentaire de Hornick Jean-Luc, le 18 sept 2007 sur le blog interne
Commentaire de Bernard Rentier, le 19 sept 2007 à 0:34Encore une fois, je n’ai rien contre la diffusion des études scientifiques, et je suis opposé à toute forme de censure, mais il est clair que celle-ci est sortie pile au moment le plus délicat d’un débat sur le bien-fondé économique (et non écologique) du Grand Prix. C’est tout. Il ne faut pas chercher autre chose, ni complot, ni grand plan secret, ni corruption d’aucune sorte.
Si je réagis de la sorte, c’est que plusieurs lecteurs m’ont envoyé des messages anonymes fustigeant mon attitude autoritaire et castratrice vis-à-vis de mes chercheurs. Je m’en défends sincèrement. La question n’est pas là. J’en discuterais d’ailleurs volontiers si je n’avais (heureusement, je vous assure) pris le parti de ne pas publier les messages anonymes (sauf 2 ci-dessus, qui me semblaient néanmoins éclairants).
Commentaire de Bernard Rentier, le 19 sept 2007 à 0:35Même si on peut difficilement balayer d’un revers de mains 84.000 tonnes de CO2 à l’heure du réchauffement climatique (pour que la planète soit viable chaque humain peut produire au maximum 1,7 tonne de CO2 par an sur base de 6 milliards d’humains), le débat le plus important concernant l’impact écologique d’une activité comme un Grand prix de F1 n\’est, me semble-t-il, pas tellement celui de l\’impact CO2 directement lié à l’activité.
Le débat le plus important d’un point de vue environnemental concerne l’impact induit par cette activité. La F1, c’est la mise en avant, anachronique à l’heure des pactes écologiques, de la voiture, et en particulier d’une forme de voiture extrêmement polluante et roulant à des vitesses extrêmes, alors que l\’on sait l’impact environnemental de ce mode de transport – tout comme celui de modes de conduite sportifs – en comparaison des transports collectifs ou de la mobilité douce.
A mon sens, la participation active des pouvoirs publics dans le financement, l’organisation et la promotion de cette activité ôte quasi toute crédibilité à une politique écologique de mobilité ambitieuse et crédible dans notre région. (La part du transport dans les émissions CO2 ne cesse de croître.) Comment en effet demander au citoyen de préférer le train pour se déplacer ou le vélo sur les distances courtes, comment lui signifier qu’il est important d’opter pour des voitures « écologiques » et des pratiques de conduite précautionneuses, quand ses autorités soutiennent des événements renvoyant un message opposé ?
Le message porté via les médias et les autorités pèse lourd (en tonnes de CO2) et c’est ce poids qui, je pense, doit à l’heure de choix importants nous amener à ne plus tergiverser et à ne plus dire « On aime ou on n’aime pas la F1, peu importe. ». En citoyens responsables, il importe au contraire grandement de se positionner. Peut-on accepter certaines pratiques outrageusement énergivores ? Le spectacle télévisé de voitures consommant 80l/100kms est-il souhaitable ? On est face à un choix moral (Quelle planète souhaitons-nous laisser à nos enfants?), un choix aussi de crédibilité, un choix enfin de primauté à accorder à la santé publique sur l’économique.
Pour conclure, j’aimerais revenir sur l’argument qui est systématiquement opposé aux adversaires de cette activité : l’impact économique et la nécessité d’un certain réalisme. Force est de constater qu’il n’existe pas une étude transparente et de qualité (comme celle réalisée par Pierre Ozer concernant les enjeux écologiques directs) chiffrant avec précision les retombées économiques directes du Grand Prix, les chiffres avancés dans la presse sont les plus divers et ne sont que peu étayés.
Voilà peut-être un travail important et intéressant dont l’ULg pourrait s’emparer …
Bien à vous,
Pierre EYBEN
Chercheur en Micro-électronique
Commentaire de Pierre Eyben, le 21 sept 2007 à 12:33Diplômé Ingénieur Civil de l’ULg
Commentaire d’Elio Di Rupo, sur son blog.
Commentaire de Bernard Rentier, le 21 sept 2007 à 19:48Monsieur le recteur,
Je vois que vous faites référence au commentaire de Monsieur Di Rupo sur son blog. Il est regrettable que vous ne nous fassiez pas part de votre avis sur ce commentaire: qu’en pensez-vous et pourquoi y faites-vous référence?
A la lecture de vos commentaires, je reste en effet avec l’impression d’assister à une séance d’ouverture de parapluie, où il est plus judicieux de dénoncer l’attitude d’un chercheur plutôt que de prendre le risque de déplaire à la Région qui finance le Grand Prix.
Les explications du chercheur à l’origine de cette étude sont particulièrement intéressantes et recadrent le débat. Ses commentaires me confortent dans mon impression: l’étude ne me parait pas déplacée, pas plus qu’une attaque contre le GP.
Le consommateur lambda manque peut-être de recul face au traitement que les médias ont accordé à cette étude, cela ne signifie pas pour autant que le message qu’ils ont reçu corresponde au fond de l’étude complète et donc à la volonté du chercheur. Sans dire pour autant que la presse a tronqué le message sciemment, il n’est pas exagéré de penser qu’elle en a retenu ce qu’elle voulait bien en retenir. A nous, à vous de vous interroger sur le fond avant de vous désolidariser du chercheur. C’est en tout le cas mon humble opinion.
J’ajouterai qu’ayant connu le milieu de la recherche dans une autre université, que cet épisode mérite peut-être qu’on s’interroge sur certaines dérives: médiatisation à outrance de certains chercheurs et professeurs d’université, concurrence entre universités, besoin de visibilité… pour des raisons scientifiques et/ou d’ego. Mais ceci est un autre débat.
Quant à l’article de M. Di Rupo, j’y vois surtout une façon de donner du crédit à « son » projet Francorchamps plus qu’un plaidoyer pour l’auto-critique dont il est malheureusement trop souvent incapable (dommage que le commentaire que j’ai laissé sur son blog ne soit pas publié depuis mardi: je plaidais pour qu’il s’inspire de votre capacité à vous remettre en question).
Bien à vous,
Commentaire de Benoît Demazy, le 21 sept 2007 à 20:34B. Demazy
Il me paraissait simplement amusant de renvoyer au « Blog d’Elio » qu’on m’avait signalé. Je vous rassure, il n’y a là aucune ouverture de parapluie, je suis assez grand pour assumer mes propres déclarations sans me cacher derrière personne !
Vous me considérerez sans doute comme un grand naïf, mais je n’ai pas lu la même chose que vous entre les lignes de son billet.
Le fait que cet article de mon blog (enfin un !) déclenche une foison de réactions indique bien que le sujet est chaud et s’insère dans un débat préalablement très orageux.
Mon point de vue — et ce n’est rien d’autre, même pas un « frottage de manche » vis-à-vis de la Région — est tout simplement que la rigueur scientifique que j’attends de tous nos chercheurs et de tous les chercheurs en général, doit consister à publier, avant toute chose, dans un journal scientifique reconnu et revu par les pairs avant de se prononcer dans la grande presse. La seule exception à cela, me semble-t-il, est l’interview du chercheur par la presse, où on lui demande son expertise, souvent « à chaud ».
Le processus normal, par contre, est qu’après une publication dans des conditions rigoureuses, la presse se saisisse de l’information et en publie ce qu’elle en déduit, éventuellement, et c’est mieux, avec une interview du chercheur. Dans ce cas, j’applaudis des deux mains et je suis fier et heureux de la mise à l’honneur de nos chercheurs.
En l’occurrence, il s’agit d’une sortie directe dans la presse, sollicitée par le chercheur et selon un « timing » soigneusement choisi pour donner à l’info (donc au chercheur lui-même !) un impact maximum.
C’est cette auto-publicité qui me dérange, et qui fait désordre dans une Institution qui se targue de qualité scientifique et d’éthique.
Je le répète, je me place ici sur un plan éthique: je ne conteste en rien les chiffres présentés. Encore que le blog d’E Di Rupo, comme bien d’autres réactions, m’indique que tout le monde n’avait pas réalisé que les chiffres, clairement exposés et illustrés dans Le Vif, montrent que ce n’est pas le Grand Prix lui-même qui pollue, mais l’affluence du public. Le journal en tire d’ailleurs fort bien la conclusion: n’importe quel évènement qui attire du monde provoque la même pollution, voire pire. Mais ce bémol n’a pas été relayé par les autres media.
Ici, en clin d’oeil et pour détendre l’atmosphère, je pourrais demander à P. Ozer s’il réalise que ses conférences cumulées, en attirant un public de plus de 6.000 personnes, nous dit-il, ont, si on extrapole ses calculs, produit plus de 800 tonnes de CO2, sans compter ses propres déplacements, sauf s’il y allait en vélo! Mais même si c’est vrai, c’est un peu facile, je reconnais.
Et mes remarques s’arrêtent là. Faut-il supprimer les Grands Prix? Peut-être, je n’en sais rien et ce n’est pas mon propos. Je n’ai pas un avis autorisé (si ce n’est, comme tout le monde, une opinion du genre « Café du Commerce » et c’est sans intérêt) et je laisse volontiers les spécialistes en débattre, y compris ceux de mon université. Et c’est là que P. Ozer doit entrer en scène, évidemment! Un vrai débat s’impose, entre experts capables de nous donner de vraies réponses. Chacun aujourd’hui y va de sa petite idée, largement influencée, et c’est bien normal, par sa propre philosophie de vie. Et je rappelle le défi lancé par Pierre Eyben ci-dessus: pourquoi ne pas organiser un débat rigoureux avec de vrais experts? Je suis sûr que l’ULg aura à coeur de le relever.
Mon propos est donc simplement de remettre le processus d’information scientifique dans l’ordre, pour éviter que le chercheur et, par extension, l’Université, ne prêtent le flanc à une critique sévère sur leur déontologie de communication. Je me suis exprimé personnellement. Je n’ai ni convoqué, ni réprimandé, ni censuré le chercheur. Ma seule réaction a été dans le blog et nullement officielle. J’espère que cet espace de liberté que je me suis accordé restera ce qu’il doit être et que je ne serai pas obligé d’y surveiller mes propos comme dans mon courrier officiel, ce serait dommage.
Commentaire de Bernard Rentier, le 22 sept 2007 à 15:18Espérons que mon message passera cette fois (non, je ne crie pas à la censure, juste au problème technique ).
Mon dernier message perdu se résumait ainsi: quittons le sujet de l’étude et interrogeons-nous sur la « peoplisation » des chercheurs. Ne se sentent-ils pas obligés de plus en plus d’obtenir une reconnaissance médiatique, du grand public, en plus de la reconnaissance scientifique et du cercle restreint des chercheurs du même domaine?
En cas de réponse positive, il reste à s’interroger sur la raison de cette évolution: contamination d’un processus qui atteint d’autres professions (politique,…) OU résultat d’une pression professionnelle entre universités, unités, chercheurs?
Je n’ai pas la réponse à ces questions.
B. DEMAZY
Commentaire de Benoît DEMAZY, le 25 sept 2007 à 8:13Monsieur le Professeur Bernard Rentier, Recteur de l’Université de Liège,
Comme vous le dites dans le 12e commentaire relatif à votre article intitulé « Fumeux » (http://recteur.intranet.ulg.ac.be/?p=165), « Faut-il supprimer les Grands Prix? Peut-être, je n’en sais rien et ce n’est pas mon propos. Je n’ai pas un avis autorisé et je laisse volontiers les spécialistes en débattre, y compris ceux de mon université. Et c’est là que P. Ozer doit entrer en scène, évidemment! Un vrai débat s’impose, entre experts capables de nous donner de vraies réponses. » Et donc, j’entre à nouveau, invité cette fois, dans le débat…
Alors, voilà, si vous n’avez pas un avis autorisé, moi non plus. Mais puisqu’il s’agit d’un débat, voici ce que je propose pour le futur…
Flash-back :
Le 18 octobre 2006, je signais, en compagnie d’un collègue (Dominique Perrin) d’une autre université, une carte blanche intitulée « Prendre l’avion de Charleroi à Liège ? » dans La Libre Belgique. Cet article créa un ramdam dans toute la presse belge et étrangère.
Pourquoi ? Parce que l’impact environnemental de l’autorisation d’un tel vol qualifié ultérieurement de « saut de puce » n’avait pas été pris en compte…
Quel en fut le résultat : à l’exception d’un édito populiste de Louis Maraite dans La Meuse et l’incompréhension de certains décideurs « locaux » isolés, ce vol Gosselies-Bierset a été purement et simplement interdit, on le sait.
Puis, on le sait moins, le Ministre A. Antoine a fait monter le dossier à l’Europe qui va (ou a déjà, je n’ai pas suivi le dossier cet été) interdire ces sauts de puce à l’échelle de l’Union Européenne.
N’est-ce pas un beau résultat obtenu grâce à l’initiative de notre Université et relayée par nos autorités régionales.
Maintenant :
Il y a dix jours, personne ne s’était vraiment posé la question du « combien de tonnes de CO2 étaient émis dans l’atmosphère lors de grands événements de masse tel que une course de F1 à Spa-Francorchamps ? ». Et donc, personne ne savait.
Maintenant, bien que l’on puisse discuter sur la forme prise par la diffusion de ces résultats, l’intérêt de cette étude est que nous savons. Et la ventilation des émissions de CO2 montre clairement que le « gros poste » est imputable au déplacement des spectateurs.
Terminons-en avec cette polémique sur Francorchamps.
Dans le futur :
Soyons constructifs ! Ma proposition est la suivante : je m’engage personnellement à mettre mon expertise au service de la société pour que les grands événements organisés en Wallonie soient, dans la mesure du possible, des éco-événements. Non pas qu’il n’y ait plus d’émissions de CO2, mais que des actions innovantes soient entreprises pour montrer l’exemple, à l’instar de ce qui est réalisé actuellement en France pour la Coupe du Monde de Rugby. L’accent sera mis, par exemple, sur la mobilité. L’Université de Liège a toutes les compétences pour proposer des pistes d’actions aux organisateurs de cet événement.
Mettons l’environnement à l’honneur. Une approche transversale et multidisciplinaire offrirait une vitrine originale à l’ULg et la Région wallonne en sortirait grandie. Et le tout avec un effet multiplicateur dans notre société.
J’en appelle donc à toutes les forces vives, universitaires, politiques et individuelles, pour ce « projet » ambitieux qui, si il fonctionne, pourrait être appliqué aux événements de grande envergure. Nous avons les compétences, et les moyens financiers ne devraient pas être colossaux par rapport aux impacts espérés.
Une étude présentée hier par les Nations Unies à New York montre que 76% des 500 plus grandes compagnies au monde estiment que « si une compagnie est en partie responsable du réchauffement climatique et ne s’adapte pas, ses horizons sont plutôt limités pour le 21e siècle ». Il est évident que cette remarque est applicable à toutes les sociétés civiles, y compris la Wallonie. Ensemble, prenons les devants et passons à l’action.
Je vous prie de recevoir, Monsieur le Professeur Bernard Rentier, l’expression de mes sentiments les plus respectueux.
Commentaire de Ozer Pierre, le 25 sept 2007 sur le blog interne
Commentaire de Bernard Rentier, le 25 sept 2007 à 21:40Voilà du constructif. Bon vent pour ce projet, tout-à-fait adéquat pour un Institut de Recherche en Science et Gestion de l’Environnement !
Commentaire de Bernard Rentier, le 25 sept 2007 à 21:44Je pense que c’est une question de caractère et de personnalité.
Commentaire de Bernard Rentier, le 25 sept 2007 à 20:45Je n’ai d’ailleurs rien contre: les universités ne font pas assez connaître leurs travaux et c’est pour cela que nous avons lancé un magazine en ligne. Mais à une condition: la publication revue par des pairs (indépendants, pas choisis par l’auteur!) au préalable (sauf pour la rubrique « Décryptage » où nos vulgarisateurs demandent l’opinion d’un spécialiste afin d’éclairer un sujet particulier).
Juste trois brèves observations en tant qu’auteur de l’article du Vif. Je crois que le temps qui s’écoule entre la fin d’une étude scientifique et sa publication dans une revue spécialisée peut être long. Ce délai peut nuire à l’intérêt de voir publiés, au moment même où le débat sociétal est ouvert (ce qui était le cas ici), les résutats de ladite recherche. En d’autres mots, c’est tout à à l’honneur de l’université de se lancer, avec la rigueur voulue, dans le débat public.
Commentaire de philippe lamotte, le 2 oct 2007 à 15:37Les chercheurs à la… recherche de notoriété? Mwouais… Comme journalistes, nous avons évidemment cette préoccupation en tête. Et une attitude de filtre fait partie des réflexes « innés » du journaliste de faire le tri parmi les gens qui nous contactent, afin de distinguer chez eux souci de notoriété personelle et intérêt des idées défendues sur le fond. Mais je reconnais que ce souci journalistique a peut-être tendance à se relâcher ici et là dans la profession. Enfin, je reconnais que vous aviez eu l’honnêteté de dire, dans votre première intervention, que vous n’aviez pas lu mon article et que vous attendiez celui-ci avant de juger sur pièces. Cela dit, un certain nombre de termes négatifs, nonobstant cette réserve qui vous honore, avaient déjà été accolés à l’article (j’en avais relevés quatre dans votre intervention, connotés négativement: fumeux, fustiger la F1, faire grande impression, jeter en pâture) et j’aurais souhaité, une fois votre lecture faite, les voir plus clairement « retirés » de votre pensée pour tous vos lecteurs. En vous lisant, en fait, je sentais l’article déjà classé, en filigranes, dans la catégorie de la presse à sensation. Je concluais en disant que nous tentons de faire notre travail au mieux, dans la mesure de nos moyens, et qu’il est parfois lassant d’entendre tous les journaux, tous les articles, tous les journalistes rangés dans une même catégorie étiquetée « la presse ». LA presse, cela n’existe pas.
Désolé , mais relisez l’étude et vous y lirez que ce n’est pas la voiture et de loin qui pollue le plus: au total plus de la moitié des emissions autour du GP sont celles des avions (transport de spectateurs, journalistes , coureurs… et des hélicopteres…).
Commentaire de raynier, le 14 mai 2008 à 8:30Cela concerne un tres faible poucentage de personne, mais plus de la moitie des emissions!!!
cordialement